DON GRATUIT
DORNÉS, Yvonne
DOUMER, Paul
DROIT HUMAIN (Le)
DUMESNIL DE GRAMONT, Michel
DUPONT DE L'EURE, Jacques Dupont, dit
DUPUY, Richard
DON GRATUIT
Soucieux de se donner de véritables moyens financiers, le Grand Orient de France* naissant met en place, en 1773, un instrument fiscal reproduisant les pratiques d'Ancien Régime: il s'agit d'une capitation, impôt par tête fixe à 3 livres, appelé don gratuit. Comme le modelé profane auquel il fait référence, la capitation maçonnique rentre mal, malgré les nombreux rappels que les manquements occasionnent (sans risques de sanction il est vrai}. Deux états des comptes lègues pour les années 1785 et 1791 montrent des résultats sans équivoque et, si les turpitudes révolutionnaires peuvent être évoquées pour le second, l'analyse détaillée du comportement des loges* provinciales en 1785 rend l'argument de « circonstances exceptionnelles » peu convaincant. En Normandie ou 22 loges actives doivent payer le don gratuit, près de la moitié (9) ne sont pas à jour.
Simple négligence, difficultés réelles à payer pour des ateliers qui s'ouvrent alors au monde du petit commerce? On demeure perplexe quand on constate que figurent parmi les plus mauvais payeurs les ateliers les plus huppes ou que deux loges ne paient rien depuis plus de deux ans !
Ces dysfonctionnements témoignent bien en réalité de l'émancipation de la maçonnerie provinciale qui n'a Jamais admis les nécessites financières liées au fonctionnement d'une autorité centrale sortie renforcée de la «révolution démocratique des années 1771-1774». Les demandes sont alors vécues comme autant d'entraves envers des «libertés provinciales revendiquées par des loges attachées à leur autonomie. La Révolution française*, qui conduit simplement, en 1806, à substituer aux trois livres (révolues) la somme de trois francs jusqu'en 1826, n'améne pas de vraies modifications. Les très nombreux K oublis de membres» sur les tableaux*, alors qu'on peut constater l'activité effective de ceux-ci sur les procès-verbaux des tenues*, témoignent de ces comportements récurrents. Omettre un ou plusieurs frères est en effet pour un atelier le moyen de faire baisser les sommes envoyées. En 1826, le don gratuit est remplace par une contribution. Fixe pour les loges, chapitres* et conseils, elle est cependant proportionnelle aux grades* dont les frères sont détenteurs. L'emploi du mot dure jusqu'en 1884, date à partir de laquelle est repris le terme de capitation.
E. S.
DORNÉS, Yvonne
(Paris, 1910-1994) D'origine hongroise (par sa mère), issue d'une famille bourgeoise liée à Jules Ferry* {elle est son arrière-petite-nièce}, Yvonne Dornes, après des études supérieures en droit et en économie politique, entreprend une carrière politique l'année même de l'arrivée au pouvoir du Front populaire*. En 1937, elle est chargée de mission à la présidence du Conseil. Parallèlement, elle mené une carrière professionnelle dans le domaine de la communication: c'est e]le qui dirige les services de renseignements téléphoniques SVP de 1938 à 1953. Durant la guerre, son savoirfaire dans le domaine de la communication favorise son activité dans la Résistance*. Des la fin du conflit, en 1946, elle est chargée de mission au ministère de l'lnformation. Elle soutient Henri Langlois lorsqu'il veut créer la Cinémathèque française, avant la guerre et quitte SVP en 1953 pour la réorganiser. Elle se lance également dans la réalisation d'une série de courts métrages et de films documentaires scientifiques, puis devient administratrice de la Cinémathèque. En 1977, après le décès d'Henri Langlois, elle est chargée par le secrétariat d'Etat à la Culture de diriger la Cinémathèque, ce qu'elle fait jusqu'en 1987. Elle en est. après cette date, élue « présidente d'honneur» à vie.
