GRANDE LOGE SYMBOLIQUE ÉCOSSAISE
GRANDE LOGE TRADITIONNELLE ET SYMBOLIQUE
GRANDE LOGE UNIE D'ANGLETERRE
GRANDES LUMIÈRES






GRANDE LOGE SYMBOLIQUE ÉCOSSAISE
GLSE.JPG (298K) Dans la décennie 1870 le Suprême Conseil de France fut secoué par une crise interne. Le décret du 2 décembre 1873 pris par l'exécutif de l'obédience écossaise rendant obligatoire la formule « À la gloire du Grand Architecte de l' Univers» provoqua la mauvaise humeur d'une forte minorité de loges* bleues*. La contestation portait également sur la démocratisation interne de l'obédience, et une nouvelle orientation idéologique de l'obédience s'amplifia.

Face au conservatisme des dignitaires écossais, un comité d'initiative regroupant 22 loges fut créé en août 1879. En novembre, les contestataires fondaient une nouvelle fédération maçonnique.

L'association reçut le 12 février 1880 d'Edme Lepère ministre de l'lntérieur et des Cultes, l'autorisation de s'installer sous le nom de Grande Loge Symbolique Écossaise. Le 8 mars? elle annonçait officiellement son existence aux autres puissances maçonniques. Le 23 août? une constitution, promulguée le lendemain, était adoptée.
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À sa création, la Grande Loge Symbolique Écossaise comptait 12 loges: 7 à Paris, une au Havre, une à Lyon*, une à Saint Guen, une à Saintes et une à Alexandrie d'Égypte. Au moment de sa plus grande extension, elle fédérait 39 ou 40 loges. Ses effectifs d'environ 670 membres en octobre 1880 culminèrent à 1450 en décembre 1883.

Son siège social parisien fut d'abord au 20, rue Richer, dans le IXe arrondissement? puis au 5, rue Payenne, dans la maison Mansart, dite aussi de Clotilde de Vaux, dans le Marais.

La deuxième obédience écossaise, dite également Grande Loge Symbolique lie France, publia, dès avril 1880, sous la direction-gérance de Paul Goumain Cornille, un Bulletin maçonnique de la GLSE.. Il deviendra une publication de plus en plus indépendante de l'obédience, d'abord sous le titre Bulletin Maçonnique organe de la maçonnerie universelle (1895), puis La Revue maçonnique (1895).

Durant ses 17 années d'existence, la Grande Loge Symbolique Écossaise fut présidée par l'avocat Paul Goumain-Cornille (1880, 1884, 1890), Georges Martin* (1881), Alexandre Friquet (1882, 1885 1889, 1892, 1895), commis principal au ministère des Finances, Gustave Mesureur* (1883, 1887, 1894) Henri Blaise Chasseing (1886}, conseiller municipal de Paris et futur sénateur de la Seine, Mamelle (1888, 1891, 1896, 1897) et Andrieu (1893).

Comme les autres obédiences masculines, la Grande Loge Symbolique fut confrontée à la question de l'admission des femmes*. C'est pour initier Maria Deraismes* que la loge n° 13 Les Libres Penseurs. sise au Pecq, se proclama indépendante et quitta la Grande Loge Symbolique pour plusieurs mois (automne 1881 -été l 882) .

En juin 1894, le Suprême Conseil de France finit par admettre le principe de l'autonomie des 60 loges bleues qu'il administrait toujours. Au même moment, 36 loges de la Grande Loge Symbolique acceptèrent le principe d'une fusion avec ces ateliers désormais autonomes.

Le congrès de l~unification écossaise se tint à Paris du 7 au 9 novembre 1894. Le premier matin? par 50 voix contre 8 et 2 abstentions, les loges du Suprême Conseil se fédérèrent en Grande Loge autonome. L'aprés-midi, les 36 loges de la Grande Loge Symbolique vinrent se joindre au congrès qui s'érigea en assemblée constituante. La fusion espérée ne se fit point, mais la Grande Loge de France* était née. Il faudra deux ans de négociations pour que la Grande Loge Symbolique Écossaise et la Grande Loge de France s'unissent définitivement.

