ILLUMINATEN
ILLUMINATION
ILLUMINÉs D'AVIGNON
ILLUMINÉS DE BAVIÉRE
ILLUMINISME
IN EMINENTI
INDES






ILLUMINATEN
ILLUM-01.JPG (66K) La célèbre société connue sous le nom des illuminés de Bavière est fondée le 1er mai 1776 par Adam Weishaupt. Professeur de droit canon a l'université d'lngolstadt, cet ancien élève des Jésuites acquis à la culture des Lumières* a tenté de concevoir un instrument de combat efficace contre l'obscurantisme religieux dans une Bavière très catholique.
Son association ne se réclame alors nullement de la franc-maçonnerie qu'il observe avec un certain dédain.
Elle se présente de façon pyramidale et est aux mains de Weishaupt en personne qui porte le titre de Général. Il est assisté d'un Conseil Suprême formé de ses premiers compagnons: les Aréopagites.
Seule la direction de la société connaît ses secrets* et les desseins matérialistes et anticléricaux de celle-ci. À la base, les recrutés, les « Novices », forment une « Colonie », ils sont astreints pendant une période probatoire d'environ deux ans à une discipline rigide, sommés de s'engager par serment à respecter le silence absolu sur l'Ordre*. Pour accéder au premier grade*, celui de Minerval, ils sont soumis à une initiation* qui imite d'anciens rites initiatiques traditionnels. Weishaupt emprunte de nombreux composants de l'instruction de Minerval à la Compagnie de Jésus qui a fortement contribué à sa formation intellectuelle. Les villes qui accueillent la société s'appellent Athènes (Munich) , Éleusis* (Ingolstadt)... Les pseudonymes que portent les illuminés sont comparables: Weishaupt est ainsi appelé Ajax.
Les premiers pas de l'Ordre sont difficiles des conflits d'autorité éclatent en raison du tempérament violent de son fondateur et de graves problèmes financiers entravent son développement. Jusqu'en 1780, son rayonnement ne dépasse pas la Bavière et le recrutement se révèle, avec quelques dizaines d'affiliés, très insuffisant.
Pour élargir son audience auprès de ce qu'il désigne comme les « puissants nobles et riches », Weishaupt décide dé s'inspirer de la richesse du tissu maçonnique.
A l'indifférence et au mépris succède un désir de tirer parti du rituel et des cérémonies maçonniques, et de noyauter certains ateliers allemands. Se dissimuler derrière le masque de la franc-maçonnerie est un moyen commode pour diffuser la propagande anticléricale.

En février 1777, Weishaupt fait son entrée dans une loge* munichoise, Á la Prudence, qui dépend de la Stricte Observance*. Celle-ci défend des conceptions mystiques qui la situent aux antipodes des objectifs philosophiques des Illuminés. Suivant l'exemple de Weishaupt, deux Aréopagites, Zwack et Salvidé, s'affilient un atelier maçonnique munichois, Théodore au Bon Conseil. Ils font du prosélytisme pour la société des illuminés.

Le tournant majeur arrive bientôt avec le ralliement du baron Adolf von Knigge*. Déiste, ce Hanovrien rejoint les illuminés en novembre 1780. Il apparaît rapidement comme le rival le plus sérieux de Weishaupt. Franc-maçon depuis 1773, Knigge est l'artisan d'une organisation plus complexe comprenant trois classes.
La première, la Pépinière, compte trois grades* (Noviciat, Minerval et illuminé Mineur) puis, pour accéder à la deuxième, dite a maçonnique », la sélection tient compte des rapports motivés des affiliés de grade supérieur. Cette deuxième classe, intégrée à la hiérarchie illuminée, compte deux sections.
La première, dite symbolique, reprend les trois premiers grades de la franc-maçonnerie et la deuxième, appelée écossaise, comprend les grades d'llluminé Majeur (ou Novice Écossais) et d'llluminé Dirigeant (ou Chevalier Écossais). Cette classe constitue une synthèse entre les maçonneries bleue et écossaise. Au sommet, la troisième classe dite des Mystères, est réservée à l'élite dé l'association et pernet à l'Illuminé d'accéder aux secrets de l'ordre.
Elle se décompose en deux sections avec les Petits Mystères (Prêtre, Régent ou Prince) et les Grands Mystères (Mage et Roi). l}es conceptions égalitaires et rationalistes y sont ouvertement étalées.
Naît ainsi une sorte de « maçonnerie illuminée » étagée idéologiquement et accessible progressivement par l'affidé.

Les principes philosophiques, exposés par Knigge, s'inspirent de la pensée rousseauiste et fondent leur idéal sur l'ascétisme. lls prônent le retour de l'homme à l'état de nature. En fait, l'Ordre des illuminés espère tirer parti de la crise qui secoue la franc-maçonnerie allemande pour la renouveler selon ses vues.
Elle envisage aussi la création d'une institution maçonnique rénovée et, le 25 octobre 1782, est constituée une Grande Loge Provinciale.
Knigge met au point un manifeste qui invite l'ensemble des loges allemandes à accepter un rituel et un code communs. La société des illuminés est alors à son apogée.
Elle se répand dans les pays rhénans, en Autriche* et en Suisse*.
Weishaupt se prend alors à rêver de fédérer sous son autorité la grande majorité des ateliers allemands.
On l'entend dire: « Je songe à établir un système de loges confédérées...
Nous avons le plus grand intérêt à établir dans la franc-maçonnerie un système éclectique...
Nous aurons tout ce que nous voudrons... » (lettre du 1 janvier 1783).
Pourtant un conflit perturbe l'histoire de l'ordre* car le fondateur des illuminés veut rester le seul maître à bord et n'accepte pas la place grandissante tenue par Knigge dans la société.
La polémique a pour prétexte le rituel des grades illuminés rédigé par Knigge Celui-ci rappellerait trop la liturgie catholique.
Accusé de « fanatisme religieux » par Weishaupt, Knigge se retire de l'Ordre en avril 1784 et publie un mémoire justificatif .
il condamne sans appel les conceptions anticléricales du chef de file illuminé et de la plupart des Aréopagites.

La société est également confrontée à une conjonction d'actes d'agression extérieure. En 1783, la loge mère* de Berlin diffuse dans les ateliers une circulaire stipulant l'exclusion de la maçonnerie des loges qui ont introduit l'illuminisme*, car celui si saperait les fondements essentiels de la religion chrétienne.
L'autorité politique se met de la partie: une première ordonnance de l'électeur de Bavière, datée du 22 juin 1784, prononce la dissolution de toute société secrète subversive, et cela vise implicitement les illuminés. Puis en février 1785, Weishaupt est destitué de sa chaire universitaire et banni de Bavière.
ll trouve refuge à Gotha où il se place sous la protection du duc de Saxe. Un second décret de l'électeur de Bavière accentue la répression contre les Illuminés.
Des documents internes à l'ordre apporteraient des preuves sur leur entreprise visant a renverser la monarchie. Les illuminés sont assimilés à de vulgaires criminels de droit commun.
Traqués, ils disparaissent totalement du Sud de l'Allemagne dès 1786 Seuls quelques rares foyers se maintiennent en Saxe jusqu'en 1789.