Attachée à la défense des libertés, Yvonne Dornes développe également une action sociale et humaniste importante. Des I955, elle crée le Planning familial puis, dix ans plus tard, la Société d'édition et de librairie pour la diffusion de la contraception et de l'education sexuelle. Toutefois, déçue par la politique, elle suit la voie maçonnique pour donner une dimension spirituelle à sa vie. Après avoir rencontre Gisele Faivre*, Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France de l'époque, elle est initiée au rite d'adoption, à la loge Isis, le 22 juin IS55. Elle en devient vénérable Maîtresse en 1961. Elle s'affilie aux loges la Nouvelle Jérusalem et Minerve et fonde d'autres loges. En 1968, elle participe ainsi à la création de la loge Diane, à Rouen et, en lS71, à celle de la loge L'Arc-en-ciel à Paris (qu'elle dirige également). En IS70, elle fait partie du groupe des 9 soeurs qui vont à Londres chercher les hauts grades puis, en 1974, elle participe à l'expansion européenne de la Grande Loge Féminine de France. Elle fonde alors la loge Irini à Bruxelles puis, avec les soeurs belges, La Source qui travaille au Rite Français Rétabli. Enfin, en 1981, elle fonde à Paris la loge La Française travaillant aussi à ce rite par la pratique duquel elle dépense une grande énergie. Conseillère fédérale de 1977 à 1980, elle est élue pendant ces trois ans Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France et est la première représentante d'une association féminine importante reçue officiellement à l'Élysée par le président de la Republique. Elle devient par la suite Très Puissant Lieutenant Grand Commandeur du Suprême Conseil Féminin de France auprès de Gisele Faivre (Grand Commandeur).
I. M.
DOUMER, Paul
(Aurillac, 1857-Paris, 1932) Professeur de mathématiques, universitaire, journaliste radical, Paul Doumer est initie à la loge* parisienne L'Union Fraternelle, le 1er décembre 1879. Élu députe de l'Aisne en 1889r il devient vénérable* de la loge Patrie er Humanité à Soissons, en 1889, et, en 1890, tout en s'inscrivant aux Frères du Mont-Laonnois, après un échec électoral, il préside le cabinet de Charles Floquet, président de la Chambre. I1 ouvre alors à Paris la loge Voltaire dont il prend le premier maillet et qu'il va diriger à plusieurs reprises. Élu députe de l'Yonne en 1891 et de 1896 à 1914, il s'inscrit à la loge d'Auxerre, le Réveil de l'Yonne.
Paul Doumer fait ses premiers pas au convent*, en 1884, comme rapporteur de la commission des finances; il récidive en 1886 ou il s'oppose à une augmentation de la capitation suscitée par l'application des nouvelles dispositions judiciaires de la constitution.
En 1887, il est élu orateur du convent. Un incident est provoque par un délègue qui interpelle le conseil à propos de Laguerre, membre de l'exécutif, auquel il reproche d'avoir soutenu la candidature de l'ex-frère Andrieux à la vice-présidence de la Chambre. Paul Doumer à beau faire valoir que ces choix politiques n'ont rien à voir avec l'accomplissement du mandat maçonnique, il ne peut écarter un débat et Laguerre n'est absout que par 138 voix contre 125.
Son discours de clôture prend appui sur l'incident pour rappeler que les travaux maçonniques doivent rester dans une sphère élevée et sereine.
Le Convent de 1888 le porte à la présidence de la commission des finances et l'élit au Conseil de l'Ordre. Au sein de l'exécutif, iL propose, en 1890, la mise à l'étude des loges de quatre questions: la reforme de l'impôt, le droit à l'assistance la production et la distribution des richesses et l'assurance par l'état.
Au Convent de 1890, il appuie la motion de Benoît-Lévy de mise en oeuvre de la justice maçonnique pour exclure ceux qui ont coopère à la direction du mouvement boulangiste. Il intervient brutalement, considérant que le boulangisme* n'est pas un parti mais une «aventure», que ses dirigeants ne méritent «aucun pardon > aucune indulgence ».
Doumer est élu président du Convent de 1892. Il doit faire face à deux situations délicates. Le délègue de Vidau met en accusation deux députes, conseillers de l'Ordre, Lombard et Surchamp, qui ont vote le budget des Cultes. Ils sont conduits à démissionner de cette instance ainsi que Fernand Faure qui désapprouve leur départ. Il faut, dit Doumer, à un moment ou une lutte dangereuse va s'engager contre le cléricalisme, que ceux qui vont la soutenir puissent le faire avec toute l'autorité que leur conféreront leurs actes personnels et «votre propre confiance ». II s oppose, en revanche, au voeu demandant qu'un élu au Conseil s'engage à se faire enterrer civilement et à interdire à sa famille tout acte ayant un caractère religieux. Au cours du convent, il est réélu au conseil. 11 s'y montre très actif, visitant de nombreuses loges.
Son second mandat prend fin en septembre 1895. En 1896, il entre au gouvernement Léon Bourgeois*, le plus maçonnisé de la Troisième Republique, ou il tente vainement de faire adopter le projet d'impôt progressif sur le revenu. Nomme gouverneur en Indochine, il visite les loges sans pour autant suivre leur avis. 11 s'abstient, en particulier, de toute hostilité à l'égard des Missions.
De retour en 1903, il participe à une fête populaire démocratique anticléricale organisée par des loges parisiennes et s'affilie à L'Alsace-Lorraine*.