En janvier 1897, la n° 24, Diderot* décide de « continuer à elle seule, malgré vents et marées, l'ancienne Grande Loge Symbolique disparue ». Ensuite, au printemps de 1898, c'est le tour de la no 42, Les Inséparables de l'Arc-en-Ciel. En juin, est officiellement annoncé le maintien de la Grande Loge Symbolique Écossaise 11 dont le premier président est l'ancien communard Raoul Urbain. D'esprit libertaire, de fonctionnement très démocratique la Grande Loge Symbolique Écossaise 11 Maintenue compte 7 ateliers (en 1907). En 1901, la nouvelle constitution de la Grande Loge Symbolique Écossaise Il Maintenue et Mixte offre la possibilité à ses loges masculines de recevoir des soeurs, ou de devenir mixtes. C'est ainsi qu 'au se in de l'atelier n° 3, La Philosophie Sociale furent initiées Madeleine Pelletier et Louise Michel*.

À partir de 1905, des rivalités personnelles et des divergences idéologiques secouent fortement l'obédience. A l'été de 1907, Madeleine Pelletier est exclue. A la fin de la même année, la Grande Loge Symbolique ne compte plus que deux ateliers, La Philosophie Sociale n° 3 et Diderot no 1 En 1909-1910, l'obédience se réduisait à cette loge qui rejoignit la Grande Loge de France en 1911.

Pendant 14 années la Grande Loge Symbolique Écossaise 11 a occupé une place originale au sein de la maçonnerie française car elle était ultra démocratique dans son fonctionnement, pratiquant une mixité à la carte} presque exclusivement parisienne, féministe, très libérale en matière de morale privée, néomalthusianiste et libertaire. Françoise Jupeau-Requillard a recensé les principaux thèmes traités dans quatre loges de l'obédience: le féminisme (24 sujets) devance l'athéisme et l'anticléricalisme (16 sujets chacun) et la «démocratie bourgeoise » (11 sujets).

Parmi ses membres, on relève les noms de Marie Bonnevial, future Grande Maîtresse du Droit Humain, Isabelle Gatti de Gamont, écrivain féministe, Gustave Hervé, socialiste antimilitariste, Caroline Kauffmann, militante féministe, Charles Malato, écrivain et journaliste libertaire, Paul Robin*, Nelly Roussel, journaliste féministe, et Vera Starkoff, la traductrice de Pouchkine.

Y. H.M.


GRANDE LOGE TRADITIONNELLE ET SYMBOLIQUE
La (Grande Loge Nationale Française-Opéra, devenue, par décision conventuelle du 9 janvier 1982, la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique -Opéra, est née d'une scission au sein de la Grande Loge Nationale Française*Bineau. Le 5 octobre 1958, quelques dizaines de maçons lancent le manifeste « Fraternité Humaine, Universalisme »: « Si par définition, L'ordre* maçonnique est un, certaines obédiences* n'en lancent pas moins des exclusives contre d'autres. Au nom de Landmarks* plus ou moins hypothétiques, qui cachent des prétextes trop humains, la qualité initiatique est parfois refusée à d'excellents maçons. [...] Le retour à l'universalisme, la fin des querelles stériles, la prééminence de la loge*? tels sont (nous le savons d'expérience certaine) les vaux d'un très grand nombre de frères sincères et dévoués, qui se désolent de l'impasse ou tant de bonnes volontés se perdent actuellement. [...] Nous ne formulons aucune exclusive. Nous serons honorés de recevoir des frères qui, tout en restant attachés à leur propre groupement-nous insistons avec force sur ce point-exprimeront le souhait de participer à nos travaux rituels et d'ordre spirituel. [...] Participer à nos travaux, comme affiliés, ou comme frères visiteurs, c'est un acte de foi dans les destinées de l'Ordre qui transcende les contingences spatiales et temporelles, et qui a reçu la mission de bâtir le Temple* dont nous sommes tous Tes pierres vivantes. »

Aujourd'hui, la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique-Opéra compte environ 2 300 membres répartis dans une' grosse centaine de loges. Toutes travaillent à la gloire du Grand Architecte de l'univers*. Elles utilisent majoritairement le Rite Écossais Rectifié*, mais quelques loges pratiquent le Rite Émulation* ou le Rite Français* Moderne Rétabli. Le 16 juin 1960, des frères de cette obédience et ceux de la Grande Loge de France* travaillant au Régime Rectifié ont fondé un Grand Prieuré de France qui régit les loges de Maître de Saint-André et l'Ordre Intérieur.

