PIKE, Albert
PINGRÉ, Alexandre-Guy
PLANCHE
PORTUGAL
PRACHE
PRATT, Hugo
PRÉFETS
PREMIÈRE INTERNATIONALE
PRESSE MAÇONNIQUE
PRESTON, William
PRICE, Henry
PRIEUR
PRINCE HALL
PROTESTANTISME
PROUDHON, Pierre Joseph
PROVINCES-UNIES
PIKE, Albert
(Boston, 1809-Washington, 1891) Les francs-maçons du Rite Écossais Ancien et Accepté*, en particulier ,ceux qui relevaient de la Juridiction Sud des États Unis* qu'avait illustrée Albert Pike, érigèrent, en 1901, une statue à sa mémoire et en son honneur, à Washington, D.C., Judiciary Square. Sur les angles d,u socle, ces inscriptions: Auteur, Poète, Érudit, Soldat, Philanthrope, Philosophe, Juriste, Orateur. Pike porta très haut l'exercice de ces qualités.
Né à Boston, fils adoptif de Little Rock, dans l'Arkansas, il participe en 1848 à la guerre du Mexique et, en 1861-1862 à la guerre de Sécession, avec le grade de général de brigade. À Little Rock à Memphis, à Washington où il s'installe en 1868 et passe le reste de ses jours, il est avocat. Ami et défenseur des droits des Indiens, son cœur le porte à abolir l'esclavage, mais sa raison le pousse à favoriser le compromis de 1850.
Albert Pike reçoit la lumière* maçonnique en 1850, dans la loge Western Star, à l'orient de Little Rock. En 1853, Albert Mackey lui confère les degrés 4 à 32 du Rite Écossais Ancien et Accepté, à Charleston*, siège de la Juridiction Sud jusqu'à ce que Pike le transférât à Washington. D.C. en 1857: Pike reçoit le 33° le Suprême Conseil de la Juridiction Sud l'admet l'année suivante et, en 1859, il en est élu Grand Commandeur; il occupera cet office jusqu'à sa dernière heure, avec une compétence et une autorité sans pareilles. Le Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté pour la France l'élira membre d'honneur en 1889.
Aussitôt après avoir reçu ses grades* maçonniques, il entreprit d'en réviser ou d'en composer les rituels qui lui avaient paru, à l'exception du 18°, incohérents et inadéquats. Ce travail de Pike n'est pas le plus réussi.
En revanche, Morals and Dogma of the Ancient and Accepted Scottish Rite of Freemasonry est un chef d'œuvre. Pour chacun des degrés du rite (le 33° est omis, de par sa nature même qui n'est pas initiatique), I'auteur propose une leçon. Avec une subtile pédagogie, chaque leçon se garde d'expliquer détail après détail le rituel de chaque degré et même d'analyser ouvertement son sens général. Le cours suit l'échelle des degrés, en enseignant au nouveau promu la partie de l'ésotérisme universel qui convient à son âge.
Morale et dogme—« dogme » au sens de doctrine proposée, non point imposée— du Rite Écossais Ancien et Accepté, rédigé et publié en 1871 par ordre du Suprême Conseil de la Juridiction Sud, emprunte à toutes les initiations*, à toutes les traditions à toutes les écoles de mystères*. Souvent l'auteur se fait compilateur; quitte à remanier et à interpoler, il incorpore des fragments d'auteurs précédents, le plus souvent cité étant Éliphas Levi. Pike annonce son procédé au seuil du livre et seule l'ignorance ou la mauvaise foi a permis quelquefois de crier au plagiat.
L'histoire, cependant, n'est pas appelée à comparaître; Pike expose la philosophie occulte d'une association qui est religieuse, sans être une religion, dont la bienfaisance est le but mais qui au delà de la morale aide à chercher la vérité par un symbolisme vécu et raisonné. La magie n'est que la science « exacte et absolue » de la nature et de ses lois.
Épiscopalien d'origine, Pike, dont tous les frères étaient juifs et chrétiens, voit dans le judéo christianisme, au sens large la tradition des traditions. Dieu la Bible*, la Sagesse secrète soutiennent l'édifice. La Bible est la clef méconnue, à la fois le fil conducteur et la trame de Morale et doctrine. Un Index analytique, par T. W. Hugo (1909), joint à toutes les rééditions du livre, assiste le lecteur dans le foisonnement; un index analytique commenté de la Bible omniprésente dans Morale et Doctrine par Hutchens et Monson (1992) tourne la clef pour lui. Le chrétien complétera, grâce au Nouveau Testament, sans cesse référé, la figure romantique de Jésus.
L'antimaçonnisme* du XIXe siècle finissant (Taxil*, Bataille, Doinel...) proclame l'excellent Albert Pike pape luciférien et chef suprême de tous les francs maçons du globe, admis tous les vendredis, à trois heures, à conférer avec Satan en personne. Mgr Northrop, évêque de Charleston, s'en vint spécialement à Rome assurer Léon XIII que les francs-maçons de sa ville épiscopale étaient de dignes gens et que leur temple* ne s'ornait d'aucune statue de Satan.
En 1974, le Grand Commandeur de la Juridiction Sud estima opportun de publier des Commentaires de la somme réunie par Pike
R. A.
PINGRÉ, Alexandre-Guy
(Paris, 1711-1796) Formé au collège génovéfain de Senlis, moine à 16 ans, puis professeur de théologie dès l'âge de 24 ans, Pingré devient rapidement une figure prestigieuse de l'Académie des Sciences où il entre en 1756. C'est toutefois à Rouen, où le jansénisme* auquel il a adhéré l'a conduit en exil, qu'il va montrer l'importance de ses réflexions et expérimentations sur l'astronomie. En effet, membre associé de l'académie locale dès 1749, il en est l'un des principaux animateurs et expose plus de 30 mémoires jusqu'en 1766. Outre de nombreux résultats d'expériences issus de ses travaux sur les éclipses et le passage des comètes, on relève sa volonté de faire connaître les thèses de Newton et de d'Alembert.
C'est au moment où il passe de l'écrit académique au voyage d'études (trois de 1767 à 1770) que sa carrière maçonnique émerge... sans que l'on connaisse cependant la date exacte de son initiation*. Orateur de la loge* Sainte-Marguerite en 1766 puis fondateur et vénérable* d'une loge dont la titulature* porte l'empreinte de ses préoccupations scientifiques, L'Étoile Polaire, il développe des activités maçonniques importantes à Paris et en Normandie. Ainsi, dès 1767, l'imminence de son départ du Havre, sur la frégate L'aurore où il teste les instruments de marine du roi avec le marquis de Courtanvaux, le conduit à fréquenter les Loges locales en proie aux divisions. A cette occasion, il milite pour une institution « ouverte » dans une ville où l'élitotropisme est la règle. Lors de son voyage on l'entend dire:«Je voulais y propose~plusieurs profanes. Mais on est trop dur dans cette loge. »
Cinq ans plus tard, la naissance du Grand Orient lui permet d'accéder aux plus hautes responsabilités. Il devient Substitut du Grand Orient le 14 août 1771, puis Second Surveillant du 21 juin 1773 à janvier 1776, et enfin Premier Surveillant jusqu'en décembre 1778. Ses attaches normandes lui permettent alors de jouer un rôle essentiel dans la difficile reconstitution des loges havraises et rouennaiseS Fidèle serviteur d'un Grand Orient qui veut pacifier les provinces, Pingré confirme sa volonté d'équilibre entre la nécessaire reproduction des préséances sociales et la valorisation des qualités maçonniques que recommande l'égalité mythique. Ainsi, à Rouen, il entérine la reconnaissance de deux loges nobiliaires comme étant les ateliers les plus anciens... tout en tentant d'imposer la validité des travaux de L'Ardente Amitié, une loge de petits bourgeois rejetés par les aristocrates rouennais et rendue bientôt célèbre par les avatars du frère Mathéus*. Le 1er juillet 1778, il dénonce les préjugés sociaux de la noblesse* rouennaise: « Lorsqu'on ies approfondit [les causes du rejet], on voit que l'équité, la prudence... exigent que la loge requérant laisse son tableau*.» Porteur d'un projet battu en brèche par les tensions qui minent la galaxie maçonnique dans les années 1780, Pingré semble disparaître une fois la tâche accomplie. Homme de l'été des Lumières*, la période de la Révolution* se traduit alors par l'arrêt de ses activités maçonniques, mais aussi par une reconnaissance officielle, bien qu'un peu tardive, des services rendus à la science. Il reçoit une pension (pour peu de temps), à partir du 5 mars 1792 de 1 800 livres annuelles. Il meurt à Paris le 1°mai 1796.
E. S.
PLANCHE:
voir Morceau d'architecture
PORTUGAL
La franc-maçonnerie* a été introduite au Portugal en 1727, à l'initiative de commerçants britanniques installés à Lisbonne. En 1733 est fondé un deuxième atelier dont les frères sont pour la plupart des Irlandais catholiques. En 1738, conformément à la bulle de condamnation de Clément Xll, la loge* est dissoute. Puis un troisième atelier est également fondé à Lisbonne, en 1741, par John Coustos, un lapidaire de diamants que l'on dénonce à l'inquisition* en 1742, Plusieurs des membres de cette loge sont jetés en prison, torturés et condamnés.
La franc-maçonnerie est réorganisée entre 1760 et 1770 grâce à la tolérance du marquis de Pombal. On installe des loges à Lisbonne, Coïmbra, Valence, Elvas ou Olivença, Funchal et peut-être, par la suite, au Cap Vert (sur l'île de Santiago), aux Açores à San Miguel et à Porto. Après la chute de Pombal (1777), les persécutions reprennent. L'inquisition et la police démantèlent pour la deuxième fois la franc-maçonnerie. Cependant, quelques loges recommencent à fonctionner à Coïmbra, à Lisbonne et à Porto à partir de 1793. L'Ordre* renaît grâce au débarquement à Lisbonne en 1797 d'un corps d'expédition anglais. En 1798, on dénombre trois loges militaires à Lisbonne et une quatrième acceptant des civils: toutes sont affiliées à la Grande Loge de Londres.
Au début du XIXe siècle, le besoin d'organiser l'Ordre se fait sentir et Hipòlito José da Costa se déplace à Londres en 1802 où il obtient la reconnaissance du Grand Orient Lusitanien. Le juge Sebastiâo José de Sao Paio est élu Grand Maître. Huit loges travaillent alors à Lisbonne, ainsi que plusieurs autres le font à Tomar, à Porto, à Coïmbra, à Setubal, à Funchal et au Brésil*.