Indigne par l'affaire des Fiches*, par ailleurs très hostile à Combes*, il se retire du Grand Orient. à l'ouverture de la session de 1905, il est élu contre le frère Brisson * à la présidence de la Chambre. mais les radicaux prennent rieur revanche en 1906 et il est battu par l'inconsistant Fallieres aux élections pour la présidence de la Republique. Doumer est ministre des Finances du cabinet Briand et président du Sénat. Il est élu président de la République en I9:31 et meurt assassine en 1932 Des loges tirent une batterie* de deuil à sa mémoire en rappelant qu'il est reste membre honoraire, depuis 1894, de L'Union Fraterrtelle.
A.C.
DROIT HUMAIN
(Le) Maria Deraismes*, réduite à l'état de maçonne sans atelier, et Georges Martin* qui cherche en vain à faire admettre des femmes au sein de 3a Grande Loge Symbolique Écossaise*, élaborent discrètement, sans doute à partir de 189S18Dl, une structure maçonnique destinée à recevoir de futures maçonnes. De juin 1891 à mars 1893, des rencontres informelles, auxquelles assistent des féministes, se déroulent chez Maria Deraismes. Le projet est réalise en quatre réunions. Le 14 mars 1893, 13 dames, déjà initiées au grade d'apprenti*, Maria Deraismes et Georges Martin décident «de constituer une nouvelle obédience* maçonnique ». Les 24 mars et 1er avril, il d'entre elles et Louise Wiggishoff, nouvellement reçue, sont élevées aux grades de compagnon* puis de maître* et, enfin, le 4 avril, 16 soeurs (dont trois excusées) et G.Martin fondent la première loge-obédience mixte Française. Ces femmes sont Marie Bequet de Vienne*, Marguerite Cremnitz, Louise David, Maria Deraismes, Charlotte Duval, Anna Féresse-Deraismes, Mme Levy-Maurice Maria Martin, Marie-Georges Martin, Florestine Mauriceau, Julie Pasquier, Marie Pierre, Myrtille Renget, Clémence Royer*, Eliska Vincent-Girard et Louise Wiggishoff. Présidée par Maria Deraismes, la nouvelle obédience tient encore neuf tenues* en 1893, dix-sept en 1894: elles se déroulent d'abord au 33, rue Jacob, puis rue des Écouffes. C'est en janvier 1894 que la famille maçonnique est avisée de la naissance de la Grande Loge Symbolique Écossaise Le Droit Humain. Le 6 février 1894, Maria Deraismes meurt et sa soeur Anna Féresse-Deraismes lui succède.
A la fin de 1894, la loge-obédience compte 50 membres. Parmi les nouveaux, on trouve la militante socialiste et féministe Marie Bonnevial, la fondatrice de l'orphelinat* laïque La Maison maternelle Louise Koppe, et l'ancienne communarde Maria Pognon, présidente à la mort de M. Deraismes de la Ligue Française des Droits des Femmes. Au début de 1895, Anna Féresse-Deraismes est remplacée par Irma Laîne (1850 1914), plus connue sous le nom de Marie Georges Martin.
En 1895 paraît, en janvier, le premier numéro du Bulletin du Droit Humain (mensuel à compter de janvier 1897) et, la même année, trois filiales (ou sections) sont créées (et une en 1896). Une cinquantaine de nouveaux membres, comme Louise Barberousse, présidente de la Ligue de protection des femmes, ou le colonel de réserve Aristide Dally, s'ajoutent au noyau initial. Avec la loge mère* et ses quatre filiales, Le Droit Humain est devenu une véritable obédience.
Le 9 novembre 1895, un décret décide l'ouverture de deux livres d'or, l'un pour les sections françaises l'autre pour les filiales étrangères (Zurich y occupe la première place). La loge mère reçoit le n° 1, Lyon le no 2, Blois le n° 3 (très rapidement en sommeil) et Rouen 3e n° 4 puis, en avril 1896, l'obedience mixte se dote d'une constitution. Un conseil d'administration, préside par la vénérable de la loge mère, Marie Georges Martin, avec le titre de Grande Maîtresse, dirige Le Droit Humain. Le 7 mai suivant, le conseil d'administration crée le Grand Conseil de la franc-maçonnerie mixte avec ses anciens pouvoirs et le droit de réviser la constitution. La nouvelle obédience s'installe au 42, rue Rochechouart, puis au 5, rue Payenne. Un temple*, construit rue Jules Breton, est solennellement consacré le 28 novembre 1897. Enfin, le 12 juillet 1900, l'obedience mixte adopte sa Proclamation (en 17 articles).