La Grande Loge Traditionnelle et Symbolique-Opéra est administrée par un Conseil Fédéral, présidé par un Grand Maître élu directement par le Convent*. Un conseil de « sages », nommé Grand Collège Fédéral, veille au respect des us et traditions et règle les cas litigieux.

Des frères de cette obédience* ont apporté dans certaines sphères de la maçonnerie française des pratiques comme la cérémonie de « L'installation secrète du vénérable* maître* ».

Une des caractéristiques de la Grande Loge Symbolique et Traditionnelle - Opéra est de chercher à pratiquer une maçonnerie qui se veut traditionnelle tout en cherchant à maintenir des relations avec les autres courants maçonniques français.

Y. H.M.


GRANDE LOGE UNIE D'ANGLETERRE
GLUA.JPG (574K) La Grande Loge Unie d'Angleterre vit le jour en 1813, et résulta de l'union de la Grande Loge des Modernes* avec la Grande Loge des Anciens*. Bien qu'à première vue la pomme de discorde entre les Modernes et les Anciens ait été le rituel, on sait aujourd'hui que ce sont surtout les différences de nature sociale et religieuse qui ont opposé les membres de ces deux Grandes Loges*. En effet, les Modernes avaient un recrutement plus aristocratique que les Anciens, même si ceux-ci ont compté quelques grandes familles comme les Atholl. Les premières tentatives de rapprochement entre les Grandes Loges ne datent que de b dernière décennie du XVIIIe siècle et il semble que les Anciens en aient eu l'initiative, Citons le cas, assez exceptionnel de la Royal Gloucester Lodge constituée en 1772 par ceux-ci, qui demanda en 1792 une patente aux Modernes et qui lesta délibérément affiliée aux deux Grandes Loges jusqu'à leur unification, pratiquant tantôt le Rite Ancien tantôt le Rite Moderne.

Plusieurs raisons expliquent cette fusion. Les Anciens ne pouvaient qu'accroître leur prestige en rejoignant les aristocrates de la Grande Loge des Modernes, en particulier les membres de la famille royale. Les Modernes, quant à eux, souffraient d'une grave crise financière: ils s'étaient endettés pour construire le luxueux Freemasons' Hall. Un assez grand nombre de maçons « Modernes », qui acceptaient difficilement de voir leurs cotisations augmenter pour permettre à la Grande Loge de régler ses dettes, avaient peu à peu rejoint les Anciens. Enfin, le contexte politique donnait à l'unification de la maçonnerie anglaise un caractère urgent. Le gouvernement de Pitt avait suspendu l'Habeas corpus et tentait de s'opposer aux organisations réformistes anglaises, et en particulier aux tout nouveau% syndicats. En 1799, une loi (Combination Act) mit un terme au droit d'association.. Il était donc vital que la franc-maçonnerie montrât un visage uni et proclamât son allégeance au pouvoir royal, ce qu'elle fit. Quatre nobles jouèrent un rôle de premier p]an dans cette réalisation: le duc d'Atholl, pour les Anciens, le comte de Moira-Hastings, pour les Modernes, et deux princes, les ducs de Sussex* et de Kent, respectivement Grands Maîtres des Anciens et des Modernes. Les Grandes Loges furent les seules associations épargnées par la loi de 1799.
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En 1813, le duc de Sussex prit la tête de cette nouvelle association, qui se trouva ainsi totalement placée sous l autorité de la famille royale. Plusieurs historiens, notamment Robert Freke Gould*, se sont penchés sur les Articles d'Union pou r étudier en détail les aménagements du rituel et les compromis effectués. Pour préparer l'union, les Modernes avaient mis en place la Loge de Promulgation, chargée de remettre à l'honneur quelques éléments du rituel abandonnés en 1750. Les Anciens avaient constitué des Loges d'lnstrucion afin d'harmoniser leurs propres rituels. Les articles de 1813 créèrent une nouvelle instance, la Loge de Réconciliation, afin de peaufiner le rituel de la nouvelle Grande Loge. Celle ci reconnut naturellement l'existence des trois degrés de la franc-maçonnerie, mais également celle du Royal Arch*, cher aux Anciens et que les Modernes avaient toujours ignoré. Du point de vue du rite, la victoire revenait aux Anciens, bien que numériquement ils aient été plus faibles. Sur le plan de l'organisation, les articles prévoyaient la répartition équitable de tous les officiers des Modernes et des Anciens dans la nouvelle instance. On désigna même deux Grands Chapelains. Afin de contenter tout le monde, 18 Grands Intendants furent nommés~ soient six de plus qu'auparavant. Certains d'entre eux reçurent le privilège de nommer leur successeur. L'article 8 stipulait que les 388 loges Modernes et les 260 loges Anciennes prendraient rang alternativement sur le registre de la nouvelle {Grande Loge, après tirage au sort pour les plus prestigieuses. Le nouveau registre comporta 647 loges (et non 648). C'est ainsi que la Grand Masters ' Lodge des Anciens, qui regroupait tous les anciens Grands Maîtres, se vit attribuer la première place, tandis que la loge Antiquily n° I des Modernes, non sans une certaine amertume, figura en deuxième place. Symboliquement, la Grande Loge se fixa pour tout premier devoir d'envoyer un message au prince régent? par l'intermédiaire du duc de Kent, l'assurant de son allégeance à la royauté et au gouvernement du pays.

