HIRAM
HISTORIOGRAPHIE
HOGARTH William
HOHENZOLLERN
HONGRIE
HUBERT Esprit-Eugène
HUND UND ALTENGROTKAU
HUTCHINSON, William






HIRAM
HIRAM1.JPG (133K) Le nom d'Hiram est attribué à deux personnages légendaires que l'on ne doit pas confondre.
Le premier, roi de Tyr, est cité dans le premier Livre des Rois (chap. 5) et dans le second Livre des Chroniques (chap. 2). Il intervient peu dans le mythe maçonnique où l'on rappelle parfois sa relation privilégiée à Salomon et à la reine de Saba. Certains ouvrages d'occultisme, inspirés des Rose Croix*, nous font assister à des dialogues initiatiques entre ce roi de Tyr, Salomon et David. Hiram dépêcha vers les deux derniers les ouvriers et le matériel nécessaire à la construction du temple*.

Le second personnage est Hiram Abi (ou Abiff) c'est-à-dire Maître Hiram.
Il apparaît dans les mêmes livres des Rois (E, chap. 7) et des Chroniques (Il. chap. 2). Hiram de Sor est ainsi présenté dans le texte biblique: « C'est le fils d'une veuve, de la branche de Naphtali. Son père est un homme de Sor, artisan du bronze. Il est plein de sagesse, de discernement et de pénétration pour faire tout ouvrage de bronze » (trad. Chouraqui). D'après les récits scriptuaires, Hiram avait la maîtrise de plusieurs métiers. Tour à tour métallurgiste, fondeur, statuaire, tisserand ou dessinateur, il devint, d'après le texte des Chroniques, l'architecte du Temple de Salomon.
Ayant érigé les colonnes* du temple, il baptise celle de droite Iakhîn (Jakin} et celle de gauche Bo'az (Boaz ou Booz) (1 Rois 7, 15-22)


Hiram Abi est peu à peu devenu le personnage essentiel des rituels maçonniques. Lors du passage à la maîtrise, la loge* met en scène un véritable psychodrame dans lequel le compagnon, futur maître, joue le rôle d'Hiram assassiné, enseveli et retrouvé par d'autres maîtres.
En effet, Hiram aurait été tué par trois mauvais compagnons qu'il considérait comme indignes de recevoir les secrets essentiels constitués par certains mots, signes* et attouchements qui donnaient accès à la maîtrise.
Les motivations de l'assassinat sont d'abord vénales.
Les nombreux ouvriers employés à la construction du temple disposaient tous de signes de reconnaissance et de mots secrets qui permettaient à chacun d'eux de recevoir le salaire* attribué à sa classe ou à sa corporation.
Arracher par la force le mot sacré des maîtres ne pouvait que favoriser une promotion imméritée, de la seconde classe vers le sanctuaire du temple, la fameuse chambre du milieu* où les maîtres prenaient directement les ordres d'Hiram.
Le forfait accompli, les mauvais compagnons ensevelissent le cadavre qui sera découvert par les maîtres? envoyés par Salomon, grâce à la branche d'acacia* (il s'agit parfois d'une branche de tamaris) que les traîtres avaient planté sur sa tombe.
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Le personnage d'Hiram apparaît dans la spéculation maçonnique du XVIIIe siècle, au sein de loges soucieuses de créer un rituel une liturgie et un mythe sur le thème des bâtisseurs primordiaux.
Anderson*, en 1717, avait évoqué, dans la partie historique des Constitutions*, l'architecte du temple, Abi Hiram.
Dans la seconde édition (1738) il souligne le deuil profond qui suivit la mort du maître Hiram.
En 1727, on peut aussi lire dans le manuscrit Wilkinson: « La forme de la loge est un carré long.
Pourquoi ? De la forme de la tombe du maître Hiram. »
La mort du maître en loge est symbolique. Elle est passage et résurrection qui réactualise le mystère originel.
La mort initiatique est la répétition du drame primordial qui rappelle la nécessité de la mort à la conscience ordinaire pour accéder à une autre compréhension de l'univers. Le retour des maîtres vers Salomon est bien la preuve de la présence de l'architecte dans chacun des nouveaux maîtres, qui prolongent ainsi l'idéal maçonnique.
Jadis, l'instruction rituelle au 3° du Rite Écossais Ancien et Accepté précisait que l'objet de la maîtrise consistait à « chercher le maître qui est en nous à l'état de cadavre inanimé, faire revivre le mort afin qu'il agisse en nous ». Hiram symbolise l'homme juste et vertueux mis à mort à cause de la violence des passions humaines. Les mauvais compagnons personnifient l'ignorance, le fanatisme intolérant et l'ambition. Au Rite Français*, ils figurent les trois rebelles: le rebelle à la nature, le rebelle à la science et le rebelle à la vérité, qui ne triomphent jamais puisque les maîtres, nourris de l'enseignement essentiel, se remettent au travail et poursuivent la construction du temple. La dernière partie de la cérémonie d'élévation à la maîtrise met fortement l'accent sur le fait que l'architecte ne meurt pas, mais qu'il renaît et vit dans chacun de ses disciples. Dans certains rituels existent des grades de vengeance fondés sur la punition et l'exécution des assassins d'Hiram dans des mises en scène théâtre lisées. Dans le Rite de Memphis, on pratique aussi un rituel de la « mort » maçonnique destiné à châtier dans la personne du franc-maçon frappé d'infamie l'un des meurtriers d'Hiram.
Il y eut aussi, en mémoire d'Hiram, des vengeances, violences et exactions accomplies entre Compagnons du Tour de France.
HIRAM3.JPG (82K)Certains d'entre eux pour-suivaient d'une haine tenace les compagnons de métiers soupçonnés de descendre en droite ligne de mauvais compagnons, assassins d' Hiram. C'est ainsi qu'au XIXe siècle, les Enfants de Salomon affrontaient les Bons Enfants de Maître Jacques ou les Bon Drilles du Père Soubise dans des rixes sanglantes qui étaient toujours des prétextes à venger Hiram et à châtier sa descendance. Les compagnons menuisiers portaient alors des gants* blancs pour signifier que leurs mains n'avaient jamais trempé dans le sang d'Hiram, et ils se nommaient eux mêmes « chiens », sans aucun cynisme pour rappeler que cet animal selon une autre légende, aurait découvert sous des gravats le corps de l'architecte du temple Agricol Perdiguier, par Le Livre du compagnonnage, ne fut pas étranger à la réconciliation des compagnons et il contribua à une lecture plus paisible et plus spirituelle du mythe fondateur.