Le déclenchement de la Révolution française* donne pourtant une seconde jeunesse à cette société secrète mais, cette fois, sur le plan de l'historiographie. Celle-ci peut d'ailleurs puiser ses sources dès la fin du XVIIIe siècle, moment durant lequel les célèbres Illuminaten sont mis sur la sellette. Ainsi, Jean Pierre Louis de La Roche du Maine, marquis de Luchet (Essai sur la secte des Illuminés Paris. 1789), inquiet de l'influence allernande apportée en France par la sociabilité maçonnique, dénonce déjà dans les Illuminés une puissance occulte dont les « cercles», dirigeants contrôleraient l'espace maçonnique européen et qui jetteraient leur dévolu sur les ateliers français. La légende du complot des illuminés, précurseurs des jacobins et même des babouvistes, devient alors une pièce maïtresse dans la démonstration des théoriciens de la Contre-Révolution.
Barruel* dépeindra les Illuminés comme les instigateurs d'une véritable conspiration contre la société d'Ancien Régime.
Les Illuminaten gagnent une notoriété imméritée de société à caractère révolutionnaire: ils sont définitivement assimilés aux constructeurs d'arrière-loges qui seraient, selon le jésuite, les responsables de la Révolution.

Le voyage de Bode* à Paris en 1787, répondant à une convocation inquiétante des Philalèthes*, fait le reste... même si la présence de seulement deux membres des illuminaten lors du Convent*, Bode et von den Busche, rend difficilement crédible la thèse d'un complot apte à faire vaciller les trônes. L'intérêt jamais démenti de très nombreux maçonnologues et historiens pour la société de Weishaupt a permis de resituer plus justement la réalité de l'action des Illuminés.
Ainsi, si la thèse du complot qui expliquerait le renversement du trône doit être rejetée, on sait aujourd'hui que les illuminaten marquèrent bien quelques points après le voyage de Bode.
Habile prosélyte, ce dernier fit entrer dans l'Ordre des hommes « importants » comme Savalette de Langes* ou Tassin de l'Étang; surtout il jeta les bases d'une section française des illuminés connue sous le nom de «Philadelphes».
Reste pourtant que Weishaupt n'a pas su trouver les moyens nécessaires pour réaliser un projet qui traduit une ambition démesurée, même si la structure qu'il a mise en place n'a pas été sans inspirer nombre d'organisations secrètes du XIXe siècle à l'image de celles qu'anima Buonarroti*.

M. I.


ILLUMINATION
I Illuminaten du maçon
II. Illumination du Temples
ILLUM-02.JPG (70K) Le mot « illumination » vient du latin illuminare (lumen, luminis, lumière) et apparait dans le vocabulaire maçonnique sous ses sens figuré (illumination personnelle) et propre (éclairage).


I Illumination du maçon
Presque tous les maçons disent venir en loge* pour « chercher » (recevoir) la lumière

Ouvrir les yeux du profane à la lumière est le rôle fondamental de la cérémonie d'initiation* (prise dans le seul sens de la réception en loge).
Allégoriquement, la lumière commence a paraître avec les purifications liées aux épreuves et aux voyages.
Cette première illumination est la communication d'une lumière symbolique (spirituelle, selon certains) différente de celles du monde profane, et plus encore de la lumière physique. Elle est la première phase d'un long travail par lequel le maçon devra, toute sa vie, supprimer les obstacles à la pénétration de la lumière. Elle est donc une condition nécessaire de l'illumination maçonnique lato sensu qui peut alors être définie comme la conséquence du processus initiatique. Elle est une illumination de l'esprit, dans le sens donné par des philosophes de l'Aufklärung c'est-à-dire à la fois une approche rationnelle et une libération de la raison.

Pour une majorité de maçons, cette définition symbolique n'est qu'une explication minimale. La Vraie Lumière est en partie communiquée symboliquement par l'initiation, mais elle n'est que l'expression « éclairante » (accessible aux adeptes) d'un Absolu, beaucoup diront du Grand Architecte* qui la répand à profusion. Cette lumière spirituelle est bien distincte des lumières séculières qui ne sont que les reflets de la Grande Lumière (ou de la Lumière divine) que le maçon doit cultiver, mais avec humilité, pour ne pas qu'elles l'aveuglent et lui masquent la Vraie Lumière. Pour cette « tendance maçonnique », l'illumination intérieure à laquelle tout maçon doit tendre est la conséquence de la communication de la lumière lors de l'initiation et de son imprégnation lors du processus initiatique.
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Dans la maçonnerie ésotérique notamment le guénonisme (Guénon*), le profane plongé dans les ténèbres, par l'initiation, « reçoit la lumière c'est-à-dire une illumination intérieure latente » (Jean François Var) qui se réalise pleinement dans et par le processus in initiatique . C'est donc la Connaissance dans le sens traditionnel du mot qui est la manifestation de la Lumière dans l'ordre de l'intelligible. Existe-t-il une sorte de « mystique maçonnique » c'est-à-dire une découverte immédiate (ou soudaine) et/ou une communion (fusion) dans la lumière une réalisation de l'humain et sa fusion dans l'Un ? La question demeure ouverte car les voies mystique et initiatique ne se recoupent pas nécessairement.

L'accession à un stade nouveau de l'illumination, telle que nous l'avons définie, peut se faire sans processus initiatique mais par une « voie ». Si on accepte ces définitions, l'illumination maçonnique (comme mystique) semble exclue.

Parce qu'elle se réfère explicitement aux deux Jean (que d'autres maçonneries célèbrent uniquement de manière symbolique, festive ou rituelle), l'illumination prend une coloration différente dans la maçonnerie chrétienne ou ésotérico chrétienne. Le Baptiste est celui qui invite à se préparer à la réception de la Lumière. [I est le témoin de la Lumière nouvelle: « 11 [Jean] vint en témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui » (Jean 1, 7) tandis que L'Évangéliste est le modèle de l'homme qui a été « illuminé ». De lui serait né un enseignement secret*, ésotérique et eschatologique dont la maçonnerie est pour partie l'héritière. Ce johannisme s'exprime dans l'Apocalypse et l'Evangile, tout particulièrement dans le prologue « Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme » (Jean 1, 9). Elle s'apparente au mystère de l'Ascension, c'est-à-dire à la véritable apothéose de l'lncarnation du Christ: « Je Suis la Voie, la Vérité la Vie. Nul ne va au Père que par moi », (Jean 14, 6). Dans ce courant, l'illumination maçonnique est donc l'apprentissage initiatique d'un ésotérisme* chrétien.


Il. Illumination du temple*
Il faut distinguer l'éclairage d'un temple de l'allumage de la loge, dernière phase de l'ouverture des travaux (quelquefois préalable à l'ouverture). On notera que l'allumage de lumières doit toujours se faire dans le même ordre (variable selon les rites*) mais toujours à partir de l'orient. On nomme Luminaires Lato sensu les étoiles et les deux luminaires lato sensu, la lune* et le soleil*.

On se rappelle qu'existent en maçonnerie d'autres lumières comme les lumières de la loge: le vénérable*, les deux surveillants, l'orateur et le secrétaire (les trois premiers sont parfois appelés « trois Grandes Lumières»). L'usage s'impose durant tout le XVIIIe de les symboliser par des lumières réelles (chandelier à trois branches, bougies sur les trois colonnes*).