Quelques mois plus tôt, très discrètement, dix membres du Droit Humain ont reçu le 33° du Rite Écossais Ancien et Accepte* par un Grand Inspecteur Général d'une autre obédience qui garde l'anonymat. Le 11 mai 1899 est constitue clandestinement le Suprême Conseil Universel Mixte Le Droit Humain. En mai 1901, son existence est révélée : «Le Suprême Conseil universel [...] délivrera seul à l'avenir les patentes constitutives des ateliers du 1er au 33e degré inclus. » Cette transformation facilite l'internationalisation de l'obedience. À la vieil le du premier conflit mondial, elle compte 12 000 à 14 000 membres et 500 loges, dont 7 000 à 8000 aux États-Unis*, L 500 à 2 000 membres au Royaume-Uni et dans l'Empire britannique, mais seuLement un milLier de membres en France (21 loges). De plus, en 1913, éclate une scission qui donne naissance à une obédience rivale: la Grande Loge Mixte Symbolique de France.
Marie-Georges Martin meurt le 7 novembre 1914 et est remplacée par Marie Bonnevial, qui meurt des suites d'un accident d'automobile le 23 décembre 1918. Le chimiste Eugéne Piron, militant socialiste, est choisi comme troisième Grand Maître de l'obedience mixte et internationale.
Sous sa présidence se tient à Paris, du 8 au 15 août 1920, le premier convent* international. Une constitution internationale (19 articles) est alors signe par 69 Grands Inspecteurs Géneraux dont 34 Français, l'article 9 prévoyant la possibilité pour les loges d'un même pays de se constituer en fédération. Les ateliers nord-américains avaient pu le faire des 1908. Les 30 octobre et 1er novembre 1920, les 20 loges françaises (ainsi que le Chapitre n° I et l'Aréopage n° 1) fondent une fédération française et adoptent constitution et Règlements Généraux. Eugéne Piron, déjà Grand Maître International, est élu président du conseil national (exécutif) de la nouvelle fédération. En 1922 la Grande Loge Mixte Symbolique de France fusionne avec elle et, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, Le Droit Humain compte 79 loges et 3 500 membres. Parmi les membres, on retient les noms d'Amelie Aubriot, Cecile Bayer, Jean-Pierre Bloch, Berthe Bouchet*, Odette (présidente du conseil national) et Remy Boyau, instituteurs et militants libertaires, Marcelle Capy-Marques (189l-1962), essayiste, romancière, journaliste féministe, Camille Charvet-Kahn*, Germaine et Marius Desbordes (1895 1946), président du conseil national, Camille Drevet (1880-1969), féministe, pacifiste et anticolonialiste , Amélie Gédalge, Marie-Helolse Lahy-Hollebecque (1881-1957), normalienne, Hélène Metzger, écrivain et philosophe, Yvonne Netter, avocate, féministe et sioniste, et Marc Rucart*. à la mort de Piron, en 1929, Lucien Levi (1882-1935), chimiste, ingénieur et professeur au Conservatoire des arts et métiers, est élu Grand Maître jusqu'en 1934, puis Henri Petit ( 1955) lui succède.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les fédérations et juridictions des pays soumis aux nazis, notamment les fédérations belges et françaises, sont interdites et persécutées tandis que celles d'Amerique, du Commonwealth ou des États européens neutres continuent leur activité maçonnique. Au premier Convent international de l'aprés-guerre en 1947, Petit est remplace par Marguerite Martin-Marquet (1877-1956). ELle à été dreyfusiste, institutrice, membre du comité central de l'Union française pour Le suffrage des femmes (1908), directrice de L'Équité socialiste S.F.I.O. avant la Grande Guerre, initiée à la Grande Loge Mixte Symbolique de France, un temps communiste (1920), Grande Secrétaire de la Grande Loge Mixte, artisane de la réunion avec Le Droit Humain et résistante dans Le Sud Ouest avec son mari Bernard Martin (maire de Sore, conseiller général des Landes et membre de la Grande Loge) !
Au printemps de 1945, seuls 150 soeurs et frères ont pu se manifester auprès de l'exécutif du Droit Humain français renaissant. Marius Desbordes (1895-1947), professeur puis directeur d'une école de commerce, Odette Boyau et Marguerite Martin jouent un rôle important dans la reconstruction. Au Convent national de I946, 38 loges sont représentées et, au début de la décennie 1970, la fédération française atteint la centaine de loges et 4 000 adhérents. En 1973, une petite scission éclate: elle donne naissance à la Grande Loge Mixte Universelle. L'essor du Droit Humain n'en est pas affecte. En 1985, la fédération française compte 209 loges et 8 000 membres.
La fédération française, présidée par un « Trés Puissant Grand Commandeur », réunit annuellement un convent national. Le pouvoir exécutif appartient à un conseil national de 33 membres. Aujourd'hui, elle compte 13 500 membres et 450 loges.
