COLLÉGE
COLOMBE
COLONIES
COLONISATION
COLONNE D'HARMONIE
COLONNES
COMBES
COMITE DES TRENTE
COMMUNE DE PARIS
COMMUNISME
COLLÉGE
En maçonnerie, ce mot fait référence à l'organisation des hauts grades* et aux filiations prêtées entre opératifs* et spéculatifs*. Could*, dans son Histoire abrégée de la franc–maçonnerie, décrit ainsi les liens entre le fonctionnement des collèges antiques et celui des loges maçonniques. Après avoir rappelé qu'« à chacune des légions romaines se trouvait annexe un collège (ou corporation) d'artisans qui l'accompagnait et dont la mission consistait à implanter en terre étrangère les germes de la civilisation romaine», il précise que chaque collège avait des officiers, un maître* et un lieu de réunion appelé schola, où la société tenait assemblées et banquets*. Avant l'admission, il était demande un engagement solennel qui obligeait les membres à pratiquer l'entraide, parfois envers un confrère malade ou nécessiteux.
En Angleterre, on pense que l'ancienne communauté chrétienne se composait principalement de fidèles appartenant à la classe ouvrière, qui étaient tous maîtres (magistri) et ouvriers (operarii) de leurs collèges respectifs. Ces collèges d'artisans, qui avaient le consentement des autorités pour exister, étaient donc hiérarchiquement structures et présentaient un fonctionnement très démocratique. « C'est surtout lors de la mort de l'un de ses membres que le collège intervenait pour lui assurer des obsèques honorables et veiller à l'accomplissement des rites prescrits » (E. Martin Saint Léon). L'aspect religieux et charitable de ces confréries* d'artisans se retrouve dans les guildes*.
Après les invasions barbares les collegia devinrent des schoia dans la partie italienne non soumise aux Lombards et à Byzance. L'Empire romain d'Orient fut donc le dépositaire des traditions séculaires gréco latines. Selon Paul Naudon, les collegia devinrent meme (« les rouages principaux de la vie byzantine; ils conservèrent leurs rites et leurs symboles. principalement ceux qui étaient lies à des secrets opératifs ». Byzance subissant l'influence de l'Orient et de la Perse, l'émergence de nouveaux styles architecturaux, caractérises notamment par les formes octogonales ou circulaires, dont témoignent les coupoles comme celle de Sainte–Sophie de Constantinople, entraîne un rayonnement remarquable de l'art que décelaient les collegia. Il se répand alors en Russie* (Saint–Sophie de Kiev), en Armenie, en Georgie, et même en France (Saint–Front de Perigueux) ou ces artisans gardent leur renommée. Charlemagne, lorsqu'il fit construire en 796 la cathédrale d'Aix–la–Chapelle qui devait lui servir de lieu de sépulture, aurait même appelé ces ouvriers fort habiles et « d'en delà de la mer » ans le monde occidental, après les invasions barbares, ces collèges se seraient maintenus en Irlande grâce à la secte des Culdéens qui auraient été guides dans la construction des églises et des monastères, selon Naudon, par Saint–Colomban.
J.–F. B.
COLOMBE
Les textes rosicruciens du XVIIIe siécle ont utilise la colombe du Saint–Esprit d'autant plus volontiers que le caractère féminin du symbole facilite les articulations entre les aspects complémentaires de la divinité et le plan humain. Cette influence est visible au grade de Chevalier du Soleil*, où elle est assimilée au Saint–Esprit comme « esprit universel qui donne la vie à tout être dans les trois régimes de la nature, le végétal, le minéral et L'animal 1). La maçonnerie féminine d'adoption* utilise aussi la colombe: F. T. B. Clavel, dans L'Histoire pittoresque de la franc–maçonnerie (1843), signale d'ailleurs l'existence en 1784 à Versailles de Chevalières et Chevaliers de la Colombe.
Cagliostro*, de son cote, lui à donne une grande importance dans sa construction maçonnique ( égyptienne).
J.–P. L.
COLONIES
(XVIII siécle) Le XVIIIe siécle enregistre un essor sans précèdent des échanges avec les colonies, notamment avec les .« Isles »» de l'arc caraïbe qui exportent vers les métropoles européennes sucre, coton, indigo, café... vers Bordeaux*, Bristol, Nantes, Amsterdam ou bien Hambourg, ou les négociants se pressent sur les colonnes* des loges*. Les îles à sucre sont les terres d'élection de la franc–maçonnerie coloniale franc,aise. Alejo Carpentier l'a rappelé dans son roman Le Siécle des Lumières, mais des le XVIIIe siécle, les témoignages abondent, que l'on songe à celui du franc–maçon Moreau de Saint–Méry dans sa célèbre Description topographique... civile, politique et historique de la partie française de l'îlle de Saint–Domingue ou aux « documents Sharp » qui mettent au jour la richesse de l'écossisme colonial.
Du côte britannique, il est à noter qu'une loge est fondée au Bengale des 1730, et que la Jamaïque compte un atelier des 1739. Les Néerlandais ne sont pas en reste tant dans les Indes occidentales qu'orientales (océan Indien*}, à tel point que le Grand Maître Provincial anglais pour l' étranger, de Vignoles, s' inquiète de leurs fondations outre-mer, dont il dresse la longue liste en 1776: Saint-Eustache, Curaçao, Bengale, Surinam, Batavia, Ceylan, Le Cap, Nagapatam, cote de Coromandel...
On constate en fait que la carte des fondations maçonniques épouse fidèlement les horizons commerciaux des grands ports. Lorsque Marseille se lance dans les échanges avec les Antilles, ses principaux négociants, qui dominent la chambre de commerce et la principale loge de l'orient, Saint-Jean d'Écosse, entreprennent de constituer des ateliers dans les principaux orients de Saint-Domingue, de la Cuadeloupe et de la Martinique. On n'est pas étonne d'y retrouver leurs correspondants attitrés, les colons qui fournissent les capitaines des navires des maisons bordelaises ou marseillaises en produits coloniaux. La diffusion de l'Art royal* accompagne fidèlement l'expansion coloniale mais la distance par rapport à la métropole facilite la multiplication des régimes de hauts grades* écossais (on sait la place des Antilles dans l'élaboration de la Maçonnerie de Perfection et dans la genèse du Rite Écossais Ancien et Accepte*).
