ZAY, Jean
ZINNENDORF, Johann Wilhelm Ellenberger von
ZAY, Jean
(Orléans, 1905-Cusset 1944) Archétype du politicien juif pour les antisémites, Jean Zay n'était même pas juif selon les lois de Vichy: seule sa famille paternelle était d'origine juive, il avait été élevé dans la religion de sa mère, le protestantisme*. Fils d'un journaliste radical et franc-maçon, Jean Zay a fait ses débuts journalistiques en même temps qu'il menait à bien ses études juridiques. Le jeune avocat a été initié en 1926 à la loge* Étienne-Dolet d'Orléans, celle de son père et du vieux sénateur radical Rabier. En 1932, il est élu député du Loiret. Il devient l'une des figures de proue du courant jeune-turc* et un leader parlementaire de I aile gauche du Parti radical. La stratégie d'union des gauches triomphe en 1935 quand le parti décide de rejoindre le Front populaire*. Le choix de Jean Zay comme rapporteur de politique générale au congrès d'octobre est un des signes de ce virage à gauche. « Le plus timide des citoyens sait bien que son époque est devenue révolutionnaire. Le drame réside dans le fait que la démocratie politique, si péniblement construite par nos pères au prix de mille efforts, ne s'est pas assez vite complétée d'une démocratie économique capable de résoudre des problèmes nouveaux et complexes. »
Sous secrétaire d'État à la présidence du Conseil dans le ministère Sarraut de janvier 1936, Jean Zay est choisi comme ministre de l'Éducation nationale par Léon Blum au lendemain de la victoire électorale du Front populaire. Il restera rue de Grenelle jusqu'en septembre 1939.
Son œuvre gouvernementale est considérable. Il a déposé en mars 1937 un projet de réforme d'ensemble visant à mettre fin au dualisme du système scolaire, qui séparait l'enseignement primaire supérieur et l'enseignement secondaire, surtout: fréquenté, malgré la mise en place de la gratuité depuis le début des années A 1930, par les enfants des milieux aisés. L'«école unique » était devenue l'un des chevaux de bataille de la gauche au lendemain de la guerre Le projet de 1937 prévoyait l'unification complète de l'enseignement élémentaire (suppression des petites classes des lycées, obligation pour tous les élèves de passer le certificat d'études), la mise en place au début des études secondaires d'une classe d'orientation qui répartirait les élèves entre les filières classique, moderne et technique. Le projet suscite les réserves des associations d'enseignants, et une franche hostilité à droite. Pour l'Action Française, les « juifs de gouvernement veulent guider les âmes et fabriquer en série des barbares ». À la veille de la guerre le projet n'avait pas encore été discuté par le Parlement. Les réalisations ont porté sur la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à quatorze ans, l'unification des programmes des écoles primaires supérieures et du premier cycle du secondaire, l'innovation pédagogique (les « loisirs dirigés »), le développement du sport scolaire.
Jean Zay avait dans ses attributions les Beaux-Arts, et c'est sous le Front populaire que l'état entreprend de mener une véritable politique culturelle: soutien à la diffusion de la lecture publique (les bibliobus), aide à la création théâtrale et cinématographique, projet de loi sur le droit d'auteur et le droit d'édition.
Avec la création d'un sous-secrétariat d'État spécialisé est entreprise une politique de la recherche scientifique qui conduira à la création du C.N.R.S.
Maintenu dans ses fonctions par Daladier en 1938 Jean Zay est mal à l'aise dans un gouvernement radical qui a enterré le Front populaire.
Tenté à plusieurs reprises de démissionner, il en a été dissuadé par Édouard Henriot.
Antimunichois partisan de la fermeté face à Hitler et Mussolini, il lutte dans le gouvernement, avec Paul Reynaud et Georges Mandel, contre la tendance favorable à l'« apaisement ».
À la déclaration de guerre, il choisit volontairement de rejoindre l'armée*.
« Juif» franc-maçon , partisan de l' alliance des radicaux avec l'extrême gauche «belliciste », insulteur de l'emblème national (ses adversaires exploitent contre lui un texte pacifiste de jeunesse-en fait un pastiche de Gustave Hervé-où le drapeau tricolore était traité de « torchecul ») Jean Zay était une cible de choix pour l'extrême droite.
Embarqué en juin 1940 sur le Massilia avec les parlementaires qui croient à la poursuite de la lutte en Afrique du Nord, il est arrêté et condamné
à la déportation sous l'invraisemblable accusation de désertion en présence de l'ennemi.
Pendant sa captivité il est traîné dans la boue par la presse collaborationniste qui réclame la tête du Juif fauteur de guerre.
Philippe Henriot publie les « carnets secrets » de l'ancien ministre (son journal de 1938 1939), censés prouver qu'on a poussé la France à la guerre « pour des fins politiques et raciales », après avoir tout fait pour désarmer le pays. L'assassinat de Jean Zay par la Milice en juin 1944 est la tragique conclusion d'une longue série d'appels au meurtre.