La présence des bougies et des chandelles dans l'éclairage du temple ne pouvait pas ne pas prendre une signification forte. Dans Die Lehrlinge zu Saïs, Novalis affirme que « dans la flamme d'une chandelle toutes les forces de la nature sont actives ». La flamme qui se consume est à la fois un phénomène physico-chimique et une représentation symbolique de l'individuation, de la verticalité, de la vie ascendante, du souffle vital et de la lumière de l'âme dans sa force ascensionnelle. Le chandelier à trois ou sept branches (menora identifiée au shabat et reflet de la structure des sefirot) symbolise la vie potentielle, la purification, l'ascension, la lumière spirituelle, le salut et l'Amour (Agapè). Ainsi, l'allumage du temple rejoint l'illumination du maçon.
v De là une question plus importante que ne le jugent certains: la « fée Électricité» a-t-elle intangiblement changé la nature de l'illumination en maçonnerie ? L}es ateliers assurent ainsi l'éclairage avec des bougies, boutefeux et éteignoirs, mais une majorité de loges opte pour la mixité (flambeaux et électricité) et d'autres encore utilisent la lumière électrique pour créer une « ambiance ». Cependant, l'illumination d'une loge doit touJours demeurer un outil au service des maçons. Quels que soient les modes d'éclairage du temple, l'essentiel est que l'illumination soit «la vision soudaine, par l'Esprit, d'une route lentement préparée » (A. de Saint-Exupéry).
Y. H.M.






ILLUMINÉS D'AVIGNON
ILLUM-04.JPG (107K) On ne peut Comprendre l'émergence de ce mouvement à Avignon, sous l'Ancien Régime sans rappeler le statut spécial dont elle bénéficiait et évoquer la destinée de dom Pernethy

Parce qu'elle appartenait au pape, Avignon accueillait des hommes ou des groupes qui désiraient échapper aux surveillances policières des grands États. Des sociétés de pensée, comme celle des illuminés d'Avignon, purent s'y développer en toute liberté. Mais les activités de cette secte prolongent celles d'un groupe originel, constitué à Berlin, sous l'égide de Pernety.

Ce mauriste, né à Roanne en 1716, et formé à Saint-Germain-des-Prés, incarne une sensibilité irrationaliste.
Dès 1758 ses Fables égyptiennes et son Dictionnaire mytho-hermétique montrent son intérêt prononcé pour l'alchimie*. Selon lui, les Anciens avaient caché derrière des légendes les secrets* alchimiques afin qu'ils ne soient pas abusivement divulgués, l'auteur appuyant ses démonstrations sur la vaste culture antique dont il dispose. Il s'embarque pour les Malouines en 1763 comme aumônier de Bougainville-il sera l'auteur d'un intéressant récit dans lequel il défend les Indiens. Ce voyage provoqua-t-il des frictions entre Pernety et son Ordre ou la rupture se préparait-elle auparavant ?
Toujours est-il qu'il quitte définitivement les Mauristes en 1767 et s'installe à Berlin.
Pendant dix ans, il partage ses activités entre son emploi de bibliothécaire du roi Frédéric II*, les séances à l'Académie de Berlin et des recherches plus personnelles. Grâce aux travaux d'André Boyer, on est pratiquement sur qu'il a été affilié à la loge* maçonnique de Berlin, la Royal York de l'amitié, qui dépendait de la Grande Loge d'Angleterre, et initié aux hauts grades*. Son activité maçonnique s'arrête toutefois en 1779.

À cette date, il découvre à la cour de Berlin, dans l'entourage du prince Henri de Prusse, l'oeuvre de Swedenborg, dont il traduisit deux ouvrages. Le choc fut déterminant, et il fonda un groupe d'« illuminés » qui, sans constituer une société swedenborgienne, s'inspirait des idées du philosophe suédois. Pernety partagea rapidement la direction du groupe avec un Français, Guyton de Morveau dit Brumore, et un Polonais, Grabianka; puis des nobles de Berlin se joignirent à eux: le groupe berlinions rassembla une trentaine de membres. Le travail alchimique occupait l'essentiel de leur temps et leur originalité fut de dialoguer avec le ciel, par l'intermédiaire d'un oracle, la Sainte Parole: Brumore réglait les échanges avec l'oracle par l'intermédiaire d'un mystérieux Elie, artiste dont on sait qu'il s'agissait d'un illuminé allemand du nom de J.D. Müller. Pernety jouait le rôle d'archiviste en consignant les réponses du ciel sur un cahier qui est conservé en Avignon. Quant a Grabianka, il consacrait les autres membres. Le partage des rôles empêche de savoir qui fut véritablement l'âme du groupe. Pernety en fut l'autorité morale incontestable, mais c'est Brumore qui porte la responsabilité du fonctionnement de la Sainte Parole.

Grâce au « Cahier des illuminés », on est assez bien renseigné sur le fonctionnement du groupe. Les questions portent sur la vie quotidienne des adeptes, sur le rituel et surtout sur les travaux alchimiques, la quête de ceux-ci tendant vers la recherche du remède universel. L'entre croisement des thèmes donne un aspect étrange au cahier, d'autant que l'oracle emploie un ton grandiloquent et emphatique pour énoncer ses directives. Les initiés sont guidés par des ordres autoritaires et enjôleurs. On l'entend dire: « Tu souffres parce que ton esprit est sans force et tes yeux sans lumière.»

À partir de 1782, l'analyse du cahier suggère un départ de Berlin et, après de longs mois de silence, le groupe se reconstitue dans le Comtat. Il est vraisemblable que le départ est du à des menées politiques secrètes conduites par Brumore et Grabianka. Leurs activités reprirent donc avec Pernety en Avignon, mais Brumore les quitta rapidement pour Rome où il mourut en 1786. En Avignon, de nouveaux membres les rejoignent, des Avignonnais. souvent des francs-maçons actifs, comme le Dr Bougé, membre du Souverain Chapitre Écossais, et La Richardière qui recopie le cahier commencé par Pernety à Berlin. Les illuminés d' Avignon se consacrent à l'alchimie*, mais ils sont beaucoup plus nombreux qu'à Berlin.

La Révolution ayant éclaté, la question du rattachement du Comtat à la France et les épisodes sanglants qui s'ensuivirent, en 1791, amenèrent la désorganisation progressive des illuminés. De plus, de graves dissidences se produisirent parmi les adeptes: deux autres sectes s'organisèrent parallèlement l'une autour du marquis de Montpezat, avec sa fête dite de la Piété filiale, et l'autre, la plus importante, autour de Grabianka, ce fut Le Nouvel Israël. Cette dernière confie le rôle de prophète a Capelli qui sera condamné par l'Inquisition*. Pernety, quant à lui, poursuivait des recherches alchimiques classiques à Bédarrides. Malgré les dissensions, les aspirations des membres de la nébuleuse avignonnaise différaient peu, Grabianka et Pernety partageant le même désir de consacrer leur vie à des recherches spirituelles et ayant des conceptions semblables sur la Vierge Marie. La réputation des illuminés d'Avignon s'affirma et les visiteurs attirés dans le Comtat ne furent jamais aussi nombreux qu'entre 1789 et 1791. Parmi eux. le Saxon Tieman, deux barons suédois. Silverhielm et Reuterholm, envoyés par le roi Gustave 111 par l'intermédiaire du baron de Staël, la duchesse de Wurtenberg et ses deux fils voyageant avec le comte Divonne, le chevalier Bourrée de Corberon, des adeptes de la nouvelle Église swedenborgienne comme Chastanier et Bousie... figurent parmi les voyageurs attirés à Avignon par la réputation du groupe.