Le succès de La franc–maçonnerie ne tient pas à la pauvreté supposée du monde colonial en foyers de sociabilité attractifs et en phase avec les modes métropolitaines. Au contraire, les colonies sont un formidable théâtre d'innovation en terme de sociabilité à l'instar de Saint–Domingue, la perle des Antilles françaises, où l'on à découvert depuis peu que Le Cercle des Philadelphes, unique académie coloniale française, était escorte par un nombre surprenant de sociétés d'agriculture, de botanique, de cabinets de lecture... Les colonies espagnoles d'Amerique latine connaissent également une très active vie de société, où l'on lit les ouvrages des Lumières français introduits malgré la censure et le Saint–Office grâce au commerce interlope. Or, la part des francs-maçons dans ces initiatives se révèle décisive.
Le Cercle des Philadelphes est clairement à mettre à leur crédit, la diffusion des formes de sociabilité éclairées dans les ports du Rio de la Plata également.
Toutefois, si la diffusion des Lumières* dans et par les loges maçonniques est incontestable, elle se limite clairement aux colons.
La crainte de saper les bases de l'ordre colonial, la hantise des révoltes d'esclaves, justifient aux yeux des francs-maçons le maintien hors du temple de la fraternité* des Noirs* et des « sangs mêlés », qui incarnent littéralement le risque de dissolution de l' identité blanche et européenne, s'ils ne sont pas maintenus à bonne distance. Sur ce point, l' inflexibilité des francs–maçons français des colonies tranche sur l'évolution des cercles dirigeants du Grand Orient* qui, influences notamment par la Société des Amis des Noirs*, se montrent plus ouverts à la fin de l'Ancien Régime, à l'idée d'une possible initiation* d'hommes libres de couleur.
La franc–maçonnerie coloniale est une sociabilité d'élus, ou les « petits Blancs » pénètrent difficilement, elle n'est pas un laboratoire de l'émancipation des esclaves.
P.–Y. B.
COLONISATION
voir Maghreb
COLONNE D'HARMONIE
L'expression s'applique originellement à un ensemble instrumental maçonnique compose de 2 clarinettes*, 2 bassons*, 2 cors* et 1 timbalier. Cette formation initiale empruntée à la musique militaire à subi quelques modifications et ajouts, en fonction du recrutement musical des loges* ou des progrès de la facture instrumentale. L'orgue*, les flûtes* traversiéres les cordes, la harpe* ou les trompettes* par exemple, furent également entendus dans les temples*.
Sous sa forme traditionnelle, la colonne d'harmonie aura connu un succès inégal, et parfois inattendu: nous la retrouvons ainsi, légèrement modifiée, dans l'accompagnement de chants révolutionnaires tels que l'Hymne à 1a fraternité de Cherubini.
Sous le Premier Empire*, les pratiques sont de plus en plus hétérogènes. Pourtantt en 1848, dans son rituel, Nicolas des Étangs (ancien Vénérable* de la loge des Trinosophes*) préconise encore l'emploi de 2 clarinettes, 2 cors, 2 bassons, 1 trombone*, 1 petite flûte, 1 hautbois, 2 tambours. De rares exemples, dans les années 1840–1860, témoignent d'un souci de préserver la tradition musicale maçonnique. Mais la colonne d'harmonie présente l' inconvénient de restreindre les possibilités d'expression ou de représenter une contrainte inadaptée, ignorante des aléas du recrutement musical. On se tourne alors vers des effectifs beaucoup plus importants (de véritables orchestres, comme celui de la loge Olympi4ue*) ou on adapte l'ensemble instrumental en fonction des ressources humaines (Frères Unis Inséparables*). Certaines loges ont ainsi adopte le piano*, L'orgue, l'harmonium, le quatuor à cordes, et des arrangements ont été écrits pour les ateliers avec accompagnement de guitare, ou de harpe. La tache des maîtres d'harmonie est rendue ingrate: il s'agit d'écrire d'abord en fonction des moyens dont on dispose.
Dans ces conditions, « colonne d'harmonie » désigne vite tout ensemble instrumental ou vocal agrémentant Les travaux de loges. Dans les comptes rendus des cérémonies, le terme adopte est « harmonie »(« l'harmonie se fit entendre », « aux sons de l'harrnonie » et, sous cette appellation générique, les maçons ont pu aussi comprendre des artistes non inities, parents de maçons, ou sympathisants.
Les règlements s' intéressent surtout aux obligations des frères. Un Maître ou intendant de l'harmonie est charge de préparer un programme et d' organiser les répétitions. Il soumet son choix d'oeuvres au Vénérable. Les simples frères à talent ne sont tenus d'assister qu'au travaux incluant des interventions musicales. Dans la plupart des cas, les règlements ne prévoient que des recours occasionnels (pour les fêtes de Saint–Jean ou les cérémonies funèbres). La réglementation touche peu au répertoire*: il suffit qu'il soit « analogue à la cérémonie » et ne choque pas la morale. Des pièces profanes peuvent meme être adoptées des lors qu'elles s'inscrivent, dans l'esprit, au motif de la réunion.
Sur le plan socioculturel, l' intégration dans une colonne d'harmonie peut présenter de nombreux avantages, car c'est le moyen de s' insérer dans un réseau de sociabilité. Outre la gratuite de l'initiation*, la dispense de cotisation, les possibilités de rémunérations occasionnelles, cette activité peut procéder d'une stratégie d'intégration à un cercle influent. La contrepartie de ces avantages est une certaine dévalorisation de l'artiste en tant que maçon: s'il peut assister aux travaux coutumiers, sa voix reste délibérative. Il est très rare qu'un frère de l'harmonie puisse accéder à des fonctions officielles, à fortiori à la direction de la loge. Taskin* ou le ténor Charles Dumas restent des cas d'espéces.
Si un musicien veut exercer une charge officielle ou gravir les échelons initiatiques au–delà du grade de Maître*, il doit « s' affranchir », de son statut de frère de L'harmonie. Des artistes de renom ont préfère s'inscrire sur les tableaux* de loges au titre de « frère musicien amateur », (c'est–à–dire, à l'occasion) pour ne pas être assimiles aux frères de l'harmonie. On note toutefois après la Révolution française* une intégration plus importante, une politique moins inégalitaire envers les artistes. Dans les premières décennies du XIXe siécle, à Paris (Anacréon, Coeurs Unis, Frères Unis Inséparables, Neuf Soeurs*, Sept Écossais, Isis–Monthyon) comme en province (Thémis à Caen, Frères Réunis à Strasbourg, La Parfaite Union à Douai, Les Arts er l'Amitié* à Aix–en–Provence), une colonne d'harmonie est un gage de réussite pour les fêtes et les bals, un outil de rayonnement, un moyen de recueilLir des bénéfices pour les oeuvres charitables.
