FAIVRE, Gisèle
FARAMOUSHKHANA
FAURE, Félix
FAUVETY, Charles
FAUX
FEMME
FENDEURS
FENÊTRE
FERA
FERRARI, Ettore
FAIVRE, Gisèle
{Macinaggio, 1902 Paris, 1997) Née le. 27 septembre 1902 en Corse, Rose Marie Angèle Stéphani, épouse Faivre, qui se faisait appeler Gisèle, fit toute sa carrière professionnelle au ministère des Postes et consacra sa vie à l'expansion et au rayonnement de la franc-maçonnerie féminine. Dès 1930, elle s'engage également dans la protection de l'enfance et lutte aussi pour la reconnaissance des droits de la femme.
Spiritualiste, laïque, elle est initiée par Anne-Marie Gentily* en janvier 1934 à la loge d'adoption Minerve n° 410 bis de la Grande Loge de France*, elle est durablement marquée par sa rencontre avec son « maître » Oswald Wirth*. Elle fréquentera aussi Maries Lepage*, le continuateur de Wirth au sein de la revue maçonnique fie Symbolisme, et Joannis Corneloup* .
Son activité maçonnique prend une ampleur remarquable à la fin des années 40. Poursuivant ses activités à la Libération elle remplit durant 21 ans plusieurs mandats de conseillère fédérale. Elle devient ainsi Grande Maîtresse de l'obédience féminine, de l'Union Maçonnique de France, de 1948 à 1950, puis de la Grande Loge Féminine de France* de 1953 à 1954, de 1959 à 1961 et de 1963 à 1965.
Pendant ces mandats, elle fonde près de 20 loges* où elle remplit de nombreuses fonctions et présente souvent des travaux. Affiliée à La Nouvelle Jérusalem, elle fonde en 1953 la loge Cybèle à Paris, puis Isis, en 1954, dont elle fut vénérable* maîtresse pendant sept ans. Elle en reste membre jusqu'à sa mort. Ultérieurement, elle fonde encore Jean la Candeur, en 1963, à Saint-Germain-en-Laye; Cérès, en 1964, à Chartres; L'Olivier, en 1967, à Strasbourg, Iona, en l972, à Blois, Kalliste, en 1974, à Bastia; Irini, en 1974, à Bruxelles; Aurore, en 1977, à Lausanne; Circé, en 1978, à Ajaccio; et Ermesinde, en 1980, au Luxembourg. Cette activité impressionnante s'accompagne d'un intérêt profond pour les questions rituelles: dès 1947, elle exprime la volonté de voir la jeune obédience abandonner le rite d'adoption* pour pratiquer le Rite Écossais Ancien et Accepté* et ses hauts grades*. Ses voeux se concrétisent en 1959. À partir de 1963, elle entreprend les premières démarches pour obtenir les hauts grades. Grâce à la médiation de ses amis Lepage et Corneloup, Gisèle Faivre entre en relation avec Miss Marjory Debenham*, Souverain Grand Commandeur pour la Grande-Bretagne et le Commonwealth de l'obédience mixte The Order of Ancient Free and Accepted Masonry*. Cette dernière accepte de transmettre à 9 conseillères fédérales de la Grande Loge Féminine de France les hauts grades du Rite Écossais Ancien et Accepté, jusqu'au 33°. Le 25 septembre 1970 est constitué à Londres le premier Suprême Conseil Féminin de France dont Gisèle Faivre devient le Premier Souverain Grand Commandeur, elle gère les ateliers des hauts grades à partir de 1972. À 90 ans, en 1992, c'est encore elle qui est l'agent déterminant pour l'acquisition de locaux permettant au Suprême Conseil Féminin de France d'obtenir son autonomie administrative et la libre organisation de ses réunions.
Elle remplit la fonction de Souverain Grand Commandeur avec énergie durant 24 ans avant d'introniser son successeur en 1994. Finalement elle reçoit le titre honorifique de Souverain Grand Commandeur ad vitam Elle a aussi introduit des pratiques pionnières qu'elle diffuse dans maints domaines de la franc-maçonnerie féminine. Elle met ainsi en place des instructions pour former les jeunes apprenties et compagnonnes. C'est elle qui fait adopter par sa propre loge, Isis d'abord. le port par tous les membres de l'obédience d'une robe noire, et celui d'une médaille par chaque membre représentant symboliquement le titre distinctif de chaque toge, cela pour retrouver une tradition maçonnique du XIXe siècle.
Gisèle Faivre fut également une Européenne convaincue, qui incita à la fondation de loges en Belgique, en Suisse et au Luxembourg, dans l'objectif de créer par la suite d'autres obédiences spécifiquement féminines en Europe.
I.M.
FARAMOUSHKHANA
{Iran*} Faramoushkhana {La Maison de l'oubli) est une association para maçonnique constituée à Téhéran, en 1858, par Malkom Khan, arménien converti à l'islam. Penseur moderniste, il avait été initié à la franc-maçonnerie* en 1857, à Paris, dans la loge b Sincère Amitié du Grand Orient* de France. Mais la Faramoushkana n'était reconnue par aucune obédience* maçonnique européenne. Malkom en avait obtenu la reconnaissance par le Shah Nasir al-Din qui en était le Grand Maître d'honneur. Le terme Faramoushkhana, d'origine indienne, est le premier mot créé en persan pour rendre l'idée de franc-maçonnerie. Cette société que le Shah pensait préoccupée uniquement par l'enseignement des techniques occidentales permit à Malkom Khan de diffuser ses idées de réforme sociale et politique. Il était lui-même enseignant à l'École polytechnique de Téhéran et recruta plusieurs de ses élèves dans la Faramoushkhana. Pour des raisons politiques et sous l'influence d u clergé chiite, la Faramoushkhana fut finalement fermée par le Shah en 1861, et Malkom exilé. Retiré à Londres, il continua à conseiller les membres de la Faramoushkhana qui étaient restés en Iran et qui se réunissaient encore secrètement.