Quatre comités furent créés pour gérer la nouvelle organisation, le comité des affaires générales (Board of General Purposes), le plus important, celui des finances, celui des oeuvres charitables et celui des écoles. En 1818, le comité des Affaires Générales absorba les autres. En 1815 un nouveau livre des Constitutions* d'Anderson* avait été édité: la partie historique ne fut pas revue. Le changement majeur concerna l'article 1 er, « Concernant Dieu et la religion ». On vit apparaître pour la première fois l'invocation au « Grand Architecte de l'Univers* ».

Le duc de Sussex règna 30 ans sur la Grande Loge Unie d'Angleterre, de 1813 à sa mort, en 1843, avec autorité. Ainsi c'est le Grand Maître qui, à partir de 1815, nomma tous les officiers de la Grande Loge, sans que celle-ci ait son mot à dire, sauf pour le choix du trésorier. Afin de concrétiser l' union , le duc de Sussex s'assura du soutien des trois anciens Grands Maîtres Adjoints des Anciens, Perry, qui avait succédé au célèbre Laurence Dermott*, Agar et Harper.

Les rois George IV puis Guillaume IV eurent le titre officiel de « Protecteur de l'Ordre ». Comme la Grande Loge des Modernes en son temps, la Grande Loge Unie d'Angleterre ne cessa de se rapprocher de la monarchie en initiant les membres de la famille royale et en participant à tous les jubilés. À la différence du siècle précédent, la famille royale ne se contenta pas d'un rôle honorifique mais occupa réellement les plus hautes fonctions de l'Ordre. Avant de monter sur le trône en 1901, le prince de Galles, le futur Édouard Vll, fut Grand Maître pendant une trentaine d'années. Il avait en effet accédé à cette fonction en 1874, lors d'une cérémonie au Royal Albert Hall. La même année ses deux frères, le duc de Connaught et le duc d'Albany, furent nommés par ses soins Premier et Second Grand Surveillant. Le plus jeune fils de la reine Victoria, le prince Léopold, devint Grand Maître Provincial du comté d'Oxford en 1875. On comprend que la francmaçonnerie ne put guère avoir de secrets pour la reine Victoria, bien qu'elle fût femme... En 1887, 7600 maçons se rassemblèrent au Royal Albert Hall pour fêter le jubilé de son accession au trône. Ils renouvelèrent cette attention dix ans plus lard Chaque fois, la Grande Loge Unie d'Angleterre fut récompensée de ses bons et loyaux services par une donation royale pour ses ouvres. Sans doute victimes de la morale victorienne, les dignitaires de la Grande Loge Unie voulurent se départir de la réputation que Hogarth* leur avait faite en peignant des maçons en état d'ébriété à la sortie d'une tenue* ayant eu lieu dans une taverne. Pour plaire à leur souveraine, ils décidèrent donc de dissocier le temple maçonnique de la taverne: la construction du nouveau local, Freemasons' Hall, fut même achevée un an avant celle de la taverne, en 1866.
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La franc-maçonnerie britannique, fidèle à la tradition paternaliste de l'aristocratie se distingue par la création d'un nombre important d'institutions charitables. Deux écoles maçonniques étaient ainsi gérées par un comité spécial de la Grande Loge en 1814: l'école maçonnique des filles qui comptait à cette époque 62 enfants et celle des garçons, qui en rassemblait 55. Ces deux institutions prospérèrent tout au long du siècle. Lors des jubilés, elles reçurent des dons importants du pouvoir royal. En 1888, c'est le prince de Galles, alors Grand Maître, qui présidera le festival organisé à l occasion du centenaire de l'école maçonnique des filles. La demande formulée par le frère Crucifix (sic) en vue de la création d'un asile de vieillards et d'indigents déplut toutefois au Grand Maître, qui préférait l'ancien système de versements annuels aux familles de maçons démunis. Ce débat est intervenU en 1834, au moment où l'Angleterre votait ses nouvelles lois sur les pauvres qui généralisaient le système des workhouses. Les maçons étaient sensibles aux grands débats sur la pauvreté et hésitaient entre l'attitude paternaliste, la charité privée et le respect des nouvelles mesures gouvernementales en faveur de l'internement des pauvres. Finalement, c'est le projet de Crucifix qui l'emporta et un asile maçonnique fut créé, épargnant ainsi aux maçons les plus pauvres la rigueur des workhouses dans leurs vieux jours. Un hôpital maçonnique, qui pendant la Première Guerre mondiale fut transformé en hôpital militaire pour les soldats francs-maçons, fut ouvert en 1913. En matière de religion, la franc-maçonnerie fit preuve d'une tolérance très relative. Certes, elle prit la défense de ces maçons juifs* anglais qui, en 1845 se virent refuser le droit de visite dans une loge de Berlin (la loge Royal York of Friendship) sous prétexte qu'ils n'avaient pas épousé la doctrine chrétienne. Cependant la Grande Loge ne fit pas toujours preuve d'une telle tolérance. Ainsi l'on constate que lorsque le Grand Maître, le marquis de Ripon, se convertit au catholicisme en 1874, il crut de son devoir de démissionner. Or il n'est pas certain que le marquis ait pris cette décision uniquement par fidélité au pape. Lorsqu'en 1877 le Grand Orient de France* supprima de ses constitutions la référence au Grand Architecte de l'Univers, la Grande Loge Unie d'Angleterre rompit les relations avec l'obédience* française.