A partir des années 1850, seules quelques loges constituent leur propre ensemble. Les autres invitent des artistes sympathisants, côtoyant quelques rares frères musiciens: la composition de la colonne d'harmonie est des plus aléatoires et se réduit parfois à un seul instrument (piano, harmonium ou orgue). Les pratiques musicales sont plus espacées et plus modestes; le répertoire se construit au gré des disponibilités, de la chanson à boire (souvent à cape/la), aux credo maçonniques avec, de temps à autre, quelques airs d' opéras proposes par les artistes lyriques du Théâtre voisin.
Régression ou déviation de la tradition maçonnique pour les uns, évolution issue d'influences inévitables pour les autres, la colonne d'harmonie laisse apparaître la criante disproportion entre l'importance numérique du recrutement musical des loges et la faiblesse d'ensemble des couvres.
Chr. N.
COLONNES
Les deux colonnes marques J* et B* (Jakin et Boaz), qui sont dessinées au sol sur le tableau* de loge* au grade d'apprenti* ou qui flanquent la porte d'entrée de la loge, image du Temple*, renvoient à un jeu de correspondances symboliques complexes.
Elles sont signalées dans le premier livre des Rois {7, 15-22) à la suite du récit de la construction du palais de la foret du Liban qui était la résidence de Salomon. à ce moment, le texte revient à la description du Temple de Jérusalem.
Il est dit que deux colonnes de bronze de dix–huit coudees de haut et douze coudees de tour furent fondues par le maître Hiram de Tyr et placées dans le vestibule du temple de chaque cote de l'entrée. Leur destruction est signalée au second Livre des Rois (25, 17), au moment du sac du Temple et du palais royal par les Babyloniens en 587. Le passage est repris dans Jérémie (52, 17–23), ou il est précise que temple et palais furent incendies en même temps.
Le jeu du dédoublement renvoie à l'essence meme de la démarche initiatique (le Vénérable* Maître siège dans la « chaire du roi Salomon ») qui permet la reconnaissance du lieu du divin par ce qui est en face, comme le Maître* de la loge fait la lumière en de mandant l'heure aux deux surveillants places sous chacune des colonnes.
Ainsi les noms des colonnes sont–ils les mots de passe* des deux premiers grades*, là où s' opère le passage de l'apprenti et du compagnon* qui y «reçoivent leur salaire ».
« Jakin » et « Boaz » signifient respective ment en hébreu : elle est solide» et « en force ». Ce sens à cependant flotté dans le vocabulaire maçonnique et demeure aussi obscur que la place qui leur est attribuée, colonne de droite ou de gauche selon le système rituel suivi.
Outre leur position dans les constructions salomoniennes, une ancienne tradition d' interprétation relative à la descendance de Caïn fut également développée dans la maçonnerie: ce sont les enfants de Lamech, Jabel et Jubal, qui inventèrent les arts et les sciences, notamment la géométrie, base de toute construction. Le fils de Seth, Énosh, fut le premier à retrouver la « parole perdue» , à « invoquer le nom de Yahvé » (Genèse 4, 17–26). L'historien Flavius Joséphe {38 env.–100 env.) mentionne au chapitre Il des Antiquités yudaï ques: « Parce qu'ils savaient d'Adam que le monde périrait par l'eau et par le feu la crainte qu'ils eurent que cette science ne se perdît... les porta à bâtir deux colonnes, l'une de brique et l'autre de pierre, sur lesquelles il gravèrent les connaissances qu'ils avaient acquises, afin que s'il arrivait qu'un déluge ruinât la colonne de brique, celle de pierre demeurait pour conserver à la prospérité... ,, Les Pères de l'Église. saint Jérôme ou Eusébe, firent grand cas des récits de Joséphe et la généalogie médiévale des arts libéraux depuis Isidore de Séville (560 636 env.) attribua à la géométrie le privilège d'avoir traverse le déluge grâce à l'inscription inspirée avant d'être redécouverte par Euclide ou Pythagore.
Les légendes des constructeurs ont puise à ces sources mythiques comme en témoignent les manuscrits anglais des O/n Charges*, ainsi le Regius (fin du XIVe siécle) et le Cooke {1425) qui citent Bède le Vénérable (672–735), et Isidore rapportant la conservation des sciences sur les colonnes gravées. Le scénario est identique dans l'Ordonnance de la Hüttenordnung de Trèves en 1397.Il se répète au XVIIIe siècle dans le manuscrit Dumfries n° 4 (1710) qui reprend la légende de Jubal précisant: il L'une était en pierre appelée marbre, qui ne peut brûler au feu, l'autre monument était en briques qui ne peuvent se dissoudre dans l'eau.» Les questions et réponses du meme manuscrit identifient également l'Équerre*, le Compas* et la Bible* comme des Il colonnes }) de la loge. L' édification des constructions symboliques maçonniques suivait alors les débats intérieurs au monde chrétien sur les types et figures tels que le jansénisme* dernière manière les développait dans « le figurisme ,,. Un exégète puritain comme John Bunyan {1628 1688), dans Solomon's Temple Spirituality (1688), voyait dans les colonnes, suivant saint Paul, un type des apôtres des circoncis et un autre des incirconcis. Au XIXe siècle , la déchristianisation des rituels s'appuya sur les interprétations naturalistes ou alchimisantes du siècle précèdent, puis sur les progrès de l'histoire des religions et ce l'ethnologie dans une perspective d' universalité du symbolisme.
Les colonnes furent mises en correspondance avec le soleil* et la lune* les côtés masculin et féminin de l'arbre kabbalistique, le soufre* associé à la couleur rouge et le mercure* au blanc dans d'oeuvre alchimique de séparation des éléments. Les cornmentaires du Livre de l'apprenti, du Livre du compagnon et les ouvrages hermétiques d'Oswald Wirth* furent offerts aux méditations des jeunes maçons.