Ceux-ci fondèrent, en 1886, une nouvelle association para maçonnique qui prit le nom de Djama-yi adamiyyat (La Ligue de l'humanité), dirigée par Abbas Quli Khan Adamiyyat, et qui n'était autre que La continuation de la Faramoushkhana. La Djuma-yi adamiyyat prit une part active à la révolution constitutionnelle de 1906 puis disparut en 1908 lors de la contre révolution. Elle avait assuré la diffusion des idées réformatrices auxquelles adhéraient tous les Iraniens éclairés et dispensait une éthique qui se voulait universelle et au-dessus des religions.
A propos du rituel, on note que la cérémonie d'initiation* au premier degré, dans la Faramoushkhana, s'inspire du rituel maçonnique (yeux bandés, interrogation soutenue, réception, signes* de reconnaissance, etc.), mais les explications données puisent dans le Coran, les Hadith, le soufisme... et le républicanisme En fait, le néophyte chemine symboliquement sur les pas du prophète Mahomet: il est présenté comme un « vagabond qui demande à être admis dans la cité de la connaissance [la gnose]». Enfin, l'instruction porte sur les principes d'union, de liberté et de fraternité. En revanche la cérémonie d'initiation dans la Djamayi adamiyyar était très pauvre et se réduisait à un serment d'allégeance aux 1< principes de l'humanité » et à signer une déclaration de loyauté.
T. Z.
FAURE, Félix
Paris, 1841-1899)Outre le cliché lié aux circonstances de sa mort, deux images sont accolées au président Félix Faure.
La première est servie par la presse en 1895: le «président issu du peuple», «l'ouvrier tanneur » Félix Faure succède alors au président bourgeois Jean Casimir-Perier démissionnaire.
Bien que fils de menuisier, Félix Faure appartient à la petite bourgeoisie de l'artisanat.
Son père, Jean-Marie Faure, est déjà devenu fabricant de fauteuils au moment de sa naissance et a créé une solide fabrique de meubles faubourg Saint-Antoine en 1844. Plus tard, Félix Faure bénéficie d'une éducation soignée en devenant élève des Frères de la Doctrine chrétienne à Paris, puis à Beauvais, et en se préparant aux Arts et Métiers à L'institution Pompéi d'Ivry.
Marié à la fille d'un notaire d'lndre-et-Loire en juillet 1865, il y a loin de l'iconographie développée en 1895 par une presse qui prit soin de mettre en scène le passage de Félix Faure comme apprenti tanneur en 1861-1862 à Amboise, à une réalité plus conforme aux mécanismes des ascensions sociales dans la France du XIXe siècle.
La seconde image, liée à sa carrière maçonnique, mérite tout autant d'être corrigée.
C'est celle d'un frère fugitif et opportuniste, initié en 1864 pour amorcer sa carrière, cessant ses activités maçonniques vers 1873-1874 à un moment où il les jugeait nuisibles pour celle-ci, puis les reprenant en 1884 jusqu'à son accession à la magistrature suprême.
Son adhésion aurait donc essentiellement été motivée par les besoins de sa carrière politique, et sa désertion d'une décennie au désir de ne pas trop heurter un électorat catholique, important dans ce département.
La réputation maçonnique de Faure ne doit, ici, rien à la presse mais aux effets du jugement sévère du vénérable* de la loge havraise L'Aménité en février 1894. En réponse à une note confidentielle émanant du Grand Orient* pour connaître les positions éventuelles des hauts fonctionnaires et parlementaires initiés, le vénérable Ernest Robin, après avoir exprimé sa méfiance envers les deux profanes, le sénateur Casimir-Perier, dont il dénonce les « tendances à incliner vers les cléricaux », et Jules Siegfried, qualifié de « calviniste intransigeant [et] au fond plutôt hostile», présente un portrait du frère Faure cinglant. Selon lui, « il est peu venu prendre part à nos travaux et il y a plusieurs années qu'il a complètement cessé de le faire».
Plus loin, son jugement reste trés négatif: « C'est un maçon plus que tiède et sa correspondance ne contient aucune formulation maçonnique. » Le vénérable conclut en disant qu'il est » peu apte à soutenir la maçonnerie au Parlement ». On reste ainsi sur l'impression d'un « maçon de circonstance » et Félix Faure n'occupa jamais il est vrai le moindre office dans son atelier. Doit-on pour autant porter un crédit absolu aux propos du vénérable ?
Le caractère rétrospectif du jugement est évident et on pardonne mal à un maçon impliqué dans la cité la prudence excessive en matière religieuse dont il fit preuve dans l'exercice de ses mandats.
Battu honorablement aux législatives de 1876, Félix Faure avait en effet eu soin d'éviter des positions trop tranchées, ce qui lui valut d'ailleurs, en 1878, une mise à l'écart de la liste républicaine. Élu de
la 3e circonscription de Seine-Maritime en 1881 au moment où sa carrière politique prend une dimension nationale (il devient sous-secrétaire d'Etat aux Colonies du grand ministère constitué par Cambetta*), il refuse alors encore d'aborder les questions de fond portant sur la laïcité* et l'obligation de l'enseignement.
La profession de foi de maintien du Concordat et un retour en maçonnerie en 1884, quand le député Faure, réélu en 1885, 1889 et 1893, a moins à craindre d'un électorat clérical affaibli, renforceront méfiance et rancoeurs. L'argument du simple opportunisme politique montre l'excès du jugement.