Mais les difficultés s'accumulent: scissions intérieures, tracasseries causées par le tribunal de l'inquisition, arrestation du paisible Pernety par le représentant en mission Poultier: le déclin des groupes des Illuminés devient inéluctable. Pernety lui-meme semble avoir abandonné ses activités alchimiques pour se rapprocher discrètement de l'Église catholique. Il meurt en 1796. Le groupe s'organise alors autour du baron Tardy de Beaufort de Chaix de Source sol, du marquis dé Vaucroze et du frère Verger mais il disparaît.

Les illuminés d'Avignon ont donc représenté un courant très important de l'illuminisme proposant des réponses aux interrogations d'hommes lassés du rationalisme des Lumières et désarçonnés par la Révolution française*. Exerçant une attraction importante sur nombre de maçons, le groupe, bien que proche de la franc-maçonnerie par l'identité de ses membres et sa sensibilité, en reste structurellement étranger.
M. M.-Le C.


ILLUMINÉS DE BAVIÉRE
: voir illuminaten


ILLUMINISME
LA LUMIÈRE
Pourquoi, dans une phrase ressassée mais encore suggestive René Jasinski a-t-il écrit « Ce siècle des Lumières est aussi celui des illuminés » plutôt que l'inverse ? C'est que, pendant deux siècles, les Lumières l'ont emporté chez les Occidentaux et leurs colonisés dans la civilisation et dans la culture, en particulier dans l'académie; non point ses idéaux empruntés et défigurés, mais l'idéologie dont l'illusion luministe s'éteint au milieu d'un chaos de ténèbres.

Or, l'histoire, l'histoire des idées et l'histoire des sciences, au premier chef, choisissent leurs ancêtres et leurs modèles. Imbues des Lumières dont elles sont issues elles favorisent les hommes et les choses des Lumières. Au vrai, on commença par les privilégier, puis on ad mit l'extravagant à titre de curiosité; enfin, les illuminés prirent place aussi, précise Jasinski, et Léon Cellier s'irritait de l'adverbe de condescendance, dans le XVIIIe siècle; aussi, c'est à dire en face des Lumières. Du coup, le rapport essentiel change de sens: l'illuminisme apparaît comme une singularité temporaire, quand tel est le caractère des Lumières, et que l'homme est convoqué de toute éternité à l'illumination*.

« Qui l'eût dit quraprès les Encyclopédistes viendraient les martinistes*?» s'amuse Louis-Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris. Mais les soi-disant philosophes, les philosophistes ont coexisté avec les grands illuminés, notamment. L'illuminisme, selon Jean Deprun, s'analyse en une réaction contre la mutation en marche, et Jasinski, dans la phrase antécédente de notre citation, parle d'une réaction « contre la science ». Des efforts ingénieux pour gémelliser l'illuminisme et les Lumières, dans leurs fondements, relèvent d'un essai de mortification de l'illuminisme (ou de l'occultisme, ou de l'ésotérisme, car les nuances éventuelles s'effacent à cette échelle), afin de le mieux disséquer, absorber.

Au vrai, philosophistes et philosophes inconnus fraternisent dans la communauté des thèmes et il advient que, souvent, ces thèmes avancés par les premiers ne soient que reprises polémiques de soucis dont l'homme éternel, l'illuminé, reçoit de la lumière l'exacte solution. Ces frères sont frères ennemis, les pires de tous, mais encore faux frères, car ils ne procèdent pas de la même source, de la même lumière, et qu'est-ce qu'une lumière de vie au pluriel ? Les circonstances changent le conflit se perpétue.

« L'épée de la philosophie», ne menaçait pas Jacob Bohme, remarque Saint-Martin * . (Mais l'orthodoxie luthérienne. . .) En actes ou en paroles, il fallut aux illuminés répondre aux philosophistes. La manière conceptuelle trouva ses maîtres en Saint Martin, sans doute, mais aussi en Johann Georg Hamann (1730-1788), « mage du Nord » et penseur de génie.

Entre les Lumières et l'illuminisme (le mot est commode quoiqu'il ne date que de 18153 et dépersonnalise un mouvement non seulement personnel mais personnaliste), la contradiction est radicale. Elle confronte l'unicité, ou bien la multiplicité hiérarchique, et parfois discontinue, des manifestations de la lumière avec une volonté négative qui usurpe le nom, éparpille métaphoriquement la réalité et maltraite les thèmes. L'illuminisme image inversée des Lumières, a-t-on dit c'est falsifier l' inversion des valeurs et de leurs applications qu'opèrent les Lumières. Diderot élabore une gnose, mais elle est matérialiste et luciférienne. L'utopie des Lumières est le royaume de Dieu sur terre, où l'homme supplante Dieu. La science de la matière perd le monde vivant. La Révolution française* promet une régénération ? Dès 1790, Burke* discerne, au contraire, la dégradation en cours (mais l'illuminisme échappe au conservatisme de Burke). Adam Weishaupt avait d'abord envisagé de nommer ses illuminés de Bavière, « perfectibilistes ». L'athée recula par stratégie devant si grosse provocation.

Aux « Anti-Lumières » et aux Lumières de Jean Deprun, on préférera donc illuminisme et contre-illuminisme. L'illuminisme est premier, parce que l'expérience, puis l'idée de la lumière sont primordiales dans l'histoire de l'humanité. L'illuminisme ne se limite pas à la seconde moitié du XVllle siècle; déJà, dans la première moitié, ce sont des illuminés que les convulsionnaires jansénistes, dénigrés à maint égard. Peu après le milieu du XVIIIe siècle, l'article de l'Encyclopédie consacrée aux illuminés sous la vedette « Théosophes » constate: « 11 y a encore quelques théosophes parmi nous. » Ces gens sont à demi instruits, piètres intégristes, en somme, dangereux pourtant puisqu'ils ridiculisent la révélation autant que la raison. Auparavant, l'article, bien informé, comme l'a montré Jean Fabre, cite de confiance Paracelse, les deux Van Helmont, Basile Valentin, Poiret, Fludd, les Rose Croix, Jacob Böhme. Chacun d'eux serait à distinguer, et chacun pourrait déplorer la promiscuité; aucun, cependant, n'est pour nous à récuser.

Pour l'abbé Grégoire (1814), l'usage oblitère l'étymologie glorieuse. Les illuminés manquent de « lumières », se flattent que le ciel les inspire immédiatement, vont jusqu'à constituer des associations mystérieuses et malfaisantes. Finissons-en: « Tous les pays ont des gens qui attachent de l'importance à des rêves, et qu'à raison de cette crédulité, on appelle des illuminés. » Grégoire n'est pas faux mais insuffisant. N'utilise-t-il pas lui-même, en assez bonne part, la formule « illuminés martinistes » ?

À part, les illuminés, mieux 1'« illuminatisme » (Thory), ou les illuminaten*. Knigge*, plus religieux que le défroqué Weishaupt, qui l'était a rebours, désespéra et, en 1784, quitta le groupe pour ce motif.