Tout au long du XIXe siècle, les effectifs de la Grande Loge s'accrurent. Une augmentation particulièrement forte des effectifs se produisit entre 1844 (723 loges) et 1869 (1299). En 1856 un Comité pour les Colonies (Colonial Board) fut mis place afin de superviser l'expansion de la maçonnerie anglaise dans l'Empire, après quelques incidents survenus au Canada. La Grande Loge Unie d'Angleterre était devenue une institution impériale, soucieuse de servir la famille royale.

Au XXe siècle, fidèle à sa tradition, elle demeura très proche de la monarchie et resta liée aux milieux conservateurs.

Les Grands Maîtres de la Grande Loge Unie d'Angleterre . 1813, S.A.R. le duc de Sussex; 1844, le comte de Zetland; 1870, le marquis de Ripon; 1874, S.A.R. le prince de Galles; 1901, S.A.R. le duc de Connaught; 1939, Georges, duc de Kent; 1942, lord Harewood; 1946, lord Scarborough, 1947, le 10e duc de Devonshire; 1951, le l le. comte de Scarborough; 1969, S.A.R. le duc de Kent.

A. R.






GRANDES LUMIÈRES
Dans la maçonnerie française, l'expression désigne la triade soleil*- lune*- maître* de la loge*,GL0.JPG (71K) que la maçonnerie anglaise nomme Lesser Lights (Petites Lumières*). Dans le monde anglo-saxon, les « Grandes Lumières » représentent le volume de la Loi sacrée, l'équerre* et le compas*. Le premier sens est celui qui prévaut dans le Rite Français et dans le Régime Rectifié*, c'est-à-dire dans les systèmes héritiers des Modernes*, tandis que la seconde signification, présente au Régime Émulation* et au Rite Écossais Ancien et Accepté*, s'inspire des Anciens*. Cette différence date du XVIIIe et des rivalités des deux Grandes Loges en Angleterre. mais peut-être d'avant.

L'usage des Anciens nous est connu par une divulgation dite The Three Distinct Knocks (1760). Ce texte est le premier document à faire une distinction entre les trois « Grandes Lumières de la franc-maçonnerie » (dans le contexte - la Bible*, l'équerre et le compas) et trois autres « choses » dites « lumières secondaires », le soleil, la lune et le maître de la loge, représentées par trois bougies.