Élu conseiller municipal en août 1871, peu de temps après la répression de la Commune* qu'il a approuvée, l'élection de Faure a lieu plus de cinq ans après son initiation*, le 25 octobre 1865, et la municipalité du Havre ne compte que 5 maçons.
En outre, les frères de L'Améniré émirent parfois un jugement plus nuancé sur son cas. Lorsque, ayant repris ses activités en 1884 {il est de nouveau mentionné sur les tableaux* le 12 mars), il est admis à l'honororiat, en mars 1896, les propos du nouveau vénérable, Horst, diffèrent de ceux de son prédécesseur. Il souligne notamment qu'il fut garant d'amitié pour une loge coloniale, La Fraternité Tonkinoise.
La carrière maçonnique de Félix Faure mérite donc d'etre repensée.
Un désir d'ascension, mais plus social et culturel que politique, Joue de toute évidence à un moment où les ateliers maçonniques exercent sous l'Empire libéral un rôle crucial dans l'ascension d'une petite bourgeoisie à laquelle il appartient.
L'affiliation au sein de L'Aménité constitue une première étape pour s'insérer dans le «cercle de notabilité» du Havre où il s'est installé en 1863 Avant même l'ouverture d'une maison de négoce en cuir, huile et lin (juin 1866), la maçonnerie lui permet de rencontrer les hommes influents de la cité.
Une fois les activités maçonniques provisoirement arrêtées et devenu consul de Grèce, il est élu à la Chambre (1874) puis au tribunal de commerce (décembre 1878} et, parallèlement, il assure ses entrées successives dans les autres lieux où s'épanouit la sociabilité bourgeoise (Société de gymnastique Société de tir Lyre havraise...).
L'image de la nullité de son engagement maçonnique est tout aussi exagérée.
Félix Faure se porte à la tête de la Société de secours mutuel Sainte-Marie en juin 1871, puis il fonde la Société d'épargne et de prévoyance.
Ce sont là des engagements dans la cité qui concordent avec la morale maçonnique.
Il est aussi l'un des fondateurs de l'Union pour la Paix, auprès du frère Santallier*. [I y défend notamment les droits des Crétois et, lors d'une conférence prononcée devant les frères havrais en octobre 1888 sur le budget et achevée par un hommage appuyé à l'esprit de 1789, il critique, au nom de la fraternité universelle des maçons français du XVIIIe siècle, les mesures récentes prises à l'encontre des étrangers.
E. S.
FAUVETY, Charles
(Uzès, 1813-Asnières, 1894) Issu d'une famille cévenole protestante, Charles Fauvety naît à Uzès le 10 août 1813. Son grand-père paternel, Jean Fauvety (1763-1795), président du tribunal révolutionnaire d'Orange, fut guillotiné comme robespierriste. Son père, Jean-David (1790-1863}, est un solide négociant. De sa famille, Charles hérite une culture biblique certaine, un intérêt jamais démenti pour le protestantisme*, de solides relations dans les milieux huguenots libéraux, une morale stricte, une haine pour les excès révolutionnaires et une certaine aisance financière.
Il fait des études secondaires à l'institution Sainte-Barbe, place du Panthéon, et aurait participé aux Trois Glorieuses.
Sa jeunesse est partagée entre la direction d'un commerce de bonneterie fondé par son oncle maternel et la fréquentation de diverses écoles socialistes utopistes, notamment le saint-simonisme*, le fouriérisme (d'où une longue amitié avec Jean-Baptiste Codin} et le communisme icarien. Mais aucun de ces mouvements ne séduit totalement le jeune homme. Il se tourne alors vers Lamennais.
À 32 ans, il devient journaliste. Sa première publication est un modeste mensuel, La Vérité sur toutes choses, qui subsiste d'octobre 1845 à janvier 1846. Fauvety en est l'éditeur, mais c'est son ami Alphonse Constant, dit plus tard Eliphas Levi, qui semble en être l'idéologue. Fauvety épouse une pensionnaire de la Comédie-Française, un temps rivale de Rachel, Fortunée Gariot dite Maxime (1812-1887}, future vénérable* de la loge d'adoption* Le Temple des familles et présidente de divers cercles gnostiques et ésotériques. Fauvety publie divers opuscules, notamment un Catéchisme d'économie politique et industrielle Question du libre-échange (1847). Il a ensuite en 1847-1848 une période proudhonienne. En octobre 1847, il fonde avec un disciple bisontin, Jules Viard, Le Représentant du peuple qui ne paraîtra régulièrement qu'à partir du 2/ février 1848. Proudhon* y collabore officiellement à compter du 19 avril. Les Journées de Juin entraînent la rupture entre les deux hommes car Fauvety juge la révolte coupable. Le quotidien s'arrête 1e 20 août 1848. Proudhon tente de le relancer. Le 1er novembre, le Journal réapparaît sous le titre Le Peuple mais Fauvety en est écarté le 23. En 1849, il cosigne le manifeste de la Ligue nationale pour l'abolition des impôts, rédige un «programme politique » démocrate socialiste et publie avec Constant un mensuel, Le Positif (juillet-novembre), favorable à Ledru-Rollin. En 1851, avec Charles Renouvier et d'autres républicains, Fauvety élabore un projet radical de «Gouvernement direct. Organisation communale et centrale de la République » . Il ne semble pas avoir été inquiété par le coup d'État du 2 décembre. En mai 1855, avec Charles Lemonnier, il fonde un mensuel très éclectique, b Revue philosophique er religieuse qui parait jusqu'en janvier 1858. Son influence s'exerce également par les réunions bihebdomadaires du salon que son épouse et lui tiennent en leur domicile, 13, rue de la Michodière, des années 1850-1852 à 1869.