ILLUM-05.JPG (187K) Joseph de Maistre* prend les illuminaten pour type des mauvais illuminés, acharnés contre le Trône et l'Autel, bref, des illuminés par antiphrase.
En revanche l'authentique illuminé que le « disciple vertueux de Saint-Martin, qui ne professe pas seulement le christianisme, mais qui ne travaille qu'à s'élever aux plus sublimes hauteurs de cette loi divine » ! Maistre étend sa sympathie à ces cousins martinistes que sont les émules de Martines de Pasqually* et les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte dans l'Ordre desquels Maistre lui-même avait été reçu Grand Profès.
En arrière-plan des illuminaten, l'Aufklärung, du moins au sens partiel où le mot est synonyme des Lumières françaises anti-religieuses.
Mme de Staël relègue les illuminaten dans une troisième catégorie, « politique » de sa classification des illuminés, dont les deux premières accueillent, d'une part, les illuminés mystiques, tels Jacob Bohme, Martines de Pasqually et Saint-Martin, et, d'autre part, les illuminés visionnaires, dont Swedenborg est le parangon.
Le schéma est commode, quoique Swedenborg fût un mystique et que Saint-Martin ne manquât pas de recevoir des visions, comme de besoin, mais le besoin était moindre. Der Erleuchtete, observe Jacques d'Hondt (1968), peut signifier soit le partisan des Lumières, soit l'illuminé « au sens mystique ou religieux » soit l'illumminatus.

Saint-Martin regrettait qu'on le confondît avec « Mesrner, Cagliostro* et tous les charlatans qui sont venus à sa connaissance, parce que pour lui tout ce qui n'est pas dans ses petits sentiers n'a qu'une seule couleur qui est la folie ».
Dans son dernier ouvrage, Saint-Martin dénonce « tous ces professeurs de sciences occultes, auxquels le vulgaire ignorant donne indifféremment le nom d'illuminés ».
La confusion sémantique explique pourquoi d'Holbach a pu passer a tort pour un Élu coën*: il s'intéressant aux sciences secrètes!
Mais il est non pas mille ni cent, il est deux façons de pratiquer l'occultisme, ou, si l'on préfère deux occultismes: l'un, qui nous importe seul, relève de l'illuminisme au sens noble, et, plus que noble, divinement royal.
À condition de ne pas remonter aux Pères de l'Église qui l'appliquaient aux nouveaux baptisés ni de solliciter la tradition de l'église d'Orient, un des premiers usages du mot « illuminé », dans notre sens. remonte à l'Espagne, vers 1575, où les alumbrados anticipaient les quiétistes surtout extrêmes, voire hétérodoxes. Les« guérinots », d'après leur meneur Pierre Guérin, apparurent, en Picardie, l'an 1634, leur condamnation tomba en 1635. On les disait illuminés, et Grégoire les rapporte aux alumbrados.

Saint Vincent de Paul eut à faire à d'autres illuminés. en forme d'autres pré-quiétistes. Au XVIIe siècle, le quiétisme s'épand, avec Mme Guyon, le père Lacombe, à l'influence énorme et variée. i a querelle tragique de Bossuet et de Fénelon est. au fond, celle de l'illuminisme chrétien et elle recoupe celle de l'ésotérisme* chrétien. La méfiance envers le mysticisme qu'entraîna la condamnation de Fénelon laissa le champ libre à l'illuminisme hors l'Église, en particulier à son essor dans la seconde moitié du siècle des Lumières, entre autres. Dans sa réfutation de Barruel* (1839), Nicolas Charles Des Étangs aura garde d'exclure l'illuminisme d'intention ecclésiastique, quoi qu'en pensât l'Église.

Antoinette Bourignon (1616-1680) dont Poiret recueillit les très précieux opuscules, donne à ceux-ci des titres où il lui arrive d'avouer la lumière dont elle jouit: La Lumière née en ténèbres (1669), La Lumière du monde (1678), etc. Vis-à-vis, si l'on ose, mais c'est pour la bonne cause: Ninon de Lenclos. Autour de la courtisane lettrée, les libertins du siècle dit classique, celui-là, blasphèment, commettent des sacrilèges, tout en se passionnant comme d'Holbach cent ans plus tard, pour les sciences occultes. Ils volaient le nom d'illuminés, moins, semble-t-il, à cause de leurs imprudentes et ignorantes explorations de l'invisible qu ' au sens d u mot dont ils usaient en concurrence: « déniaisés».

« L'épisode du couple infernal des Lumières et des Anti-Lumières s'inscrit dans l'épopée d'un Occident nostalgique de la Sagesse, de la Lumière; incapable de penser ni son omniprésence ni son absence, soit actuelle, soit virtuelle. Se vérifie ici la seule compétence d'une historiosophie de l'Occident » (Illlumintsme et contre-illuminisme au XVIIIe siècle, 1989).
Sous la plume de Villiers de l'lsle-Adam
-lui déniera-t-on la qualité d'llluminé ?
-, à l'avant-dernier siècle accordé aux Lumières, en ce stupide XIXe siècle où d'autres illuminés sauveront, surtout alentour 1900, l'honneur et quelques-uns de leurs contemporains, Claire Lenoir (1867) se dresse là contre et interdit au mot « illuminisme » de nous fourvoyer désormais: « Comme les sages des vieux jours m'en ont donné l'exemple sacré, je ne saurais hésiter, moi chrétienne, et pécheresse, entre votre "siècle de Lumières" et la Lumière des siècles ».


LA LUMIÈRE.
C'est « la Lumière des siècles », qu'au nom et à la gloire du Grand Architecte de l'Univers*, Dieu, Logos éclairant et créateur de lumière, la francmaçonnerie apporte, à la fois réellement et virtuellement. Il y a, en effet, lumière sur lumière, et l'expérience seelige de l' illumination précède ou accompagne l'expérience geistige (Gerda Walther).

L' initiation*, définit Saint-Martin, rapproche l'homme de son principe; autrement, elle annule la distance entre la lumière et l'homme.

Les allusions qui précèdent invitent le lecteur soucieux de comprendre ce qu'est l'illuminisme et la franc-maçonnerie illuministe à méditer sur le symbolisme universel de lumen-numen, sur l'analogie de la vie physique et de la vie spirituelle, sur la lumière divine qui est l'énergie de la Divinité, sur la lumière créée et incorporelle, image, disionsnous, du Logos divin, dont la lumière élementaire est le masque, sur la trilogie homologue d'une lumière du premier genre comme but, d'une double lumière du deuxième genre (Sophia illuminans et Sophia illuminata) comme agent, et d'une lumière du genre inférieur comme méthode; sur la raison enfin, en s'appuyant sur ces mots d'Eckhartshausen: « L'oeil intérieur de l'homme, c'est la raison.

Si cet oeil intérieur est éclairé par la lumière divine, alors il est le vrai soleil intérieur, par lequel tous les objets viennent à notre connaissance. Tant que la lumière divine n'éclaire pas cet oeil, notre intérieur vit dans les ténèbres. L'aurore de notre intérieur commence quand cette lumière se lève. [...] En quoi consiste l'organe de perception de la vérité? Qu'est-ce qui rend l'homme capable de la recevoir ? Je réponds Dans la simplicité du coeur, car la simplicité met le coeur dans une situation convenable pour recevoir purement le rayon de la raison et celui si organise le coeur pour la réception de la lumière »(La Nuée sur le sanctuaire). Maine de Biran clôt la méditation: « Le pur amour s'identifie ainsi avec une sorte de connaissance intuitive où l'on voit la vérité sans la chercher, où l'on sait tout sans avoir rien étudié, ou plutôt où l'on méprise toute la connaissance humaine, en se trouvant plus haut qu'elle. » Nous sommes à la cime, plusieurs versants y conduisent.