En 1809-1810 a lieu une nouvelle grande vague de persécutions, la troisième qui démantèle la franc-maçonnerie. On n'assiste à la renaissance de l'Ordre qu'une fois les invasions napoléoniennes terminées puis, en 1817, c'est une quatrième vague de persécutions qui mène le Grand Maître Gomes Freire de Andrade* et plusieurs de ses compagnons à la potence.
A l'avant-garde de tous les mouvements progressistes, la franc-maçonnerie veut abolir l'absolutisme. C'est d'une de ses organisations, le Sinédno (Sanhédrin) que jaillit la révolution libérale triomphante de 1820. Néanmoins, pour la cinquième fois, avec le retour de l'absolutisme en 1823, les francs-maçons sont persécutés, incarcérés et exécutés. De 1826 à 1828, on assiste à une brève renaissance de l'Ordre, qui ne résiste cependant pas à de nouvelles violentes persécutions miguelistes. Presque tous les francs-maçons se rallient à D. Pedro IV qui était franc-maçon et Grand Maître de la franc-maçonnerie brésilienne.
Le triomphe définitif du libéralisme* en 1834 amène les francsmaçons au pouvoir. La franc-maçonnerie portugaise est alors dominée par le Grand Orient Lusitamen, également appelé Grand Orient du Portugal entre 1849 et 1859, et par ses Grands Maîtres élus régulièrement depuis 1802. Elle connaît alors plusieurs scissions et se partage de 1849 à 1867 entre cinq à huit obédiences* différentes. En 1841, un Suprême Conseil portugais des Grands Inspecteurs Généraux du 33° s'est également mis en place et a autonomisé au Portugal le Rite Écossais Ancien et Accepté* (introduit en 1837). La rencontre entre les fonctions de Grand Maître et de Souverain Grand Commandeur devient institutionnelle en 1869, et la franc–maçonnerie portugaise, alors unie, prend le nom de Grand Orient Lusitanien Uni, Suprême Conseil de la franc–maçonnerie portugaise. La période allant de 1834 à 1926 correspond à l'apogée de l'implantation de la franc–maçonnerie au Portugal. Son activité est notable dans tous les domaines de la vie de la nation. C'est à elle que l'on doit les grandes victoires des idées progressistes à cette époque: les abolitions de la peine de mort et de l'esclavage, la création d'écoles primaires et secondaires techniques, la généralisation de l'instruction dans les colonies*, la création d'orphelinats, la lutte contre le cléricalisme et l'amorce de la laïcisation des écoles, la fondation d'associations en mesure d'organiser l'instruction et l'assistance selon de nouveaux modèles, la campagne en faveur de l' inscription obligatoire sur les registres d'état civil... On lui doit également la création du jury. En 1869 1870, les francs–maçons sont près de 500 frères, répartis en 36 ateliers et le chiffre atteint, en 1913 avec 4 341 frères répartis en 198 loges et « triangles », son apogée. En 1864, la première loge d'adoption* se met en place.
La révolution espagnole de 1868 et le caractère irrégulier de la pratique maçonnique qu'elle entraîne amènent des dizaines de loges de toute l'Espagne* et de ses colonies à intégrer la franc–maçonne rie portugaise sous l'autorité du Grand Orient Lusitanien Uni. Des loges roumaines et bulgares font de même.
Au début du XXe siècle, la maçonnerie portugaise peut appuyer la constitution de la carbonaria et déclencher de façon décisive la révolution républicaine de 1910. La politisation dont la franc–maçonnerie est l'objet a pour conséquence de provoquer une multiplication des initiations*. Au Parlement, la moitié ou plus de la moitié des représentants du peuple appartiennent à l'Ordre, ainsi que trois présidents de la République. Dans les gouvernements, jusqu'en 1926, de nombreux ministres sont francs–maçons. On doit aussi à la maçonnerie quelques–unes des mesures progressistes adoptées par le régime républicain: l'obligation de s'inscrire sur les registres d'état civil, les lois autorisant le divorce et décidant la séparation de l'Église et de l'état. Néanmoins, le rapprochement entre la franc–maçonnerie et le Parti républicain est à l'origine de dissensions au sein de ce parti puis en 1914 à l'instar de celui–ci, la franc–maçonnerie se divise à son tour. Une nouvelle obédience est constituée: elle est appelée de façon profane Cercle luso-écossais et plus d'un tiers des francs–maçons portugais y adhèrent.
A la fin de l'année 1925, les deux obédiences trouvent cependant un terrain d'entente et se réunissent en mars 1926. Il est toutefois un peu tard pour pouvoir contrecarrer les forces de droite car, deux mois plus tard, survient le mouvement militaire du 28 mai. La dictature est instaurée. Bien que la franc–maçonnerie ait joui d'une totale liberté d'action jusqu'en 1929, les attaques s'abattent sur elle les unes après les autres. En 1929, le Grand Orient Lusitanien subit l'assaut de la Garde nationale républicaine et de la police, assistées par de nombreux civils Ce fait marque le début d'une nouvelle et grande persécution.
Les années 1931 à 1935 sont en effet synonymes de discrimination. En 1935, un député du nouveau Parlement présente un projet de loi visant à interdire les « associations secrètes ». En mai, la franc–maçonnerie est légalement interdite. En 1937, une section de l'organisation fasciste Legião Portugesa (Légion portugaise) est inaugurée au Palais maçonnique qui est confisqué par l'état.
Néanmoins, le Grand Orient Lusitanien Uni résiste et devient clandestin. Le Grand Maître, Norton de Matos, démissionne. En 1937, c'est au Grand Maître par intérim, Luis Gonçalves Rebordao. qu'appartient la lourde tâche de porter le flambeau pendant 37 ans, jusqu'à la fin de la clandestinité. Il empêche ainsi que la franc–maçonnerie portugaise trouve refuge dans le seul exil. Le nombre de loges tombe cependant à 13, puis à une demi–douzaine en 1973. La plupart des organismes paramaçonniques disparaissent ou perdent leur qualité maçonnique. Durant la Seconde Guerre mondiale, le Grand Orient Lusitanien Uni se trouve pratiquement isolé dans la lutte. Cependant,
des négociations sont entamées avec les francs–maçonneries britannique et nordaméricaine. En 1941, la constitution franc maçonnique de 1926 est sur le point d'être modifiée par l'ajout d'une déclaration de principes calquée sur les landmarks* de la Grande Loge Unie d'Angleterre*. Cependant, les obédiences anglo saxonnes mettent en marge et ignorent complètement la maçonnerie portugaise en prétextant qu'elle n'était pas reconnue par le gouvernement de ce pays.
Après que le Grand Orient Lusitanien Uni eut survécu à la révolution du 25 avril 1974 et fut revenu «à la lumière du jour »I'État lui restitue le Palais maçonnique et lui paie une indemnité.
En 1984, une scission est menée par les franc–maçonneries anglo saxonnes dites « régulières »: elle conduit à la constitution de la Grande Loge du Portugal (1985-1986). En 1990 est fondée une nouvelle Grande Loge Régulière du Portugal. La franc–maçonnerie « régulière» instaure également un second Suprême Conseil. De même on constitue une franc–maçonnerie féminine, dépendant à l'origine de la France, et autonome depuis 1997 sous le nom de Grande Loge Féminine du Portugal ainsi qu'une franc–maçonnerie du Droit Humain* (1980) intégrée dans le mouvement international correspondant. Plusieurs loges « anglaises » dépendant directement de la Grande Loge Unie d'Angleterre se constituent également.
J.J.A.D.et A.H.de O.M.
PRACHE
(amendement) Dans le feu de l'affaire Dreyfus*, le président de la Ligue de la Patrie Française, Jules Lemaître, lance, le 27 mai 1899, une pétition pour demander l'interdiction de la francmaçonnerie* qui « affecte de donner des ordres au gouvernement, d'imposer aux législateurs le vote de projets de loi élaborés par elle » et dont le dessein « paraît être l'accaparement des pouvoirs publics ». Elle est également accusée de relations occultes avec les maçonneries étrangères Les signataires demandent l'application de l'article 13 du décret–loi du 28 juillet et du 2 août 1848 maintenus dans la loi du 30 juin 1881. Les représentants du peuple, en 1848, avaient considéré que la maçonnerie n'était pas concernée par les décrets sur les sociétés secrètes. Certaines pétitions sont apportées par les députés sur le bureau de la Chambre; d'autres sont remises directement à La Ferronnaye. Le nombre de signataires s'élèverait à 80 000. De son côté, l'abbé Gayraud, le 16 novembre 1899, interpelle le gouvernement qu'il accuse de traiter différemment les associations maçonniques et religieuses.
Pochon député radical et futur conseiller de l'Ordre*, est chargé, en 1900, du rapport sur la demande d'interdiction de la maçonnerie formulée par le marquis de L'Estourbeillon, Napoléon Magne, le duc de Rohan et l'abbé Lemire, député du Nord. Pochon explique que cette institution a été reconnue par les gouvernements, qu'elle ne présente aucun danger pour la sûreté de l'état et qu'elle défend les libertés. Les députés votent un ordre du jour, mais renvoient au président du Conseil pour application une demande d'interdiction de l'ordre des jésuites.
L'examen de la pétition Lemaître est confié à la l le commission des pétitions. Les députés chargent leur collègue Prache député du Vle arrondissement de Paris spécialisé dans la lutte anti maçonnique* de rédiger un rapport préalable, qui reprend toutes les accusations et demande l'application de la loi.
Au cours des débats parlementaires sur la loi sur les associations, Prache propose en mars 1901, un amendement à l'article 13, signé par 1 I députés, stipulant que les groupements maçonniques « ne pourront exister sans une autorisation donnée par décret rendu en Conseil d'État ». Il le retire mais Viviani le reprend ironiquement. Il est rejeté par 296 voix contre 2. Prache, après le vote de la loi, repart à l'assaut, estimant que les actes de la maçonnerie violent les articles 3 et 7 de la loi et que les dispositions fiscales vont à l'encontre de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Il interpelle à nouveau le gouvernement en 1903. Son rapport, adopté par la commission et transmis au garde des Sceaux, est publié en 1902 puis, enrichi de nouvelles accusations, en 1905.
A. C.
PRATT, Hugo
(Rimini, 1927–1995)

Hugo Pratt passe une partie de son enfance en Éthiopie. Il entre très jeune dans le monde de la bande dessinée et crée, avec ses amis Ongaro et Battaglia, entre autres, la revue L 'Asso di piche (L'As de pique). Le succès international qu'obtient la revue l'amène à signer en 1949 un contrat avec l'Editorial Avril et à s'installer en Argentine. Entre 1950 et 1962, il se partage entre l 'Argentine et le Brésil . Durant cette période féconde, il crée des bandes dessinées et des personnages célèbres: Kirk, Ticonderoga, Ernie Pike et Anna de la Jungle. En 1959, il travaille en Angleterre pour le Daily Mail et, en 1969, il réside dans l'ouest de la Virginie, où il écrit et dessine Fourth Wheeling. De retour en Italie* en 1965 Hugo Pratt travaille dans l'équipe du Corriere dei Piccoli. En 1967, il s'affirme comme un narrateur extraordinaire, captivant et ironique, avec Ballade de la mer salée, une longue histoire originale qui fait naître son personnage le plus populaire: Corto Maltese.