Selon I' usage Ancien, le récipiendaire prête serment la main droite posée sur les trois « Grandes Lumières »t l'équerre et le compas posés sur la Bible, cette dernière tenue par la main gauche du néophyte.

Le Rite Émulation* explicite dans l'esprit des Anciens le sens des « Grandes Lumières »: « Les Saintes Écritures doivent diriger notre foi, l'équerre régler nos actions et le compas nous tracer les justes limites que nous devons observer dans notre conduite envers nos semblables et plus particulièrement envers nos frères en maçonnerie. »

L'équerre et le compas sont les deux outils permanents de la triade Ancienne. L'expression « volume de la Loi sacrée »est apparue au milieu du XIXe, lorsque les loges britanniques ont reçu des néophytes non chrétiens, notamment en Égypte et dans l'Empire des Indes*. Elle désigne tout saint livre d'une religion rnonothéiste Une interprétation très ouverte l~étendit à l'Avesta mazdéen, aux Vedas, au Gourou Granth sikh, au Shu Jing confucéen ou au Tao-Te King. On retrouve également la tradition des Anciens dans le Rite Écossais Ancien et Accepté. Dans le Guide des maçons écossais, on peut lire: « Lorsque vous eûtes reçu la lumière, qu'est-ce qui frappa votre vue? Cet extrait est une preuve supplémentaire du caractère hétéroclite de l'écossisme composé d'un substrat Ancien sur lequel se sont greffés divers éléments Modernes. En France, au XIXe siècle, l'écossisme continue à évoluer. Ainsi, dans les Instrtictions extraites des rituels adoptés en 1894 par la toute nouvelle Grande Loge de France*, on peut lire que les trois Grandes Lumières, placées l'une à l'est, l'autre à l'ouest et la troisième au sud, représentent « Sagesse, Force, Beauté ». La triade « écossaise » est greffée sur des rituels fort anciens revisités. Ainsi dans le Dumfries n° 4 (1710), on peut lire:

De même, le Kevan (vers 1714-1720) précise: « Y a-t-il des lumières dans votre loge ? - Oui, trois: le nord-est, le sud ouest, et le passage de l'est. L'une désigne le maître maçon, l'autre le surveillant, la troisième le compagnon. »

Aujourd'hui, l'écossisme s'inscrit à nouveau dans la tradition des Anciens. La compréhension des « Grandes Lumières », se complique quand on passe du rite à l'obédience*. Cela demeure facile dans une fédération maçonnique d'esprit Ancien. La chose est plus malaisée dans les fédérations de rites. Le 25e landmark* de la liste établie dans le Best-informed Mason in America, par Albert Mackey {1807-1881), précise que « la présence du volume de la Loi sacrée en loge est obligatoire et indispensable ». De même, le 2e landmark sélectionné par Harry Carr admet :« Le volume de la Loi sacrée doit étre présent en loge, et ouvert à la vue de tous. » Les obligations imposent la présence du volume de la Loi sacrée en loge, mais il laisse à chaque rite la possibilité de choisir parmi les deux triades, laquelle doit être qualifiée de « Grandes Lumières ».

Cependant, le 4 septembre 1929, la Grande Loge Unie d'Angleterre* adopte huit principes auxquels toute obédience maçonnique doit adhérer en totalité pour être reconnue régulière par celle-ci. Le point 6 précise que les trois Grandes Lumières? Le volume de la Loi sacrée, l'équerre et le compas, seront toujours exposées durant les travaux de la Grande Loge. La Grande Loge Nationale Française* a adopté une attitude similaire. Le point 8 des douze principes de cette obédience précise: « Les francs-maçons s'assemblent, hors du monde profane, dans des loges où sont toujours exposées les trois grandes lumières de l'Ordre: le volume de la Loi sacrée, l'équerre et le compas, pour y travailler selon le rite, avec zèle et assiduité et conformément aux principes et règles prescrits par la constitution et les règlements généraux de l'obédience. »