Les ordres illuministes pratiquent, en général, l'initiation ionienne, ou féminine, mystique. La lumière s'obtient sans épreuves à surmonter. Désir et volonté suffisent, à la seconde, si ce n'est à la première demande. Mais, après avoir vu la lumière, c'est l'enfer à vaincre pour rejoindre Dieu. Dans l'initiation dorienne, ou masculine, au contraire, telle que l'initiation maçonnique, il faut, avant d'obtenir la lumière, faire ses preuves d'emblée. L'apprenti* maçon vainc les épreuves et il voit la lumière. La franc-maçonnerie illuministe combine l'initiation dorienne avec l'initiation ionienne.

Albert {S. Mackey (1874) récapitule la maçonnerie dans la lumière et dans l'illumination intellectuelle de l'lntelligence du disciple. La franc-maçonnerie est illuministe par définition, parce que, dans la franc-maçonnerie moderne par comparaison avec la maçonnerie des Anciens Devoirs, l'initiation l'emporte sur la dévotion. Peut-être ce passage se concrétise-t-il dans l'accès rituel à la lumière joint au serment qui faisait à lui seul le maçon. Cependant, une explicitation plus ample du caractère initiatique de la franc-maçonnerie, en même temps qu'un regain de dévotion, s'exprime dans la franc-maçonnerie dont on souligne l'illuminisme. La franc-maçonnerie dite « écossaise N agence en gestes et en leçons, sur la base symbolique commune à tous francs-maçons, un composant chevaleresque un composant alchimique et un composant magique de tradition salomonienne.

Ambiguïté et ambivalence, contradiction radicale, furent relevées dans l'illuminisme. Ils éclatent dans la franc-maçonnerie illuministe.

Le régi ne des Philalèthes* illustre, au foyer maçonnique, l'ambiguïté de la situation, au XVIIIe siècle. À Lille, le collège de son obédience a quelque chose de philosophique, au sens large, dans sa culture des sciences et des idées générales (Trénard). Le régime, en corps, quand il se propose un but scientifique, n'exclut aucune science, mais favorise celles qui ressortissent à l'illuminisme : les questions 6 et 7 proposées aux invités du Convent de 1785 demandent si la science maçonnique a des rapports avec les sciences connues sous le nom de sciences occultes ou secrètes; et, si oui, avec laquelle ou avec lesquelles particulièrement.

Mais se retrouvent ainsi l'encyclopédisme et l'origine en vue de la destination.
La loge La Réunion des Étrangers, en 1784, déclare ce principe: « La maçonnerie embrasse l'universalité des sciences et les vrais philosophes le considèrent comme le dépôt de toutes les connaissances du monde primitif. »
L'opinion de Jean-Baptiste Willermoz* n'était pas différente et quel est le premier maçon qui s'avisa de donner pour tâche à la francmaçonnerie la constitution d'une encyclopédie, si ce n'est le chevalier de Ramsay* ?
La vérité de la francmaçonnerie, c'est la gnose, illuminatrice au risque d'un pléonasme; la franc-maçonnerie moderne est un ordre de société, ni canoniquement religieux ni militaire, mais du genre initiatique, avec des différences spécifiques qui tiennent à sa genèse: la franc-maçonnerie relève de l'illuminisme et, en particulier, de l'illuminisme de son siècle, le XVIIIe.

L'écossisme développe, exploite, en France et en Allemagne d'abord l'essence initiatique de la maçonnerie. Ainsi des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l'univers, de la Stricte Observance* et des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, de la Rose Croix d'Or*, de la Haute Maçonnerie égyptienne, des Philalèthes, du Rite de Melissino, des illuminés Théosophes fondés par le Swedenborgien Chastanier, prétendue modification du prétendu rite maçonnique de Pernéty, des Rose Croix d'Or... Les Rose Croix d'Or à la limite, mais tout au plus maçonnoïdes l'Harmonie de Mesmer et les Illuminés* d'Avignon, guidés par Perméty, profane Jusqu'à plus ample informé.

Le Convent de Wilhelmsbad, en 1782 voulut déterminer non seulement l'ascendance templière des francs-maçons, mais déterminer, en général le but de l'Ordre. Joseph de Maistre répondit que la maçonnerie est « la science de l'homme ». Quelle invite à l'ambiguïté ! Maistre lève l'équivoque par une référence constante à la doctrine martiniste de la réintégration des êtres. La régénération selon Cagliostro fait une notion proche, sauf qu'elle insiste sur l' importance de la régénération physiologique. (L'ambiguïté, ou l'ambivalence, ici est interne à l'illuminisme, elle y était extérieure dans le parallèle avec la Révolution.)

Wilhelmsbad, cependant, servit de « champ clos » à la « lutte entre le mysticisme et le rationalisme » (Le Forestier). De la maçonnerie d'alors, étaient présents ou représentés au Convent: d'une part Willermoz*, Hund *, Savalette de langes* et Chefdebien, Diethelm Lavater* (dont le frère pasteur fut invité, no-nobstant qu'il fût profane); d'autre part, les Aufklärer et les encyclopédistes, au sens sectaire, Bode*, Dittfurth*, les dénonciateurs d'un jesuitisme et d'un crypto catholicisme fictifs; enfin les Illuminaten, par assimilation abusive, mais aussi par influence, voire à cause d'une double appartenance (Dittfurth). (La dispute, centrale en histoire des idées, ne touchait néanmoins pas consciemment la grande majorité des francs-maçons: ceux-là ne demandaient à l'Ordre de plein droit qu'à les aider au bonheur et à celui d'autrui. Rites, bienfaisance, amour fraternel: le « comment » des moyens restait sous jacent.)

Les liens de la gnose avec l'illuminisme et avec le rationalisme équivalent aux liens de la raison avec l'illumination. Ramsay prêche pour une synthèse vraie de la foi et de la raison, comme pour le noachisme d'Anderson * et la prisca theologia corollaire réinventée à la Renaissance.

Ambiguïté, ambivalence, de Ramsay et de la franc-maçonnerie où se concentrent les courants du XVIIIe, mais vocation exclusive de Ramsay, comme de l'illuminisme, dont la franc-maçonnerie dépend. Tous les illuminés ne sont pas francs-maçons, écrivait Maistre, mais tous ceux que j'ai connus en France surtout l'étaient. Dirons-nous que l'illuminisme et la franc-maçonnerie sont conaturels; ?

Parce que la Veuve y est nue, la franc-maçonnerie illuministe a été impliquée très spécialement dans le complot jacobin qui aurait prépare la Révolution française, en compagnie des Illuminaten et des philosophistes. La légende perdure, elle reste légende.

Il est avéré cependant qu'en Allemagne les illuminaten et l'immense réseau tissé autour du libraire berlinois Friedrich Nicolai*, à partir de 1760, organisèrent systématiquement une « coalition monstrueuse » contre la religion chrétienne. Kirchberger en témoigne de première main, en 1795. Virieu avait eu des échos de ce complot à Wilhelmsbad, de la bouche même des conjurés.. À son retours il renseigna des amis. De fil en aiguille, un malentendu fit attribuer au convent le dessein que Virieu y avait appris. De même, en France, lui répondit Saint-Martin que son correspondant avait mis en garde, de même avec les encyclopédistes et les philosophistes, depuis 1735 environ. Les Illuminaten chargèrent de mission révolutionnaire auprès des frères français Bode* et Mirabeau*. (Mais Cagliostro est en dehors.)