Ses histoires sont réalisées de manière incisive, cinématographique; on y trouve de nombreuses annotations ironiques tout en finesse, et de nombreux clins d'œil à la tradition sapientiale. Le destin d'Hugo Pratt va croiser l'Ordre* maçonnique vers le milieu des années 1970. Après être entré en contact avec les maçons vénitiens et après un dialogue approfondi sur la nature, les buts et les principes de l'institution, Hugo Pratt signe en effet, le 8 juin 1976, sa demande pour être accepté dans la loge vénitienne Hermès, affiliée à la Grande Loge d'ltalie des Anciens Francs et Reconnus Maçons. Il est initié le 19 novembre. Le succès de Corto Maltese l'ayant amené à se déplacer en France durant cette période, son initiation* au grade de Maître Secret*, le premier de la pyramide du Rite Écossais*, se déroule à Nice avec la collaboration du Grand Orient de France*, en présence de Jean Murges, Grand Commandeur du Grand Collège des Rites de France, et du Grand Maître adjoint de la Grande Loge d'ltalie.
Son expérience maçonnique et ses intérêts pour les thèmes sapientiaux et ésotériques sont distillés dans Fable de Venise, où le retour de Corto Maltese se mêle à l'histoire de la maçonnerie « L'histoire - écrit Pratt en exergue-débute par un coup de maillet»: Corto Maltese tombe d'une fâitière sur le sol pavé de mosaïque* de la loge Hermès, la logemère* de Pratt, juste au moment où commencent les travaux rituels. L'épisode se ré@re de manière évidente mais de façon enCore plus rocambolesque à l'initiation à la maçonnerie de la première femme laquelle se déroula au XVIIIe siècle. Cette fable, publiée tout d'abord en France, puis en Italie, mêle les souvenirs d'enfance de Pratt - la fréquentation du quartier juif avec sa grand-mère, les « cours » vénitiennes, dites « arcanes », pleines de fascination-et les allusions gnostiques, évidentes dans le symbole du papillon et dans la citation de la formule magique « abraxas ». Corto Maltese tombe dans la loge en plein travail tandis qu'il recherche une émeraude, qui est à la fois la mystérieuse pierre qui couronnait la tête de Lucifer et la « clavicule de Salomon », et qui avait été cachée sous le corps de l'évangéliste saint Marc. Il la trouvera grâce aux indications du baron Corvo et d'un rabbin qui porte le même nom que le premier des prêtres Melchisédech, dans l'enceinte de la maison occupée par la loge Hermès.
Le contexte historique de la fable, qui projette l'événement dans les vingt années du fascisme évoque aussi des aspects auto biographiques lies à la maçonnerie: les chemises noires qui traversent l'histoire font allusion à un événement significatif. C'est le père de Pratt, fasciste, qui conserve l'épée flamboyante du Vénérable Maître, enlevée au temple maçonnique vénitien au cours d'une razzia par les troupes fascistes. Bien qu'elle ait probablement appartenu à une loge du Grand Orient d'ltalie, Hugo Pratt put la remettre à sa loge et donc la rendre à sa fonction initiatique. Hugo Pratt est mort le 20 juin 1995.
M. N.

PRÉFETS
La Constitution de l'an VIII qui vise à achever la Révolution* et plus encore la loi du 28 pluviôse de la meme année (17 février 1800) consacrent le retour à la centralisation administrative. Le frère Chaptal, ministre de l'lntérieur, explique ainsi le rôle des futurs préfets:« Le préfet ne connaît que le ministre, le ministre ne connaît que le préfet. Le préfet ne discute point les actes qu'on lui transmet, il les applique. il en assure et surveille l'exécution. " Le gouvernement apporte le plus grand soin au choix des premiers préfets, dont les noms furent connus le II ventôse an VIII (2 mars 1800).
Les 98 noms qui formèrent la première promotion préfectorale sont sélectionnés par Lucien Bonaparte aidé de Jacques Claude Beugnot, son conseiller intime. Il commença alors par établir une liste de candidats d'après les renseignements fournis par les commissaires en mission, les agents secrets les députés. Il devait ensuite prendre en considération les recommandations du Second Consul le frère Cambacérès*. Un tableau d'ensemble faisait apparaître des colonnes où étaient alignés la liste alphabétique des départements les noms des candidats de Lucien Bonaparte, ceux de Cambacérès, ainsi que ceux du Troisième Consul, Lebrun, et du général Clarke. Ainsi après une dernière sélection furent nommées le 2 mars 1800, les personnalités les plus diverses. Sur 98 noms, Cambacérès en recommandait 65, dont 27 étaient connus comme francs-maçons.
Après le départ de Lucien Bonaparte du ministère de l'lntérieur, cinq ministres devaient détenir ce portefeuille: Chaptal, le 6 novembre 1800 initié à Montpellier avec Cambacérès sous l'Ancien Régime; Champagny, le 8 août 1804, nommé Grand Conservateur du Grand Orient*; le profane Cretet en 1807 le frère Fouché par intérim en 1809 et enfin le frère Montalivet du 1er octobre 1809 à la fin de l'Empire. On comprend mieux la présence massive de francs-maçons à la tête des départements. De 1800 à 1814, les francs-maçons représentent 47 % du corps préfectoral ! Meme sous le ministère Cretet, des frères furent nommés il faut dire que Cambacérès veillait aux nominations.
Les préfets-maçons furent-ils des frères actifs ? Dans de nombreux départements ils tiennent le maillet de vénérable*. Tel est le cas du préfet de la Drôme, Descorches de Sainte-Croix, de Félix Despotes à Colmar, de Doazan à Coblence, de Fauchet à Florence, ou de Desmousseaux à Liège, de Gondolfo à Sienne, de Jean-Bon Saint-André à Mayence et de Lamagdelaine à Alençon. Pour beaucoup, ce sont des maçons d'Ancien Régime, appartenant à la bourgeoisie avant 1789 qui cherchaient à assouvir en loge* un goût pour la sociabilité. Dans les départements, ils participent à l'idée d'une « union avec le gouvernement ». Sous leur autorité les loges se constituèrent composées de notables, de fonctionnaires, de magistrats et d'officiers de tout rang. Par les loges, ils prennent la mesure de l'esprit public, et surveillent les classes aisées issues de la Révolution. Leur rôle est différent suivant qu'il s'agit des départements de l'intérieur ou du Grand Empire*. Ils ne manquent pas de faire célébrer avec faste, en loge les événements heureux: victoires militaires le mariage avec Marie-Louise ou la naissance du roi de Rome.
Lorsqu'ils rejoignent un nouveau poste, les représentants du gouvernement ne manquent pas, s'ils sont maçons de se faire connaître avant leur arrivée. ils y retrouvent souvent bon nombre de leurs collaborateurs. Ce n'est pas par ostentation qu'ils procèdent ainsi, mais pour des raisons politiques La franc-maçonnerie* avait l'avantage de favoriser l'assimilation d'une population qui au début du Consulat, se montrait encore très jacobine dans les départements de l'intérieur. Pour les départements annexés, les loges permettent une meilleure intégration. Les préfets se montrent les meilleurs propagateurs de la franc-maçonnerie. lls aidaient aussi à la création de loges. D'après la correspondance de nombreux préfets, «l'harmonie qui régnait dans les départements se trouvait fortifiée par la création de nouvelles loges ". Cette harmonie entre les occupants et les occupés permettait donc des rapports de bienveillance et une plus grande intimité.
P.-Fr. P
PREMIÈRE INTERNATIONALE
À 1 suite de contacts pris en 1862 à l'occasion de l'envoi d'une délégation ouvrière à l'exposition universelle de Londres. une fête ouvrière de la fraternisation internationale se tient le 5 août 1862, à la Taverne des Francs-Maçons. Le Lubez vénérable* de la loge* La Concorde, essentiellement composée, comme sa soeur londonienne Les Philadelphes* de républicains socialistes, sert, l'année suivante de contact et d'interprète à Henri Lefolt venu à Londres proposer aux ouvriers anglais de fonder une association internationale ouvrière. L'Association Internationale des Travailleurs (A.l.T.) se constitue au cours d'un meeting en faveur de la Pologne qui se tient en septembre 1864 à Saint-Martin's Hall. Son conseil général siège à Londres et sert à l`origines é(rit Karl Marx à Engels, « d'intermédiaire entre les associations ouvrières d'Allemagne, d`Italie, de France et d'Angleterre »(4 novembre 1864).
Le Lubez fit entrer quelques maçons londoniens au sein du conseil général. Ainsi il fit accepter, le 5 octobre les candidatures des «frères » Bordage Lardaux, Leroux. Morisat, Niemers et Vasbenter, et il se rend en France pour résoudre les différends qui opposent les membres du bureau parisien, récemment constitué. Il se livre à une critique de ses responsables et est éliminé du conseil général ainsi que son ami Pierre Vésinier futur élu de la Commune* qu'il avait initié l'année précédente. Ce dernier, en 1866, pour composer la branche française de L'lnternationale à Londres, hostile à Marx utilise ses amitiés maçonniques faisant notamment adhérer le cordonnier Édouard Benôît. vénérable des Philadelphes.
Les trois premiers secrétaires-correSpOndants de l'A.I.T. pour la France qui ouvrent un bureau au 44, rue des Gravilliers le 8 janvier 1865, sont de futurs maçons I~e graveur Édouard Fribourg est initié le 8 mars 1865 à la loge L'Avenir*; il présente en loge quelques exposés sur l'A.I.T. mais il ne semble pas être resté durablement en maçonnerie. Charles Limousin coopérateur de tendance proudhonienne, n'est admis à L'Écossaise 133* qu'en juin 1869 après avoir été ajourné dans deux loges socialistes, La Prévoyance et La Ligne Droite. Henri Talon n'est initié à La Prévoyance que sous la Troisième République, alors qu'il est devenu sénateur.
Le premier congrès de l'A.I.T. se tient à Genève, en septembre 1866, le deuxième
à Lausanne (1867) le troisième à Bruxelles (1869), le quatrième à Bâle (1869). Dans chaque délégation française figurent quelques maçons (le mécanicien André Murat, le porcelainier Gabriel Ansel, le ciseleur en bronze de Beaumont le publiciste Charles Longuet...) qui relèvent des tendances marxiste, bakouniniste ou proudhonienne.