Aboutissement d'une tradition séculaire d'interprétation, les travaux d'un illustre maçon et historien belge, Eugéne Goblet d'Alviella* La Migration des symboles (Paris, 1891j, rapportèrent à l'Égypte* ancienne l'origine des colonnes; il devait inspirer le décor du grand temple des Amis Philanthropes, inauguré solennellement à Bruxelles en 1879, un des sommets de l'égyptomanie.
J.–P. L.
COMBES
Émile (Roquecourbe, Tarn, 1835- Pons, Charente–Maritime, 1921)
On à du mal à se représenter les passions déchaînées,entre 1902et 1905,par le ministère Combes.
Toute une France de gauche à cru que sa « campagne laïque », préparait l' avènement de la démocratie sociale. Les catholiques ont pense vivre une version Belle Époque de la Terreur? évidemment décidée dans le secret* des loges*.
D'origines très humbles, le jeune Tarnais se destinait à la carrière ecclésiastique. Mais on lui refuse l'ordination, et c'est comme professeur qu'il s'installe en 1860 dans la petite ville charentaise de Pons. Il reprend alors des études qui le conduisent au doctorat en médecine. Il à rompu avec l'Église, mais reste un « philosophe spiritualiste », qui croit en l'immortalité de l'âme. Il à répudié le Dieu chrétien, mais il est persuade que les événements de l'histoire, comme les existences individuelles, sont régis par une force mystérieuse, la « loi du Progrès ».
Il à été initie en 1869 à Barbezieux. De cette époque date l'unique « planche» conserve dans ses archives, un texte où il prend acte du déclin du catholicisme ennemi du monde moderne. « La franc-maçonnerie est destinée à recueillir l' héritage du catholicisme, [car] elle conserve du christianisme ce qui en à fait la force et le succès, la pensée que tous les hommes sont frères. » Combes ne sera guère actif en maçonnerie, et ses rapports avec les frères de Pons ont été distants.
Maire de Pons, conseiller général? Combes devient en 1885 sénateur de la Charente–lnferieure. C'est un « opportuniste » qui défend la politique de Ferry*. Mais son refus du ralliement et de « l'esprit nouveau » le rapproche des radicaux, et Léon Bourgeois* lui confie en 1895 son premier portefeuille ministériel. Il scandalise les catholiques en faisant à Beauvais un éloge provocateur de la maçonnerie : « à l'époque ou les vieilles croyances absurdes, et en tout cas erronées, tendent à disparaître, c'est dans les loges que se réfugient les principes de la morale. » Il paie de sa personne dans la campagne des radicaux contre le ministère Méline. Reçu en mars 1897 par les loges lyonnaises, il incite un peu contradictoirement la maçonnerie à ne pas craindre de davantage s' extérioriser sans renoncer à son « caractére d'intimité».
Il prend la succession gouvernementale de Waldeck–Rousseau, au lendemain de la victoire électorale du Bloc des Gauches en 1902. Un véritable culte de la personnalité s'organise autour du « petit père», qui déplace les foules lors de ses voyages provinciaux et reçoit quotidiennement une masse impressionnante d'adresses de félicitations. Les francs–maçons, qui se demandaient au début s'il oserait enfoncer assez profondément le « bistouri » dans « l' abcès » clérical (Blatin* au Convent de 1902), sont vite acquis au culte combiste: « Pour la première fois dans notre démocratie, nous voyons un président du Conseil qui marche en avant de la majorité républicaine et donne l'exemple à de plus jeunes, dont la sincérité ne vaut pas toujours la sienne » (Delpech, Convent de 1903).
C'est évidemment la vigueur des coups portes à l' Église qui Fonde la popularité de Combes. En prenant le pouvoir, il ne jugeait pas la France mure pour la séparation des Églises et de l'état (il ose meme dire en l903 que l'enseignement « superficiel et borne }} des écoles primaires ne remplace pas les idées morales transmises par les Églises). Mais il est résolu à utiliser la loi de 1901 sur les associations pour briser la puissance des congrégations. Il fait rejeter les demandes d' autorisation des ordres religieux, il fait voter une loi interdisant l'enseignement à tout membre d'une congrégation. En lD04, c'est la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican et l'adhésion explicite de Combes à la Séparation (votée en 1905, après sa démission).
La gauche à perçu le combisme comme potentiellement réformateur dans le domaine social. « Les reformes économiques d'ordre social, déclare Delpech au Convent de 1902, s' accompliront par la force des choses lorsque les esprits affranchis des liens de servitude intellectuelle seront sensibles au culte du vrai, au culte du droit. » Les réalisations sociales du Bloc sont pourtant modestes. Mais la solidité de l'alliance des radicaux et des socialistes semblait garantir la crédibilité des promesses réformatrices. Le combisme, c'est aussi le triomphe de l'oecuménisme républicain qu'exprime le fameux slogan: « Pas d'ennemis à gauche. »
Le combisme, c'est enfin la « République en bataille », qui répudie toute prétention à l'impartialité et au libéralisme dans ses rapports avec la « réaction »,. Les préfets* doivent refuser de nommer ou de promouvoir des Fonctionnaires dont le zèle laïque laisserait à désirer. Comités et loges sont assures d'être écoutes par la administration quand ils viennent plaider la cause de leurs protèges en quête d'une place. d'une promotion, d'une décoration, d'un passe–droit. Dans les communes mal pensantes, un « délégué administratif », est l'informateur officieux de la préfecture. En octobre 1904, L'affaire des fiches* révèle que le ministère de la Guerre recourait pour « républicaniser » l'armée aux renseignements fournis par le Grand Orient* sur les opinions politiques et religieuses des officiers. Abandonne par une partie de sa majorité, Combes démissionne en janvier 1905.
Le « petit père » n'exercera plus le pouvoir (sauf comme ministre d'État pendant la guerre). La politique qu'il incarne n'est plus celle de la République clemenciste, qui croise le fer avec la S.F.I.O. et la C.G.T., encore moins celle de Briand ou de Poincaré qui voudraient enterrer la querelle religieuse. Mais Combes garde une énorme popularité chez les militants radicaux. Pendant le ministère Clemenceau, il est considère comme un recours possible par l'aile gauche du parti. De 1909 à 1913, il combat résolument le projet de représentation proportionnelle {que soutenaient la S.F.I.O. et le Grand Orient). à la veille de la guerre, il appuie les efForts de Caillaux pour ramener à gauche le Parti radical et le rapprocher des socialistes. Au lendemain des élections de 1914, plusieurs journaux radicaux verraient bien le quasi–octogénaire reprendre la présidence du Conseil, mais il refuse le portefeuille ministériel que lui offre Viviani par fidélité au programme de son parti, qui réclame le retour au service militaire de deux ans.
