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Une retrospective de la revue “Points de Vue Initiatiques”, par François Rognon, Biliothécaire de la Grande Loge de France, à la rubrique “PVI”.

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L'objet maçonnique

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Par Philippe H. Morbach,
Conservateur du Musée Maçonnique
de la Grande Loge de France

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Celui qui s'offre à notre vue, que l'on désire, que l'on découvre au détours d'une rencontre, objet sensible de notre enfance qui frappe notre imaginaire, dans une malle du grenier d'un grand père qui était franc-maçon. Objet que l'on troque chez le brocanteur au petit matin, que l'on chine chez les antiquaires spécialisés, objet que l'on traque dans les ventes, objet qui se dévoile sur les pages d'un catalogue de vente ou d'exposition., objet chargé d'émotion, de mystère ; celui-là même qui se raconte, qui nous raconte, qui inspire.

Objet que l'on collectionne, que l'on utilise au gré des cérémonies depuis plus de 250 ans, objet que l'on représente, objet que l'on veut connaître  ; petits ou grands objets qui ne laissent jamais indifférents. Ceux-là mêmes qui occupent notre âme, que l'on tient en main, que l'on ressent, que l'on touche, à qui l'on demande de révéler son secret. Qu'il soit rangé sur une étagère d'une demeure familiale ou offert au regard du public avide de rencontres spectaculaires ; objet de toutes nos curiosités ; qu'il ait été le témoin de nos actions rituelles, de nos agapes, qu'il soit le gage d'une amitié ou le témoignage de notre reconnaissance.

Il est présent : l'on en use et avec lui nous quittons la simple promenade parmi les objets dans leur continuité spatiale pour changer d'allure en accomplissant un saut qualitatif qui nous ouvre les portes du rêve ou de l'esprit. Ils ne sont plus ces êtres sans consistance, fantômes peuplant nos songes et notre imaginaire. Les artistes et bien plus modestement les artisans, maçons ou non, nous les offre avec le merveilleux du quotidien, de l'éternité, en les créant. Oeuvres d'Art, matérialisant les symboles qui peuplent le monde de tous les jours. Une collection d'objets : contempler de tels objets, les admirer, se promener dans un musée qui les recueille, c'est retourner soi-même au monde d'où ils proviennent, celui de nos rêves et de notre pensée.

Quel enseignement peut-on attendre d'eux ? Dans un premier temps presque immédiat ils nous conduisent vers les spécialités qu'ils évoquent dans la matière : travail du tissu, de la broderie, de la lithographie, du bois, de la paille, la noix de coco travaillée par les forçats ou les marins, le bronze, le cuivre, le fer, l'argent, l'or, les pierres précieuses ou les pierres simples, l'ivoire, la céramique sous toutes ses formes, le verre, le cristal, la peinture, la photographie.

Les métiers et les artisans y sont noblement représentés.

Chacun à sa mesure racontera l'histoire de sa ville ou de sa région, apportant sa participation très active à l'enrichissement culturelle et artistique de leur ville et de leur région. Les objets à leur façon voyagent en France et à l'Étranger pour témoigner du message de beauté.

Certains artisans se constituent en Loge comme les Faïenciers de Moustiers et de La Rochelle, d'autres racontent à travers leurs créations l'histoire de l'Ordre, des Rites et de leurs diverses évolutions.

Ils trouvent parfois un sens dans l'évocation de la diffusion du message maçonnique et l'espérance qu'elle suscite au coeur des hommes.

Ces hommes, ces maçons qui ont toujours aimé s'entourer de symboles, gardent aujourd'hui encore le même penchant. Les symboles que l'on retrouvent sur les objets étaient, à l'origine destinés à voiler au profane les vérités sacrées, tout en laissant cellesci apparicitre pour ceux qui savaient les lire. Une fois incorporées dans des symboles, ces vérités devenaient transmissibles selon les possibilités de l'esprit et la sensibilité de chacun.