A la tête de l'obedience mixte et internationaLe se sont succède, comme Grand Maître et Souverain Grand Commandeur de 1955 à 1968, le Français Charles Cambillard (1892-1982), agrège de lettres, enseignant notamment à Madagascar et en Algerie, fondateur d'un cours prive laïc à Paris, de 1969 à 1983; le Belge André Clement, puis de 1983 à 1997! le Français Marc Grosjean, agrège de géographie, biographe de Georges Martin (Paris, 1988).
Aujourd'hui, Le Droit Humain est actif dans une soixantaine de pays ou il peut être représente par une fédération, une juridiction et quelquefois par une loge pionnière. I1 compte environ 30 000 membres et la principale fédération se trouve en France. La fédération belge arrive en deuxième position. En Islande, Le Droit Humain est la première obédience du pays, et ce petit pays fournit depuis 1997, avec Njordur Njardvik, le Très Puissant Souverain Grand Commandeur qui préside l'exécutif. C'est à Paris tous les sept ans, que se tient le convent international.
Son esprit est résume par les principaux articles de sa «Déclaration de principe», chapitre premier de la constitution internationale:
«Compose de francs-maçons, hommes et femmes fraternellement unis, sans distinction d'ordre racial, ethnique, philosophique ou religieux, l'ordre s'impose pour atteindre ce but une méthode rituelle et symbolique, grâce à laquelle ses membres édifient leur temple à la perfection et à la gloire de l'humanité. [Art. 2.]
« Respectueux de la laïcité, de toutes les croyances relatives à l'éternité ou à la non-éternité de la vie spirituelle, ses membres cherchent. avant tout, à réaliser sur la terre et pour tous les humains le maximum de développement moral, intellectuel et spirituel, condition première du bonheur qu'il est possible à chaque individu d'atteindre dans une humanité fraternellement organisée. [Art. 3.]
« L'ordre maçonnique mixte international Le Droit Humain ne professe aucun dogme. 11 travaille à la recherche de la Vérité. C'est pourquoi dans les ateliers, des discussions ou débats ayant trait aux questions sociales ou religieuses ne pourront, en aucun case avoir d'autre but que d'éclairer les membres et leur permettre de remplir, en meilLeure connaissance de cause, leurs devoirs de francs-maçons. [Art. 5.]
Les loges du Droit Humain travaillent « à la gloire du Grand Architecte de l'Univers » ou/et «au progrès de l'humanité » (art. 89.
YHM
DUMESNIL DE GRAMONT, Michel
(Paris, 1893- J953J Michel Dumesnil de Gramont est le petit-fils du poète Ferdinand de Gramont (1812-1897), traducteur en vers de Pétrarque et éditeur d'Andersen, et Le neveu de l'auteur dramatique Louis-Ferdinand de Gramont (1855-1912}. à 24 ans, il est reçu apprenti *, le 16 février l919,à la loge* parisienne Cosmos n°288, présidée par Lucien Le Foyer qui sera Grand Maître en 1928. Compagnon* le 13 septembre 1920, il est maître* le 18 janvier 1921. Son activité maçonnique est immédiatement remarquable.
Il fonde Le Portique7 une loge dont il est le vénérable* en 1924 (il écrira pour ses frères une «Ode en l'honneur des plus insignes porticiens et de leur amie, la Raison », Le Sagittaire (1922), La Grande Triade (1948), et La France (1951).
Conseiller fédéral en 1923 pour la première fois, Dumesnil est Grand Secrétaire Adjoint en 1928 et Grand Orateur Adjoint en 1929. Entre-temps, il reçoit les divers grades supérieurs écossais et devient Grand Inspecteur Général et accède au '33° du Rite Écossais Ancien et Accepte* en 192S, avant de devenir membre du Suprême Conseil de France en 1931.
Grand Orateur de la Grande Loge de France* en 193S1931, puis Grand Maître Adjoint en 1933-1934, il est coauteur avec Antonio Coen de La Franc-Maçonnerie écossaise. Dumesnil de Gramont devient pour la première fois Grand Maître en 1934- 1935.
Favorable au Front populaire*, il est réélu Grand Maître Adjoint en 1937-l938, puis Grand Maître en septembre 1938. 11 publie La Franc-Maçonnerie et l'Église catl7olique, un ouvrage dans lequel il se montre réticent à l'égard des ouvertures vers les catholiques d'Albert Lantoine et d'Oswald Wirth*.
