CHARTRES
CHARVET
CHAUTEMPS
CHEMIN-DUPONTES
CHEVALERIE DU TRAVAIL
CHEYALIER DU SOLEIL
CHRONOLOGIE
CLARINETTE
CLEMENT
CLEMENTE AMITIE {La)
CLERGE
CLERMONT-FERRAND
CLIPSAS
COLFAVRU
CHARTRES
(duc de) voir Orleans
CHARVET
Camille, née Kahn (Besançon, 1881–Auschwitz, 1944) Camillet se rend à Paris à :21 ans pour poursuivre de brillantes études. Reçue à l' agrégation de physique, elle y fait également des études de médecine puis de chirurgie qui lui permettent d'exercer à la Pitié–Salpêtriére, entre 1902 et 190.5. Pendant cette période, elle est profondément marquée par l'enseignement de Marie Curie et de Paul Langevin. à partir de 1914, elle retrouve la vie provinciale en créant et dirigeant l' hôpital militaire du Puy. Dans cette ville, parallèlement à son activité médicale, elle enseigne dans les deux lycées de la ville. Polyglotte à l'esprit éclectique, elle fait également de nombreux voyages: elle rencontre ainsi Rodin et Kipling* avec lequel elle entretient une correspondance épistolaire suivie.
Ses préoccupations humanistes, sociales et internationalistes l'aménent, durant l'entre–deux–guerres, à être membre de la Ligue des Droits de l'Homme*, du Groupe socialiste féminin, de l'Union rationaliste et de la Libre Pensée, puis, enfin, de la Ligue Internationale Contre l' Antisémitisme et le Racisme. Elle est également initiée (dans les années 20) à la fédération du Droit Humain* et y déploie rapidement une activité importante, marquée notamment, à partir de 1930 par son engagement en faveur des thèses pacifistes. Elle devient rapporteur national, au convent de la fédération. Elle est par la suite élue au Conseil national, de 1931 à 1337, et préside, pendant cette période, le Congres régional des Loges de l'Est établi à Besançon, en 1934. Elle entreprend, dans cette région, un important cycle de conférences maçonniques sur le pacifisme. Commence en 193.5, celui–ci s'achève vers 1940. Parallèlement, elle entretient une correspondance dans le monde entier avec des militants intemationalistes, progressistes et pacifistes. Camille Charvet montre aussi une sensibilité aigue à la question sociale: elle est en effet pionnière en matière de formation ouvrière et met en place des cours du soir dispenses au profit des ouvriers de Besançon. La Seconde Guerre mondiale la mène vers une tragique destinée: résistante très active des le début du conflit, c'est le 25 février 1943 qu'elle est arrêtée par la Gestapo. Torturée, elle est expédiée au camp de Drancy puis à Auschwitz le 2 juin l944. Servant alors comme infirmière dans un bloc affecte aux malades, elle meurt quelques semaines seulement avant la Libération. Représentative des engagements et des valeurs défendues par nombre de membres du Droit Humain, il est peu étonnant que cette obédience* ait donne le nom de cette femme exceptionnelle au chapitre de Besançon.
I. M.
CHAUTEMPS
Camille (Paris, 1885 Washington, 1963) . I appartient à une famille de maçons. Son pere, Émile Chautemps (1850-1918), président du Conseil municipal de Paris, députe de la Seine (1889–1897), puis député et sénateur de Haute–Savoie (1897–1918), deux fois ministres, en 1895 et en 1914, à été initie à Isis–Montyon en 1880 et à fréquente diverses loges* (L'amitié, Cosmos 288). Félix (1877–1915), un de ses fils, député de Savoie (1906-1914), est initié en 1904 à L'Action? vénérable* de La République (Grande Loge) en 19l4 avant de tomber au champ d'honneur. Alphonse (1860-1944) frère d'Émile, député d'lndre–et–Loire (1902–1919), puis sénateur est membre des Enfants de Rabelais à Chinon.
Camille est initie le 8 décembre 1906 aux Démophiles (Grand Orient*) à Tours, à l'âge de 21 ans; il est reçu compagnon* et maître* le 25 juillet 1908, et est élu vénérable 26 novembre 1910 à l'âge de 25 ans ! Il est réélu l'année suivante. Il retrouve dans sa loge le député René Besnard, conseiller de l'Ordre en 1906. En 1917, les locaux des Démophiles sont ouverts au comité des francs–maçons franco–américains–mais ce rapprochement sera sans lendemain.