Désormais, la définition ancienne devient obédientielle. Comment concilier ce choix avec la définition moderne des « Grandes Lumières » des loges du Rite Français ou du Régime Rectifié ? Depuis septembre 1953, la Grande Loge de France* s'est ralliée à cet usage, mais dans un esprit symbolique et ouvert. Le texte adopté décide que « les obligations seront prêtées sur l'équerre, le compas et un livre de la Loi sacrée, ce dernier étant considéré, sans aucun caractère religieux particulier, comme symbole de la plus haute spiritualité dont s'inspire le maçon qui s'engage à oeuvrer éternellement à dégager l'ordre du chaos ». Le point 3 de sa « Déclaration de principes », adoptée le 5 décembre 1955, affirme que « conformément aux traditions de l'Ordre, trois Grandes Lumières sont placées sur l'autel des loges: l'équerre, le compas et un livre de la Loi sacrée. Les obligations des maçons sont prêtées sur ces trois lumières ». Ce choix ne pose guère de problème pratique, son rite quasi exclusif étant d'origine Ancienne. La Grande Loge Féminine de France* a su mieux gérer la diversité des rites puisque sa constitution, même si sa rédaction semble inspirée du choix ancien, précise: « Conformément aux traditions de l'Ordre, trois Grandes Lumières éclairent les travaux. Les obligations des maçonnes sont prêtées sur ces trois lumières. » Enfin, dans des loges « écossaises » d'esprit agnostique, notamment du Grand Orient de France* et du Droit Dumain*, le volume de la Loi maçonnique peut être un livre blanc, les Constitutions* d'Anderson*, les règlements généraux de l'obédience, voire un livre « profane » de haute valeur morale. Les textes pré-andersoniens n'avaient pas encore fixé l'une ou l'autre triade. Ainsi dans le Sloane (vers 1700), on trouve une formule mixte: « Combien y a-t-il de lumières dans votre loge ? -Trois: le soleil, le maître, et l'équerre. »

Dans la tradition des Modernes, les Grandes Lumières sont le soleil, la lune et le maître de la loge.

Dans le manuscrit Wilkinson (vers 1727), les Grandes Lumières représentent le soleil, la lune et le maître maçon.

On trouve un texte assez voisin dans Masonry Dissected (1730) de Samuel Prichard.

Dans le même texte, la triade Bible-compas-équerre est classée, avec le pavé mosaïque*, l'étoile flamboyante et la houppe dentelée, parmi les meubles (furnitures) l'équerre étant l'un des trois bijoux mobiles. Les formules relatives au soleil et à la lune semblent directement inspirées de la Bible, notamment de la Genèse (1, 56). La triade maçonnique parait dériver de la triade chrétienne soleil Christ - lune très souvent présente dans l'iconographie médiévale.

Quoi qu'il en soit, cet usage va passer en France. La triade Moderne y apparaît pour la première fois dans une divulgation, le Catéchisme des francs-maçons-dédié au beau sexe... de Louis Travenol alias Louis Gabanon (1744}:

Dans le Rituel d'apprenti des loges de Lyon (1772}, on note une identification intéressante:

Edouard Maisondieu précise que « le maître de la loge est donc l'image visible de Dieu considéré comme source de la lumière primordiale, et en tant que tel symbolisé par l'étoile flamboyante ». Il explique aussi que la triade peut être mise en relation avec la triade alchimique (une figure médiane représentant la pierre philosophale entourée du soleil soufre* et lune - mercure*).
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Quels que soient les rapprochements possibles, les mêmes trois Grandes Lumières vont demeurer dans les divers rites d'inspiration Moderne. Ainsi, dans le Catéchisme du Régime Rectifié:

Un questionnaire assez proche (mais l'expression « Grandes Lumières » n'est pas utilisée) se trouve dans l'instruction du grade d'apprenti du Rite Français (Régulateur de 1801):

Quelle que soit la triade retenue, les Grandes Lumières sont un des éléments consubstantiels de la spiritualité et de la symbolique maçonniques.

Au singulier, l'expression prend un autre sens. « Petite Lumière » désigne, dans une réception au premier grade du Rite Écossais Ancien Accepté (et parfois dans certaines versions du Rite Français), la première partie du « don de la lumière ", lors d'un soulèvement du bandeau*. « Grande Lumière » désigne le don complet de la lumière, après la chute définitive du bandeau. Presque tous les rituels se réfèrent à la Grande Lumière au moment de la réception. Ainsi, dans le Guide des maçons écossais (1804), lorsque les bougies de la loge sont allumées et que le candidat entre à nouveau, on lit: -Que la lumière soit. Sic transit gloria mundit." »

On trouve une signification voisine dans le rituel d'ouverture au grade de Maître Secret*: « L'éclat du jour a chassé les ténèbres et la Grande Lumière commence à parâître. »



Y. H.M.