La loge Les Amis de la Tolérance à Paris, avec André Murat, Bernard Landeck, Jean-Pierre Héligon, Charles Amouroux, Alphonse Assi, Pierre Murat, a recruté ses membres au sein ou à la périphérie de l'A.I.T. On remarque également la présence de quelques internationalistes à la loge L'Avenir qui, en 1864-1865, recrute de jeunes athées comme Emile Richard, Fribourg et Charles Longuet, initié le 8 février 1865. Paul Lafargue y est admis en 1870.
La présence de maçons au sein de L'lnternationale résulte donc de la présence des réfugiés londoniens et d'entrées dans les loges parisiennes ou de province (Bastelica à Marseille) d'une frange de jeunes révolutionnaires. Parmi les 31 inculpés du troisième procès de l'A.I.T. furent maçons: Héligon, Casse, Chalain, Ansel Combault, Landeck et Assi.
Après la chute de la Commune Les Philadelphes, qui s'étaient mis en sommeil après l'avènement de la République, se reconstituent autour d'Edouard Benoît assisté comme surveillants de Le Lubez et de l'ouvrier bijoutier Amédée Combault, l'un des militants les plus actifs de l'A.I.T. à Londres. Albert May tient le poste d'orateur. A cette occasion, le républicain anglais Bradlaugh, le garibaldien La Cécilia et Pierre Vésinier prennent la parole. La maçonnerie des réfugiés va à nouveau se trouver divisée à propos de L'lnternationale. Des maçons comme Longuet, Ranvier, Wroblewski suivent Marx contre la dissidence de la branche française menée par Vésinier reconstituée en août 1871 sous le nom de Section fédéraliste française de 1871. Elle crée en février 1872 ,on propre Grand Conseil fédéral dissident et prend le contrôle de la Société des réfugiés. Le secrétaire de cette société, Ernest Navarre (qui va entrer à la loge La Fédération) est accusé d'avoir privilégié ses amis politiques dans la répartition des fonds remis par le comité anglais de L'lnternationale et Les Philadelphes. La Société exclut Navarre, se divise et passe sous le contrôle des marxistes.
Les rivalités au sein de l'A.I.T. ont des répercussions sur la vie maçonnique à Londres. Les Philadelphes semblent être restés à l'écart des querelles de tendance alors que Ranvier fonde la loge La Révolution et que Vésinier et Landeck ouvrent la loge La Fédération, composée de communards anarchisants.
A. C.
PRESSE MAÇONNIQUE
On entend ici par « presse maçonnique » les périodiques qui émanent de puissances maçonniques, que la maçonnerie soit ou non leur objet.
Une première remarque, d'ordre quantitatif, s'impose: de 1763 à 1945, 219 titres paraissent; stagnant à moins de 10 titres de 1760 à 1840, la presse ne se développe véritablement qu'aprés cette date puisque 17 titres existent de 1840 à 1850 et qu'on parvient à 27 titres en 1870. On observe ensuite une chute avec 11 titres jusqu'en 1880 puis un nouveau départ avec 25 titres, jusqu'à plus de 35 titres en 1890-1900. La production se stabilise à moins de 20 titres jusqu'en 1930. Après cette date elle décline constamment pour se fixer à 5 ou 6 titres.
Seconde remarque: si l'approche statistique donne une idée de la volonté d'extériorisation des obédiences* ou de leur activité interne, elle ne dit rien de son effet; à cet égard, c'est la longévité des publications qui constitue un indicateur. On constate sans surprise que les titres les plus sûrs, parce qu'ils sont distribués sont les bulletins officiels des diverses obédiences: c'est le cas du Bulletin du Grand Orient de France de 1844, qu'on peut considérer comme la reprise de L'état du Grand Orient de France, commencé en 1776. Après 1896, il se présente sous la forme d'un Compte rendu des travaux du Grand Orient de France puis, finalement, de Compte rendu aux Ateliers de l'Association des Travaux de l'Assemblée Générale-publication à usage interne et qui ne bénéficie d'aucun dépôt légal; c'est le cas aussi du Bulletin trimestriel de la Maçonnerie mixte en France et à l'étranger, fondé par Georges Martin* qui est l'organe de la fédération française du Droit Humain*. On peut citer les bulletins officiels de L'Alpina* ou de la Grande Loge*, ou les publications des divers Suprêmes Conseils: le Bulletin du Grand Collège des Rites, pour le Grand Orient* et Ordo ab chaos pour la Grande Loge... En règle générale, cette presse est instable et on compte nombre de publications éphémères qui ne durent guère plus d'un printemps. 57 titres-soit près d'un quart des publications recensées-ne dépassent pas une année, et la plupart des titres disparaissent après trois ans: citons L'Étoile maçonnique, publiée à Rouen par le frère Isabelle, qui ne connaît que trois numéros en 1849; L'Ouvrier Franc-maçon, organe de la Grande Loge Nationale qui était une scission du Suprême Conseil du Rite Écossais*, qui paraît en 1851, ou encore La Truelle, qui parut de mars 1888 à février 1889.
Chronologiquement, L'État du Grand Orient (commencé en 1776, abandonné en 1784, repris en 1804 et supprimé en 1807) peut être considéré comme l'ancêtre des journaux maçonniques. Il est suivi de près par le Tribut de la Société des Neuf Sœurs*, émanation de la loge* du même nom, qui paraît de 1790 à 1792. Publication de type académique, elle constitue la première tentative d'extériorisation d'une loge qui avait eu à en découdre avec le Grand Orient. Le Miroir de la vérité du frère Abraham, paraît de 1800 à 1808; il se veut le vecteur du Rite Écossais Ancien et Accepté* qui fait alors son entrée sur le continent. Suivent les Annales maçonniques qui paraissent de 1807 à 1810. À partir de 1818 Chemin-Dupontès* donne une Encyclopédie maçonnique en trois volumes, puis c'est au tour du frère Joly qui publie une Bibliothèque maçonnique en cinq livraisons. En 1829, paraît L'Abeille maçonnique, journal hebdomadaire, dont 113 numéros ont été conservés. Citons, pour la même époque, d'autres publications plus éphémères, Hermès ou Archives maçonniques de Ragon de Bettignies, Le Globe, de Louis Théodore Juge (1839), et, finalement, la Revue historique scientifique et morale de la Franc-maçonnerie (6 numéros de 1830 à 1833) de Timoléon Bègue-Clavel, qui récidive en 1844-1845, avec L'Orient. L'Univers maçonnique du frère César Moreau de Marseille, ne franchit pas le seuil des quatre numéros (1835-1836), et, si les Annales chronologiques, littéraires et historiques de la maçonnerie des Pays-Bas parurent de 1814 à 1828, La Vérité (1837), du frère Champault, ne dura qu'un an.
Le véritable départ de la presse maçonnique date des années 1830-1840, et cette presse est maintenant engagée; d'où les vicissitudes qu'elle connaît. Disons que Le Globe, qui parait de 1839 à 1842 et change de titre à partir de 1840 (Archives des initiations anciennes et modernes), en reprenant le titre de l'ancien organe saint-simonien*, est emblématique de cet engagement. En atteste également la Revue maçonnique de Lyon et du Midi (1838) que le Grand Orient interdit en 1853 au moment de l'Empire autoritaire . Citons, dans le même esprit, Le Flambeau maçonnique, que le frère Mourlane publie à Marseille en 1869 (un seul numéro), et L'Union du Midi qui ne franchit pas le cap d'une année (1876-1877). Cependant la revue Le Franc-Maçon issue de la Révolution* de 1848, tient jusqu'en 1870. La grande revue de l'époque est incontestablement Le Monde maçonnique que publient Louis Ulbach et François Favre de 1858 à 1886. Il s'agit d'une revue qui associe culture, fiction, comptes rendus, informations maçonniques et documents historiques qui sans supporter la comparaison avec la Revue des Deux Mondes est d'une grande tenue, et constitue une source de premier ordre pour le dix-neuviémiste. On pourrait dire presque la meme chose de La Chaîne d'union, publiée d'abord à Londres par des proscrits réunis autour de François Taffery et Eugène Hubert* (1864) puis à Paris, de 1869 à 1890. Revue d'opposition à l'Empire*, elle connut un grand succès puisqu'elle comptait 2 000 abonnés. CitonS aussi L'action maçonnique moins radicale que la précédente, qui était favorable au général Emile Mellinet, lequel avait remplacé Magnan à la Grande Maîtrise; elle parut de décembre 1867 à janvier 1870 Avant d'en venir à l'époque contemporaine on doit signaler plusieurs revues plus - symbolistes comme L'Acacia de Charles Limousin (qui signe sous le pseudonyme d'Hiram*) qui parut de 1901 à 1934 (avec une interruption de 1914 à 1923), et surtout Le Symbolisme, dont le directeur était Oswald Wirth*, qui paraît d'octobre 1912 à septembre 1914. Elle reprend en mars 1920 avec le sous-titre pour le moins édifiant d'Organe d'initiation à la philosophie du grand art de la construction universelle... Suspendue en 1940, elle est reprise par Corneloup* en 1946, puis par Marius Lepage* en 1952. C'est le docteur Morlière qui la dirige après 1968, mais elle a cessé de paraître.
On distingue aujourd'hui une presse maçonnique généraliste et une presse spécialisée historisante ou symboliste et quelques revues hybrides. Dans cet esprit citons les Travaux de Villard de Honnecourt (depuis 1964), dont le directeur a été Frédéric Tristan et qui publie des textes émanant de membres de la Grande Loge Nationale Française*. Dans le même esprit, mais plus historisante, se situent les Cahiers de la Grande Loge Provinciale d'Occitanie que J.-P. Lassalle publie à Toulouse depuis 1985. Les Chroniques d'histoire maçonnique, organe de l'institut d'histoire et d'études maçonniques (IDERM), sont une publication du Grand Orient de France, mais la revue est ouverte aux profanes; elle est la continuation du Bulletin de la Commission d'histoire du Grand Orient de France (1971). Renaissance traditionnelle fondée par René Guilly* en 1970, aujourd'hui dirigée par Roger Dachez, se consacre surtout à l'histoire de l'écossisme mais avec rigueur. L'étude du symbolisme est représentée par La Chaîne d'union, reprise d'un titre ancien sous une forme rénovée, que dirige Pierre Mollier, et, plus confidentielle, la revue Le Maillon. Parmi les revues généralistes, citons Points de vue initiatiques, organe de la Grande Loge de France (directeur Charles B. Jameux) qui en est à son 112e numéro et Humanisme revue des francs-maçons du Grand Orient de France (n° 243, janvier 1999), dont Fred Zeller, l'ancien Grand Maître (1971-1973), a été l'initiateur. Elie tire à 40 000 exemplaires, offre des dossiers sur des thèmes actuels (« Le sport» « Libéralisme et ordre moral », « Croire au progrès »« Mythe et histoire »), des chroniques et de nombreux comptes rendus d'ouvrages. Enfin les Cahiers Leonard de Vinci, revue annuelle, présentent les travaux de la loge du même nom appartenant au Grand Orient de France. Elle traite de philosophie, d'histoire des idées, et de problèmes de société. Trois numéros ont paru à ce jour.