Le symbolisme, ce langage à la fois mystérieux et révélateur, a toujours été étroitement lié à l'Art et bien souvent les artistes et les artisans ont appliqué leur talent à exécuter des oeuvres dont le contenu symbolique leur était suggéré par les francs-maçons ou les loges.

Certes, l'émotion artistique peut naître de la contemplation d'une oeuvre dont on n'appréhende pas tous les aspects, mais on éprouve une satisfaction plus grande, plus forte si elle nous devient plus intelligente ; c'est le rôle des expositions, des musées, des collectionneurs et des historiens.

Ainsi, les objets maçonniques et l'ensemble des illustrations tiennent compte d'une philosophie d'universalité et de la volonté de réunir les Hommes malgré les différences socioculturelles autour de ces objets témoins d'un travail individuel ou collectif. Mus par une profonde volonté de découvrir l'essence des choses, les symboles qui décorent les objets nous aident à franchir les barrières de la compréhension ; ils ne dirigent pas la réflexion, ils l'aident à s'accomplir. Ils éveillent nos sens et nous ramènent à la vie de ces objets et de leurs créateurs.

Les principaux symboles utilisés se nourrissent de l'Art de Bâtir, de ses outils, des sources bibliques, des symboles chrétiens, du pythagorisme, des Hermétistes du XVIlème siècle, parfois l'Egypte mais toujours en correspondance avec les rites pratiqués. Les Loges qui les acceptent, les systèmes qui leur permettent d'exister : les Obédiences régionales ou nationales. organisation de l'image qui permet de décoder, de décrypter les origines et les mouvements des objets.

Le symbolisme des objets de la Franc-Maçonnerie a subi tout au long de son histoire les influences des modes, qu'elles soient liées à des événements internes, nationaux ou internationaux. Tous ces détails permettent aux curieux, aux collectionneurs, aux scientifiques de trouver les pistes pour distinguer les styles, les époques.

Chaque regard, chaque manipulation permet à l'objet d'être dépoussiéré et de trouver sa place en pleine lumière.

L'Horloger BRUN, rue Saint-Honoré, se fera passementier, imprimeur, pour satisfaire sa clientèle ; il jouera même de l'argument commercial en précisant que ses prix sont les plus justes et les meilleurs.

Les fabricants d'uniformes pour l'armée, les brodeurs de bannière des orphéons ou des Sociétés vineuses ou bachiques, travaillent pour les loges, les congrégations religieuses aussi. Des objets plus anciens se dissimulent à l'intérieur d'autres objets plus récents ; comme, par exemple le coeur de la bannière de la loge militaire des Trois Frères Unis à l'Orient de la cour à Versailles sera du XVIIIème siècle : il est rebrodé lors du centième anniversaire de la loge des Frères Unis Inséparables en 1875, ainsi cette bannière racontera son histoire.

Le Frère VIDAL initié à Toulouse en 1789, obtient un nouveau diplôme en 1794, lorsqu'il séjourne à Bordeaux et la Loge qui l'accueille, ajoute à son nom “ci-devant d'Aquitaine”... La Française de l'Unité (ci-devant d'Aquitaine) déjà connue par les célèbres céramiques éditées pour son service de table. Les jetons de présence sont au cours des siècles réédités, seule la Monnaie de Paris aura l'honnêteté de le préciser. Il faut, en effet, être vigilant car les copistes sont nombreux même parmi les Frères des Loges de toute l'Europe, lesquels, au gré de leurs voyages utiliseront des diplômes et des tabliers français du XVIIIème dans des fabrications du XIXème.

Les tabliers et les bannières réservent d'autres surprises car ils sont un véritable conservatoire des points de broderie sur plus de 250 années, au dire des Restaurateurs de la chambre du Roi à Versailles.

Le recueil de chansons maçonniques de Vignolles et Dubois édité chez Van Lacke à La Haye en 1775 révélera sur les portées musicales les titres des chansons à boire de l'époque qui offraient leur air à nos chansons rituelles. Il sera alors un précieux document d'étude pour le musicologue et l'historien.