Le mythe d'Hiram, par sa puissance et sa beauté, n'a pas manqué de nourrir l'imaginaire de romanciers et de poètes. C'est ce rituel de passage à la maîtrise que traduit le franc-maçon Goethe dans un poème de 1814, Nostalgie bienheureuse dont le dernier quatrain se termine par une exhortation à abandonner les ténèbres: « Meurs et deviens! », La légende d'Hiram est aussi rapportée par Gérard de Nerval, dans un long chapitre de son Voyage en Orient. Sans être lui-même franc-maçon, l'écrivain avait une culture maçonnique étendue qui lui permit, sur le mode du conte oriental, de relater, dans son Histoire de la reine du matin et de Soliman prince des génies, la construction du temple. Dans le chapitre intitulé « Makbénach », il plonge le lecteur au coeur du drame fondateur en décrivant l'assassinat de l'architecte par les trois compagnons félons et la mise au point d'un nouveau mot de passe* de maîtrise le précédent ayant pu être arraché par la violence. « Makbénach » (« la chair quitte les os ») serait le premier mot, devenu mot de passe, prononcé par l'un des compagnons fidèles lors de la découverte du cadavre. Nerval termine ainsi la page en soulignant «l' importance de ce mythe fondateur et la postérité d'Adoniram resta sacrée pour eux; car longtemps après encore ils juraient par les fils de la veuve; ainsi désignaient-ils les descendants d'Adoniram et de la reine de Saba ».

Le sage Salomon, ayant changé la parole d'Hiram pour éviter que les mauvais compagnons ne mésusent du mot secret, certains rites, inspirés des Rose-Croix, font de la recherche de cette parole perdue la finalité même du travail maçonnique.

Vl. B.












HISTORIOGRAPHIE
HIST.JPG (303K) La production historique maçonnique est tout à la fois immense et très largement sujette à caution en raison de l' inaptitude des «. historiens romantiques » (qualificatif donné par John Hamill) à différencier fait historique et légende.

La maçonnologie* historique est née en «Allemagne » dans la première moitié du XIXe siècle avec les travaux de F. Schröder (1744-1816) F. Mossdorf (1757-1843} et surtout de G. Kloss*. Ce courant historique « authentique » est contemporain de l'école historico-critique de Tübingen, aux origines de nouvelles méthodes de l'exégèse biblique et de la critique historique. Le nouvel esprit passe au Royaume-Uni avec Gould* qui, en 1884, avec William J. Hugham (1841) George W. Speth (1847-1901) et Adolphus Woodford (1821-1887) constitue la loge de recherche Quatuor Coronati*.

En outre, la recherche historique britannique bénéficie également de travaux d'universitaires profanes. Ainsi, la publication de David Stevenson (The Origins of Freemasonry, Scotland's Century 1570-1710, Cambridge University Press, 1988) marque-t-elle une étape dans l'historiographie maçonnique. L'école authentique anglo-saxonne a révolutionné les idées universellement admises jusque-là sur les origines* de la maçonnerie, et le phénomène de l'acceptation (accepté*). Dans de nombreux pays, on crée les structures qui institutionnalisent l'histoire du fait maçonnique. L'Espagne constitue un exemple particulièrement remarquable, avec ses deux centres de recherches (Centro de Estudio de la Masoneria, Université de Saragosse; Instituto de Investigación sobre Liberalismo, Krausismo y Masoneria, Université de Madrid).

Par contre, en France, le développement de l'histoire maçonnique a été longtemps dans une position assez singulière, en raison de l'absence d'institutionnalisation (même si Jacques Brengues, Daniel Ligou ou Jacques Valette ont suscité et dirigé des travaux de « maçonnologie». Il n'existe pas non plus de sociétés d'étude, comme pour l'histoire du protestantisme, capable de réunir les chercheurs autour d'un projet global et « scientifique ». L'histoire maçonnique est donc prise en charge par des structures liées aux obédiences*. Ainsi, en 1971, le Grand Orient* s'était doté d'une commission d'histoire, présidée par Louis Lafourcade, transformée en Institut d'Études et de Recherches Maçonniques, dont la majorité de la production est consacrée à l'histoire.

Aussi, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, la maçonnologie a balbutié. On trouvait bien un souci d'érudition chez Daruty*, mais c'est un profane, René Le Forestier (1868-1951). qui donne les premiers grands travaux maçonnologiques (notamment L'Occultisme et la Franc-Maçonnerie écossaise, 1928, et son oeuvre posthume La Franc-Maçonnerie templière et occultiste au XVIIIe siècle, publiée par Antoine Faivre en 1970). Le Grand Orient avait bien constitué en 1930 un Comité d'histoire maçonnique, animé par Henri Marcy, pour écrire une histoire de l'Ordre mais la production écrite demeure minime même si F. Vermale, E. Lesueur et G.-H. Marcy présentent des ouvrages « raisonnés » avec des documents souvent inédits.

Les années 1950 et 1960 constituent un tournant. Profanes et maçons, dégagés des querelles intra maçonniques, publient des travaux décisifs que l'important travail de classement réalisé par Alain Le Bihan facilite largement. Des historiens comme Pierre Chevallier (Les Ducs sous l'acacia, ou les Premiers Pas de la francmaçonnerie française, 1725-1743, Paris, 19689 ou Daniel Ligou (Frédéric Desmons et la Franc-Maçonnerie sous la III République, Paris, 1966} peuvent alors entreprendre des travaux historiques de synthèse portant sur l'histoire générale de l'Ordre ou des moments stratégiques de son histoire. Parallèlement, l'oeuvre de Maurice Agulhon (Pénitents et Francs-Macons de l'ancienne Prosence, Aix, 1966; Paris , 1968» en liant véritablement l'histoire de la maçonnerie aux évolutions touchant l'histoire générale, ouvre un champ de réflexion novateur qui dépasse le cadre d'une approche purement factuelle. Dix ans plus tard, les travaux de Daniel Roche, à partir du prisme constitué par le monde académique et, par extension des structures de sociabilité au temps des Lumières*, achève d'intégrer l'histoire de la franc-maçonnerie dans un cadre historique global.

Des maçons acceptent quant à eux, de quitter l'histoire hagiographique, polémique ou « romantique ». Le renouveau et la diversité obédientielle d'une presse* maçonnique accordant la part belle à l'histoire en témoignent.

Durant ce demi-siècle, les travaux ont adopté plusieurs formes; et suivi plusieurs lignes d'intérêt. Depuis l'ouvrage d'André Bouton sur les maçons manceaux, les monographies sont particulièrement nombreuses. Certaines ont permis d'éclairer dans des études régionales, les processus évolutifs de la sociabilité maçonnique (M. Taillefer, La Franc-Maçonnerie toulousaine sous l'Ancien Régime et la Révolution, Paris, 1984).

