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L'Initiation &
les sociétés secrètes
aujourd'hui
Initiation : le terme est mystérieux, évocateur, chargé d'histoire, empreint de secret, et pourtant, à une époque où l'on entend parler de renaissance initiatique à tout bout de champ, il paraît nécessaire de cerner avec un peu plus de précision cette notion. Cet essai de définition aura deux implications pour nous : d'une part, nous permettre de nous situer avec plus de justesse dans notre ordre et dans notre démarche spirituelle. D'autre part, faire un point plus éclairant sur ce qu'on appelle aujourd'hui communément les sectes, et savoir ce qu'elles recouvrent et ce qu'il faut en connaître.
La voie initiatique semble signifier, chez les auteurs qui emploient cette expression, « une accession progressive aux mystères de la vie en esprit »1. Double signification donc : signification étymologique d'abord1 : commencer un chemin, celui de la connaissance intrinsèque des mystères de la vie, mais aussi et surtout transmettre cette connaissance pour l'initiateur, ou le groupe initiateur.
Cette définition, fort simple au demeurant, ne laisse de subsister le problème, car enfin, que sont les mystères de la vie ? Sont ce l'ensemble de ce que nous ne savons pas encore et que nous saurons un jour grâce notamment à la science, auquel cas l'initiation serait une simple superstition de plus ? Ne serait-ce pas plutôt un moyen de parvenir à une compréhension, non plus raisonnée, comme nous sommes habitués à le faire, mais expérimentée, du monde qui nous entoure, dont nous faisons partie, et surtout que nous avons en nous, que nous sommes chacun en tant qu'être unique. Comprendre ce tout-un que nous sommes est peut-être là l'essentiel. Cette mise en chemin progressive passe par des gestes, un rituel, dans quelque groupe que ce soit2. Cette mise en forme a pour but d'éveiller le cherchant, lui offrir une lumière symbolique qui l'ouvrira en douceur aux secrets qu'il découvrira par lui-même. Car on ne peut éblouir celui qui est dans les ténèbres de peur de le rendre aveugle.
L'enseignement initiatique tend donc « à mettre un terme à cette inconscience et à cette incoordination qui constituent l'obstacle le plus néfaste au perfectionnement de l'humanité » et qui nous amènent à expérimenter « toutes les choses connaissables et quelques autres encore »2... Cet enseignement, ainsi entendu, n'a, bien évidemment , pas de terme : l'initiation n'est jamais achevée qu'avec la mort pour le monde terrestre.
Evidemment, découvrir ce que l'on ne connaît pas encore passe forcement par un tiers intervenant, l'initiateur, qui peut être un groupe ou un individu, ou la vie elle-même qui, ne l'oublions pas, est notre initiatrice suprême au quotidien. On ne saurait trouver seul ce qui est caché, cet ésotérisme, que l'on oppose à l'exotérisme ; L'ésotérisme, science de ce qui n'est pas immédiatement divulgué, est donc un art dont l'exercice implique un initiateur.
L'expérience initiatique est par essence protéiforme puisqu'on ne peut jamais la cerner que sous un aspect mis en lumière par notre vie. Le parcours initiatique s'oppose donc au chemin étroit d'une voie unique de connaissance, mais passe bien par « la plus large tolérance dans la plus stricte indépendance »3. Cette voie, cette quête pour la vérité intérieure, mène le cherchant à travers les dédales des erreurs, des fausses routes, jamais entravées par l'initiateur, pour lui permettre de « rectifier3 » par lui-même, dans la compréhension des « mauvais pas » qu'il aura pu faire.
C'est pourquoi, « dans la recherche constante de la vérité et de la justice, les francs-maçons n'acceptent aucune entrave et ne s'assignent aucune limite »4. Comment, en effet, reconnaître le vrai chemin, si jamais on ne le quitte ? Comment l'homme peut-il marcher debout, se mettre debout, si jamais il ne tombe ? L'essence de la voie initiatique est peut-être dans ce perpétuel recommencement, cette « roue de fortune » du tarot, qui fait que celui qui monte, tombera toujours pour mieux remonter encore. Si, au contraire, l'initiateur venait soutenir toujours l'initiant dans sa démarche, lui dire où il doit aller (outre que l'initiateur ne peut savoir où l'initiant doit aller), il ferait de ce cherchant un être soumis au dogme de l'initiateur, n'ayant pas expérimenté lui-même les voies qu'on lui présente pour bonnes, et ne serait qu'un être marchant avec des béquilles.
C'est autour de cette difficile notion qu'est la plus grande liberté que doit revendiquer le cherchant, que s'articulent aujourd'hui les grandes problématiques des groupes de recherches initiatiques ou spirituelles. La pratique initiatique par les dirigeants tendant souvent à abandonner l'attitude du sage qui éclaire en éveillant , qui répond à son disciple interrogateur : « connais toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux », pour une attitude, bien moins initiatique, qui consiste à donner le chemin qui lui paraît le mieux convenir, sans laisser le soin à l'expérience vivante de prouver le bien-fondé de la route suivie. Le maître, le guru, dans la tradition hindouiste, ne fait que suggérer, aide à rectifier parfois, mais jamais n'impose. Il éveille, inspire, donne souffle, ne dogmatise ni n'impose .
Le guru, qui n'a pas compris sa charge, tente de convaincre. Cependant, dans la recherche plurielle de la vérité, l'erreur du choix de l'initiateur ou du groupe initiateur est aussi un des écueils possibles et en fait peut-être nécessairement partie. Celui qui cherche doit savoir qu'à l'aube même de son chemin d'initiation, c'est peut-être sur son maître même qu'il s'est trompé. L'adage maçonnique « vigilance et persévérance » devrait pouvoir avoir été éveillé en lui avant même qu'il ne fasse les premières démarches d'accès à cette ultime connaissance. C'est pourquoi il est très délicat et risqué de parler comme on peut l'entendre faire parfois de sectes : deux individus ne ressentent jamais les choses pareillement : un tel, éveillé à l'erreur possible sur son initiateur, saura tirer le meilleur des défauts de celui ci, alors que tel autre, encore dans l'inconscience absolue des risques de la voie qu'il emprunte, peut tomber définitivement sous le joug restrictif d'un guru mal intentionné. Une secte, reconnue dangereuse par tous, peut être bénéfique à celui qui saura prendre ce dont il a besoin à un moment donné et laisser le reste. Ne peut-on d'ailleurs considérer que toute démarche, quelle qu'elle soit, conduit à la perte de celui qui l'entame si elle n'est pas menée dans la plus stricte vigilance, et tout excès entraîne une dépendance, aussi bien pour le tabac que pour l'initiation.
Il convient de tenir pareillement en prudence tout ce qui concerne l'étude des groupes dits initiatiques. Ne pas tomber dans la condamnation systématique de certains groupes et pas d'autres relève de la simple vigilance et c'est en ce sens que les nombreux ouvrages engagés et catalogues de sectes (comme peut l'être le
(Suite page 6)
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