Fauvety avait été reçu apprenti* maçon en 1847 dans un atelier misraïmide, Le Buisson Ardent mais il mena longtemps «loge buissonnière ». En 1858, son ami Luc-Pierre Riche-Gardon* l'invite à intégrer la loge parisienne La Renaissance par les Émules d'Hiram* {Grand Orient de France*} dont il devient l'orateur (1859 18609. En 1859, son article publié dans trois numéros du Monde maçonnique pose une question qui va diviser les maçons durant deux décennies: «La francmaçonnerie estelle une religion ?». En 1860, Fauvety est élu vénérable de La Renaissance... pour deux années. À ce poste, il contribue au retrait du prince Murat* de la tête de l'exécutif de la rue Cadet.
Magnan étant nommé {Grand Maître par l'empereur en 1861, Fauvety est élu conseiller de l'Ordre et le reste jusqu'en 1867. Il va vainement chercher à faire partager par ses frères sa conception de la maçonnerie. En 1862, il rédige un Catéchisme maçonnique à l'usage des aspirants à l'initation. En 1863, il s'affilie à la loge Les Frères Unis Inséparables avant de la quitter (1865). Au Convent* de 1865, entre les traditionalistes de Riche-Gardon et les moralistes indépendants de Massol*, Fauvety réussit à faire voter un texte de compromis qui définit de manière ambiguë la franc-maçonnerie: « Elle a pour principe l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme et la solidarité humaine. Elle regarde la liberté de conscience comme un droit propre à chaque homme et n'exclut personne pour ses croyances. »
Sa tentative de faire de l'Ordre* l'Église d'une religion laïque rencontre de plus en plus d'hostilité, notamment de la part des massoliens. Contre leur chef, il publie en 1865 une Réfutation de la morale indépendante. Épître a Massol. Cette année-là il s'affilie à la loge Murs et les Arts présidée par le féministe Léon Richer. Mais les manifestations d'hostilité à son égard l'éloignent de l'obédience* de la rue Cadet.
En décembre 1866, Fauvety lance La Solidarité. Journal des principes. Ce périodique « libre penseur croyant » paraît jusqu'en août 1870. Après bien des hésitations, Fauvety donne son adhésion à L'alliance Religieuse universelle du frère Henri Carle et participe au premier congrès mondial d e l'association en 1870.
Favorable à la Troisième République, op posé à la CommuneS* de Paris mais indigné cependant par l~a répression versaillaise, retiré dans sa propriété d'Asnières, Charles Fauvety continue sa quête d'une religion rationnelle, universaliste, naturelle, fraternelle, progressive, laïque et démocratique. En 1874, il publie un Catéchisme philosophique de la religion universelle et fonde, deux ans plus tard, sa dernière revue, La Religion laïque qui dure jusqu'en 1879. Elle est reprise en 1887 par le dernier (disciple du solitaire d'Asnières, Jules Jacques Toussaind Lessard, dit P. Verdad, futur évêque gnostique. Sous divers titres, la revue parait jusqu'en 1914. Dans la décennie 1880, presque aveugle, Fauvety continue à écrire de nombreux articles, brochures ou livres, notamment Nouvelle Révélation. La vie. Méthode et connaissance (1892}.
Il meurt à Asnières le 11 février 1894. Lessard-Verdad publie plus tard quelques oeuvres posthumes, notamment Théonomie. Démonstration scientifique de l'existence de Dieu. Son (éloge funèbre, écrit par Louis Amiable, fut prononcé à la séance du 1 I septembre d u Convent de 1894 du Grand Orient par le conseiller de l'Ordre Dequaire.
Y.H.M.
FAUX
La faux est l'un des symboles de la vie brève; elle est représentée sur les murs du cabinet de réflexion* et es: le plus souvent associée au temps et à la mort. L'instrument se distingue de tout autre outiL tranchant par le fait que, nécessitant l'utilisation des deux mains, il permet de couper tout en frappant.
Il a inspiré peintres et poètes qui veulent exprimer l'égale condition des hommes.
Dans le folklore populaire, la Grande Faucheuse ou la Dame à la faux sont les métaphores qui désignent la mort en oeuvre dans son champ d'opération, l'ensemble de tout ce qui vit. C'est dans une dimension symbolique voisine que le squelette fauchant est présent dans le tarot dit sacré. La représentation de la mort à la faux, dans le XIIIe arcane, le seul qui soit innommé, n'offre paradoxalement pas l'image du désespoir des hommes, nais est l'emblème de leur espérance dans la mesure où le profane renaît à une vie supérieure que donne l'initiation* et gue de nouvelles vies succèdent à celles qui sont fauchées par le cavalier de l'Apocalypse. Toute l'ambiguïté de ces représentations de la mort personnifiée se retrouve dans les peintures et sculptures macabres du Moyen Âge: les cadavres putréfiés sont montrés avec un souci de réalisme qui confond dans la mort puissants et misérables. La Dame à la faux conduit la danse des morts pour édifier le fidèle et lui rappeler le devoir de mortification, la vertu du repentir, la nécessité de l'expiation avant la farce finale. Mais d ès l 'au be de la Renaissance , avec Holbein, Zurbaran, Ritrera, Philippe de Champaigne ou Nicolas Regnier, le sens donné aux symboles de la mort change profondément: la flamme de la chandelle vacille sur la toile, la belle qui se contemple nue dans sa psyché dorée voit, dans les reflets, la grimace d'un crâne*; la faux, le sablier* ou l'Ecclésiaste rappellent l'inconsistance des illusions humaines. Mais souligner ainsi, avec force et séduction, que l'existence est éphémère et le plaisir passager ne conduit plus au désespoir et à la mortification de la chair, mais tout au contraire à une forme de sagesse,qui retrouve la sérénité dans la leçon d'Épicure.