Aujourd'hui, la recherche s'oriente vers l'anthropologie historique, l'analyse des causes, la reconstitution d'un univers mental et des événements tels que les ont vécus et ressentis les maçons, l'étude des groupes socioprofessionnels (J.-L. Quoy-Bodin, L'Armee et la Maçonnerie au déclin de la Monarchie, sous la Révolution et l'Ernpire, Paris-IV 1980), les obédiences (F. Jupeau-Requillard, La Grande Loge Symbolique Écossaise. 1880-19 11. Le changement dans l' institution maçonnique, Dijon, 1989}, l'antimaçonnisme* (D. Rossignol, Vichy et les francs-maçons, Paris, 1981), ou les rapports avec l'église (J. Rousse-Lacordaire, Rome e! les francsmaçons, histoire d un conflit, Paris, 1996), voire la sociologie politique (P.-A. Lambert, La Charbonnerie française, 1821-1823, P.U.L., 1995).

D'autres travaux, par leurs problématiques ou leurs méthodologies, rénovent également le champ des recherches. Les uns concernent le domaine maçonnique stricto sensu: il en est ainsi des travaux sur les débuts de la maçonnerie continentale et sur la maçonnerie écossaise d'Alain Bernheim, de M. Brodsky (« Les sources du langage maçonnique », Renaissance traditionnelle, n° 85 janvier 1991, p. 36-47) ou sur des domaines inexplorés comme l'Empire ottoman {T. Zarcone). Enfin, des travaux, qui considèrent que l'objet maçonnique constitue un « observatoire » , traitent de l' histoire de l'Ordre par rapport à des problématiques plus générales portant sur la connaissance du cosmopolitisme au XVIIIe siècle (P.-Y. Beaurepaire, L'Autre et le Frère; l'étranger et la franc-maçonnerie en France au XVIIIe siècle, Paris Slatkine, 1998) ou les mutations culturelles liées à l'événement révolutionnaire (E. Saunier, Révolution et sociabilité en Normandie au tournant des XVIIIe et XXe siècles: 6 000 francs-maçons de 1770 a 1830, P.U. de Rouen, 1998).

Hors du domaine maçonnique français, on doit citer les travaux de José Antonio Ferrer* Benimeli concernant le domaine hispanophone ou ceux d'A. Mola sur la maçonnerie italienne.

On remarquera que le XVIIIe siècle est la période la plus explorée par la maçonnologie historique française. Cependant, des travaux de Giuseppe Ciarizzo et d'Helmut Reinalter sur la maçonnerie austro-allemande en passant par les analyses stimulantes de Margaret Jacob, on doit constater qu'il s'agit d'une tendance générale. En France, aujourd'hui, l'histoire maçonnique du XVIIIe siècle bénéficie de l'impulsion donnée par la création de la Société française d'études du XVIIIe siècle et, en 1997, par Charles Porset, d'un groupe de recherches qui intègre véritablement la recherche maçonnique aux domaines universitaires.

Avec Daniel Ligou, on peut donc conclure que « c'est peut-être un des faits dominants des sciences humaines que l'émergence d'une connaissance nouvelle qui tient à la fois de l'histoire stricto serisu, de la sociologie, des sciences religieuses, de la psychologie, et qu'il est devenu banal de baptiser du nom quelque peu prétentieux, mais finalement parfaitement adéquat, de Maçonnologie».

Y. H.M.


HOGARTH William
HNIGHT.JPG (147K) (Smithfield, 1697-Londres, 1764) Dans la biographie (1998) qu'elle consacre au célèbre peintre, Jenny Uglow a mis fort opportunément l'accent sur l'inclinaison que celui ci éprouve pour les clubs et les sociétés de pensée londoniens (la St. Martin's Lane Academy, la Sublime Society of Beefsteaks ou la toute récente Grande Loge de Londres). En effet, « la nourriture et la boisson les discours et les chansons font appel à ses appétits sensuels et sociables... Les histoires codées, les poignées de main et les rituels sont adaptés à son amour des emblèmes et des jeux de mots ». Pourtant, paradoxalement, c'est par l'antimaçonnisme* que ce fils d'un maître d'école besogneux, formé à la technique de la gravure chez le réputé Ellis Gamble, entre en contact avec l'univers maçonnique. En effet, la gravure The Mystery of Masonry brought to light by the Cormogons (1724) met en scène une procession hostile à la maçonnerie, organisée par les Gormogons*, dans laquelle figure le seul portrait connu d'Anderson* représenté en tabliers* et gants*1 la tête émergeant entre les barreaux d'une échelle.

Peu de temps après, le 27 novembre 1725, on obtient cependant la première mention de l'appartenance maçonnique de Hogarth. Son nom figure sur le registre des membres de la loge* Hand and Apple Tree, domiciliée Little Queen Street. On y retrouve sir James Thornill, le peintre des fresques du dôme de la cathédrale Saint-Paul et le directeur de l'Académie, sise à Covent Carden. Hogarth, qui était son élève, épousa secrètement sa fille, Jane, à Paddington Old Church avant d'obtenir le consentement de son influent beaupère. Député de Veymouth, ce dernier était aussi Premier Grand Surveillant en 1728. Hogarth s'affilie ensuite à Bear and Harrow, en 1730, et au prestigieux Corner Stone, l'année suivante. En 1734, il est nommé Grand Steward à l'instigation de Sol1 ami Thomas SlaughterP propriétaire d'un café de St. Martin's Lane et son prédécesseur dans cette charge. Il dessine d'ailleurs le bijou* arboré, depuis, par les Grands Officiers.

Malgré cet engagement, les références maçonniques demeurent secondaires dans la production de l'artiste. On doit cependant noter deux ouvres de commande qui mettent en relief la prééminence chez les maçons spéculatifs* des Whigs inspirés par la philosophie newtonienne. La première s'intitute A Performance of the Indian Emperor or The Conquest of Mexico (1732-1735): elle décrit la représentation privée (devant les enfants de George 11) par des jeunes filles de la haute aristocratie d'une pièce de John Dryden, à Drury Lane, dans la demeure du commanditaire, sir John Conduit. Directeur de la Monnaie, ce dernier est l'époux de la nièce préférée de Newton.

D'éminentes personnalités maçonniques ont tenu à être présentes, notamment deux anciens Grands Maîtres, les ducs de Montagu et de Richmond tandis que s'active, dans le rôle du souffleur, Desaguliers.

Le véritable animateur du cénacle fut Newton, alors récemment disparu: son buste est là, posé sur le manteau de la cheminée. Dans la seconde ouvre, The Hervey Conversation (vers 1738), due le à la générosité du baron John Hervey off Ickworth, Hogarth place Desaguliers au centre d'une scène champêtre, debout sur une chaise, et observant à l'aide d'un télescope une église. Il est entouré de deux maçons éminents: Charles Spencer, 3e duc de Malborough, et Stephen Fox qui, assis à une table, semble prendre des relevés.

