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“La Grande Loge de France vous parle”

Juillet 1998

 

Ecologie et Franc-Maçonnerie

Intervenant   : Raymond Carpentier


Bernard Platon  :
Raymond Carpentier, ce n'est pas la première fois que nos auditeurs de France-Culture vous entendent. Vous êtes intervenu sur "Franc-Maçonnerie  : une coopération" et "la Franc-Maçonnerie : une émulation". Aujourd'hui, notre thème aura trait à l'écologie.

Raymond Carpentier :
Ecologie et Franc-Maçonnerie, voilà deux belles idées à rapprocher.
Mais d'abord il faut éliminer un malentendu qui court les rues. L'écologie n'est pas le retour à la nature. D'une certaine manière, c'est le contraire : essayons de nous expliquer.

L'écologie, cela vient de "oicos" : la maison et "logos" : science, savoir, discours, logique. L'écologie, c'est la science de la maison de l'homme , de sa demeure ; au sens que c'est la demeure qu'il s'est aménagée par son activité et sa technique .

Il faut donc distinguer soigneusement l'écologie de l'éthologie (de ethos : séjour), qui désigne la science de la vie des animaux dans leur milieu naturel.

L'écologie, c'est l'action, une action dirigée par le savoir, par laquelle
les hommes aménagent la nature pour la rendre plus douce à vivre. Quand les Hébreux, qui nomadisaient dans le désert du nord de l'Arabie actuelle, en ont eu assez de passer la journée sous le soleil brûlant et la nuit dans le vent glacé, ils sont entrés dans le pays où ils ont pu construire des maisons pour leurs familles et un Temple pour leur Dieu.

Il y a donc une confusion répandue dans le langage et les idées
contemporaines entre la nature et l'écologie. La science de la nature,
c'est la physique (du grec phusis : le cosmos, la nature si l'on veut).
L'écologie, c'est la science de l'aménagement de la nature. Pour être plus précis l'écologie, bien plus qu'une science, c'est une action. Cela
signifie que l'écologie comprend deux temps : le temps de comprendre la nature (science de la nature) et le temps d'agir sur elle.

Toute la question est d'agir à bon escient. La confusion vient du fait que, dans son aménagement de la nature à son profit, l'Homme a commis trop souvent l'erreur de la détruire au lieu de l'aménager ! L'homme a trop cru qu'il pouvait faire n'importe quoi avec les forces naturelles. Il faut d'abord bien connaître la nature avant de la transformer, si l'on ne veut pas provoquer ce que l'on appelle aujourd'hui des effets pervers . Un effet pervers, voilà un mot à la mode qui a besoin d'être bien défini. Un effet pervers c'est un effet de l'action qui provoque le résultat inverse de celui que l'on cherchait à obtenir.

Nous voilà donc munis des outils de langage pour aborder notre beau sujet : Maçonnerie et Ecologie. Comment l'idéal maçonnique  s'inscrit-il dans l'action écologique? De la façon la plus simple du monde. En tant que maçon constructeur, le projet maçonnique est, en essence, un projet écologique.

Construire la maison est le premier geste écologique. Les hommes ont été des maçons dès qu'ils ont quitté l'abri sous roches qu'ils avaient investi au paléolithique.

Le projet maçonnique, c'est celui de l'homme qui ne se contente plus de s'adapter à la nature sauvage, mais qui entreprend de l'adapter à son profit. Le projet maçonnique, c'est l'oeuvre prométhéenne. C'est le projet fondamental de celui qui cesse de courber la tête devant les forces qui cherchent à l'écraser, et qui entreprend de les mettre à son service.
Prométhée, l'homme qui a volé le feu aux dieux pour se chauffer, cuire ses aliments et éloigner les prédateurs.
Prométhée qui a été puni par les dieux, puni parce qu'il a voulu conquérir sa liberté par ses propres forces, par sa technique, par son génie, son savoir, son énergie. Péché que les religions n'ont jamais pardonné aux Maçons : chercher la vérité par le travail en Loge, l'échange des expériences, des idées, des critiques et non pas la soumission à quelque révélation venue de l'extérieur. On pourrait dire que le maçon, c'est l'insoumis ; celui qui ne courbe pas la nuque. Est-ce la raison de la modernité de la maçonnerie? Raison pour laquelle tant de jeunes hommes et de jeunes femmes frappent à sa porte. Ils se sont reconnus dans le projet maçonnique.

Mais, avons nous dit, les humains ont commis bien des erreurs dans leur désir d'aménager la nature. Car pour réaliser un aménagement durable et efficace, un aménagement qui évite autant que l'on peut les effets pervers, il faut d'abord bien connaître les forces que l'on va affronter.

Il y a d'abord les forces qu'il nous faudra respecter parce que nous
n'avons aucun pouvoir sur elles.
Il y a ensuite celles que nous pouvons contourner, soit parce que nous
pouvons biaiser avec elles, soit parce que nous sommes en mesure de les contrer et de neutraliser leurs effets néfastes à notre projet. Enfin il y a les forces que nous pouvons utiliser à notre profit.

Prenons comme exemple les inondations, un sujet d'actualité. Après avoir étudié leurs probabilités et les terres exposées, on peut,  par exemple, décider de ne pas construire dans les zones inondables. C'est l'option respecter  ; celle qui est trop souvent négligée par les imprudents.
Ensuite, quand c'est possible, on peut dresser des digues autour des cours d'eau dangereux (comme pour la Loire et le Fleuve Jaune) on biaise avec les forces naturelles. On peut enfin retenir les eaux passagèrement surabondantes par des barrages et utiliser  les eaux retenues pour régulariser le flux des cours d'eau (comme on l'a fait pour la Seine), voire irriguer des zones sèches et même faire marcher des turbines.