Dumesnil est coauteur avec Arthur Groussier* de l'adresse du 1er février 1939 au président Roosevelt* l'exhortant à réunir une conférence internationale pour sauver la paix. Quelques semaines plus tard, il préside la cérémonie d'intégration à la Grande Loge de l'atelier autrichien en exil Mozart et y déclare: «C'est à nous, maçons libres encore de poursuivre leurs travaux, de proclamer notre reconnaissance envers vous, maçons proscrits qui, en ces jours charges d'angoisse, êtes venus nous donner une retentissante profession de foi et d'espérance maçonniques.» Jusqu'au printemps l940, Dumesnil de Gramont dirige tant bien que mal l'obedience*, puis, après l'offensive, organise le déménagement des archives dont il brûlera une partie à Niort. Il gagne ensuite le Sud-Ouest ou il rejoint la Résistance* naissante. Membre de Libération Sud, délègue du Mouvement de libération nationale-Sud à Alger, il est désigne par la Résistance intérieure pour siéger à L'assemblée consultative provisoire. 11 en sera le rapporteur de la Commission de législation. En septembre 1943, il gagne Londres, et le mois suivant Alger. Là. il oeuvre pour faire supprimer officiellement la législation anti-maçonnique prise par Vichy*. Grâce à ses nombreuses relations et après une entrevue avec le général de Gaulle, Dumesnil obtient satisfaction par l'ordonnance du 15 décembre 1943. Par deux fois, de Gaulle le charge de mission diplomatique auprès du gouvernement américain (1943 et 1945).
Directeur administratif de l'Office national de la recherche scientifique et industrielle et des inventions il sera après la guerre président-directeur général de la compagnie d'assurances L'Urbaine-Capitalisation.
A partir de I944, Dumesnil de Gramont travaille à réveiller l'Ordre* en France. Suivant les choix de son obédience, il s'oppose à la fusion avec le Grand Orient*. Au Convent* de septembre 1945,il est réélu Grand Maître. Sa vision de la maçonnerie peut être résumée par cet extrait du discours qu'il y prononce: « Le sentiment national n'a marque à l'égard de la maçonnerie une réserve sérieuse qu'à partir du moment ou cette organisation est sortie de son cadre normal d'association de pensée. Le remède est. par suite, évident; il consiste à redonner à la franc-maçonnerie ce statut moral de famille spirituelle qu'elle ne devra plus abandonner.»
De 1945 à 1948, il est à la tête de l'exécutif de l'obedience de la rue Puteaux. En 1947, il est cofondateur du Cercle Condorcet-Brossolette, puis, en septembre 195D, il retrouve à nouveau la présidence de l'exécutif de la rue Puteaux jusqu'en 1952.
Dumesnil de Gramont fut également un homme de lettres reconnu. Les oeuvres dont il est l'auteur sont principalement: N'Dri et Rodelia (Belles-Lettres, 1922); Cendre de jours (Bernouard, 1926) - avec N. Klugmarin: Essai de psychologie ethnique: De Luther à Wagner {J. Vrin, 1931) et Essai sur le marxisme: le prophète rouge {Rieder, l938). I1 est aussi le traducteur de nombreux auteurs russes: 1. Bounine, Le Sacrement de l'amour (Stock, 1925}, M. Gorki. Les Cafards {Calmann-Levy, 1928); La Vie de Kim Sanguine (Villeneuve-Saint-Georges, IUT 1949-1952); D.M. Merejkovski, La Maissance des dieux (Calmann-Levy, 1924); Le Roman de Leonard de Vinci (Bossard 1926); L. Tolstoi. Le Chemin des tourments (Rieder, 1930).
Michel Dumesnil de Gramont meurt à Paris le 4 février 1953.
Y. H.M.
DUPONT DE L'EURE, Jacques Dupont, dit
(Le Neubourg, 1767-Rouge-Perreers,1855) Figure de proue du libéralisme* politique de 1815 à Ix48, date à laquelle il devient président du gouvernement provisoire de la République, Dupont de l'Eure fut longtemps présente comme un « maçon de passage» Initie sous le Premier Empire, Dupont continua cependant une activité maçonnique sous la Restauration.
Fils d'un marchand de fer aise, Jacques Dupont est avocat au Parlement de Normandie quand éclate la Révolution française*. Élu maire du Neubourg en septembre 1792 (il à 25 ans), administrateur et juge au district de Louviers entre 1793 et 1795 puis au canton du Neubourg de 1795 à 1797, sa carrière politique ne connaît pas de vraie rupture pendant la période révolutionnaire. Au moment ou les administrateurs des districts et des cantons de l'Eure doivent choisir entre la fidélité à la Convention épurée et l'adhésion au fédéralisme, Dupont, bien qu'actif dans un district séditieux (Évreux) aux mains de Buzot, refuse en effet de suivre l'insurrection. Prenant discrètement le parti de la Convention, iL assume la Terreur puis, passe Thermidor, il continue de servir la Révolution avec fidélité en répondant dans l'exercice de ses fonctions politiques aux problèmes poses par les crises frumentaires sous le Premier Directoire.