Hogarth consacre, en outre, une série de gravures à des personnalités influentes de la première Grande Loge, comme le numismate Martin Folkes, président de la Royal.Society, en 1741.

puis de la Society of Antiquarres en 1752, membre des loges Bedford Head (Covent Garden) et Maid's Head (Norwich) et Député Grand Maître en 1724; John Henley, initié en 1730 dans la loge éphémère Prince William Tavern, Grand Chapelain en 1734 et conférencier émérite dans les ateliers; le physicien John Misaubin maître de la Lodge of Friendship en 1731.

Il tint également à rendre hommage à des artistes et maçons reconnus, comme John Pine, graveur* du frontispice des Constitutions et membre en 1725 de la loge Globe Tavern's Moorgate, le graveur John Faber, Grand Steward en 1732, OU le peintre* John Highmore, 2e Grand Surveillant en 1725.

Toutefois, son ouvre maçonnique la plus célèbre est un épisode de la série The Four Times of Day, The Night, dont la large diffusion, à partir de mars 1738, assura la renommée.

Elle dépeint une scène qu i se déroule à l' extérieur de la Rummer and Crapes Tavern, à l'occasion de la célébration de l'anniversaire de la restauration de Charles 11 Stuart, le 29 mai 1660. Le maître* de la loge en état d'ébriété, est raccompagné par son tuileur*, tous deux arborant leurs tabliers de cuir et les insignes distinctifs de leurs fonctions respectives (équerre* et épée).

Il s'agit de Thomas de Veil, magistrat strict mais débauché, juge de paix pour la Cité de Westminster et la Tour de Londres, lieutenant-colonel de la milice, récemment promu inspecteur général des Exportations et des Importations, et membre, comme Hogarth avec lequel il avait eu des démêlés, de la loge Hand and Appel Tree.

Le tuileur est tout simplement le Grand Tuileur de la première Grande Loge: Andrew Montgomery.




HOHENZOLLERN
HOHENZ.JPG (81K) La dynastie est d'origine souabe. Friedrich Vl von Hohenzollern, margrave de Nuremberg, de vient margrave de Brandebourg au début du XVe siècle et prend le titre de Friedrich 1e. Le duché de Prusse est rattaché au Brandebourg en 1618. Friedrich (1657- 1713) électeur de Brandebourg, devient « roi en Prusse » en 1701. Son fils Friedrich Wilhelm ler (1689-1740) le Roi Sergent, épouse en 1706 Sophia Dorothea d'Angleterre, soeur du futur roi de Grande-Bretagne et d'lrlande, George 11.

Ils ont de nombreux enfants, dont le plus célèbre est leur fils aîné, Frédéric* le Grand.

Wilhelmine (1709-1758) leur fille aînée, épouse Friedrich (1711-1763) margrave de Brandebourg-Bayreuth, reçu maçon par Frédéric dans sa loge* du château de Rheinsberg, fin octobre 174«). Le margrave fonde la première loge (Schloss- loge zur Sonne) de Bayreuth le 21 janvier 1741 et la dirige jusqu'à sa mort.

Charlotte (1716-1801) épouse le duc Karl ler von Braunschweig* qui n'est pas maçon, mais trois de leurs fils appartien diront à la Stricte Observance*.

August Wilhelm (Berlin, 9 août 1722-Oranienburg, 22 juin 1758) époux de Luise-Amalie von Braunschweig, est reçu maçon par Frédéric en juin 1740 au château de Charlottenbourg.

Friedrich Heinrich Ludwig (1726-1802) époux de Wilhelmine von Kassel, est reçu maçon probablement en 1745.

August Ferdinand (Berlin, 23 mai 1730- 9 mai 1813) époux d'Anna Elisabeth Luise von Brandebourg-Schwedt, assiste le 94 janvier 1755 à la fête organisée par la mère loge* Aux Trois Globes en l'honneur de l'anniversaire de Frédéric et tient le premier maillet pendant une partie de la cérémonie, à laquelle assistent la plupart des maçons de Berlin.

Friedrich Wilhelm (Frédéric-Guillaume) Il (25 septembre 1744-16 novembre 1797), prince héritier, fils d'August Wilhelm, devient roi de Prusse à la mort de son oncle, Frédéric le Grand. On ignore quand il devient maçon. Le 16 novembre 1770, il adresse une lettre autographe à Cothenius, médecin de Frédéric et membre de la Stricte Observance, dans laquelle il accepte de devenir protecteur de la Mère Loge Aux Trois Globes, alors ralliée à la Stricte Observance. Il est nommé membre d'honneur de la loge Zu den drei goldenen Schlüsseln de Berlin le 1er octobre 1772. Très religieux, enclin au mysticisme et adonné au surnaturel, Bischoffwerder et Wöllner l'aménent à devenir membre de l'Ordre des Rose-Croix d'or*, le. 8 août 1781, où il reçoit le nom d'Ormesus. Il voit apparaître à Charlottenbourg les esprits de, Marc Aurèle, de Leibniz et du Grand Électeur, dont les admonestations l'aménent à quitter sa maîtresse. Devenu roi, il ne participe pas aux travaux maçonniques mais confirme son protectorat, le 9 février 1796.

Friedrich Wilhelm (Frédéric Guillaume) 111 (3 août 1770-7 juin 1840) est le. fils du précédent par son second mariage avec Frederika Louisa von Hessen-Darmstadt, roi de Prusse à la mort de son père. Aucun document ne permet d'étayer l'affirmation de la Geschichte der Freirnaurerei in Deutschland (1859) de Wilhelm Keller (1859-1895) selon laquelle il aurait été reçu franc-maçon à Paris en 1814 par une loge militaire russe. Le roi étend à la Grande Loge Royal York le protectorat accordé par son père à la mère loge* Aux Trois Globes. Quelques semaines avant sa mort, il autorise son second fils, le prince Wilhelm, à devenir franc-maçon à la condition d'appartenir simultanément aux trois Grandes Loges de rites différents existant alors en Prusse, lesquelles venaient de fonder ensemble le Großmeister-Verein le 28 décembre 1839, et de leur accorder son protectorat.

Friedrich Wilhelm (Frédéric Guillaume) IV (15 octobre 1795-2 janvier 1861) fils aîné du précédent et roi de Prusse à la mort de son père, n'était pas franc-maçon. Frère cadet du précédent, Wilhelm Friedrich Ludwig (22 mars 1797-9 mars 1888) assure la régence à partir du 7 octobre 1858; il accédera au trône en 1861 sous le nom de Wilhelm (Guillaume l er). Les trois Grands Maîtres allemands se réunissent le 18 mai 1840 pour déterminer comment procéder à la réception du prince Wilhelm et, le lendemain, lui demandent son avis. Le prince décide de leur laisser le choix des circonstances et fixe la date de son initiation* au 22 mai suivant. Le comte Henkel von Donnersmark, Grand Maître de la Grande Loge Nationale (Große Landesloge), procède à sa réception aux trois grades* symboliques dans le temple* de son obédience*, car ayant été l'aide de camp de Friedrich Wilhelm 111 durant de nombreuses années, il connaît bien son fils.