La brièveté de toutes choses rend encore plus urgente l'exigence de bâtir dans le temps, malgré le temps, sinon une cathédrale*, du moins une vie d'homme.
Vl. B.
FEMME
Les relations entre les femmes et la maçonnerie ne peuvent être isolées des habitudes de sociabilité et de travail, le plus souvent monosexuées, dans lesquelles naquirent la maçonnerie opérative*, puis la maçonnerie spéculative*. De nombreux témoignages attestent la présence de femmes dans les corporations et les confréries médiévales. Certains statuts des métiers de la fourrure de diverses villes de l'Empire germanique montrent que dès le XIIIe siècle hommes et femmes possèdent les mêmes droits et devoirs professionnels. Les femmes sont notamment nombreuses dans les métiers de l'alimentation. Des métiers, par leur simple nom, comme « venderesses de chandelles de cire » ou « chapelières de perles », montrent leur pouvoir d'attraction sur les femmes et accordent une maîtrise exclusivement féminine. Dans la draperie, la joaillerie, voire la chaudronnerie, la coutellerie, la dinanderie, la métallurgie ou la serrurerie, hommes et femmes sont aussi en concurrence. L'éventail des professions ouvertes aux femmes aux XIIIe et XlVe siècles est donc vaste. C'est à la fin du Moyen Âge qu'on constate en Occident une hostilité croissante envers la présence des femmes dans les corporations, et pLus encore envers le travail féminin indépendant.
La présence des femmes est attestée aussi dans les métiers du bâtiment. Parmi les 192 professionnels parisiens de la pierre soumis à la taille en 1292, on trouve plâtrières, mortellières et poseuses de pierre. De plus, il semble que des femmes aient été employées comrne journalières dans certains travaux pénibles de la construction, car elles représentaient une main-d'oeuvre moins chère que les hommes. Entre 1428 et 1524, sur les chantiers de Würzbourg, on dénombre ainsi 2 500 ouvrières payées en moyenne 7,7 pfennigs par jour contre 750 ouvriers rétribués 11,6 pfennigs.
Outre-Manche, divers documents attestent la présence de femmes dans les guildes de métier (craft guild). Au XVIIe siècle, on trouve la première femme membre de la Compagnie des Maçons de Londres, Margaret Wild. Admise en 1663, elle est sans doute la veuve d'un entrepreneur. Plus tard, James Barnett est mentionné, le 28 août 1713, comme premier apprenti garçon auprès d'un maîtresse maçonne, Anna Barnes. Le manuscrit 5984 de la Bibliothèque du Guilhall indique que le 12 février 1714 Mary Banister est prise en apprentissage pour 7 ans auprès d'un maçon opératif, John Summer. Et bien sur, un jour, le 1er mars 1750, une maîtresse maçonne, Françoise Holt, prit une apprentie, Suzanna Twiss. À cette date, la maçonnerie spéculative existe depuis 33 ans et se conforme aux Constitutions* d'Anderson*, adoptées en 1722> qui excluent les femmes. Le texte d'Anderson précisait que « les personnes admises membres d'une loge* doivent-être hommes de bien et loyaux, nés libres et d'âge mur et discret, ni esclaves, ni femmes, ni hommes immoraux et scandaleux, mais de bonne réputation >,.
Lorsque la franc-maçonnerie moderne naît en Angleterre et en Écosse*, la sociabilité dans les Îles Britanniques est donc très largement monosexuée Aussi l'exclusion des femmes en loge ne pose-telle guère de difficultés. Mais sur le continent, notamment en France où la sociabilité élitaire est très souvent mixte, il faut trouver une solution administrative et rituelle pour admettre des femmes dans la maison hiramique en construction. Ainsi naît la 1( Maçonnerie des Dames ) sous la forme de loges d'adoption* travaillant sous la tutelle de leurs homologues masculins avec un rituel spécifique.
Dans la décennie 1780, le phénomène prend de l'ampleur avant de retomber, en 1789. La Maçonnerie des Dames qui renaît sous l'Empire* est un phénomène mondain et parisien. Cependant durant tout le XIXe siècle, quelques loges continuent à pratiquer des tenues* d'adoption .
La question de la mixité intégrale commence à se poser La loge parisienne Le Temple des Familles (1860-1864) offre ainsi aux soeurs des réunions androgynes aménagées, mais ne va pas jusqu'à la mixité. C'est, en 1882, l'initiation de Maria Deraismes* dans la loge momentanément indépendante du Pecq, Les libres Penseurs, qui marque le passage décisif à la mixité égalitaire.
En 1893, Maria Deraismes et Georges Martin fondent la première obédience mixte: Le Droit Humain*. Quelques années plus tard, la Grande Loge Symbolique Écossaise* Il maintenue devient également mixte.
Au XXe siècle, une nouvelle forme d'adoption apparaît à la Grande Loge de France* et, dans les années 1930, cette néo-maçonnerie des dames obtient son autonomie. En l 945, quatre loges d'adoption forment l'Union Maçonnique Féminine de France, qui devient la Grande Loge Féminine de France* en 1952.
