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esprit universel dont parlent beaucoup les mouvements syncrétiques et du nouvel âge. Le Grand architecte peut être aussi la force absolue de vie et de mort, cela qui régit tout indépendamment des actions des hommes, la transcendance absolue, non plus l'étincelle qui fait naître la vie, mais la vie elle-même celle que nous buvons à chaque inspir.
Enfin, la dernière vision ferait du grand architecte le régisseur suprême de l'homme, le maître intérieur de chacun, ce qui nous donne l'intuition ou la certitude selon les cas, du bien et du mal, de l'absurde et de la grâce. Et il est vrai que dans les milieux maçonniques, c'est cette version du grand architecte qui semble être adoptée d'un commun (et indicible) accord. Le G.A.D.L.U est une abstraction, un concept un peu flou , quelque chose qui dépasse l'homme de toute façon, sorte de melting-pot des vertus suprêmes que doit cultiver l'individu pour son apprentissage. . Cette conception, que je pourrais qualifier de laïque, trouve peut être son origine dans un syncrétisme et un panthéisme alchimique qui appelle Esprit Universel ce principe de « toute création qui est diffusé dans les oeuvres de la nature comme par une continuelle infusion, et qui meut chaque universel et chaque particulier selon son genre, par le moyen d'un acte secret et perpétuel »6.
Il en ressort que si chaque être, chaque atome du monde même est à l'image du tout, alors l'homme, première créature dans la hiérarchie du monde peut, par réflexion, connaître le grand tout en connaissant les microcosmes. Ainsi, le grand architecte de l'univers qui veille serait, d'une part, notre propre image, celle du microcosme que nous sommes et dans lequel nous vivons, mais aussi le reflet de l'univers tout entier que nous contenons aussi. L'homme est une partie infime du monde et il est aussi le monde dans son entier, donnant plein sens à l'adage : « connais toit toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux ».
Est-ce que ce n'est pas là une invitation à lever la tête vers les étoiles qui serait adressée par ce symbole du grand architecte de l'univers, que l'on soi ou non religieux, ceci n'ayant rien à voir ? Toujours lever les yeux vers ce grand constructeur, être de tout verbe, de tout amour et de toute parole, celui qui nous montrerait le chemin en nous vers le dépassement de nous et surtout de la matérialité dégradante que nous idolâtrons trop souvent ; peut être retrouvons nous cette idée dans la formule de A.Grad : « au nom du fil, on tue le père ! »6 ce qui pourrait résonner en nous comme : si tu ne développes pas en toi ce qui est supérieur (le père - grand architecte de l'univers), tu ne pourras rien construire de ta vie (idolâtrie du fils, matière). : « si l'être éternel ne battit la maison, en vain peine le maçon » est-il écrit dans PS. 127-17. Cet être éternel, supérieur, est en nous, et si ce n'est pas à lui que nous faisons appel pour bâtir notre existence d'homme, alors, tout notre édifice s'écroulera un jour. Prendre soin de toujours voir ce qui dépasse le vil, voir au-dessus, au-delà, vers le subtil, loin de la matérialité engluante , apprendre à voir dedans, voir les êtres, pour vivre l'essence : « apprendre à voir sans voir »7. Le grand architecte de l'univers serait donc hors de l'homme puisque l'ayant crée dans le tout, mais aussi il en serait partie intégrante, lui offrant le pouvoir de faire de lui son propre temple de lumière rayonnant.
Et de fait, qu'on perçoive cette expression de grand architecte de l'univers sous une forme religieuse, ou athée, ou simplement intellectuelle, il serait de toute façon celui qui met en nous, et nous pouvons en cela faire le parallèle avec le mythe du Golem (Kabbale hébraïque), la vie, qui met dans cette statue de boue que nous sommes à l'origine, non seulement la vie mais aussi l'âme qui fait de nous des hommes.
Si le grand Architecte de l'univers est le temps, le créateur, il est aussi et surtout le verbe. Et l'homme, Architecte de l'univers lui-même est le fruit de ce verbe , le verbe même, et pour reprendre rené Guénon : « plus haut, plus loin que l'humanité, on pourrait dire que l'origine est dans l'œuvre même du verbe divin »8.
Cet œil qui nous surplombe est aussi verbe, et nous le sommes aussi. N'est-il pas là pour nous rappeler sans cesse qu'avant toute chose nous sommes les êtres de la parole. Ne vient-il pas frapper en nous pour nous faire nous souvenir que tout ce que nous disons comme parole est créateur, car chaque mot, chaque atome déplacé dans l'univers, bouleverse à lui seul la structure moléculaire de l'univers tout entier. Peut-être que la grande leçon à tirer est celle là : apprenons à laisser plus de place à ce grand architecte qui nous supplante et que nous infuse pour faire de nous l'instrument du verbe. Apprendre à parler véritablement et à ne plus discourir inutilement comme trop souvent nous le faisons. Si la parole est action, création, alors il nous faut parler pour changer le monde. C'est par la parole que nous pourrons faire que le petit architecte de l'univers qui réside en nous devienne grand.
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