Ce n'est pas parce que des erreurs ont été commises dans l'aménagement de la nature que nous devrions retourner à la vie de l'australopithèque. Mais tous ces aménagements réussis, ceux qui permettent d'obtenir un aménagement de la nature à notre profit, commencent par une étude scientifique des forces naturelles. L'écologie commence donc par la physique.
Une science physique qui nous indique les forces dont il faut nous méfier, celles que nous pouvons négliger, celles sur lesquelles nous pouvons agir.
Une science physique qui prépare l'action écologique.

Le fondateur de la science au XVIIème siècle, Francis Bacon a rassemblé l'enseignement dans une formule saisissante : "Commander à la nature en lui obéissant".
Le plus frappant exemple d'aménagement de la nature à notre profit c'est l'agriculture qui nous le montre. Et là aussi, il y a une erreur commune à dénoncer. L'agriculture c'est la transformation de la nature pour en faire la campagne. Car, contrairement à un bavardage répété, la campagne n'est pas la nature.

La campagne c'est la création des paysans pour s'affranchir des aléas de la chasse et de la cueillette dans la nature sauvage. La campagne c'est la produit de l'agriculture. Une agriculture qui a fourni aux humains la possibilité d'échapper à la fin tragique qui est arrivée à l'Esquimau
Nanouk, filmé en 1922 au Labrador par Robert Flaherty. L'année suivant le tournage, Nanouk, dont nous avions pourtant admiré sur l'écran l'habileté technique à la chasse au phoque dans le trou de la respiration et à la pêche à l'ombre arctique, mourrait de faim avec sa famille.

Pendant des millénaires, les agriculteurs ont repoussé la forêt autour de leurs villages, pour la remplacer par des champs. Nous touchons ici du doigt l'une des erreurs contemporaines les plus répandues : Non ! La campagne n'est pas la nature.
Moi qui suis petit-fils de paysan, je le sais trop bien, moi qui ai vu mon
grand-père faire la chasse aux arbres que nous voulions planter dans le
jardin. La campagne c'est le pays et le paysage qui ont été créés par les paysans au cours des millénaires. C'est rendre un bien piètre hommage à nos ancêtres que d'appeler nature, le jardin qu'ils ont cultivé contre la forêt, la lande et les marais et aussi contre les loups qui les peuplaient.
Savez-vous qu'en Europe occidentale, depuis mille ans, le territoire entier est l'oeuvre de l'homme ?
Au point d'ailleurs que les forêts existantes sont elles même des
productions humaines. Il n'y subsiste plus ce qu'on nomme la forêt primaire issue des forêts qui ont conquis le territoire après les glaciations (avec une exception pittoresque toutefois : la forêt de l'île de Port Cros dans la rade du Lavandou).

L'existence de la forêt cultivée va nous permettre d'aborder le dernier
sujet de notre réflexion.
Malgré les catastrophes démographiques telles que celle de la Peste Noire de 1348 à laquelle il faudrait ajouter celles moins connues et d'ailleurs accompagnées de famines du XVIIème siècle, la population de l'Europe s'est si bien accrue sous ce que l'on appelle l'Ancien Régime qu'elle a occupé tout l'espace disponible au moment de la Révolution Française. Cette croissance a été accompagnée de la destruction presque totale de la forêt dont la place était nécessaire aux cultures et le bois indispensable au feu. Seules ont subsisté quelques rares forêts protégées par les pouvoirs royaux, notamment pour fournir le bois à la construction navale. La déforestation d'occident européen a abouti aux catastrophiques inondations des années 30 (les fameuses crues du Tarn), catastrophes qui ont alerté les pouvoirs publics et engagé une politique de plantation de forêts, dont nous voyons les effets positifs un demi-siècle après.

La déforestation suivie de la re-forestation de l'Europe occidentale
illustre à la fois les dégâts causés par l'homme et la manière dont il peut les réparer lorsqu'il prend la décision et qu'il conduit son action avec compétence et détermination.

Aujourd'hui nous sommes quelques uns à nous inquiéter à propos des dégâts de la déforestation en Indonésie et au Brésil. Mais il faut avoir le souci de l'universel, comme l'ont les Francs-Maçons pour penser l'avenir de l'humanité à l'échelle de la planète. Nous, Francs-Maçons de la Grande Loge de France nous avons choisi de réfléchir à long terme.
C'est en cela que nous nommons Maçons spéculatifs. Spéculer, non pas pour savoir combien vaudra demain le CAC40, mais spéculer avec l'esprit, tenter d'imaginer l'avenir avec les yeux de l'intelligence et du coeur pour nous demander comment nous pourrions faire évoluer les choses. Et ne pas s'abandonner au destin comme de vulgaires diplodocus.

L'homme a été mis en présence de ses imprudences dans son action sur la nature. Il peut continuer à l'aménager à son service, mais cette fois-ci en utilisant son savoir, rénové par la nouvelle conscience de son oeuvre, et dûment informé des erreurs à ne pas commettre.

La maçonnerie est donc impliquée doublement dans l'action écologique. Elle l'est d'abord par son projet essentiel de s'associer à l'oeuvre de transformation de la nature au profit de l'homme, et d'autre part, elle l'est en tant qu'elle est un foyer de l'esprit et qu'elle concourt à la prise de conscience des nécessités de la mesure dans ses actions. Oui vraiment la maçonnerie, c'est l'oeuvre écologique par excellence.

 

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