Devenu protecteur de toutes les loges prussiennes, le prince Wilhelm ne manque jamais de faire état de sa qualité maçonnique et de protéger les loges face aux attaques du parti clérical. Le 31 mai 1840, quelques jours après sa réception, il énumère par écrit les documents rituels et administratifs qu'il souhaite lui être adressés afin d'être en mesure de remplir de manière effective sa charge de protecteur. Il prononce un discours éloquent à cet égard lors d'une visite à la loge de Solingen le 16 juin 1853, assiste à une fête organisée par les loges de Breslau le 24 juin 1855, et est accompagné par son fils à la loge de Mayence le 13 octobre suivant. Il exerce la présidence effective du Großmeister-Verein jusqu'en 1861, année de son accession au trône.

Le 22 mai 1865, à l'occasion des 25 ans de son jubilé maçonnique, les trois Grands Maîtres lui présentent leurs voeux dans une adresse à laquelle le souverain répond dans les termes les plus chaleureux en évoquant la manière dont il avait répondu aux attaques contre la franc-maçonnerie. Proclamé empereur d'Allemagne le 18 janvier 1871, il demeure protecteur de la franc-maçonnerie prussienne. Bismarck évoque dans ses mémoires (Gedanken und Erinnerungen, 1898) la fidélité quasi religieuse avec laquelle il remplissait ses devoirs envers ses frères. De nombreuses cérémonies maçonniques ont lieu à l'occasion de sa mort.

Friedrich (Frédéric) III (18 octobre 183115 juin 1888) fils aîné du précédent, est reçu maçon le 5 novembre 1853, en présence de son père~ des 3 Grands Maîtres et de 12 membres de chacune des trois Grandes Loges prussiennes, dans une salle du palais transformée pour l'occasion en temple maçonnique. Le Grand Maître de la Grande Loge Nationale, Dietrich Wilhelm Heinrich Busch, lui confère les trois grades symboliques. Son père avait en effet décidé que, tout en exerçant le protectorat sur les trois Grandes Loges prussiennes, son fils deviendrait membre de ]a seule Grande Loge Nationale et non pas des trois à la fois. Le prince est nommé Grand Architecte de l'Ordre (Ordens Ober-Architeckt ) le 10 mai 1853. À la mort du général Karl Friedrich von Selasinsky (24 janvier 1786 26 avril 1860) Ordens+Meister, il devient son successeur le 18 juin 1860.

En 1858, le prince avait épousé Victoria (Vicky), fille aînée de la reine Victoria. C'est en partie à son influence que Runkel attribue l'évolution du prince qui se détache progressivement de la tradition chrétienne et templière de la Grande Loge Nationale. Cette évolution devient publique lors du discours qu'il prononce le 24 juin 1870, à l'occasion du centenaire de la fondation de la Grande Loge Nationale par Zinnendorf*, en présence des représentants des trois Grandes Loges prussiennes. Les déclarations du prince sont d'autant plus révolutionnaires qu'il occupe alors la plus haute charge de l'Ordre. Il estime que les traditions de celui-ci doivent être soumises à une critique historique impartiale et non, comme cela avait été jusqu'alors le cas, être acceptées comme des vérités révélées. Il insiste sur I' importance prépondérante des loges bleues* . Il souhaite que soit levé le secret * qui entoure l enseignement des hauts grades* de l'Ordre qu'il compare à une chape de glace et déclare qu'il n'existe qu'une seule franc-maçonnerie, alors que la Grande Loge Nationale enseigne qu'elle est seule à détenir j a vérité. De telles déclarations apparaissent inacceptables pour ses aînés et d'autant plus scandaleuses qu'elles sont prononcées, trois semaines avant la publication de la dépêche d'Ems, par u n jeune prince de 39 ans, en présence des membres des deux autres Grandes Loges prussiennes.

Si ce discours amène la création en 1872 de la revue de la Grande Loge Nationale (Zirkelkorrespondenz unter den Johannis Logenmeistem der Großen Landesloge von Deutschland) placée sous la direction de Widmann, et facilite la diffusion des travaux de Gustav Adolph Schiffmann (30 juillet 1814-18 juillet 1883) qui en expose les résultats au cours de conférences prononcées en 1873 en réunions du 80 de la Grande Loge Nationale, l'opposition qu'il a suscitée force le prince à se démettre de sa charge le 7 mars 1874. L'ancien Grand Maître National Cäsar Karl Ludwig von Dachröden (1864-1872) alors âgé de 68 ans, lui succède. Schiffmann devient alors Ordens Ober-Architecht et successeur automatique de Dachröden lorsque celui-ci serait amené à cesser d'exercer ses fonctions.

Pour éviter une telle situation, les dispositions régissant l'élection de l'Ordens+Meister sont modifiées 11 s'ensuit la publication d'écrits polémiques qui entraînent l'exclusion de Schiffmann le ler juillet 1876, approuvée par l'empereur le 18 septembre suivant. Schiffmann sera réintégré en 1882, une fois reconnue l'exactitude de ses travaux historiques. Le prince continue néanmoins à assumer les fonctions de protecteur suppléant de la maçonnerie prussienne jusqu'à la mort de son père. Lors d'une visite rendue à la loge An Erwins Dom de Strasbourg~ le 12 septembre 1886, il fait l'éloge de la liberté de conscience. Pendant les trois mois de son propre règne, il s'adresse à deux reprises aux maçons Prussiens. Son fils, l'empereur Wilhelm (Guillaume) 11 (1859 1941» ne fut pas franc-maçon.