Ch. P.
PRESTON, William
(Édimbourg, 1742 Londres 1818) William Preston est l'unique enfant de William Preston, Writer to the Signet (Rédacteur des Chartes et Lettres Patentes de la Couronne estampillées du Sceau Royal): il fait ses études à l'Edinburgh High School où il perfectionne sa maîtrise du latin et acquiert des rudiments de grec. Ses aptitudes attirent l'attention de Thomas Ruddiman, un éminent grammairien qui en raison de sa cécité, avait besoin d'une plume. Il quitte donc son Collège pour devenir son auxiliaire. En 1751, à la mort de son père il est placé sous la tutelle de son mentor qui le met en apprentissage chez son frère Walther Ruddiman, un imprimeur de la cité. Grâce à sa parfaite maîtrise du métier, il doit publier un ouvrage de son tuteur, Rudiments of the Latin Tongue.
En 1760, il part pour Londres où ses recommandations lui permettent d'intégrer l' imprimerie d' un compatriote, William Straham, auquel il succède en 1785 en tant que directeur associé.
Ses obsèques se déroulent le 10 avril 1818 à l'église Saint-Augustin, située près du cimetière Saint-Paul où un enclos avait été réservé pour ses paroissiens, ainsi que le mentionnent les registres de l'Intendance de la cathédrale Saint-Paul à cette date.
Au début des années 1760, un groupe de maçons écossais établis à Londres obtient une patente de la Grande Loge des Anciens* sous le numéro 11. William Preston fut ainsi le second initié de cet atelier, probablement le 20 avril 1763. Toutefois, mécontents de leur statut, ils rejoignent les Modernes* et créent, le 15 novembre 1764, la Caledonian Lodge n° 325 (aujourd'hui n° 134).
Maçon particulièrement assidu, il s'affilie à de nombreux ateliers. Ainsi, entre 1768 et 1774, il occupe la chaire de la Philanthropic Lodge. Devenu Député Grand Secrétaire en 1776, il rédige un appendice pour l'édition de 1778 des constitutions.
««parallèlement, dans le cadre de ses recherches rituelles, William Preston pro nonce, le 21 mai 1772, devant un aréopage de grands officiers et de maçons éminents, la « Gala Conference » portant sur le premier grade. Cette initiative est complétée par la publication des illustrations of Masonry, vaste ensemble structuré englobant l'histoire et la pratique du métier avec un appendice incluant notamment les discours et les prières en usage dans les ateliers. En outre des conférences spécifiques, pour les deuxième et troisième degrés, sont éditées dés 1774.
Pour diffuser sa réforme rituelle, il constitue ensuite l'Ordre des Harodim qui fonctionne entre 1791 et 1801. Des aide-mémoires successifs les Pocket Books de 1790 (premier degré) et 1792 (second degré) complétés par les Syllabus Books de 1796-97 (premier et deuxième degrés) et 1813 (troisième degré) furent d'ailleurs élaborés à cette intention.
Parmi les participants à la « Gala Conference », se trouvent notamment John Bottomley et John Noorthouck, respective ment Maître et let Surveillant de la Lodge of Antiquihy, un atelier autrefois prestigieux en proie à une grave crise d'identité. William Preston en devient aussitôt un visiteur assidu puis, le 2 juin 1774, il en est élu maître. Par son dynamisme il sait rétablir la préséance de cette loge, « dite de temps immémorial », au sein de la Grande Loge des Modernes, ainsi qu'en témoignent la majorité des frères lors de la tenue* d'octobre 1776 en dépit de l'hostilité et de la jalousie de Bottomley et de Noorthouck.
Le 27 décembre 1777, lors de la célébration de la Saint-Jean d'hiver William Preston et quelques frères conservent leurs dé cors pour se rendre de l'église St-Dunstan dans Fleet Street, à la taverne du banquet. Ils essaient de justifier cette entorse au Règlement Général en s'appuyant sur les usages particuliers de la Lodge of Antiquity. Ils sont néanmoins expulsés par les Modernes le 29 janvier 1779.
Ils obtiennent alors de la Grande Loge d'York* l'autorisation de fonder la Grand Lodge of England South of the River Trent dont William Preston devient Député Grand Maître. La nouvelle structure périclite rapidement. Aussi, après sa disparition, ils peuvent réintégrer, en 1790, la Lodge of Antiquity où William Preston est reconduit chaque année dans sa charge de Député Maître. Sa dernière visite à l'atelier se déroule d'ailleurs pour la cérémonie d'installation* du 17 janvier 1816.
Dans son testament William Preston laisse 300 livres pour rétribuer « un maçon érudit de prononcer, chaque année, une conférence sur les premier, deuxième et troisième grades de l'ordre de la Maçonnerie selon le système en vigueur dans la Lodge of Antiquity sous son Vénéralat». Le premier conférencier, désigné par le duc de Sussex, est un de ses proches, Stephen Jones, Passé Maître de l'atelier. Ces Prestonian Lectures durèrent jusqu'en 1862. Réveillées en 1925, elles portent désormais sur l'histoire de la franc-maçonnerie*.

F.D.
PRICE, Henry
(Londres, 1697-Boston 1780) Henry Price est souvent considéré comme le père de la franc-maçonnerie* aux États-Unis*. On ignore pourtant où et quand il fut initié. C'est en 1730 qu'il figure sur la liste des membres de la loge* n° 75 de Londres réunie au Rainbow Coffee House, un lieu particulièrement sobre pour l'époque. Alors que la majorité des loges se réunissaient dans des tavernes celle ci avait jeté son dévolu sur une « maison du café » car la bourgeoisie londonienne affectionnait ces lieux à la mode. On sait aussi que, le 30 juin 1733, le Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre, le vicomte Montagu, lui accorde une patente pour constituer, en tant que Grand Maître Provincial la loge St. John future Grande Loge St. John du Massachusetts*. À partir de 1734, il est considéré comme Grand Maître Provincial de toute l'Amérique, ce que la Grande Loge de Pennsylvanie avec Benjamin Franklin* à sa tête ne voit pas d'un très bon œil. On le trouve à plusieurs reprises a la tête de la Grande Loge St. John, de ] 733 à 1737 puis de 1740 à 1743, en 1754-1755 et enfin en 1767-1768. En Amérique. Price, tailleur de son métier, a ouvert un magasin de confection à Boston. Major dans la troupe du gouverneur, retiré du commerce en 1750 pour se lancer peu après dans la spéculation immobilière puis installé à Townsend en 1760, il se trouve à la tête de plusieurs petits commerces et de quelques usines. La Grande Loge du Massachusetts a longtemps honoré sa mémoire en décernant la médaille Henry-Price, la plus haute distinction maçonnique par elle attribuée. Lorsque débute la Révolution américaine* (1763), Henry Price est déjà bien âgé, mais il semble soutenir la lutte de la Nouvelle-Angleterre contre la métropole britannique.
B. R.
PRIEUR,
dit de la Marne, Pierre-Louis (Sommesous, 1756- Bruxelles, 1827) Pierre-Louis Prieur, né dans la Marne, se rend en 1772 à Reims pour y poursuivre des études de droit il y reste jusqu'en 1775. Cette année-là, il est reçu avocat au Parlement de Paris, mais la mort de son père le fait revenir à Châlons. Il y devient administrateur du collège lieutenant général du bailliage seigneurial du quartier de Saint-Pierre^aux-Monts, tout en assurant sa charge d'avocat. C'est pendant ces années qu'il aurait rencontré, une première fois, la franc-maçonnerie*. Avant 1789, il serait en effet membre de La Bienfaisance châlonnaise (Châlons sur-Marne). Aucune source ne fournit cependant de renseignements sur son affiliation.
Député du Tiers État du bailliage de Châlons en 1789, il faut attendre la fin de l'année 1789 pour l'entendre soutenir régulièrement les positions de la gauche de la Constituante. Il fait figure de spécialiste des questions financières. La fuite du roi le fait évoluer vers des positions radicales: il veut que le nom du souverain soit supprimé dans la formule du serment de fidélité à la Constitution et, parallèlement, il demande la mise en jugement du comte de Provence futur Louis XVIII. Au même moment il préside les jacobins et se montre un farouche partisan de la réunion d'Avignon à la France.
Élu en octobre 1791 président du tribunal criminel de Paris et substitut du procureur général syndic du département de la Marne, il doit choisir entre ces deux mandats et opte pour le second. Procureur syndic pendant un an, on le retrouve membre de La Triple Union de Reims (1792). Néanmoins, le 10 août 1792 met fin à cet épisode puisqu'il est envoyé par son département pour siéger à la Convention, en septembre 1792. Il était le premier élu des 10 députés du département de la Marne.
Dès son retour dans la capitale la nouvelle assemblée l'envoie en mission dans son département, puis à Verdun, dans le Loiret, et enfin dans l'Ouest pour lutter contre les fédéralistes (juin juillet 1793).11 joue un rôle important contre les rebelles caennais. Auparavant, il a voté la mort du roi, contre l'appel au peuple et contre le sursis.
L'été 93 lui apporte la consécration politique puisqu'il est élu, le 10 juillet, au Comité de salut public. Il ne reste à Paris qu'un mois avant de reprendre la route vers l'Ouest (Brest, Vannes, Lorient. Rennes et Nantes). Il affirme son autorité et il est présent lors de l'écrasement des Vendéens au Mans le 13 décembre 1793. Après avoir séjourné à Brest, il se rend à Toulon. Prieur ne regagne Paris que le 13 Thermidor an II. Il apprend alors qu'il a été remplacé au Comité de salut public car, absent de Paris pendant II mois il n'a pu suivre l'évolution de la situation. Resté le montagnard de la première heure, il est réélu au Comité de salut public le 15 vendémiaire an III (6 octobre 1794) et y siège jusqu'au 15 pluviôse an III(3 février 1795). La Convention thermidorienne le choisit comme président du 1er au 19 brumaire an III (22 octobre novembre 1794), mais il est rapidement dénoncé par les contre-révolutionnaires. Par la suite, il ne renie pas ses engagements antérieurs et, lors des émeutes de germinal, Prieur se joint à la foule le 12 pour réclamer du pain et la libération des jacobins arrêtés depuis Thermidor. Le 1er prairial, il se trouve de nouveau aux côtés des émeutiers et est nommé par les conventionnels de gauche membre du comité de défense aux côtés de Duquesnoy, Romme, Bourbotte et Duroy. Tentant de s opposer à I entrée de la troupe au sein de la Convention, il est décrété d'arrestation mais s échappe et demeure introuvable jusqu'à la fin de la session Amnistié en brumaire an IV (octobre 1795) mais inéligible, il reprend sa carrière d'avocat à Paris. En 1799, il est toutefois nommé administrateur des hospices civils et administrateur du Mont-de Piété jusqu'en 1803, avant de retourner à sa profession d'avocat.