Y. H.M.
FENDEURS
Les fendeurs proviennent des corporations du bois* travaillant dans les forets, composées principalement d'itinérants comme lesdits fendeurs, les scieurs de long et les charbonniers. Leur origine, probablement mythique, remonterait au temps des empereurs romains; et on a en outre prétendu que François 1er avait été initié chez les forestiers. Il est plus vraisemblable que ces sociétés ont pris naissance dans les forêts du Bourbonnais. Il y en eut aussi dans les Vosges et dans le Jura. C'est en 1747 que ]e chevalier de Beauchaine, qui était franc-maçon, a «réveillé» peut-être en l'adaptant à la franc-maçonnerie, l'Ordre de la Fenderie, dit du Grand Alexandre de la Confiance, société purement spéculative~ où se réunissaient les plus beaux esprits du temps. L'Ordre de la Fenderie constitue ainsi la tentative la plus spécifique d'évolution opérative* du compagnonnage du bois. Les conditions historiques {création du Grand Orient de France* en 1773, puis la Révolution française*) ne permirent cependant pas à l'Ordre de la Fenderie de se développer. Il s'est éteint vers 1825.
Les rituels qui nous sont parvenus portent le titre de « Devoirs des Bons Compagnons Fendeurs »t ce qui semble indiquer une lointaine origine compagnonnique. La chose est peu étonnante car on sait que les autorités ecclésiastiques, qui s'efforçaient de réagir contre les compagnonnages*, s'en prirent également aux métiers du bois.
Au XIXe siècle, Jean-Marie Ragon, essayant de dénombrer les degrés de la maçonnerie forestière, en compte cinq: Fendeur ou Charbonnier, Prodigue Converti, « Moins diable que noir », Scieurs, Charpentier. Selon Ragon, seuls les deux premiers subsisteraient. Il est évident que les fendeurs étaient originellement confondus avec les charbonniers. Ceux-ci avaient trois grades*, audessus des apprentis* et des maîtres* se situaient les bûcherons ou fendeurs. Les fendeurs auraient ainsi fait originellement partie du charbonnage puis s'en seraient séparés pour former un corps à part avec un rituel différent, tout en conservant le principe moral et philanthropique. Les associés de la Fenderie sont appelés «Bons Compagnons Fendeurs » alors que les charbonniers se contentaient de se laisser appeler « Bons Cousins ». Alors qu'il y a des « ventes» de charbonniers, on trouve, dit Ragon, des « chantiers » de fendeurs, dans le Doubs et dans le Jura.
Sur le plan des pratiques, les fendeurs admettaient des membres des deux sexes. Le lieu de l'assemblée se nommait ,{ chantier». Il se tenait ordinairement dans une forêt, dans un bois, ou du moins dans un jardin où se trouve un bosquet ou une allée d'arbres... Leur président en activité était appelé « Père Maître » et portait à la main droite une petite hache. Il était assisté d'un collège d'officiers; ses officiants prenaient des noms d'arbres: Cousin Duchêne, Cousin Delorme, Cousin Duhêtre... Le candidat, appelé «briquet », prêtait serment et jurait « sur le pain et le vin de l'hospitalité » de ne pas trahir les secrets* qui venaient de lui être confiés, « sous peine d'être privé de pain et de vin de l'hospitalité et d'être dévoré par les bêtes féroces de la foret ». Les Cahiers de Fendeurs commencent souvent de la manière suivante: « La Fenderie n'est pas un Ordre*, mais un devoir. Ce devoir est suivi avec exactitude La charité y est observée et l'hospitalité est de droit. » Suivent les « sept béatitudes » qui expriment la solidarité entre les membres puis les travaux de table clôturent la cérémonie.
Les fendeurs avaient des signes*, marques et mots de reconnaissance, et un catéchisme* par demandes et réponses comme en franc-maçonnerie. La société était composée de bourgeois et de gentilshommes. On est fort loin de la Charbonnerie politique et révolutionnaire.
J.-Fr. B.
FENÊTRE
Les fenêtres sont dessinées sur les tableaux* de loge*; la première à l'orient, la seconde au midi la troisième à l'occident. On les trouve ainsi figurées sur les tableaux de loge au Rite Français* et au Rite Écossais Ancien et Accepté*. Elles ont disparu sur ceux du Rite Écossais Rectifié* et ne figurent pas non plus au Rite Émulation*. Lorsqu'elles existent elles sont représentées grillagées. Leurs origines, peut-être une survivance des opératifs*, sont hypothétiques. Les loges des grands chantiers ecclésiastiques du Moyen Âge étaient généralement adossées le long de l'église, du côté sud. En cet endroit, l'ensoleillement étant le plus fort et le plus long, elles permettaient pleinement aux tailleurs de pierre de profiter de la lumière du jour. Cela pourrait expliquer qu'il n'y ait pas de fenêtre sur le tableau de loge du côté nord, la loge étant adossée le long du mur sud de l'église.
Il semblerait qu'on rencontre les fenêtres pour la première fois dans des rituels, lors de la fameuse divulgation de Samuel Prichard, connue sous le nom de Masonry Dissected (1730): « Ces trois lumières immobiles sont les trois fenêtres censées exister dans tout local où se tient une loge mais ce sont plutôt les quatre points cardinaux, selon les anciennes règles de la maçonnerie :«
Où sont-elles situées?
-À l'est, au sud et à l'ouest.
-À quoi serventelles?
-A éclairer les hommes avant pendant et après leur travail.»,
Le Rite Français (Régulateur de 1801) est plus explicite.
Dans les catéchismes* par demandes et réponses on trouve: « Les trois fenêtres que vous apercevez à l'orient, au midi et à l'occident permettent au soleil d'éclairer la loge à son lever, à son méridien et à son coucher. Elles indiquent les trois principales heures du temps maçonnique. celle où les ouvriers se mettent à leur ouvrage, celle où ils l'accomplissent et celle où ils le quittent.»