A. B.


HONGRIE
HUNG.JPG (147K) (XIXe siècle) Depuis le début du XIXe siècle, la vie maçonnique, interdite dans les Etats des Habsbourg, était uniquement liée à la présence étrangère. En 1848, les événements révolutionnaires du printemps favorisèrent l'éclosion d'une éphémère loge viennoise Zum Heiligen Josef, mais le retour de l'absolutisme à l'automne, avec l'avènement du nouvel empereur François-Joseph, ennemi des maçons comme son père François 11 (1792-1835) et son oncle Ferdinand 1er (1835-1848), mirent fin à son activité. Toutefois, la courte indépendance ( 1849) de la Hongrie permet l'érection d'une loge à Budapest présidée par August Thoma. Sa vie est aussi éphémère que la liberté de la Hongrie mais son implantation annonce la diffusion du fait maçonnique e dans cette seule partie de l'Empire. Les débuts sont difficiles et, douze ans plus tard, la création d'unes loge Szent Istvan est encore impossible. A Genève, des Hongrois exilés ont fondé une loge (Ister) mais sa vie est éphémère. C'est avec le dualisme mis en place par la loi fondamentale du 21 décembre 1867 que la franc-maçonnerie reprend force et vigueur dans ce qui est devenu le royaume de Hongrie 11 est vrai que le gouvernement est préside par un frère (le comte Jules Andrassy qui avait été reçu à Paris Mont Sinaï). De plus la constitution et une législation concernant les associations plus libérales à Budapest qu'à Vienne, et le retour de nombreux exilés initiés à l'étranger (comme Lajos Kossuth), conduisent au réveil de la maçonnerie.

Le 26 juin 1868, la loge Einigkeit im Vaterland, présidée par Louis Lewis, est fondée par des aristocrates et d es bourgeois hongrois puis, en 1869, est créé le premier atelier magyarophone, Szent Istan. En janvier 1870, divers ateliers se fédèrent au sein de la Grande Loge Hongroise de Saint-Jean dont le premier Grand Maître est Ferenc Pulski Entre-temps, avec l'aide du Grand Orient de France*t est constituée la loge Mathias Corvin présidée par le général Stephan Turr initié à Paris.

Diverses loges germanophones, dont Humbold à Budapest, sont également érigées. Ainsi va se constituer en 1871 le Grand Orient de Hongrie, sous la Grande Maîtrise de l'ancien ministre Georg Joannovic.

Le député Théodore Csaky tente de fusionner les deux fédérations. L'opération se fait en mars 1866. Elle donne naissance à la Grande Loge Symbolique de Hongrie, dont Pulski fut le premier Grand Maître. Elle pratique un rite* inspiré de celui de Schröder*. Ses effectifs sont modestes mais en constante augmentation (39 loges et 1 800 membres en 1886, 102 et 7 000 en 1917-1918).

De plus, l'obédience hongroise administrait les sept loges de Croatie-Slavonie, celles de Serbie (jusqu'en 1908-1909) et les Grenzlogen. Ce sont des « loges de frontière » qui, jusqu'en 1918, permettent aux maçons d'Autriche* de fréquenter des temples. Ce compromis « à l'austro-hongroise » permet de fonder des ateliers notamment à Pressburg en Slovaquie (devenue Bratislava) à Odenbourg (Sopron, en Hongrie) et à Neudörff, près de Wierner Neustadt, de l'autre coté de la Leitha. Ateliers et maçons « transfrontaliers » se distinguent par leur action caritative et peuvent s'honorer d'avoir compté parmi eux le prix Nobel de la Paix (en 1911) Alfred Fried (1864-1921).

La chute de la double monarchie austro-hongroise provoque un renversement dans le paysage maçonnique danubien. Le gouvernement des Soviets de Bela Kun puis le régime fascisant de l'amiral Horthy interdisent la franc-maçonnerie tandis que la nouvelle république autrichienne autorise la Grande Loge de Vienne. À la fin des années 1920, le gouvernement de Budapest permet aux Hongrois de fréquenter les loges... autrichiennes ou tchécoslovaques. C'est ainsi que furent constitués à Vienne les ateliers magyarophones In labore virtus et Labor. Puis, les maçonneries des ex-États des Habsbourg sont interdites et persécutées par le nazisme* et ses alliés dans les années 1930 et au début des années 1940, avant que leur histoire ne s'inscrive dans le contexte de l'évolution politique des pays d'Europe de l'Est* après la guerre.

Y. H.M.


HUBERT Esprit-Eugène
(Toulouse, 1879-Paris ?, ~897) Employé des Contributions puis conseiller de préfecture, littérateur et administrateur, il est initié le 17 mars 1848 à La Parfaite Harmonie à Toulouse et il représente sa loge au Grand Orient* où il est admis comme député en avril 1849. Spiritualiste passionné, il adhère également au Rite de Misraïm et aux Chevaliers Croises, loge* templière du Suprême Conseil de France. Il devient chef du secrétariat particulier du Grand Orient, le 25 avril 1851. il fournit un remarquable effort de remise en ordre. Sa nomination lui ouvre le 33°. Il dépend alors du secrétaire général Adolphe Périer et est amené à réagir rapidement, au moment du coup d'État du 2 décembre 1851. Prévenu par son frère que les maçons qui devaient avoir leur tenue*t le soir même, allaient être arrêtés, il avise les loges parisiennes qu'elles ne peuvent se réunir. Il sert de mentor au nouveau Grand Maître, le prince Murat*, qui s'inscrit dans sa loge. Au moment du choix des dignitaires, il se trouve pris dans un conflit opposant Heullant et Berville et se trouve accusé d'avoir manipulé les députés. Murat lui reproche d'avoir appuyé la candidature de Bugnot comme Grand Maître Adjoint et d'avoir fait élire plusieurs officiers*. Révoqué, il répond par une circulaire de protestation aux loges. Le Conseil limite cependant l'inévitable sanction à trois ans de suspension de ses droits maçonniques. Il sort provisoirement de la scène maçonnique.

Revenu au Grand Orient par l'intermédiaire de la loge Jerusalem des Vallées Égyptiennes, où pontife le vieux Simon Jean Boubée, écrivain initié en 1795, nommé Grand Conservateur en 1861 par le prince Murat pour assurer l'intérim, Hubert lui succède comme vénérable*.

Puis il s'inscrit, le 13 juin 1868, au Temple des Amis de l'Honneur Français, la loge de Thévenot, le secrétaire général en titre. Il y commence une seconde carrière maçonnique en prenant, en 1869, la direction de la Chaîne d'union, revue créée à Londres par des proscrits. Elle sera, de 1872 à 1889, la meilleure et la plus indépendante des revues maçonniques et une source très riche de documentation sur la vie maçonnique française et internationale.

Hubert a la nostalgie de l'ancien Grand Orient avec les réunions bimensuelles de ses chambres. Il est déiste, très attaché au maintien à la référence au Grand Architecte de l'Univers*, mais accepte, en 1877, de se plier à la loi de la majorité.

Républicain de touJours, il s'abstient de par]er de la Commune*, appuie les réformes politiques des années 1880 et condamne vigoureusement le boulangisme*.