Philosophe à l'école de Ferdinand Alquié, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France*, nul mieux qu'Henri Tort-Nouguès ne saurait offrir une réflexion si illuminatrice sur Lumière et Secret de la franc-maçonnerie (1996).
Les extraits suivants en procurent la substance. « La pensée, le symbolisme et le rite que véhicule la franc-maçonnerie transmettent l'idée de lumière.
L'auteur lève un coin du voile qui cache le mystère initiatique et expose les éléments permettant d'approcher son secret particulier qui s'exprime dans l'homme.
Le Secret est le plan sacré caché au fond de toute âme humaine et que la méthodologie maçonnique permet d'appréhender ou au moins d'entrevoir puisque rien en effet ne peut remplacer une initiation vécue.

L,Aussi le thème de la lumière est-il fondamental en franc-maçonnerie. Il est à la fois l'alpha et l'oméga: le commencement et la fin. La quête de la Lumière, c~est-à-dire la recherche inlassable de la vérité, celle du Bien et celle du Beau, "s'il est vrai, comme le dit Platon, que le bien est la splendeur du Vrai", est au coeur de toute la philosophie de la franc-maçonnerie. Cette vérité, ce Bien et ce Beau sont consubstantiels à la conscience de l'homme et condition, source de libération véritable de l'homme et de plénitude de sa vie, de sa vie temporelle et spirituelle. Ceux qui ne veulent pas en tenir compte ruinent et détruisent l'homme lui-même. [...] La Vraie Lumière, celle qui est l'amie de l'homme qui l'éclaire et l'aide a vivre et qui seule peut le sauver de l'angoisse, du désespoir et des ténèbres. »

Voilà la franc-maçonnerie, lumineuse en soi.
R. A.


IN EMINENTI
IN.JPG (81K) La constitution apostolique In Eminenti, du 28 avril 1738, promulguée par le pape Clément Xll (Laurent Corsini) le 4 mai courant, est la première bulle qui condamne la francmaçonnerie; elle a pour titre exact Condamnation de la société ou des conventicules vulgairement appelés « Liberi Muratori» ou Francs Massons, sous peine d'excommunication encourue pur le fait même, dont l'absolution, sauf à l'article de la mort est réservée au Souverain Pontife. Le texte rappelle que cette condamnation s'inscrit dans un mouvement plus général d'interdiction de la maçonnerie: « Car s'ils [les maçons] ne faisaient point le mal, ils ne haïraient pas ainsi la lumière, et ce soupçon s'est tellement accru que, dans plusieurs États, ces dites sociétés ont été depuis longtemps proscrites et bannies comme contraires à la sûreté des royaumes. »

Cette phrase expose le motif politique de la condamnation. Le pape, comme chef d'État, ne veut tolérer une association qu'il ne peut contrôler. Clément Xll ne pouvait ignorer l'érection à Florence d'une loge* anglaise, le relatif succès de l'institution dans la capitale toscane et l'attitude souvent anticléricale du frère Tomaso Crudelli (1703-1745); il craignait en outre de voir s'affadir la foi des maçons catholiques.

Mais l'un des autres motifs de la condamnation est l'hérésie, même si aucune hérésie n'est explicitement formulée dans le texte. Il est vrai qu'aucun texte ne formule ou n'adhère explicitement à une doctrine contraire à la « sainte foi », pas même les Constitutions* d'Anderson* qui ne furent jamais mises à l'index par le Saint-Office. L'accusation d'hérésie est implicite car, d'une part, la loge réunit « des hommes de toute religion et de toute secte » et, d'autre part, les maçons prêtent un serment secret* sur la Bible*. Ainsi le secret apparaît comme un autre motif de condamnation: « Nous avons appris par la renommée publique qu'il se répand au loin, chaque jour avec de nouveaux progrès, certaines sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules nommés de francs-maçons ou sous une autre dénomination selon la variété des langues, dans lesquels des hommes de toute religion et de toute secte, affectant une apparence d'honnêteté naturelle, se lient entre eux par un pacte aussi étroit qu'impénétrable d'après des lois et des statuts qu'ils se sont faits, et s'engagent par un serment prêté sur la Bible, et sous les peines les plus graves, à cacher par un silence inviolable tout ce qu'ils font dans le obscurité du secret. »

Qui plus est. ce secret indéfectible échappe au confesseur. Le texte condamne aussi l'immoralité: « ... les sociétés, ou conventicules susdits, ont fait naître de si forts soupçons dans les esprits des fidèles, que s'enrôler dans ces sociétés, c'est, près des personnes de probité et de prudence, s'entacher de la marque de perversion et de méchanceté. »

Enfin, arrive le fameux motif secret: « Réfléchissant donc sur les grands maux qui résultent ordinairement de ces sortes de sociétés ou conventicules non seulement pour la tranquillité des États temporels, mais encore pour le salut des âmes, et que par là elles ne peuvent nullement s'accorder avec des lois civiles et canoniques; et comme les oracles divins nous font un devoir de veiller nuit et jour en fidèle et prudent serviteur de la famille du Seigneur, pour que ce genre d'hommes, tels que des voleurs n'enfoncent la maison, et tels que des renards ne travaillent à détruire la vigne, ne pervertissent le coeur des simples et ne les percent dans le secret de leurs dards envenimés ; pour fermer la voie très large qui de là pourrait s'ouvrir aux iniquités qui se commettraient impunément et pour d'autres causes justes et raisonnables à nous connues {.....}Nous avons conclu et décrété de condamner et d'interdire ces dites sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules appelés de francs-maçons... »

IN2.JPG (54K) On a beaucoup glosé sur les desseins du pape. Presque toujours sont avancées des raisons politiques, notamment la défense des Stuart qui venaient de perdre le trône d'Angleterre au profit des Hanovre, mais la formule en question n'est qu'une expression protocolaire de l'époque. Quoi qu'il en soit, In Eminenti a été fulminée principalement pour des motivations politiques générales.

La condamnation papale est assez vite connue, et reproduite ou signalée dans divers journaux en mai-juin 1738. Le texte est sans effet en pays protestant et, en terre catholique, son accueil n~est pas toujours enthousiaste.

En France, Fleury* se garde bien de soumettre la bulle à la formalité de l'enregistrement par le Parlement de Paris. Lex non promulgata non obliat. Le texte est donc inapplicable dans le royaume. Le pouvoir a assez de difficultés avec la bulle Unigenitus envers les jansénistes* sans se mettre les francs-maçons sur les bras. La réponse du 10 juin l 738 du secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Amelot, au duc de Saint-Aignan, ambassadeur du roi à Rome, peut constituer une sorte de c doctrine officielle française sur le. sujet: « La Cour de Rome applique si souvent cette:te peine [l'excommunication] qu'elle es, aujourd'hui peu capable de retenir. Cette société avait aussi commencé à faire e ici quelques progrès, le roy a témoigné qu'elle lui déplaisait, et elle a cessé. »

Le ministre est optimiste sur l'effet répressif de la volonté royale. Malgré de nouvelles mesures prises par les autorités civiles entre 1740 et 1742, elle n'entrave pas l'essor de la sociabilité maçonnique , d'autant que Versailles ne tient nul compte de la condamnation papale. Sous l'Ancien Régime, les catholiques et un nombre certain de clercs romains (environ 4 % des frères) se font recevoir en loge en toute sûreté civile et bonne conscience morale. Il en est de même dans plusieurs États catholiques, notamment l'Autriche* et les États de Savoie.
Y. H.M.