Le sculpteur David d'Angers initié à la Loge “Le Père de Famille” à Angers n'hésite pas à portraiturer ses frères contemporains au fronton du Panthéon. Comme un présage heureux ceux qui y figurent seront tous honorés. Celui qui manquait à l'intérieur de ce mausolée dédié aux Hommes illustres que la patrie reconnaissante accueillait n'est autre que notre frère Gaspard Monge, Fondateur de l'École Polytechnique, initié à la Loge du génie à Mézières. Il a rejoint ses illustres prédécesseurs en 1989.

Autant de clins d'oeil et de pistes pour les chercheurs infatigables que nous sommes.

Certains objets évoluent avec le temps : aïnsi les Tabliers reçoivent d'autres symboles de degrés différents ; ceux-ci sont le témoignage de l'évolution sur le chemin initiatique du propriétaire. D'autres y ajoutent un signe plus précis, comme le Général Baron d'Empire Baillot qui y fait broder ses armes. Chaque objet se raconte dans sa propre histoire.

Le trumeau connu sous le nom de “Voilà mes Plaisirs” fait même l'objet d'une véritable enquête publiée dans les annales du Grand Orient et actuellement des chercheurs pistent encore d'autres modèles de ce même trumeau. Nous en connaissons un où le personnage principal est à cheval. Il témoigne d'une évolution dans les esprits et dans les moeurs. Deux attitudes guident notre perception.

Celle du chercheur - celle du cherchant.

Le premier agit comme dans un champs archéologique : les objets sont les fragments impressionnés d'une fresque qui nous relie à l'histoire. les objets comme des morceaux séparés évoquent et continuent la dialectique en transformant les objets en autre chose que ce qu'ils semblent être.

Le second, le cherchant, à travers le labyrinthe initiatique conjugue sa propre histoire à tous les temps et tente de rejoindre l'unité.

Chaque objet est un univers transcendant, chaque fragment renvoie le mythe à son complément : l'être transformé, qui l'a porté ou utilisé, l'objet, renaissent devant nos yeux comme avant la séparation et avant la chute. Une musique intérieure nous guide et nous parle secrètement de l'intimité de l'objet.

Une exposition d'objets maçonniques ne témoigne pas uniquement du passé. Elle nous oblige à le comprendre et suggère un présent différent et inspire un futur autre. Chacun des visiteurs suivra un parcours qu'il choisira selon son coeur. Il y trouvera beaucoup de bonheur. Ces objets, fragments impressionnés d'une histoire passionnante et révélatrice de nos rêves les plus fous, sont parvenus jusqu'à nous comme des trésors où le savoir faire de l'artisan le dispute au talent de l'artiste.

Chacun de ces motifs, chacune de ces significations a sa propre musique, le tout est un hymne au travail bien fait. La possibilité que nous offre notre époque d'étudier plus librement les objets maçonniques s'appuie sur le concours des chercheurs maçons. Les musées municipaux, départementaux et nationaux offrent leurs espaces et leur expérience en étroite collaboration avec les deux musées maçonniques français  : le musée du Grand Orient de France et celui de la Grande Loge de France. Ils contribuent très largement à un échange d'informations et soulèvent le voile des secrets de l'objet maçonnique.

Il existe une Association des Musée Maçonniques européens depuis 1989. Association qui compte treize pays, elle participe à cet échange d'informations.

A travers l'objet on peut mieux comprendre le métier, l'art, la philosophie, l'histoire ; il est témoin d'un art de vivre, des cultures multiples.

Le mystère qui enveloppe parfois la production des artistes ayant travaillé pour la Franc-Maçonnerie n'est là que pour la préserver des atteintes du temps ; il éveille la curiosité. Il est un droit légitime à la découverte, à la connaissance ; “cherchez et vous trouverez” mais partagez avec les autres, cela donnera un sens à la vie pour l'embellir chaque jour davantage.

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