Pendant la guerre, s'il siège dans le meme gouvernement que le catholique Cochin, s'il décore des religieuses infirmières, il redoute de voir le cléricalisme opérer un retour en force à la faveur de l'Union Sacrée*. Il meurt au moment ou le Bloc National rétablit les relations diplomatiques avec le Vatican. « Avec lui! écrit dans Le Populaire le frère Sembat*, disparaît l'homme en qui s'incarne la dernière période héroïque et militante du parti républicain. »
G. B.
COMITE DES TRENTE
Ce club à caractère politique fonde en novembre 1788 appartient à la nébuleuse de groupes plus ou moins structurés qui constituent le noyau du parti patriote à la veille de la Révolution*.
Il est fortement maçonnise puisque son créateur est le conseiller au Parlement de Paris Adrien Duport, membre des Amis Réunis*.
Parmi les principaux orateurs du club, on trouve Condorcet* et l'Administrateur Général du Grand Orient*, le duc de Montmorency–Luxembourg* est l'un des premiers sociétaires. L'expression « Comité des Trente » n'existe pas chez les contemporains qui évoquent «la société réunie chez Duport », et le titre aurait été lie au fait que ses membres devaient posséder le 30° du Rite Écossais*. La composition du Comité rend cependant improbable cette thèse puisqu'on recense 35 membres et que, si 24 ont appartenu à l'Ordre*, une minorité de profanes à eu sa place au sein du club. Les pratiques mises en place sont cependant inspirées de celles de la franc–maçonnerie. En effet, les séances du Comité des Trente ont lieu trois fois par semaine à heure fixe (de 17 à 22 heures), et le rituel de ces dernières pourrait faire penser à celui qui est pratique dans un atelier maçonnique. L' admission de l'impétrant à en effet lieu aussi à l'unanimité des sociétaires et ceux–ci peuvent confronter leurs opinions lors de la discussion pour en extraire les idées forces. L'action du Comité à sans doute eu une portée nationale: il à pu infléchir l'opinion publique lors de la rédaction des cahiers de doléances en diffusant des schémas de cahiers imprimes. Ce laboratoire du compromis social à également influence les États généraux. Il à défendu l'idée de délibération en commun des trois ordres et s'est déclare favorable au doublement de la députation du tiers. D'ailleurs, le frère Duport animateur du Comité, à publie un manifeste résumant le programme libéral de la société. Cependant ce microcosme de l'establishment parisien à paru rapidement dépasse par l'orientation démocratique de la Révolution en marche. Le duc de Montmorency à fui avec la première vague, juste après la prise de la Bastille. Le frère Duport s'est mis également, bien que plus tardivement, au service de l'émigration. Il rejoint l'Angleterre en septembre 1792 et meurt en Suisse après avoir vainement demande sa radiation de la liste des émigres, en 1798.
À l'image des sociétés maçonniques authentiques dont il est structurellement très proche, le célèbre comité à donc été rapidement dépasse par les pratiques culturelles activées par la Révolution.
M. 1.
COMMUNE DE PARIS
Les premières manifestations politiques de loges* parisiennes suivent la proclamation de la République, mais durant le siège, elles n'ont qu'une activité réduite; la tentative, ébauchée par Landeck, de créer un club maçonnique échoue. Cependant, des loges, à la suite d'un appel des Trinosophes de Bercy, se réunissent, le 19 septembre, pour voter un manifeste dans lequel elles dénoncent l'attitude belliciste du roi de Prusse et de son fils, tous deux maçons. Puis le 29 octobre, 1 500 maçons, représentant près d'une centaine de loges, se prononcent pour leur mise en jugement. La citation aurait dû parvenir aux souverains par la voie diplomatique ! La journée révolutionnaire du 31 octobre met fin à cette initiative et la vie maçonnique reprend son cours jusqu'à la révolution du 18 mars.
Selon leurs options politiques les frères se divisent. Une fraction opte pour la Commune. Les élections parisiennes témoignent de l'importance de cette présence parmi les insurges: 18 élus révolutionnaires, soit près du quart, sont des maçons en activité. Ce sont Amouroux, Assi, Beslay, Chalain, Eudes, Jourde, Lefrançais, Longuet, Malon, Protot, Ranvier, Flourens, Gérardin, Oudet, Vallés, Verdure, Vermorel, Vesinier. D'autres encore figurent parmi les principaux responsables administratifs et militaires: Combault, Reclus, Razoua, Jaclard, La Cecilia, Dombrowski, Wroblewski...
Un autre fraction « conciliatrice » fonde autour de Charles Floquet la Ligue ou l'Union républicaine pour les droits de Paris. Chaque courant peut trouver une justification qui se fonde sur l'éthique maçonnique. Les uns considèrent que la maçonnerie doit se mettre au service du prolétariat et édifier une société ou l'homme n'exploitera plus l'homme. Les autres pensent que la vocation humanitaire, fraternelle et pacifiste de la maçonnerie doit la conduire à oeuvrer pour la négociation.
Une modeste loge, Les Disciples du Progrès*, agit en ce sens avec l'accord du Grand Orient*. Après l'échec de sa seconde démarche, les maçons se retrouvent, le jeudi 26 avril, au Châtelet. Rien n'est laisse au hasard. Sauge est désormais encadre par le courant conciliateur. Floquet qui tient le poste d'orateur est charge d'écarter tout vote qui engagerait la maçonnerie au cote des insurges.
Les travaux s'ouvrent au Rite Écossais* comrne preuve de l'unité maçonnique. Le débat reprend dans la confusion, les applaudissements montrent que la salle est acquise à la Commune. L'intervention décisive est celle de Thirifocq*, membre de la loge écossaise Le Libre Examen. Il propose de dire à Versailles que, « si dans les 48 heures on n'a pas pris une résolution tendant à la pacification, on plantera les drapeaux maçonniques sur les remparts » et que, « si un seul est troue par un boulet ou par une balle, nous courrons tous aux armes pour venger cette profanation ».
