rapport des renseignements généraux de 1995) risquent d'être entachés originellement de la marque du jugement et donc de l'excès. Ce serait « folie de rapporter le vrai et le faux à notre suffisance »⁴.
Expliquer le phénomène du groupe initiatique passe par la justification de la nécessité du groupe dans toute démarche, qu'elle soit initiatique ou non. Le clan, les bandes, les partis politiques, la famille sont des groupes dont la vocation est toujours d'intégrer celui qui en fait part à une communauté d'intérêts, de désirs. Le groupe initiatique est la recréation d'une famille spirituelle dont les membres partagent une communauté, fondée sur le désir de la quête spirituelle : c'est l'égrégore que l'on peut définir comme « la force de cohésion éveillée qui unit, dans un groupe humain, les membres qui le composent ; c'est la somme de pensées accumulées dans une intention précise »⁵.
Mais à propos de l'initiation, pourquoi parler de sociétés secrètes, comme c'est le plus souvent le cas, hors quelques sociétés particulières qui pratiquent ouvertement un égrégore. Citons pour exemple ces clubs⁵ créés par des francs-maçons , structurés comme des loges maçonniques et qui respectent des idéaux humanitaires que sont le Lions⁶ et le Rotary⁶. Sans aller jusqu'à une réelle démarche initiatique affichée, ces clubs se rapprochent cependant sensiblement de groupes à vocation initiatique. La grande majorité des groupes à vocation purement initiatique cependant, choisit le secret pour la pratique de son art : l'ésotérisme.
L'ésotérisme, art qui étudie ce qui est caché, nécessite évidemment le recours au recueillement, au retour sur soi, à la démarche "vitriolique" du cabinet de réflexion: le récipiendaire est comme caché en lui-même, isolé du monde dans cet œuf et ce tombeau tout à la fois. La pierre, le joyau qu'il doit trouver, est cachée, enfouie sous des strates sociales, culturelles et inconscientes dont le postulant devra toute sa vie tenter de se défaire, en sachant qu'à chaque tout instant, de nouvelles strates viendront se superposer et recouvrir celles qu'il aura préalablement défaites. C'est ainsi que le secret, dans la recherche initiatique, vient préserver la pureté de la démarche, pour ne pas l'entacher du jugement social ou familial, ou de la réaction intérieure et inconsciente du sujet lui-même.
Et ce n'est certes pas le désir de mal faire que recouvre le secret, ce qui fut d'ailleurs la grande peur de la papauté, qui condamna pour cette raison la maçonnerie⁷. On peut lire à ce propos dans le rite écossais ancien accepté:
" Serait-ce un mal qu'un homme surprenne notre secret?
- Ce serait un grand bien car il ferait un frère de plus, à condition qu'il soit capable de nous comprendre" ⁷.Comprendre car, en effet, que serait une société initiatique opérant au grand jour, filmée, connue ? Ne risquerait-elle pas de devenir un lieu de mode, un lieu qu'il conviendrait de fréquenter pour paraître cherchant, et qui délaisserait peut à peut la voie intérieure pour profiter des dorures de la société? Peut-être pas, mais c'est pour éviter la tentation si facile qui serait de se tourner vers l'extérieur plutôt que vers l'intérieure de soi. L'extérieur est tellement plus aisé, facilement malléable, grand théâtre où l'on peut montrer à son aise ce que l'on est ou ce que l'on veut être, et plus souvent, où l'on pense être ce que l'on montre. Le secret ôte le voile du mensonge à nos propres yeux: nous sommes ce que nous sommes face à nous-mêmes: pleins de peur, d'arrogance, etc.
Si la démarche initiatique est par essence secrète, tant pour celui qui la pratique que pour les tiers, la société qui soutient le cherchant et qui l'intègre est elle-même secrète et non pas discrète comme on aime parfois à le dire. En ce sens, elle est elle-même celle qu'on ne connaît pas de l'extérieur sans l'expérimenter, puisqu'elle ne contient de messages que symboliques et donc, qui se vivent de l'intérieur du mouvement : "le secret de la franc-maçonnerie est inviolable par sa propre nature puisque le maçon qui le sait, ne le sait que pour l'avoir deviné. Il ne l'a appris de personne, il l'a appris à force d'aller en loge, de raisonner, de déduire"⁸ On ne peut prétendre connaître réellement une société initiatique digne de ce nom sans en avoir t⁹esté soi-même la validité du message.
A cet égard, il parait bien difficile de pouvoir porter un jugement sur la masse de sociétés dites initiatiques qui fleurissent de nos jours. On peut néanmoins cerner, au vu de ce que nous venons de dire, quelques points qui peuvent faire la différence entre sociétés initiatiques et tromperie.
En premier lieu, il apparaît impossible de faire une différence du point de vue du cherchant, celui ci mettant autant de zèle dans sa quête, et pouvant aussi bien tomber dans un groupe mal intentionné que dans une église ou dans une quelconque autre société initiatique. C'est plutôt du coté de l'organisation de ces

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