Après avoir adhéré au cours des Cent Jours à l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire*, il est frappé par la loi du 18 janvier 1816 contre les régicides et il s'exile. Il renoue alors avec les activités maçonniques. Retiré à Bruxelles on le voit adhérer, comme bien d'autres anciens conventionnels, aux Amis Philanthropes, une loge du Grand Orient de Bruxelles. Il devient même, en 1817 membre du Suprême Conseil. Orateur dé la loge, il est l'auteur de nombreux discours où il montre son attachement aux idéaux révolutionnaires et sa volonté d'apaisement, d'autres conventionnels exilés ayant été girondins, autour de la défense d'un idéal commun. Il vit à la limite de la misère. Sieyès lui aurait souvent apporté des secours financiers, il meurt à Bruxelles le 30 mai 1827. Il n'a pas bénéficié, comme quelques régicides choisis par Louis XVIII et le duc Decazes*, de l'autorisation de regagner la France en 1819-1820. Ses anciens collègues se cotisent pour payer son enterrement.
C.L.B.
PRINCE HALL
(1735 ? -Boston, 1807)
On ne connaît pas la date et le lieu de naissance précis de Prince Hall. On pense qu'il était originaire de la Barbade. Certains le font naître en 1735 d'autres en 1738 ou encore en 1748 ! La chose est peu étonnante étant donné qu'il s'agit d'un esclave. Il est placé au service de William Hall, en 1749, lequel lui «transmet » son nom, les esclaves perdant généralement le leur pour recevoir celui de leur maître.
En avril 1770, un mois après le massacre de Boston, William Hall émancipe son esclave. Converti au méthodisme en 1774 Prince Hall devient bientôt prédicateur et, en 1775, il est initié par une loge* militaire irlandaise, rattachée au régiment du général Gage, en compagnie de 14 autres Noirs de Boston. Cela ne l'empêche pas d'épouser la cause des Insurgents en 1776, et de s'engager dans l'armée de Washington*. Il parvient même à convaincre ce dernier de recruter des soldats noirs, ce qui procure 5 000 hommes à son armée continentale. Mais pour l'heure en 1775, il crée la première loge noire d'Amérique, l'African Lodge. Il n'obtient pas de reconnaissance officielle dans un premier temps puisque la Grande Loge du Massachusetts* la lui refuse. Ce n'est que le 6 mai 1787 que l'African Lodge reçoit une patente en bonne et due forme, et figure sur le registre de la Grande Loge d'Angleterre (Moderne) sous le numéro 459. Un an après la mort de Prince Hall, la Grande Loge Africaine prend le nom de son fondateur et devient la Grande Loge Prince-Hall.
Prince Hall ne limita pas son action au domaine maçonnique. Outre l'appel qu'il lança en faveur de l'armée continentale, il tenta de défendre la cause des Noirs et, en 1777, il adressa une pétition contre l'esclavage à la Cour de justice du Massachusetts. Il eut aussi l'initiative de la première école noire de Boston, en 1800.
C. R.
PROTESTANTISME
I. Franc-maçonnerie et protestants en France au XVIIIe siècle
II. Franc-maçonnerie et protestantisme en France (XIXe-XXe siècle)
Protestantenbonds Nederlandse,
Protestantisme
Protestantse Kerk van België

1. Franc-maçonnerie et protestants en France au XVIIIe siècle
Les Constitutions* de 1723 et de 1738 largement inspirées par la New Philosophy de la Royal Society posent clairement le temple* maçonnique comme un havre de paix religieuse et civile dont seuls les provocateurs et les hérétiques sont bannis. Par la suite nombre de pionniers de L'ordre ont caressé l'espoir de faire de la commune appartenance à la francmaçonnerie* le vecteur privilégié d'une rencontre entre chrétiens des différentes confessions. L'idée que les bornes du cosmos rnaçonnique sont celles de la chrétienté est d'ailleurs largement majoritaire. Mais la franc-maçonnerie a-t elle vraiment réussi à échapper aux fractures confessionnelles qui continuent à diviser l'Europe chrétienne au XVIIIe siècle ? Les différences d'appartenances confessionnelles son telles surmontées, tues ou au contraire revendiquées ? L'Art royal* constitue-t-il en ce domaine une école d'ouverture à l'autre, d'acceptation de la différence, ou le temple n'est-il le théâtre que d'une certaine tolérance ?
Les indices d'une forte présence protestante, d'origine régnicole, dans les loges* maçonniques françaises existent avant l'édit de Tolérance de 1787, aussi bien à Marseille, qu'à Nîmes, Bordeaux* Sedan Strasbourg, Nantes La Rochelle et à Caen, où la loge Union et Fraternité confie régulièrement le maillet aux négociants huguenots. La fraternité présente l'intérêt d'offrir la possibilité à un groupe minoritaire de conserver son identité et ses valeurs, de se souder encore davantage sans l'enfermer dans un ghetto. Singulière alchimie qui permet le retour sur soi par l'ouverture aux autres. Certains rituels maçonniques comme celui de Souverain Prince Rose-Croix* auraient même pu permettre aux protestants de communier en toute quiétude sous les deux espèces. Pour autant, les relations que catholiques et protestants entretiennent au sein du temple maçonnique accréditent-elles le concept de « société neutre » forgé par Jacob Katz, ou au contraire doivent elles conduire à le refuser - sachant qu'il n'est pas opérant pour caractériser les relations entre juifs* et francs-maçons ?
On ne trouve pas dans les archives* maçonniques de texte discriminatoire à l'encontre des protestants. En revanche, dans un contexte profane peu favorable, les loges maçonniques françaises ont fait preuve d'une grande discrétion au sujet de la présence de protestants régnicoles sur leurs colonnes*. Toute autre attitude aurait été périlleuse pour l'Ordre, structure en marge de la sociabilité légitime et patentée. Sur les tableaux* de membres ne figure aucune mention de l'appartenance confessionnelle, alors qu'elle figure en bonne place sur les tableaux des loges allemandes. En France, les seules mentions d'appartenance confessionnelle concernent parfois les étrangers, qu'aucun interdit ne frappe. La discrétion se voit aussi par l'absence dans les archives des loges, pour lesquelles une présence protestante forte, voire majoritaire est attestée, de toute référence à un autre culte que le culte catholique . La discrétion des francs-maçons doit être rapprochée de leur attention à ne pas froisser, à ne pas choquer les représentants des différentes confessions, majoritaires autant que minoritaires, par l'affirmation sans retenue de leur foi et l'exaltation d'une franc-maçonnerie chrétienne trop ouvertement influencée par leur appartenance confessionnelle. Comme le reconnaît un franc-maçon devant le tribunal de l'inquisition* de Lisbonne: « Il était défendu de parler de religion car il y avait des catholiques et des hérétiques, on évitait donc toute discussion qui aurait pu altérer la bonne entente. » Pour les mêmes raisons, L'Aimable Concorde, orient de Rochefort, prévoit dans son règlement intérieur de 1774 de dispenser ses membres protestants d'assister à la messe en l'honneur de saint Jean Baptiste. Ces efforts pour « neutraliser " le temple sont d'autant plus indispensables que les protestants qui s'affilient à la franc-maçonnerie ne sont pas prêts à payer leur intégration dans une structure de sociabilité avenante et leur insertion dans un riche tissu de relations humaines sociales et spirituelles, du prix de leur identité.
Pour autant, il ne faut pas imaginer que les relations entre francs-maçons catholiques et protestants sont parfaitement harmonieuses et sans nuages. La crise du crypto catholicisme dans les pays germaniques qui tourne vite à la psychose du complot papiste visant à la conversion des princes protestants et à l'étouffement du protestantisme, psychose largement entretenue par la presse et les écrits de Bode* ou de Bonneville, ne pouvait pas ne pas détériorer les conditions du dialogue entre catholiques et protestants au sein de la franc-maçonnerie chrétienne par excellence, celle de la Stricte Observance*. Pour les tenants de la thèse du complot les jésuites ont entrepris d'investir les loges maçonniques et les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte sont leurs agents. Loin de lever les soupçons, les gages de bonne intention et de tolérance que donne Willermoz* à ses frères protestants n'y changent rien. Ils sont d'ailleurs contredits par des réactions violentes perçues par ses intellectuels comme de vraies provocations. Quant à Joseph de Maistre*, s'il soutient que l'Ordre est prédisposé par sa nature cosmopolite et chrétienne à prendre en charge la réunion des Églises chrétiennes, à s'investir dans le projet œcuménique qui s'affirme depuis la fin du XVIIe siècle il multiplie les maladresses écrivant notamment: « Quant aux calvinistes s'ils sont de bonne foi, ils doivent convenir qu'ils ont étrangement défiguré le christianisme. Ainsi, c'est à eux de nous faire des sacrifices..» En fait de part et d'autre, on est encore bien loin de la tolérance et du respect de la différence. La sérénité des discussions est perturbée par les retombées de la crise du crypto catholicisme. L'atmosphère devient franchement délétère et les conversions au catholicisme de plusieurs francs-maçons protestantS de premier plan, tel Bacon de la Chevalerie* ne sont pas pour rasséréner les protestants. L'antagonisme religieux et l'incompréhension de l'autre prennent alors le pas sur la tolérance et la fraternité maçonniques.
P.-Y. B.

II. Franc-maçonnerie et protestantisme en France (XIXe-XXe siècle)
En France, jusqu'à l'édit du 17 novembre 1787, tout Français est ipso facto catholique. On remarque que l'un des premiers griefs adressés par les autorités civiles françaises à la maçonnerie est d'être mâtinée de protestantisme, même si, dans les faits, la franc-maçonnerie française adolescente accueille surtout des protestants étrangers, notamment dans la célèbre loge Coustos-Villeroy* ou dans de prestigieuses loges provinciales comme L'Anglaise, sise à Bordeaux, immatriculée sous le n° 204 sur les registres de la Grande Loge de Londres (1732).