Flocuet sent le danger. il accepte la possibilité de se rendre entre les combattants mais exclut que la maçonnerie puisse « sortir le glaive ».Il évoque l'action de la Ligue, ce qui provoque une montée à la tribune des partisans de la Commune. Le président de la Ligue est contraint de lire une motion qui invite les loges à planter leurs bannières sur les remparts. Le vacarme devient général. à la sortie, un cortège de 2 000 personnes se constitue. Bannières déployées, sous la conduite de Ranvier et de Thirifocq, il se rend à l' Hôtel de Ville. La Commune interrompt ses travaux pour le recevoir dans la cour d'honneur.
Thirifocq annonce le ralliement de la maçonnerie à la Commune après une ultime tentative conciliatrice. Vallées propose que l'on échange les bannières et les drapeaux, qu'un maçon tienne le drapeau rouge et qu'un élu se saisisse d'une bannière maçonnique. Puis la manifestation, drapeaux rouges et bannières mélangées, se rend rue Cadet ou elle se disperse après une intervention de Ranvier.
Les conciliateurs s'inquiétent de ce dérapage. Une réunion restreinte est orgal1isee, le 28 avril au soir, rue Cadet, avec 6 conseillers de l'ordre*, des Vénérables* et quelques personnalités dont Charles Floquet et Victor Considerant. Ils adoptent une motion rappelant que seule une réunion de toutes les loges peut prendre le titre d'assemblée générale de la maçonnerie française et que le Grand Orient n'est pas lie par la décision prise au Châtelet. Il s'agit de protéger l'obedience* de représailles futures.
Les divers récits contemporains de la manifestation du 29 avril ne divergent que sur des points de détail.
Les loges du Rite Écossais se réunissent à 7 h 30 devant leur local, au 35, rue Jean–Jacques–Rousseau et, vers 8 heures, les loges de banlieue franchissent les portes de la capitale. La cour du Louvre se remplit de maçons et de Compagnons du Devoir (compagnonnages*} des 9 heures. à 9 h 30, 6 élus de la Commune, tires au sort, précèdes d'une musique de cuivres et suivis par un bataillon de la garde nationale, se rendent dans la cour du Carrousel. Le cortège repart à Il heures? musique en tête. Plusieurs milliers de maçons défilent devant deux haies de gardes nationaux. Selon les récits, il y aurait eu 65 bannières. La plus remarquée est cette du Globe, la loge de Vincennes. qui porte la mention: «Aimons–nous les uns les autres ».
La manifestation est accueillie par la Commune au grand complet Seuls, des dignitaires et les porte–bannières ont pu pénétrer dans la cour d'honneur. Après les discours de Felix Pyat et de Charles Beslay, le « profane» Melliet confie le drapeau rouge à Thirifocq pour qu'il soit place devant les bannières, face aux ,«balles homicides des versaillais»,. Thirifocq repond à ces allocutions au nom de la maçonnerie. Il est deja midi. Le tambour résonne et un ballon blanc s'envole, marque des trois points maçonniques et de l'inscription « La Commune à la France ». Il est charge du manifeste de la maçonnerie et d'un premier récit à destination des loges de province. Le cortège se reforme précède de clairons, de tambours et d'un détachement de francs–tireurs sans armes.
La manifestation, qui évite les Champs Elysees trop exposés atteint par diverses voies l'Arc de triomphe. Les versaillais, à la vue des premières bannières plantées sur les remparts, alertent leurs chefs et le feu cesse. Il devient alors possible, au gros des manifestants, de se rapprocher et les bannières sont plantées tous les cent– mètres. Un groupe s'avance vers le pont de Neuilly, salue par une population apeurée. Seuls Thirifocq, Fabreguette et Lavacque sont autorises, les yeux bandes, à franchir les lignes versaillaises.
A 18 heures, ils sont reçus par le général Leclerc qui les adresse au général Montaudon, un ancien maçon. Il leur explique qu'il à pris sur lui de faire cesser le feu mais qu'il ne peut accorder qu'une trêve qui permettrait à Thirifocq et à Fabreguette de se rendre à Versailles. Lavacque rentre seul à Paris pour aviser les frères.
Thiers, qui vient d' éconduire une délégation Lyonnaise, est excède et il reçoit les deux délègues « entre deux portes ». Les deux émissaires doivent revenir à pied, ils sont de retour le 30 avril à 7 heures du matin. Les porte–bannières et de nombreux maçons qui avaient passe la nuit aux remparts partent à leur rencontre et une délégation prévient la Commune de l'échec. Le feu reprend à l9 h 45 et la première victime est un maçon tue porte Maillot. La trêve à permis aux habitants des Ternes, de Neuilly, de Levallois, de Clichy de se réfugier à Paris.
Le 30 avril au soir, des maçons et des compagnons* réunis salle Dourlan décident de former une seule fédération jusqu'à la victoire. Un emphatique « Appel des francs–maçons et compagnons de Paris à leurs frères de France et du monde entier » est rédige. Il s' adresse également aux membres de la Charbonnerie*, qui survit encore en province.
Cet appel demande aux maçons et aux compagnons de se jeter devant les soldats et de les entraîner « à servir la cause de la Justice et du Droit ».Il est adresse à la province par deux ballons portant les emblèmes maçonniques des trois rites* et est affiche, sous une forme plus ramassée, le 5 mai, sur les murs de Paris avec la signature de 34 maçons, dont celles de Thirifocq et de 14 compagnons. Thirifocq prend contact avec le Comité de salut public pour la constitution d'un bataillon maçonnique.
La Fédération enquête sur la situation militaire et constitue, dans les mairies, des services qui tentent d'aider la population. Èlisée Reclus note que 1( dans les bataillons qui marchent au combat, sur les cercueils qui en reviennent, les insignes du Grand Orient et du Compagnonnage ne manquent pas ,>. Le dernier message, tragique et désespère, de la Fédération est publie dans le numéro du 24 mai du Journal officiel.
Puis vient l'heure de la répression. Les officiers Simon Mayer et Herpin–Lacroix sont condamnes à mort pour n'avoir pu empêcher l'exécution des généraux Lecomte et Thomas, seul le premier est gracie. Gaston Cremieux est fusille à Marseille bien qu'il ait tenté d'apaiser l'ardeur des révolutionnaires locaux excites par Landeck, May et Amouroux, trois maçons envoyés par Paris. Les communards soignes dans l'ambulance du Grand Orient ne sont pas remis aux versaillais en dépit de démarches pressantes et sont donc sauves. La loge de Brest, Les Amis de Sully apporte une aide matérielle et morale à plus de 40 frères détenus sur les pontons ou au fort de Quelern, dans l'attente de leur jugement.