Il ne va pas accepter le coup de force du Conseil de l'Ordre approuvé par le Convent*, en 1886 pour dissoudre le Grand Collège sous le prétexte fallacieux qu'il ne répondait plus aux nouveaux statuts généraux. Il s'agissait d'affaiblir le courant déiste. Hubert et son ami Wyse, Duhamel, Francolin et Brémond sont écartés. Hubert, sollicité par Amiable et Colfavru*, les responsables du putsch, refuse de réintégrer et s'affilie à la loge Le Héros de l'Humanité. Elle dépend du Suprême Conseil de France qui, flatté, l'accueille aussitôt en son sein. Hubert met fin à ses activités maçonniques en décembre 1889, se satisfaisant de divers honorariats. Les obsèques de ce grand maçon, en 1897, sont civiles.

A. C.


HUND UND ALTENGROTKAU,
HUND.JPG (58K) Carl Gotthelf von (Manua, Lipse, HauteLusace, 1722-Memmgen, Thuringe, 1776) Le fondateur de la Stricte Observance templière* était le descendant d'Otto Heinrich von Hund und Altengrotkau qui vivait à Ratisbonne en 1312. L'une des branches de la famille s'établit en Silésie au XVIIe siècle. La qualité de baron fut décernée à Hildebrand Rudolph petit-cousin de Joachim Hildebrand qui était le père de Carl Gotthelf von Hund, mais non à ce dernier. Orphelin de père à 8 ans, héritier d'une fortune importante, Carl Gotthelf fait ses études à Leipzig.

Le 24 juin 1751, il crée sur sa terre de Kittlitz la loge Aux Trois Colonnes. Merzdorf en recopia les procès-verbaux inédits, rédigés en français, et les reproduisit en 1842 dans le Cirelkorrespondenz der Egbünde (Schroder*) dont un exemplaire se trouve aux archives* de la ville de Hambourg. Des indications biographiques de première main concernant von Hund se trouvent au folio 71: « Charle Gotthelff de Hund et Altengrokau, Seigneur de Unwürde, Kittlitz, Gebeltzig, Oppeln, Manua, Liske etc. Chambelan de S. A. S. l'Électeur de Cologne, naquit le 11. de Sept 1722 à Manua, fut reçu Franc-maçon l'an 1741 le 18. d'Octobre à francforth sur le Mayn dans la Grande [Loge] sous la conduite du comte de Schönborn, Conseiller Privé actuel de S. M. I. le prince Auguste de Baden et le prince George de Hesse d'Armstadt, etant surveillants ayant pour répondant le Prince frederic de Hesse d'Armstadt, le prince de Nassau Welbourg et le comte de Wilt, et fut fait le même jour Compagnon, l'an 1742. Le 21 de Juliet il fut reçu Maître dans la [loge] aux 3 Roses à Gent, par Messer Bocland, maître en Chaire, et le 22 d'Aoust Écossais par Mylord duc - d'Albermarle à Bruxelles, et prit le surnom de Chev:- de l'Épée. Il fut second surveillant dans sa [loge] nommée à l'Arbre rompu, et après Premier Surveillant dans la même Le 13. d'Octobre de la meme année il fut fait Maçon Sapant et reçut des nouvelles lumières. Il entra en qualité de 1. Surveillant dans la nouvelle [loge] aux 3 Compas à Paris le 12 de Decbre 1742. Le 3 Janvier de l'année l 743. L a [loge] le choisit pour maître en chaire, et le 6e Janvier il la cassa au nom du Grand Maître et la forma de nouveau sous le nom de la [loge] Étrangère le 24. de Janvier 1743. Le 13 de Novb. 174.3 il resigna en faveur du Baron Merklem, se reservant ses droits en cas de son retour à Paris. Il reçut avant son départ des Instructions Particuliers, et en passant par Strasbourg il aida à établir une [loge] sous le nom de l'Épée d'or, et eriga enfin cette [loge] aux 3 Colonnes le 24 Juin 1751.»

La présence de von Hund au couronnement de l'empereur Charles Vll est attestée par la liste des participants vérifiée par Kloss*.

Depuis plus de deux siècles, les historiens se posent la meme question: von Hund a-t-il reçu un grade chevaleresque ou templier à Paris? La question a été obscurcie par les écrits de son ami Christian Friedrich Kessler von Sprengseysen (1730-1809) reçu maçon en avril 1754 à Unwürde par von Hund qui l'arme chevalier, Eques a Spina le 16 janvier 1764. Dans l'éloge funèbre prononcé par Kessler et dans les quatre livres qu'il publia après 1786 pour défendre la mémoire de von Hund, se rencontrent de nombreux éléments inexacts.

Le témoignage de Carl Heinrich Ludwig Jacobi apparaît plus digne de foi. Né le 8 mai 1745, secrétaire de l'ordre à 21 ans, Jacobi rédigea un Bref examen de l'histoire de la franc-maçonnerie et de l'ordre des Templiers en Allemagne, en particulier des frères appartenant au système dit de la Stricte Observance depuis 1742. Dans ce manuscrit en partie inédit, Jacobi admet que la plupart des membres de la Stricte Observance étaient convaincus que von Hund avait été reçu à Paris en 1743 dans l'Ordre de Jérusalem par le Grand Maître de l'Ordre, Charles Edouard ou Jacques 111, qui l'aurait nommé Grand Maître de la 8e Province. Tout en estimant probable que von Hund a fréquenté à Paris une loge d'exilés jacobites* qui auraient attendu de lui une aide financière pour le débarquement qu'ils préparaient en Écosse, Jacobi affirme ne jamais avoir entendu von Hund faire de déclarations à ce sujet.

Lorsqu'en juin 1751, à Kittlitz, von Hund crée avec des frères fort jeunes-ils ont 27 ans en moyenne-une loge et un chapitre dont le champ d'activité ne s'étend pas au-delà de la Lusace, il n'exerce aucune activité maçonnique depuis près de 8 ans. Or Jacobi, qui grandit à Kittlitzt se rappelle qu'en 1750 ou en 1751 un officier écossais nommé O'Keith vint y rendre visite à von Hund. Il aurait été porteur d'un message du Grand Maître.

Il semble probable que ce visiteur était le général James Keith. Issu d'une célèbre famille de jacobites écossais proscrits, Keith avait du à la position qu'il occupait à la tête des troupes de l'impératrice Anna l'autorisation de se rendre en mars 1740 à Londres où le &rand Master Elect, son cousin John Keith, 3e comte de Kintore, l'avait nommé Grand Maître Provincial pour la Russie * . Frédéric avait nommé James Keith General-Feldmarschall en septembre 1747 et gouverneur de Berlin en octobre 1749. Sa visite fournirait une explication à l'activité maçonnique manifestée par von Hund à partir de 1751 à propos de laquelle Schröder dans ses Materialien a publié des documents. La guerre de Sept Ans interrompt les travaux du chapitre qui reprennent en 1763, une fois la paix revenue.