Néanmoins, par deux fois, elle subit des tentatives de catholicisation, sous la Grande-Maîtrise de lord Darwentwater (1736-1738) dans le contexte du conflit entre stuartistes catholiques et orangistes protestants, et en 1755 avec la rédaction des « Statuts dressés par la respectable loge de Saint-Jean de Jérusalem de l'orient de Paris gouvernée par le très haut et très puissant seigneur Louis de Bourbon comte de Clermont, prince de sang, Grand Maître de toutes les loges régulières de France, pour servir de règlement à toutes celles du royaume ». Dans les 44 articles du texte, la volonté de catholiciser l'Ordre est en effet évidente: admission des seuls profanes « craignant Dieu et ayant le baptême... » (art. Il); réunions les dimanches ou jours de fête « les offices divins étant finis » (art. 15)« messe en habits décents, gants et bouquets blancs..» pour la Saint-Jean (art. 29) et « service des morts pour le repos des âmes des maçons décédés..» (art. 30) Ce changement de climat s'explique par l'arrivée aux commandes de la Grande Loge* de la bourgeoisie parisienne catholique, gallicane et jansénisante. La présence protestante reste effective dans les loges d'origine anglo saxonne et leurs « filles », mais aussi dans de nombreux centres maçonniques de province indépendants de Paris (Bordeaux, Caen ou Marseille). À Sedan existe une loge huguenote (La Famille unie). A Montauban, l'orient se divise en trois ateliers sur des bases confessionnelles. A Nîmes où les protestants sont majoritaires dans l'Art royal si les stratégies diffèrent, le pouvoir d'attraction des loges sur les huguenots est évident. Antoine Court de Gébelin* (1724-1784), le fils du ré organisateur des Églises réformées de France après la guerre des camisards, pasteur puis professeur de philosophie et de morale au séminaire de Lausanne sillonnant la France protestante utilise d'ailleurs le réseau maçonnique. Président du Musée, il est secrétaire des Neuf Sœurs* et fonde une société paramaçonnique dite de L'Étoile dont le but est de former l'esprit, de corriger et de perfectionner le cœur de ses membres.
L'influence du protestantisme sur les hauts grades* reste plus difficile à déterminer :'on note cependant la présence réelle d'un certain nombre de luthériens alsaciens dans la Stricte Observance. Certains jouent un rôle à Wilhelmsbad (1782). C'est le cas de Lavater*, Frédéric Saltzmann, des frères Turckheim. Bernard, futur maire de Strasbourg et président du consistoire luthérien de cette ville, loin de l'œcuménisme chrétien de l'assemblée, goûte peu les supposés papistes des projets de Willermoz*.
Si pendant la Révolution* protestants et francs-maçons semblent avoir fait preuve majoritairement d'un patriotisme et d'un anti jacobinisme communs (l'exfrère Jean Bon-Saint-André est une exception), c'est sous le Consulat dans un pays bouleversé par les institutions révolutionnaires, que protestantisme et franc-maçonnerie vont consolider leurs relations. Il est vrai qu'ils sont intégrés à l'État. Les Églises protestantes le sont de manière officielle avec les « articles organiques des cultes protestants » (le 8 avril 1802), alors que la maçonnerie l'est de façon officieuse par l'enrégimentement par le système napoléonien. On compte alors 3 000 protestants francs-maçons. Le cléricalisme de la Restauration rapproche huguenots et émules d'Hiram*. Le gros millier de francs-maçons protestants se retrouve majoritairement dans la mouvance du libéralisme*.
Après 1840, des affinités philosophiques se superposent à cette sensibilité politique commune: les maçons manifestent une sympathie envers les protestants parce que ceux-ci sont minoritaires et qu'ils furent autrefois persécutés; l'homme-protestant, archétype de la rigueur morale et sociale et de l'excellence, suscite un certain enthousiasme même si celui-ci a pour limite la rareté de l'adhésion des maçons au protestantisme. La conversion du frère E. Réveillaud n'est guère imitée. En fait, la bienveillance des loges porte plus sur le protestantisme comme « religion laïque » et sur les qualités morales prêtées aux réformés que sur les Églises protestantes. Le philo protestantisme est le contre point de l'antipathie des maçons à l'égard du catholicisme romain.
Néanmoins, les affinités entre protestants libéraux (F. Buisson, A. Coquerel, J. Martin-Paschoud) et libres penseurs maçons spiritualistes (H. Carle C. Fauvety*, P.-L. Riche Gardon*) sont à la mesure des divergences entre les « évangéliques » (orthodoxes) et la « gauche " maçonnique libre-penseuse matérialiste. Cette dernière devient majoritaire dans les premières années de la Troisième République au sein des loges. A la même époque, une partie des maçons protestants va évoluer vers l'agnosticisme (Desmons* Steeg...), voire I athéisme (A. Dide E. Reclus...) alors que nombre d'entre eux avaient été auparavant partisans d'une maçonnerie (( spiritualiste " (E. Rebold, G. Ganrisson, M. Nicolas).
Dans les trois dernières décennies du XIX' siècle les 2000 à 3000 maçons protestants jouent un rôle important dans le renforcement de l'état républicain et la laïcisation de l'enseignement, la figure emblématique de la double appartenance (Art royal-protestantisme) étant celle de Desmons.
Mais, à la fin du siècle, un fort courant antireligieux se manifeste au sein des loges. En 1902, le rapport de la commission de propagande du Grand Orient de France* affirme que «les principes maçonniques de tolérance et de liberté absolue de conscience ne peuvent être appliqués que par des hommes dégagés de toute attache avec les religions, toutes les religions étant par leur essence même intolérantes et oppressives ». Lorsqu'en 1910, le pasteur de Lons-le-Saunier demande son admission à La Prudente Amitié (Grand Orient), les frères lédoniens trouvent la démarche saugrenue et sollicitent l'avis (favorable) de la rue Cadet. L'affaire de Madagascar est également révélatrice d'un refroidissement. En 18951896, Victor Augagneur maçon et successeur de Galliéni au poste de gouverneur, s'inquiète de l'activité de missions protestantes soupçonnées d'être anglophiles et anti laïques. Des mesures sont prises contre elles. Les missions obtiennent l'appui de parlementaires, comme de Pressensé, président de la Ligue des Droits de l'Homme*, ou de Réveillaud conseiller de l'Ordre du Grand Orient. L'affaire est portée devant le convent* qui adopte une motion flétrissant « nos alliés dans la défense du régime laïque [qui] n'en restent pas moins fervents adeptes d'une secte religieuse et ne considèrent l'anticléricalisme que comme un moyen d'affaiblir le catholicisme romain au profit des orthodoxies bibliques ou judaïques ». L'affaire n~aura pas de suite et déçu, Augagneur quitte la franc-maçonnerie
À la fin des années 1910, les protestants qui avaient jadis contribué à laïciser la franc-maçonnerie cherchent désormais à lui redonner une spiritualité. Ribaucourt* tente, en 1910 1913, de réveiller le Régime Écossais Rectifié* au sein du Grand Orient mais le Convent de 1913 refuse d'autoriser sa loge, Le Centre des Amis, à travailler « à la gloire du Grand Architecte*». Il part alors vers la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière, obédience fondée avec l'aide de L'Anglaise (Bordeaux) une loge qui, depuis accueille des notables réformés inquiets de l'évolution « laïciste " du Grand Orient. Cette démarche de « respiritualisation »se poursuit jusqu'à nos jours dans presque toutes les obédiences.
Dans l'entre-deux-guerres, deux faits nouveaux se sont fait jour. Le premier recouvre l ' apparition d'un anti maçonnisme protestant cantonné dans la frange la plus droitière du protestantisme (la trés royaliste association Sully et l'hebdomadaire La Vie nouvelle de L. Lafon). Le second se caractérise par le fait que plusieurs maçons cherchent à mieux comprendre le protestantisme. L'approche peut rester critique; Lantoine, conseiller Fédéral et bibliothécaire de la Grande Loge, écrit en 1925: « L'opinion générale est que les fondateurs de la franc-maçonnerie ont voulu créer un lien entre les cultes [...]; la nôtre est qu'ils voulurent surtout trouver un terrain neutre en attendant de pouvoir y faire prédominer l'influence protestante [...] . C'est pourquoi les obédiences anglaises refusent aujourd'hui de pactiser avec leurs sœurs latines. "
En revanche, Bedarride, plusieurs fois conseiller de l'Ordre, est plus nuancé dans son examen des diverses familles issues de la Réforme (1926). Selon lui le luthéranisme n'est pas " incompatible avec nos directives maçonniques, mais en général, ses mouvements sont paralysés par une interprétation insuffisamment libérale de la vie religieuse [...] ». Sa sympathie va principalement à W. Channing (1780-1842) et à R. Emerson (1803-1882), figures de proue du « transcendantalisme ». Il conclut: « La maçonnerie serait très exactement [...] un supra-unitairisme philosophique et scientifique, ce qui cadrerait fort bien avec les données de ses origines et l'avenir de son développement. »
Aujourd'hui, les zones à forte implantation protestante sont souvent maçonnisées, mais la diaspora maçonnique et la multiplication des Églises et des courants eu protestantisme en France rendent un peu plus complexes les rapports entre protestants et maçons. On trouve des pasteurs, des professeurs de théologie et des responsables d'associations protestantes dans presque toutes les obédiences Des courants ou Églises protestantes fondamentalistes, ou évangéliques manifestent u:ne hostilité plus ou moins vive à l'égard de la franc-maçonnerie, tandis que quelques maçons regardent moins favorablement le protestantisme, notamment depuis la collaboration entre la Fédération Protestante et la Ligue de l'Enseignement* sur la laïcité ouverte. Néanmoins les protestants lato sensu demeurent largement sur-représentés dans la maçonnerie française et les contacts sont plutôt bons. On peut même noter un regain d'intérêt réciproque d'autant que maçons et protestants se retrouvent dans des combats communs. En 1985, les obédiences maçonniques signent ensemble (sauf la Grande Loge Nationale Française*) la déclaration contre l'intolérance et la xénophobie avec les représentants des grands courants religieux français.
En trois siècles d'existence parallèle protestantisme et maçonnerie française ont vécu des rapports complexes. Par leur organisation (structures fédératives et démocratiques, absence de magistère souveraineté de la loge ou de l'Église locale exécutif élu et révocable, réunions nationales périodiques comme les synodes et les convents), leur méthode (libre examen, tolérance relativisme doctrinal expression symbolique) et leurs objectifs (individualisme universel, idéal de fraternité, recherche de la vérité, quête spirituelle) voisins, ces deux familles entretiennent des rapports originaux assez uniques. Dans le monde, les situations ne sont pas toujours identiques à celle-ci et, paradoxalement, c'est dans le monde anglo-saxon que les rapports entre la francmaçonnerie et quelques Églises protestantes se sont forte men t détériorés.