Les Philadelphes*, la loge des proscrits, se reconstituent à Londres autour du cordonnier Edouard Benolt, en fuite. Ils organisent une souscription en faveur de la veuve de Dombrowski. L'lnternationale charge un de ses membres de procurer des passeports anglais et de trouver un emploi aux réfugies. Vesinier et Landeck fondent la loge La Fédération alors qu'un troisième groupe, autour de Ranvier, crée, en 1873, La Révolution. Les liens maçonniques contribuent à maintenir des relations fraternelles entre des hommes aigris par la défaite. à New York, Elie May ouvre Les Égalitaires, loge qui initie Eugéne Pottier, I'auteur de L'lnternationale. En France, des maçons, autour de Greppo, Brisson*, Massol* et Balduc (Vénérable de La Ligne Droite, la loge de Ranvier), sont à l'origine d'une campagne de souscriptions pour venir en aide aux familles des q victimes de nos discordes civilles» elle accompagne les premières démarches maçonniques en faveur de l'amnistie. Les loges de province sont restées majoritairement «conciliatrices », mais le Grand Maître Babaud–Laribiere, ami de Thiers, condamnera, en 1872, les maçons qui se sont compromis avec l'insurrection sans que, pour autant, la moindre sanction soit prise à leur égard.
A.C.
COMMUNISME
En France, au début du XXe siécle, une frange de la S.F.I.O. dénonce la « cohabitation de classe», au sein des loges entre socialistes et bourgeois et demande que l'on mette fin à cette compromission. Par deux fois, les congres, à Limoges (1906) et à Lyon (1912), abordent la question et une majorité de délègues adopte une résolution laissant à chaque militant socialiste la possibilité d'adhérer à des associations philosophiques, éducatives ou humanitaires de son choix.
Malgré l' hostilité latente, nombre de socialistes se font recevoir en loge et, en lgl7–1918, un certain nombre de maçons manifestent leur sympathie à l'égard de la révolution d' Octobre et de la « paix des soviets». Cependant, en décembre 1920, le Congres de Tours va provoquer une cassure au sein de l 'ultra–gauche d' Hiram*. Parmi les 285 délégués, on compte une trentaine de maçons socialistes qui choisissent dans l'ensemble les minorités au détriment de la majorité communisante. Les amis de Blum se réunissent d'ailleurs dans les locaux d'une loge maçonnique, Les Démophiles. Parmi les partisans de la IIIe Internationale, certains cherchent à justifier leur choix. C'est notamment le cas de Laurent Rozieres (1889–1955), futur membre du Conseil national communiste, qui prononce une conférence, le 17 novembre 1920, devant le. groupe maçonnique du XIIe arrondissement dont le titre est « Pourquoi j'ai adhère à la Il le Internationale ». Au comité directeur du nouveau parti communiste, parti 23 membres, on compte six frères ou anciens Frères: Marcel Cachin. Antonio Coen, Antoine Ker, Fernand Loriot, Paul Levi et Daniel Renoult. Au Convent de septembre 1922 du Grand Orient*, le délègue de L' Étoile de L'Espérance (Beauvais) déclare: nous faut grouper toutes les bonnes volontés républicaines et, même avec les communistes, adopter un programme qui puisse rallier toutes les énergies. »
C'est le lVe congres de L'lnternationale communiste {Moscou, décembre 1922} qui constitue un tournant, Trotsky proclamant que la franc–maçonnerie doit être balayée avec un « balai de fer ». Les communistes Français ont jusqu'au 1er janvier 1923 pour quitter les organisations politiques de la bourgeoisie.
Le 15 janvier 1923, le Conseil de l'Ordre rappelle qu'il est dans la u doctrine de la franc–maçonnerie de combattre toutes les dictatures )). Le texte vise autant le communisme que le fascisme* italien.
Une majorité relative des 2 000 maçons communistes, comme Charles Auray (députe de la Seine» Alexandre Bachelet (futur sénateur de la Seine), Léon Goguet {alors tout jeune apprenti*) ou Antonio Coen (qui demeure l'avocat-conseil de la C.G.T.U. communisante), semble préférer « le compas et l' équerre au marteau et à la faucille ». Une grosse minorité fait cependant le chemin inverse. C'est le cas de Marcel Cachin, démissionnaire de sa loge depuis 1901, de Louis Gelis, futur députe de la Seine, et surtout d'Andre Marty. Quelques–uns, comme Antoine Ker, quittent les deux associations, et d'autres cherchent à éviter l' exclusive. Les maçons communistes Lyonnais, réunis le samedi 23 décembre au Temple*, ont ainsi vote à l'unanimité l'ordre du jour suivant: « Estimant que leur droit le plus absolu est d'adhérer à une loge maçonnique, et qu'il n'y à nulle incompatibilité entre la qualité de franc–maçon et l'adhésion au parti communiste, les intéresses déclarent rester à la fois à l'une et à l'autre de ces organisations...»
Demeurent quelques cas restes obscurs comme celui de Jules Plumbert–Droz (1893–1971), « l'oeil de Moscou },, maçon jusqu'en 1928. Il est possible qu'il s'agisse en fait d'un homonyme. Ces hommes ont souvent eu la réputation d'être restes en loge sur l'ordre de L'lnternationale pour espionner la Franc–maçonnerie D'autres encore n'eurent pas à résoudre ce dilemme puisqu'ils furent reçus en franc-maçonnerie après 1922–l923. Ainsi, contrairement à une légende, quelques dizaines d'anciens communistes, dont Charles Lussy, André Morizet ou Ludovic–Oscar Frossard (qui est initie le 24 février 1927 à la loge parisienne L'lnternationale et est démissionnaire le 13 janvier 1937) sont admis en loge bien après « l'excommunication » lancée par L'lnternationale communiste.