La raison d'absence de fenêtre au septentrion est clairement expliquée: «
Combien y a-t-il de fenêtres à une loge ?
-Trois.-Où sont-elles placées ?
- A l'orient, à l'occident et au midi.
-Pourquoi n'y en a-t-il pas au septentrion ?
-Parce que le soleil n'éclaire que faiblement cette partie.
-À quoi serventelles ?
-A éclairer les ouvriers quand ils viennent au travail, pendant qu'ils y sont, et lorsqu'ils en sortent. »
Les fenêtres sont donc associées à la marche du soleil durant le jour qui va de l'est à l'ouest en passant par le midi, et au symbolisme de la lumière. Mais, ces fenêtres sont grillagées, avons-nous dit, comme on peut le voir dans les anciens tuileurs. Il n'y a donc pas d'explication vraiment satisfaisante.
J.-Fr. B.
FERA,
Saverio {Petri,1850-Florence, 1915) A seize ans, Saverio Fera participe à la troisième guerre d'indépendance dans les formations garibaldiennes et, comme beaucoup de sa génération, il se rallie au protestantisme*. En 1872, il se convertit avec toute sa famille au méthodisme de Wesley et devient ministre du culte de cette Église, avec des charges pastorales à Naples, puis à Palerme
C'est là qu'il est initié maçon dans une loge du Rite Écossais. Au cours des années suivantes, il se distingue comme publiciste et polémiste anti catholique, mais également par son engagement social et par ses aptitudes au prosélytisme religieux. Désormais en conflit avec les dirigeants méthodistes, il rallie avec tous ses fidèles, en 1888, l'église Chrétienne Libre puis s`installé, deux ans plus tard à Florence, comme secrétaire du Comité d'évangélisation. Fera est présenté à Florence par les frères palermitains les plus importants, tandis que son groupe évangélique, qui survit entre mille difficultés, finit par se dissoudre à la fin du siècle dans d'autres Églises.
Membre actif de la loge XX Settembre de Florence, la place forte du Rite Écossais dans la cité, Fera se distingue parmi ceux qui se définissent comme les défenseurs du courant spirituel en opposition au courant laïque.
En 1906, à la mort de Lemmi *, Achille Ballori est nommé Grand Commandeur Souverain, alors que Saverio Fera, accède au grade de Lieutenant du Rite Écossais Ancien et Accepté*. Il devient alors la référence de ceux qui n'acceptent pas la transformation qui touchait le Grand Orient d'ltalie*, ni l'anticléricalisme qui, chez certains, se teintait d'athéisme. Il s'oppose en effet à l'unification des rites, que beaucoup désirent, et à l'engagement politique de nombreux maçons italiens.
En 1908, lors de la discussion parlementaire sur la motion Bissolati concernant la laïcité* de l'enseignement à l'école primaire, la franc-maçonnerie italienne se divise, mettant fin à un vieux conflit. Fera est l'un des artisans de cette séparation. Il refuse de faire un,procès maçonnique aux frères du Rite Écossais qui avaient désobéi à la demande du Grand Maître Ferrari* de défendre au Parlement la laïcité de l'école italienne. À l'intérieur du Rite Écossais Ancien et Accepté se crée
une fracture inguérissable avec Ballori qui donne sa démission.
Les conflits internes à ce Rite s'achèvent avec le détachement du groupe de Fera, constitué d'un millier de frères, du Grand Orient d'ltalie et avec la naissance de la Sérénissime Grande Loge d'ltalie en 1910.
Fera se consacre au Rite Écossais et à la Grande Loge avec un grand dévouement et obtient d'excellents résultats. Il est aussi très habile dans les rapports internationaux et réussit à se faire reconnaître et à nouer des relations d'amitié avec de nombreux Conseils Suprêmes étrangers.
En 1912, la Conférence Inter,nationale des Conseils Suprêmes de Rite Écossais, réunie à Washington, reconnaît comme unique obédience* italienne celle que dirige Fera. Il est aussi à l'origine d'un grand nombre d'initiatives de bienfaisance en faveur des pauvres et des marginaux. Il meurt le 29 décembre 1915.
A-M.I.
FERRARI, Ettore
(Rome, 1845-1929) Le père d'Ettore Ferrari, Filippo, est un sculpteur aux idées républicaines qui a combattu, en 1849, pour défendre la République romaine. Politiquement Ettore est un homme de la gauche démocratique. De 1877 à 1907 il est conseiller à la mairie de Rome; de 1882 à 1892, il est député à la Chambre. Il combat la politique coloniale du gouvernement et s'oppose à la naissance de la colonie d'Erythrée. C'est aussi un opposant tenace de la Triple-Alliance. Il est lié à la démocratie française et est l'adversaire de Crispi. Peintre et sculpteur célèbre, il enseigne la sculpture et devient président de l'Académie des Beaux-Arts de Rome:
ses oeuvres les plus célèbres sont le monument à Giordano Bruno au Campo der Fiori et celui à Giuseppe Mazzini*.
Il est initié en maçonnerie durant l'été 1881, dans la loge Rienzi de Rome, et est Grand Secrétaire du Grand Maître Adriano Lemmi*~ puis d'Ernesto Nathan* auquel il resta toujours lié. En 1900, il est élu Grand Maître Adjoint. Enfin, le 15 février 1904, Ferrari devient Grand Maître du Grand Orient d'ltalie*.
Il donne à l'obédience* italienne une orientation décisive, démocratique et anticléricale, soutenant les sociétés pour la liberté de pensée et la Société pour l'arbitrage international pour la paix de Teodoro Moneta.