En 1798, il accède au destin national: il est élu représentant de la nation à l'assemblée des Cinq-Cents, à cote des personnalités du néo-jacobinisme dans l'Eure (Lindet et Crochon). à l'exception du bref intermède des années 1815 et 1817, il ne quittera plus son mandat de députe... jusqu'en 1849. Parallèlement, il connaît une ascension professionnelle remarquable: ancien avocat du Parlement, il devient substitut auprès du tribunal criminel de l'Eure en 1797 accusateur public en 1798, puis, après un 18 Brumaire vécu sans états d'âme, il est président dudit tribunal (1801). C'est à l'apogée du Premier Empire* qu'il est initie dans une loge* maçonnique fondée en 1800, La Constance, qui réunit tout ce qu'Évreux compte de fonctionnaires importants et de négociants satisfaits par la prospérité économique. Simple membre en 1809, il devient second surveillant de la loge en 1810. Sa carrière est alors en train d'atteindre son sommet: Chevalier d'Empire en 1810, il devient en effet conseiller à la Cour impériale de Rouen en 1811, puis président en 1812 (jusqu'à sa révocation en 1818). La passage par la maçonnerie semble donc, pour ce grand notable qui fréquente également les cercles animes par l'impératrice Josephine*, un passage «oblige» plutôt éphémère. Fut-ce simplement cela ? Voire. Le tableau du personnel de la loge ébroïcienne, au moment ou Dupont en est membre, montre que ce dernier à pu y côtoyer un groupe important de futurs opposants aux Bourbons. On y retrouve le maire libéral d'Évreux sous la Restauration, Alexandre Dumeilet, et le receveur Charles Gazzan qui anime au château de Condé l'un des principaux cercles d'opposants entre 1815 et 1817. Devenu vice-président de la Chambre des Cent-Jours, Dupont fréquente ce lieu avec assiduité jusqu'en 1817, pendant le bref moment durant lequel il n'est pas députe.
A partir de 18201 il devient véritablement, après l'arrivée au pouvoir des ultras, la figure de proue des opposants aux Bourbons, avec La Fayette*. Rescapé d'une hécatombe électorale en 1821 {80 députes libéraux élus seulement), il se montre alors, en dénonçant notamment la «loi du milliard aux émigres» (qui pro pose de rembourser les spoliations faites à l'ancienne noblesse durant La Révolution), l'un des défenseurs de l'idéologie du mérite social contre le retour au pouvoir de l'aristocratie foncière que veut imposer le ministère Villele. Peu fortune, il bénéficie d'une souscription pour acquérir la propriété, suffisante, cens oblige, pour pouvoir prétendre se faire élire. Devenu maintenant « Dupont de l'Eure». cet ancien notable du régime napoléonien défend avec force la liberté de la presse. C'est durant ces années difficiles qu'il rencontre à nouveau le réseau maçonnique, à partir de 1827. On assiste non seulement à une véritable appropriation de cette figure du libéralisme par la franc-maçonnerie, mais aussi à une imbrication directe du rôle des loges et de l'action politique de Dupont. Si on sait qu'il est l'un des dignitaires de la vente suprême de la Charbonnerie* sans que des liens réels entre l'opposant politique et la société secrète aient pu être avérés, il est en revanche certain que la maçonnerie parvient à « capter le personnage». La chose est attestée par les activités des loges de la vallée de la Seine entre 1827 et 1830. En effet, lors de la campagne électorale qui vit triompher les libéraux en 1827 et à l'occasion de Laquelle Dupont, Laffitte, Benjamin Constant et Louis Bignon participent à des banquets à Rouen et à Elbeuf, les loges locales se mobilisent pour accueillir les héros et les célébrer dans les ateliers et hors d'eux. Dupont est reçu à plusieurs reprises à Elbeuf à partir de 1827. I1 figure ainsi sur les tableaux de L'Union en 1829 pUiS, en 1830, comme membre honoraire. 11 est cette année-là Garde des Sceaux (démissionnaire en novembre 1830). La suite est connue. Vite insatisfait par la mise en place de la Monarchie de Juillet, Dupont regagne les rangs de l'opposition jusqu'en 1848. Cela lui vaut une reconnaissance méritée de la part des républicains. Elle à lieu de son vivant, en février 1848, puis à titre posthume. En effet, deux des plus grands noms de la République, l'un maçon éphémère, Gambetta*, en 1881, et l'autre profane, Herriot, en 1948, viennent honorer au Neubourg la statue de celui qui fut l'un des principaux représentants du libéralisme politique entre 1815 et 1848.