Y. H.M.
PROUDHON, Pierre Joseph
(Besançon, 1809-Paris, 1865) Fils d'un tonnelier du faubourg Battant de Besançon et d'une cuisinière, garçon de cave puis garçon vacher, Proudhon apprend à lire à l'école mutuelle fondée par une dynastie de francs-maçons bisontins (les Ordinaires). À 12 ans une bourse d'externat lui permet de fréquenter le collège qu'il quitte pour travailler. Il devient en 1827 typographe, correcteur d'imprimerie; il entreprend son Tour de France puis obtient le baccalauréat car, en 1838, une bourse de l'Académie de Besançon (la pension Suard) lui permet de reprendre des études.
Il se fait connaître par sa réponse sulfuruese en juin 1840 à une question posée par l'Académie de Besançon, même si son mémoire,«La propriété c'est le vol» prend la défense de la petite propriété. Dans deux autres mémoires Proudhon critique le fouriérisme de Considérant. La propriété lui apparaît alors comme un obstacle à la réalisation de l'égalité dans le domaine économique.
En 1843, devenu commis dans une entreprise Iyonnaise de batellerie il s'initie au mutuellisme, fréquente les milieux révolutionnaires et, au cours de séjours à Paris, se lie avec Herzen, Bakounine* et Marx. Il publie en 1846 Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, qui provoque une brillante réponse de Marx sous le titre Misère de la philosophie. C'est à cette époque, au cours d'un passage à Besançon, le 8 janvier 1847, qu'il est reçu dans une loge de filiation chrétienne résultant d'une tentative de réveil du Régime Écossais Rectifié*, Sincérité, Parfaite Union et Constante Amitié Réunies. Elle professe un déisme d'inspiration évangélique que Proudhon déteste, mais il y est entré parrainé par son oncle Melchior Proudhon prêtre constitutionnel défroqué devenu président local du Club des jacobins. Ancien Très Sage du chapitre de La Constante Amitié, 90° du Rite de Misraïm, ce dernier est âgé de 80 ans.
Chaque candidat devant répondre par écrit, avant le déroulement de la cérémonie, à trois questions sur le devoir de l'homme envers Dieu, envers ses semblables et envers lui-même et rédiger un testament, Proudhon répond à la première question: « la guerre ».
Invité à se justifier sous le bandeau* il aurait répondu, selon le procès verbal: « Oui, nous devons faire la guerre à Dieu: il se dit le seul parfait. Pourquoi ne parviendrons-nous pas à la même perfection ? Et jusque-là nous devons lui faire la guerre et lui prouver que, par notre travail et nos constants efforts dans la science de la vie nous devons atteindre au même degré de perfection». Bien que cette explication ait été mal comprise, les auditeurs auraient apprécié la vigueur de la réponse.
Installé à Paris en 1847, Proudhon lance avec Charles Fauvety* Le Représentant du peuple, un journal qui reprend vie après la Révolution* de 1848, et publie le 18 mai un projet de « banque du peuple». Ce défenseur passionné du « droit au travail» est élu à l'Assemblée constituante, dans la Seine, le 5 juin 1848.
Il ne prend pas parti pendant les journées de Juin. Son journal est remplacé par Le Peuple une tribune pour les associations ouvrières qui appelle à voter pour Raspail aux présidentielles de décembre, critique la gauche rolliniste et se préoccupe surtout de la question sociale.
Proudhon assiste en spectateur au coup d'État du 2 décembre 1851 et regrette qu'une alliance n'ait pu se constituer entre la Montagne et le prince-président, mais il sera bientôt déçu par l'orientation cléricale de l'Empire*. Il reprend son activité d'écrivain, en 1857, avec Le Manuel du spéculateur a la Bourse où il oppose la féodalité industrielle aux associations ouvrières ou de petits artisans et surtout, en 1858, avec De la justice dans la Révolution et dans l'église, dédié au cardinal Matthieu, archevêque de Besançon.
Il y précise la nature de son « antithéisme ». S'il ne se prononce pas sur l'inconnaissable, il combat le théisme, c'est-à-dire l'idée d'une intervention divine dans les affaires de l'humanité d'où ne peut résulter que le mal. Il définit la démocratie comme l'application de la justice aux choses de la politique et le socialisme comme son application à celles de l'économie. Dans le premier des chapitres consacrés au travail, Proudhon insère une réflexion novatrice sur la franc-maçonnerie*. Celle des quarante-huitards ne lui convient pas: il considère en effet le déisme rousseauiste comme un « pied-à-terre » provisoire pour ceux qui ont abandonné la foi de leurs ancêtres, que le but de l'institution n'est ni la bienfaisance, ni la tolérance désormais entrée dans le bien public ni un secret bien éventé. Selon lui, elle « n'affirme rien que la raison ne puisse clairement comprendre et ne respecte que l'humanité » est fondée sur un « rationalisme tolérant » et substitue « l'idée positive » à la métaphysique. Le Grand Architecte de l'Univers* n'exige selon Proudhon ni autel ni sacerdoce, ni culte. Il suffit pour être maçon, d'aimer la vérité de pratiquer la justice de servir ses semblables. En outre, la symbolique maçonnique, devenue celle de la Révolution, est fondée sur l'idée d'équilibre universel matérialisée par le ternaire fil à plomb-niveau* -équerre* et personnifié par le Dieu des maçons qui dans l'ordre moral, est la Justice. Il oppose la formulation: « À la gloire du Grand Architecte de l'Univers »au Ad majorem Dei gloriam des jésuites. Cette conception audacieuse répond à l'attente de la nouvelle génération anticléricale et républicaine qui se presse dans les loges quand l'Empire se libéralise. Les thèses de De la justice dans la Révolution et dans l'Église vont être diffusées dans les ateliers et « maçonniqées» par son disciple et exécuteur testamentaire Marie Alexandre Massol* et ses amis du Monde maçonnique qui assignent, comme objectifs à l' institution , la définition d'une morale néo-kantienne indépendante des religions, la défense des prolétaires, la liberté absolue de conscience.
Poursuivi après la publication de cet ouvrage Proudhon s'exile en Belgique où il aurait encore visité quelques loges. Il rentre en France en 1862, défend en 1863 le principe des candidatures ouvrières et meurt en 1865. La plupart de ses disciples immédiats comme Vabsenter et Duchêne (à l'exception de Darimon) et de nombreux militants ouvriers proudhoniens comme Charles Limousin, Combault ou Fribourg, ont fréquenté les loges* sous L'empire libéral et le courant mutualiste qui se réclame de lui est également bien représenté dans les ateliers. La « clientèle » d'ouvriers qualifiés et d'artisans qui peuple les loges de grandes villes, dans les années 1860-1880, est souvent de filiation proudhonienne.
Le nom du philosophe bisontin est parfois louange dans des écrits maçonniques pour son audace intellectuelle comme apôtre de la mutualité, ou comme précurseur de l anarchie, opposé à Marx dans la recherche d'une voie française du socialisme. Une des loges de Besançon du Grand orient a ainsi choisi récemment son non comme titre distinctif.
A. C.
PROVINCES-UNIES
Après l'implantation d~une loge* à Rotterdam* en 1721, la maçonnerie émerge véritablement
dans les Provinces-Unies en 1731 quand François de Lorraine est initié à La Haye par une délégation de la Grande Loge d'Angleterre que préside Desaguliers*. Une première loge est signalée en 1734
souvent appelée La Française, elle portera le titre distinctif de Loge du Grand Maître des Provinces- Unies et du ressort de la Généralité (orient de La Haye), et son président est Vincent de La Chapelle. L'année suivante, deux loges sont montées l'une à La Haye (Le Véritable Zèle vénérable L. Dagran) l'autre à Amsterdam (De la Paix). Pour des raisons mal déterminées, mais qui paraissent liées à l'hostilité des pouvoirs en place, la loge est saccagée le 16 octobre 1735 par la populace, mais malgré l'interdiction par les autorités de la maçonnerie, elle paraît avoir survécu clandestinement. L'allégeance à la Grande Loge d'Angleterre est de courte durée même si l'octroi des patentes transite encore par elle en 1752: dès le 24 juin 1735, Johan Cornelis Radermacher est nommé Grand Maître et le 26 décembre 1756 11 loges « bataves » se réunissent pour créer la Groote Loge der Zeeven Vereenigde Nederlanden (Grande Loge des sept provinces réunies des Pays-Bas). Si cette strUcture n'est reconnue par la Grande Loge d Angleterre qu'en 1770 (« Concordat » du 2 mars), on voit cependant que l'indépendance des loges hollandaises est un fait depuis longtemps. Le frère Van Boetzelaer, élu Grand Maître en 1759 (jusqu'en 1794), paraît avoir été au centre de ce mouvement puisque c'est sous sa Grande Maîtrise que les Constitutions dites d'Anderson* qui, jusque-là, régulaient la vie maçonnique, furent révisées et adaptées à la mentalité hollandaise. Le 27 juillet 1760 fut approuvée en effet une nouvelle rédaction du texte: l'article 1er est condensé et l'autorisation de fumer pendant les tenues* est introduite mais surtout, il est maintenant précisé que le frère qui se rebelle contre l'état sera exclu de la loge (art. 2). Cependant, la maçonnerie prospère sous la Grande Maîtrise de Van Boetzelaer puisque 80 loges sont créées tant en Hollande qu'aux colonies*. En 1747, on signale des ateliers aux Antilles, à Ceylan, à Java, à Curaçao, au Surinam en Inde*. On en compte aussi en Indonésie. Ces loges assurent un remarquable brassage social et racial. Et si les Juifs* sont exclus du collège des officiers, le 12 décembre 1793 à la loge La Bien-Aimée d'Amsterdam, la décision est rapportée dès 1798.
Le cosmopolitisme paraît caractériser les loges hollandaises du siècle des Lumières et dans Histoire de ma vie Casanova* rapporte avoir été reçu « à souper» « à la loge des bourgmestres » le 30 novembre 1759: « C'était une faveur distinguée, car contre toutes les règles ordinaires de la maçonnerie on n'y admettait que les vingt quatre membres qui la composaient. C'étaient les plus riches millionnaires de la bourse » et les travaux se déroulèrent en français. On sait qu'aprés la Révolution* la situation politique de la Hollande se modifia considérablement puisque les armées françaises envahirent le pays et que sous l'appellation de République batave, puis royaume de Hollande, les Provinces-Unies devinrent un département de la France. L'histoire contemporaine de la franc-maçonnerie aux Pays-Bas* commence.
Ch. P.