Il insiste sur l'engagement en faveur de la priorité du mariage civil, de la loi sur le divorce et pour l'école laïque. La politisation de l'institution maçonnique entraîne le retour du schisme provoqué par certaines loges milanaises et livournaises, qui avaient des positions favorables au socialisme, et est en même temps la cause de conflits tout aussi graves avec les frères qui ne partagent pas des positions jugées trop radicales. De nombreux maçons désirent en effet s'occuper uniquement de questions ésotériques et initiatiques.
Ferrari cherche, par son action, à contrer l'avancée des catholiques dans la vie politique en engageant les frères dans une totale et radicale opposition: il s'ensuit des procès et les expulsions de tous ceux qui-et ils étaient nombreux-préféraient prendre position en faveur du monde catholique plutôt que pour le socialisme. En 1908, on en arrive à la rupture et à la naissance du groupe de Piazza del Gesù, dirigé par Saverio Fera*. Parallèlement, alors que Ferrari se bat pour garder unies toutes les forces progressistes, les socialistes cherchent à se débarrasser du conditionnement lié aux idéaux réformateurs maçonniques. Ils y réussissent en 1914, lorsqu'ils font voter au Congrès d'Ancône l'incompatibilité de la double inscription au parti et à l'Ordre
Durant la première décennie du XXe siècle, les nouvelles forces politiques qui se renforcent sur la scène italienne et sont représentées par les catholiques les nationalistes et les socialistes maximalistes, font de la guerre contre l'institution maçonnique un point essentiel de leur action. La campagne anti maçonnique se radicalise au cours du printemps e de l'été 1913, en vue des élections politiques générales de septembre (les premières au suffrage universel masculin), dans le but d'enlever leur légitimité aux groupes démocratiques laïques. Le Grand crient ne sait pas, ou ne veut pas se défendre et ce n'est que lorsque la campagne d'opinion se calme qu'il décide de fonder un hebdomadaire qui défend et diffuse les principes démocratiques et les idées de t Ordre. La direction de L'idée démocratique revient à Bandini.
Lié à la culture démocratique du XIXe siècle, Ferrari est un interventionniste convaincu et il considère la Grande Guerre comme la quatrième guerre d'indépendance pour laquelle il projette dé former des groupes de jeunes maçons volontaires.
Il participe en juin 1917 au COngrès de Paris, où se rencontrent les maçonneries de l'Entente, exceptées celles de Grande Bretagne, avec pour objectif la préparation d'un projet de Société des Nations . Dans la crainte que la délégation italienne vote une résolution en faVeur du principe d'autodétermination des peuples, la presse italienne et nationaliSte déchaîne une campagne hostile et Ferrari est obligé de démissionner. Ayant quitté la Grande Maîtrise, Ferrari est appelé en 1918 à assumer la charge de Grand Commandeur Souverain du Conseil suprême des 33°, charge qu'il conserve jusqu'à sa mort. En 1919, il est nommé grand Maître honoraire à vie. Dès la fin de 1922 aussitôt après la marche de Mussolini sur Rome, Ferrari consacre tous ses efforts à renforcer le Rite Écossais. L'année suivante, il parcourt toute l'ltalie. il semble clair que l'on s'y prépare à resserrer les rangs pour se défendre contre les attaques fascistes, tandis que les portes s'ouvrent aux frères du Rite Symbolique qui se rallient au Rite Écossais.
Les nouvelles orientations sur l'école primaire et élémentaire voulues par le. ministre Gentile, qui confient l'enseignement aux catholiques, le poussent à rappeler que l'état n'a pas la compétence de donner une instruCtion religieuse. Le chef du Rite Écossais se lamente car l'État renonce « à la plu, haute de ses fonctions, la fonction éthique; il abdique sa plus jalouse prérogative de souveraineté; il confie à d'autres mains l'école -l'école qui est la Poetrie de demain ».
Pour mieux divulguer,a pensée, il donne naissance à une publication combative, Lux, qui fonde les questions politiques sur des problématiques ésotériques. A la fin de 1924, il engage encore les frères à défendre les valeurs laïques du Risorgimento.
La pensée maçonnique de Ferrari peut être résumée par ce qu'il écrivait en décembre de cette année-là: « La maçonnerie n'est pas un parti ou un courant politique, dans le sens que l'on donne communément à ce mot, mais une école, et nous voudrions presque dire une grande Église laïque qui rassemble et accorde des hommes de différents credo politiques en un ordre plus élevé de principes humains éternels. Nous pouvons donc affirmer, comme nous affirmons qu'elle est apolitique, dans le sens où elle se tient non pas en dehors de la vie nationale, mais à l'écart des grilles étroites des partis, qu'elle est au-dessus des petites et grandes rivalités de factions. Mais elle s'implique également et profondément dans la vie publique en créant de vastes courants, en disciplinant et en organisant les phalanges aguerries qui agissent pour défendre la liberté et pour la conquête de progrès toujours plus grands dans le domaine moral et civil. »
Ferrari ne dissout pas son Rite, même après que la loi contre les sociétés secrètes présentée par Mussolini, qui voulait abattre la maçonnerie, eut été approuvée en novembre 1925. Son atelier d'artiste est plusieurs fois envahi par des opposants. Surveillé par la police, il est dénoncé le 25 mai 1929 sur l'accusation d'avoir tenté de réorganiser la maçonnerie, et il reçoit un avertissement. Il entretient en effet des rapports épistolaires avec G. Leti, avocat et anti fasciste connu qui avait émigré en France, son lieutenant, auquel il transmit en mai 1929 les pleins pouvoirs. Il meurt à Rome le 19 août 1929.
A.-RA.I.