Il reste difficile de déterminer la part de l'engagement maçonnique dans la pensée et l'action de Jean Zay. Il est entré en maçonnerie par tradition familiale, sans doute pour faciliter son implantation politique locale. Comme pour d'autres « jeunes-turcs » la fréquentation des loges* n'a pu que renforcer sa volonté de ramener le Parti radical à la tradition du «pas d'ennemis à gauche ». Mais le ministre de l'Education nationale du Front populaire, (nommé Grand-Croix de l'Ordre* de Saint-Sylvestre par Pie XI en janvier 1938) semble étranger aux obsessions anticléricales d'une bonne partie de la maçonnerie. La victoire de la gauche en 1936 ne conduit pas à la relance des campagnes laïques de 1902 ou de 1924, et il n'est pas question de monopole scolaire dans les projets du ministre. La seule allusion à la maçonnerie dans son journal de captivité (Souvenirs et solitude) permet de douter de la profondeur de son investissement maçonnique: « Si ceux qui dénoncent la franc-maçonnerie* comme le gouvernement occulte de la République, comme une puissance clandestine et écoutée, savaient ce qu'elle était réellement devenue, avaient assisté à la moindre de ces parlottes provinciales où tout était inoffensif et sans portée, meme les ordres du jour fulgurants, ils regretteraient tant de publicité gratuite. »
G.B.
ZINNENDORF, Johann Wilhelm Ellenberger von
(Halle, 1731-Berlin, 1782) Fils de Friedrich August Ellenberger et de Sophia Wilhelmine Keliner von Zinnendorf son frère Friedrich Wilhelm, et lui portent le nom de leur grand-père maternel en vertu des dispositions testamentaires de ce dernier agréées en 1763 par Frédéric* Né à Halle, il y acquiert de bonnes connaissances de français et de latin. Ses études sont couronnées par un doctorat en médecine le 31 mai 1756. Reçu le 13 mars 1757 à la loge* Philadelphia 211 den drei goldnen Armen de Halle, fondée le 11 décembre précédent par patente du maréchal James Keith (Hund*), il y fait la connaissance de l'étudiant en droit Hans Karl Baumann, reçoit un grade* écossais à Breslau et s'engage comme médecin militaire dans l'armée de Frédéric pendant la guerre de Sept Ans.
Devenu premier médecin des armées du roi de Prusse, il retrouve à Berlin en 1763 Baumann, qui a été en relation avec Keith, et rencontre le Dr Johann Friedrich Schopp. Le scandale provoqué par la comparution de Rosa à Hal le devant Johnson (Hund) amène ces trois frères à adresser le 15 novembre une lettre au marquis de Granby à Londres, auquel ils demandent une patente pour une loge qu'ils envisagent de former à Berlin. N'ayant pas reçu de réponse, ils se tournent vers la Suède. Schopp se rend à Stockholm où il entre en relation avec Eckleff*. Le 27 avril 1764, Eckleff adresse à Zinnendorf son accord écrit pour lui envoyer secrètement une patente l'autorisant à fonder une loge écossaise à Berlin avec la copie des rituels nécessaires. Les ", demandes d'argent répétées d'Eckleff wr transmises par Schopp à Zinnendorf, rendent celui-ci méfiant.
Johann Christian Schubart, Député-Maitre de la Mère Loge* Aux Trois Globes depuis 1763 mais rallié à titre personnel à von Hund au Convent d'Altenberg, convainc Zinnendorf de se rendre au mois . d'octobre 1764 à Unwürde où il est armé chevalier et nommé Préfet de Templin (Berlin) par von Hund. Zinnendorf prévient Eckleff qu'il est devenu membre de la Stricte Observance* et informe von Hund de ses rapports avec la Suède. Après la conversion de la Mère Loge Aux Trois Globes à la Stricte Observance par Schubart, Zinnendorf en est élu vénérable* en juin 1765, en même temps que Baumann va à Stockholm continuer les pourparlers entamés par Schopp. Zinnendorf ayant accepté de verser à Eckleff 100 ducats pour une loge écossaise et 120 ducats pour un chapitre* légitime Baumann rentre à Berlin en septembre 1766, muni des documents rituels qu'Eckleff lui a remis. Zinnendorf démissionne de la Stricte Observance le 16 décembre 1766 et quitte les Trois Globes. Il constitue plusieurs loges au Rite Suédois* dont la première, Minerva, est fondée à Potsdam le 13 mai 1768, la loge écossaise Indissolubilis à Berlin le 22 novembre 1769 et crée la Grande Loge Nationale d'Allemagne le 22 décembre 1770, obédience* aujourd'hui encore membre des Grandes Loges Unies d'Allemagne*. Il annonce à Londres que le prince Ludwig Georg Karl von Hessen-Darmstadt a accepté la Grande Maîtrise, ce qui facilite la reconnaissance* de son obédience par la Grande Loge des Modernes* en novembre 1773. Le 20 décembre 1766, Zinnendorf ouvre le Grand Chapitre L'lndissoluble à Berlin.
La mort de von Hund en novembre 1776 amène le duc Carl de Sodermanland, qui souhaite lui succéder, à se rapprocher du duc Ferdinand de Braunschweig*. L'existence de la Grande Loge Nationale représentant une concurrence déplaisante pour la Stricte Observance le duc déclare officiellement le 28 avril 1777 que la patente qu'Eckleff a adressée à Zinnendorf est illégale. La Grande Loge Nationale rompt ses relations avec la Grande Loge de Suède le 2 septembre suivant. En septembre 1779, Zinnendorf va à Stockholm faire la connaissance d'Eckleff et lui achète une partie de sa bibliothèque pour 200 ducats. Il meurt trois ans plus tard d'une crise cardiaque au cours d'une réunion maçonnique à Berlin.
A. B.