E. S.
DUPUY, Richard
(Alger, 1914-Paris 1985) Richard Dupuy est ne le 20 décembre 1914 de Léonie Beaumenail et de Léon Dupuy, officier. I1 devient en 1937 avocat à la cour d'appel d'Alger. Le 28 septembre 4940, il épouse Arlette Carcia dont il à cinq enfants. En 1943, il est nomme sous-directeur du contentieux de la justice militaire au Gouvernement pro-visoire de la République française, à Alger, puis directeur de la justice de l'air à Paris, après la Libération. à ce poste, il contribue à créer la gendarmerie de ]'air. à partir de 1946, il est avocat à la Cour de Paris.
C'est le 5 mars lD47 que Richard Dupuy, qui choisit la Grande Loge de France*, est reçu apprenti* dans la loge parisienne La Jérusalem Écossaise. Compagnon* le 19 mai 1948, maître* le 21 septembre 1949, il s'affilie en 1958 à l'atelier Le Portique n° 427 (Paris), et est membre fondateur des loges Les Hospitaliers de Saint-Jean n° 803, à Vichy {en 1966), Semper Fidelis n° 817, à Paris (en 1970), et Le Temple d'Abydos n° 825, à Saint Germain-en-Laye (en 1971). Au Convent* de 1953, députe de sa loge mère*, Richard Dupuy, lors du débat sur le rétablissement du volume de la Loi sacrée (Bible*) sur l'autel, observe que cette faculté existe déjà mais qu'il ne faut pas la rendre obligatoire. L'année suivante, il préside le convent puis est élu pour la première fois conseiller fédéral de l'obedience*.
En 1956, il devient Grand Maître Adjoint. mais le Grand Maître Antonio Coen meurt en cours de mandat, le 21 avril ID56, et Richard Dupuy lui succède. Il est confirme dans sa charge par le Convent de septembre 1956. Durant ces mois, Richard Dupuy cherche à rapprocher les diverses obédiences masculines françaises.
Réélu au Conseil Fédéral en septembre 1958, il retrouve la Grande Maîtrise, reprend ses objectifs oecuméniques, puis tente de s'accorder avec la maçonnerie anglo-saxonne. Au convent suivant il fait rompre les relations entre la Grande Loge de France et le Grand Orient de France*, mais n'obtient pas pour autant la «reconnaissance*» de la Grande Loge Unie d'Angleterre. Malgré ces échecs, Dupuy est réélu à la Grande Maîtrise au Convent de septembre 1960. En 1961, il propose la reprise des relations avec la rue Cadet et le boulevard Bineau.
En 1962, Dupuy retrouve le Conseil Fédéral. Au Convent de 1963, il est porte à la Grande Maîtrise pour la cinquième fois. Ne pouvant obtenir un exécutif favorable à ses idées, il démissionne de sa charge puis, après intervention du Passe Grand Maître Louis Doignon, il reprend sa démission. En décembre 1963, il obtient en tenue* de Grande Loge mission de reprendre contact avec les autres obédiences françaises. Au printemps 1964, devant le refus de la Grande Loge Nationale Française*, il poursuit les négociations avec le seul Grand Orient de France. Après des discussions agitées, le Convent de 1964 adopte le traite avec le Grand Orient, mais cette décision va entraîner des tensions avec le Suprême Conseil de France. L'année suivante, des frères, dont le Souverain Grand Commandeur Charles Riandey*, rejoignent la Grande Loge Nationale Française. Après une année de pause, Dupuy est réélu Grand Maître aux Convents de 1967 et de 1963. Cette année-la, il est également élu membre du Conseil de l'Ordre du barreau parisien. En septembre 1970, Dupuy préside le convent et regagne le Conseil Fédéral. En septembre 1971 et 1972, il retrouve la présidence de l'exécutif de la rue Puteaux. Les relations avec le Grand Orient sont à nouveau tendues. Conseiller fédéral en septembre 1974, Grand Maître un an après, Richard Dupuy rencontre à Marseille Roger Etchegaray, archevêque de la ville, le 21 avril 1976, mais au convent suivant, il doit défendre la franc-maçonnerie contre les attaques de l'evêque intégriste Marcel Lefebvre. 11 est alors Grand Maître pour la onzième fois (1976-1977). Richard Dupuy est l'auteur d'un ouvrage {La Foi d'un franc-maçon, Paris, Plon, 1975) dans lequel il donne de manière à la fois lapidaire et pertinente une définition possible de l'Art royal: «La franc-maçonnerie, cela sert à passer de la conjugaison du verbe avoir à celle du verbe être. »
En 1983, comme président des Cercles Jules-Ferry, il s'oppose au projet Savary.
Il meurt le 30 mai 1985.
Y. H.M.