Reste une question posée à l'Ordre: que faire des ex–frères communistes ? Sous le titre « Réponse d'un président d'atelier à un F.-. démissionnaire parce que communiste » Edouard Beaufils (Rouen) s'exprime: « Toutefois la vérité nous oblige à constater qu'un ordre extérieur à votre pensée à fixe quand meme les limites de votre décision. Nous regrettons cette circonstance pour le nom de maçon qui vous reste attache pour la vie. [...] La maçonnerie répond à l'extraordinaire provocation de Moscou en continuant d'admettre sur les colonnes les hommes de toute doctrine qui ont la sincérité de l'esprit et du coeur. Des coups comme ceux qui lui sont portes, non plus seulement à droite, mais à gauche, lui sont sensibles sans doute, puisque ce sont des FF.. qui, en definitive, les lui portent, mais ils sont précieux à l'institution millénaire, puisqu'ils mettent à l'épreuve la vigueur de sa constitution. » Le Conseil de l'Ordre, dans sa séance du 5 février 192S, est moins prosaïque. Selon lui, les francs–maçons qui ont obéi « servilement à un ordre dogmatique [...] ont aliène leur qualité d'hommes libres ». ,« Rien ne s'opposerait à la réintégration des FF.. démissionnaires »! mais cette « réintégration d'elements, qui. au fond. n'ont rien de maçonnique, est à éviter ». Dans un premier temps, la Grande Loge adopte une attitude semblable à celle de la rue Cadet, puis se ravise, le 5 mars 1923, en tenue de Grande Loge.
Albert Lantoine est plus philosophe en 1926: « Comme les encycliques papales. La Bulle de Moscou désigne les loges comme un asile pour la pensée libre. C'est un grand honneur pour elles d'avoir encouru cette double excommunication: il ne leur reste plus qu'à la mériter. » Dans tous les pays, les relations entre communistes et maçons demeurent très tendus jusqu l'a la Seconde Guerre mondiale. En France, en 1935 , quelques frères et soeur fondent Le Cercle maçonnique d'études de l'Union soviétique, mais l'association n'est pas en odeur de sainteté auprès des obédiences*. La méfiance demeure, comme le montre le titre d'une conférence faite le 10 février 1936 à la loge parisienne L'Effort (Grand Orient): « Le communisme peut être la vérité de demain mais constitue une grave erreur sociale aujourd'hui. »
Malgré le Front populaire*, l'attitude du Parti communiste reste intransigeante. La circulaire nº 11 en date du 17 mars 1936 du Conseil de l'Ordre du Grand Orient précise: « Pour vous renseigner, nous avons la faveur de vous communiquer l'extrait ci–dessous d une lettre portant la signature de M. Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste: "A la question qui m'est posée, je répondrai que les statuts de notre parti n'admettent pas l' affiliation d ' un membre du parti à la franc–maçonnerie. Nous considérons, en effet, qu'il y à une incompatibilité entre les principes d'organisation admis par nous et une affiliation de cette nature." » Pourtant Thorez accepte de faire une conférence en loge le 20 novembre 1936, mais il doit se récuser à la suite d'une campagne de presse de l'extrême droite et il est remplace par Florimond Bonte. Le 10 décembre 1938, il adresse aux responsables du parti une circulaire qui précise: « Comme vous, je pense que l'heure n'est pas aux disputes entre démocrates, et, dans le cas qui nous préoccupe, aux disputes entre communistes et francs maçons... »
La lutte commune contre le nazisme* et Vichy* semble entraîner un changement d'attitude de la part du Parti communiste français et, en réponse à une lettre du secrétariat du Grand Orient (21 novembre 1945), le secrétariat du Parti communiste (par la plume de Léon Mauvais) repond le 27: « Nous vous informons que le bureau politique à décide [le 4 octobre 1945] d'admettre les francs–maçons qui demanderont leur adhésion au Parti communiste français, en déclarant accepter sa doctrine et vouloir se conformer aux règles d'action, aux formes d'organisation et aux statuts du Parti; en appliquant sa politique avec discipline, en toutes circonstances et en tous lieux. >, Cependant, le nombre de frères qui profitent de cette « libéralisation » ne dépasse pas quelques dizaines. En revanche, de nombreux compagnons de route se retrouver1t en maçonnerie. Les relations demeurent compliquées.
Quant au Parti communiste de l'Union soviétique, il ne reviendra jamais su r la 22e condition. Voici ce que l'on écrit pour informer le public soviétique: « À l'époque actuelle, la franc–maçonnerie est l'un des mouvements les plus réactionnaires des pays capitalistes et à le plus de diffusion aux États–Unis ou se trouve son centre d'organisation. »
Voici encore ce que dit B. Polejaiev dans un article de Komsomolshaia Pravda. Le 1er septembre 1978: « Les maçons libres ont toujours préfère taire leurs véritables intentions en se cachant derrière une philosophie mystique et des réflexions abstraites. C'est la raison pour laque]le à chaque fois qu il apparat nécessaire de rendre plus actives les forces de l'anticommunisme, L'accent est mis sur l'héritage théorique de la maçonnerie et tout est fait pour détourner l'attention de son activité réelle. »
Les activités « maçonnico–sionistes » sont dénoncées jusqu'à l'époque de M. Gorbatchev. à l'exemple du gouvernement des Soviets et de Bela Kun, la franc–maçonnerie avait d'ailleurs été interdite et persécutée dans la quasi–totalité des États « communistes »,. Cuba* constitue une exception explicable par le fait que, en Amérique latine, les us et la législation sont de considérer la franc–maçonnerie comme une religion. Elle est tolérée aussi bien par les dictatures d'extrême droite que par le régime castriste.
À l'inverse, une majorité d'obédiences maçonniques, notamment dans le monde anglo–saxon, proclame l'incompatibilité entre l'Art royal et le communisme, Ainsi, Warren Earl (1891–1974), ancien Grand Maître de la Grande Loge de Californie, déclarait de manière lapidaire: « On m'a demande si l'appartenance au Parti communiste constituait une conduite anti maçonnique, la réponse à la question est OUI. Les objectifs et les buts de cette organisation sont fondamentalement anti maçonniques. »
Cette méfiance est d'ailleurs toujours la règle dans une majorité d'obédiences, notamment dans les mondes anglo–saxon et nordico–germanique. Dans les pays latins, la chute du mur de Berlin, la disparition, l'évolution ou l'adaptation des partis communistes font que l'adhésion d'un communiste à la franc–maçonnerie est devenue assez souvent un problème de conscience pour le seul postulant.
Y.H.M.