INDES
IN3.JPG (263K) Actuellement, la République indienne, le Pakistan, le Sri Lanka et la Birmanie forment les q quatre principaux États qui, jusqu'à la fin de la guerre 1945- 1945, composaient l'ancien Empire colonial britannique. L'histoire de la francmaçonnerie présente en ces lieux un intérêt évident, car elle se caractérise par la diversité des tentatives d'implantation de la part des puissances européennes, par la prégnance de la question de l'initiation* des indigènes et par les mutations survenues avec la décolonisation .

Au XVIIIe siècle, les Indes voient les Britanniques, les Hollandais, les Français et les Danois établir des comptoirs commerciaux qui, au hasard des guerres et des conquêtes, s'agrandissent ou disparaissent. Ce sont ces comptoirs dépendant de compagnies qui vont protéger les loges. La Compagnie des Indes de Londres exerce d'ailleurs jusqu'en 1856 un véritable pouvoir souverain avec son armée, sa marine et son propre gouvernement et les loges régimentaires se déplacent avec les décors et les bagages de la loge du nord au sud de l'lnde. La vie d'une de ces loges militaires forme d'ailleurs la toile de fond du livre de Kipling*, Kim.

C'est le 24 janvier 1728 que la franc-maçonnerie pénètre en Inde lorsque des personnes résidant à Fort Williams au Bengale envoient une pétition en vue d'obtenir une charte constitutive à la Grande Loge de Londres. Présentée à l'assemblée trimestrielle de celle-ci le 27 décembre 1728, elle entraîne une dispense (ce qui tient lieu de charte à cette époque) datée du 6 février 1729 et envoyée aux destinataires. En 1730, un franc-maçon londonien, le capitaine Ralph Farr Winter, est nommé Grand Maître Provincial pour l'lnde de l'Est. Officier de la marine de la Compagnie des Indes, il établit une loge à Calcutta, qui est supprimée en 1756. Star of the East, fondée en 1740, est aujourd'hui active sous le n° 67 dans le district du Bengale. À côté de l'obédience* anglaise, la Grande Loge de Hollande crée trois loges au Bengale en 1759: elles se joindront plus tard à la Grande Loge Provinciale anglaise.

Dans le sud de l'lnde, une première loge a été fondée à Madras, mais elle sera rayée en 1790. En 1768, une autre loge est fondée à Fort George par les « Anciens* » et, en 1773, elle devient Grande Loge Provinciale. Son second Grand Maître Provincial, le major Horne, est élu en 1781 mais il ne reçoit sa commission d'Angleterre qu'en 1786. Pendant ce temps, la Grande Loge de Hollande a fondé une loge à Negapatam (1773) et le Grand Orient* de France s'est manifesté à Pondichéry en fondant deux loges en 1786 et 1790. En revanche, il faut attendre 1822 pour voir une loge à Bombay sous la Grande Loge Unie d'Angleterre* et le milieu du XIXe siècle pour que, sous le Grand Maître Provincial lord Elphinstone (1840), la maçonnerie se développe dans la province de Madras.

Une étape importante intervient en 1813 avec l'arrivée de lord Moira l'ancien acting Grand Maître de la Grande Loge d'Angleterre.
Il est nommé gouverneur général.
Cela permet de compléter la fusion des deux Grandes Loges anglaises qui avaient chacune des juridictions et des loges locales.
La nomination de James Burnes, nommé Grand Maître Provincial par la Grande Loge d'Écosse*,
constitue un second facteur favorable: elle va, de 1836 à 1848, permettre à la franc-maçonnerie de prendre son essor dans l'ouest de l'lnde.

Après 1856, la toute-puissance de la Compagnie des Indes orientales s'effondre avec la mutinerie qui éclate en Inde centrale. Cependant, les correspondances avec Londres, l'lrlande* ou Édimbourg* étant fort longues, les provinces et districts disposent d'une autonomie importante et élisent librement leurs Grands Maîtres Provinciaux. À partir de cette époque, l'accroissement du nombre de loges et les énormes distances qui les séparent contribuent à créer des Grandes Loges Provinciales au Pendjab et en Birmanie en 1868

C'est dans ce contexte de croissance et d'autonomie que se pose le problème de l'initiation des indigènes, même si le XVIIIe siècle a anticipé la question. En effet, dès 1773, un Indien, Umdat ul Amara fils du Nawab de Carnatic et plus tard son successeur est initié. Lors de sa réunion de février 1777, la Grande Loge d'Angleterre lui fit parvenir une lettre de félicitations accompagnée d'un tablier* brodé et d'une copie du livre des Constitutions finement relié.

Malgré ce cas de nombreuses années ont été nécessaires pour que les initiations des Hindous puissent se faire sans problèmes. 1~ causes sont le racisme de l'administration coloniale anglaise et la croyance en un Être suprême comme condition indispensable pour l' initiation dans les loges anglo saxonnes. Or il y a de sérieux doutes en ce qui concerne l'équivalence éventuelle des dieux et des religions pratiquées en Inde et le caractère judéo-chrétien de la maçonnerie anglo-saxonne. Lorsque le pas a été franchi on trouve que l'atmosphère qui règne est comparable à celle que décrit le célèbre poème de Kipling, la Loge mère*. La situation change totalement en 1947 avec la partition et l'indépendance de l'lnde et du Pakistan, suivie de celle de la Birmanie et de Ceylan.
Les activités maçonniques ont été suspendues dans la République islamique du Pakistan alors que la dictature militaire birmane interdit la franc-maçonnerie. Elle est en revanche florissante à Ceylan.
En Inde, en 1961, lors d'une cérémonie commune qui réunit les Grandes Loges d'Angleterre, d'Écosse et d'lrlande, est créée et établie la Grande Loge de l'lnde.
Le concordat signé à cette occasion stipule que les loges des trois juridictions britanniques devaient choisir, dans les cinq ans, entre adhérer à la Grande Loge de l'lnde, ou conserver leurs statuts et leurs affiliations aux Grandes Loges métropolitaines.
145 loges choisirent la nouvelle Grande Loge de l'lnde, 88 la Grande Loge Unie d'Angleterre, 10 la Grande Loge d'lrlande et 29 la Grande Loge d'Écosse. Le concordat prévoyait que les loges conserveraient leurs biens et que les intervisites seraient libres entre les quatre obédiences*. Les multiples appartenances étaient ainsi autorisées.
En 1991~ la Grande Loge de l'lnde abroge unilatéralement le concordat et en pratique rend les multiples appartenances impossibles. Il en résulte une rupture des relations entre la Grande Loge de l'lnde et les trois Grandes Loges britanniques.
Néanmoins, il faut souligner que la franc-maçonnerie contemporaine en Inde, quelles que soient les obédiences, ne connaît plus de imites raciales et que les rites et pratiques sont très similaires d'une loge à l'autre.

M. B.