On sait qu'un chapitre dit « de Clermont » avait été ouvert à Berlin par un prisonnier de guerre français au sein de la Mère Loge* Aux Trois C;lobes le 19 Juillet 1760, que son légat général, le pasteur Rosa, en modifia le rituel et créa de nombreux chapitres de ce système en Europe dont l'un à Jena (léna). En septembre 1763, un escroc de génie se présente au chapitre de Jena sous le nom de Johnson, Grand Prieur de l'Ordre du Temple de Jérusalem, Eques a Leone magno, arrivant d'Écosse. Il déclare que les rituels sont faux et les constitutions reçues de Berlin sans valeur. Il répète ses dires en présence de Rosa qu'il a eu l'audace de convoquer et dont la comparution se termine en déroute. Le 12 octobre 1763, ces événements sont annoncés à von Hund. Persuadé que cet envoyé est un ambassadeur authentique, von Hund entre en correspondance avec lui. Les deux hommes se rencontrent six mois plus tard au Convent d'Altenberg. Démasqué, Johnson s'enfuit. Rejoint, il est emprisonné sans jugement et meurt à la Wartburg dans la cellule qu'avait occupée Luther.

Entouré par deux organisateurs de talent qui se sépareront vite de lui, Zinnendorf* en 1766, Schubart deux ans plus tard, von Hund et la Stricte Observance dominent la maçonnerie allemande pendant 12 ans. Von Hund meurt le 8 novembre 1776 un an après le Convent de Braunschweig*. Il fut enseveli, comme Schubart, dans sa grande cape blanche.

A.B.


HUTCHINSON, William
HUTCH.JPG (145K) (Durham, 1732-1814) Les premiers historiens maçonniques anglophones du début du siècle, Albert Mackey et A. E. Waite, considérèrent Hutchinson comme «'l'esprit novateur qui s'attacha à élever le niveau intellectuel de la franc-maçonnerie anglaise du XVIIIe siècle en expliquant, d'une manière rationnelle et scientifique, les principes moraux et philosophiques de l'Ordre ».

William Hutchinson est le deuxième enfant et le premier fils d'un avocat estimé. Il fait ses humanités à la Gammar School locale sous la houlette de deux ecclésiastiques diplômés de Cambridge et d'Oxford, Richard Dongworth et son adjoint (puis successeur} Thomas Randall, qui lui transmettent leur inclination pour l'histoire et les auteurs classiques dont il parsèmera ses multiples écrits. Après un apprentissage juridique à Londres, il s'installe vers 1756 à Bernard Castle. Le 30 septembre 1758, il épouse Elizabeth Marshall et emménage dans The Grove. Son rôle déterminant dans la réorganisation de la milice des volontaires du comté lui permet de devenir intendant des domaines du comte de Darlington, Henry Vane. Admis au sein de l'establishment, il devient, vers 1770, l'intime de George Allan, riche avocat féru d'histoire locale.

C'est cette année-là qu'Hutchinson est initié, le 4 juin, par une loge Moderne* encore dépourvue de patente et se réunissant alternativement dans deux auberges: Le Lièvre et la Meute et L'Équerre et le Compas. En 1785, elle adoptera le nom de Lodge of Concord. Très actif, il en est le maître en 1771. Il occupe à nouveau cet office en 1773 et 1776. Il participe en 1784, avec le rang de Premier Vénérable*, à la fondation de l'éphémère second atelier de sa cité, Raby Lodge n° 461, et entretient aussi des relations régulières avec des frères de la Marquis de Granby Lodge, qui se retrouvaient au sein de chapitres Harodim.
Il ne réussit pas toutefois à obtenir, en 1775, la Grande Maîtrise Provinciale de Durham alors vacante.


Le 9 février 1774 il adresse à James Hesletime, Grand Secrétaire de la Grande Loge des Modernes, un recueil de ses conférences prononcées devant les différents ateliers du comté.
Hutchinson, prenant acte de l'hétérodoxie du message maçonnique qui juxtapose principes moraux rudimentaires et interprétations newtoniennes parfois bien confuses, met l'accent sur la dimension chrétienne du métier, explicitée avec une rare intensité dans le 3° « Ainsi, le maître maçon est un homme sauvé du tombeau de l'iniquité et élevé par la foi du salut. » Pour y parvenir, l'impétrant, dès l'initiation*, disposait d'un cadre, la loge, et de tous ses attributs, et d'une morale inscrite dans les quatre vertus théologales (Prudence, Courage, Tempérance et Justice) destinées à développer en lui les qualités inhérentes à la « philosophie » maçonnique (compassion, bienveillance, paix, régularité, bienséance, silence et discrétion). Le manuscrit retient l' attention de la première Grande Loge, fait auquel Preston*, à l'époque son Député Grand Secrétaire, n'est certainement pas étranger. En effet, les Modernes, depuis 1760, sont en proie à une désaffection de leurs membres consécutive à la négligence de leurs Grands Maîtres successifs, aux attaques Grossières de la presse et aux critiques acrimonieuses de leurs rivaux, les Anciens*, qui dénoncent l'ignorance des maîtres* de loge et la déchristianisation délibérée des rituels. Aussi, lord Petre, leur très actif nouveau Grand Maître, demande à Hutchinson des modifications qui réitèrent avec vigueur la filiation historique entre la franc-maçonnerie et la culture biblique et classique. Il publie donc, en 1775, le recueil sous le titre The Spirit of Masonry in Moral and Elucidatozy Lectures. Cette première édition, qui compte 237 pages, est ornée d'un frontispice illuminé par une étoile à cinq branches portant un triangle entrelacé avec la lettre G* inscrite dans son centre. Les critiques sont favorables, à l'exemple de celle parue en 1797 dans le Freemason 's Magazine. Il veille avec attention sur les éditions ultérieures; il précise, dans celle de 1802, que la franc-maçonnerie est une institution morale et que la première obligation des maçons réside en une observation inconditionnelle de ses principes moraux.

Outre ses écrits maçonniques, devenu fellow de la Society of Anriquaries en 1781, il se consacre désormais à la compilation de pointilleuses monographies, The History of Cumberland (1794) et The History of Durham (1794) en dépit de déboires avec Samuel Hodgson et John Vichols, ses imprimeurs successifs, qui altèrent sa fortune. En plus de nouvelles sur les joies de la vie pastorale (The Hermitage, A Week at a Cottage), il compose deux tragédies (Baleazar, King of Tyre, en 1758, et The Princess of Zonfara, en 1789}. La seconde est en corrélation avec les carnpagnes anti esclavagistes menées par les Quakers et les Méthodistes mais, convaincu de l'indifférence du public, Thomas Harris, le directeur de Covent Garden, refusa de la monter.

William Hutchinson disparaît le 7 avril 1814, trois mois seulement après la formation de la Grande Loge Unie d'Angleterre * . Fr. D.