Camille entre au conseil municipal de Tours en 1912 En 1917, il gère de facto la mairie et, en 1919, il devient député puis maire de Tours. Il à cependant dû, contre les socialistes, s'allier avec la droite, ce qui à dû déplaire à certains maçons mais en 1924, il se retrouve au sein du Cartel des Gauches* qui fait élire les cinq députes du département dont trois maçons radicaux (Chautemps, Bernier et Proust). Chautemps amorce une brillante carrière ministérielle dans les cabinets Herriot et Painlevé. Il s'affilie aux Enfants de Rabelais, en 1925, et accède au 18°, en 1919 puis au 30°, en 1925, du Rite Écossais au chapitre puis à l'Aréopage des Démophiles. Il est très appuyé par la maçonnerie locale, numériquement importante avec une forte base populaire. Les Démophiles le nomment vénérable d'honneur, et sa présence est remarquée à la fête solsticiale du l8 janvier 1925.11 est alors ministre de l'lntérieur. En 1928, il juge plus prudent de se présenter à Chinon, mais il est battu par un conservateur. Il va quitter le département et profiter d'une élection partielle pour se faire élire à Blois, dont il sera le député jusqu'en 1935, avant de représenter le Loir–et–Cher au Sénat. Il reste inscrit dans les divers ateliers maçonniques, mais il ne semble plus les fréquenter. De 1930 à 1940, il est quatre fois président ou vice–président du Conseil et six fois ministre. Selon la fiche établie par Vichy*, il se serait affilie, en 1931, à la loge La République (Grande Loge de France*) qui réunit plusieurs parlementaires.
L'affaire Stavisky le contraint à abandonner la présidence du Conseil, car des membres de sa famille sont compromis ainsi qu'un membre des Démophiles, Louis Proust, aussitôt radie par le Grand Orient*. La maçonnerie est mise en cause au congres radical de Clermont. Chautemps en prend la défense, lui attribuant le mérite d'avoir forme son intelligence et son caractère. L'extrême droite le présente comme l'instrument de la maçonnerie, lui attribuant, à la suite d'une erreur de l'abbe Tourmentin, le grade de Souverain Prince Rose–Croix (32° du Rite Écossais).
En 1938, la loge L'Unité Maçonnique le met, ainsi que Jean Zay*, en accusation en tant que membre du gouvernement Daladier, pour ne pas avoir secouru les républicains espagnols et avoir laissé les nazis s'emparer de l'Autriche, puis dépecer la Tchecoslovaquie. Chautemps écrit à Groussier*, le président du Conseil de l'Ordre, pour s'indigner que les maçons les plus anciens et les plus « courageusement fidèles » soient ainsi attaques, alors que ceux qui ont appartenu aux gouvernements d'Union Nationale « diriges par et pour le profit de la réaction ,» ont été épargnés. Groussier lui répond que le Conseil de l'Ordre à vote un passage à l'ordre du jour et inflige un « blâme sévère » à L'Unité Maçonnique.
Chautemps est ministre d'État, vice–président du Conseil, dans le cabinet Petain en 1940. à Vichy, Paul Ramadier*, qui s'était, en 1934, porte garant de son intégrité auprès de Groussier, l'abord :« Et la maçonnerie, qu'allez–vous en faire ? » Il repond: « Elle sera dissoute. D'ailleurs, peu m'importe. Je lui ai donne plus qu'elle ne m'a apporte. » Selon les Cahiers secrets de l'armistice publies par Chauternps après la guerre, le maréchal lui aurait conseille de quitter la maçonnerie avant sa dissolution; Chautemps aurait refusé et obtenu la promesse verbale qu'aucune sanction ne serait prise contre f les maçons fonctionnaires. Après la publication du décret prononçant sa dissolution, le 14 août 1940, il aurait conseille aux frères de se soumettre pour ne pas déclencher « de nouvelles querelles entre Français en un tel moment «. Il est envoyé par Pétain en mission aux États (Unis, mais sa mission prend fin à la suite de la loi du 10 novembre 1941 qui interdit aux maçons toute participation aux fonctions publiques. Il se met alors au service du président Roosevelt*. Il meurt aux États–Unis en 1963
C.
CHEMIN–DUPONTES
Jean–Baptiste (Paris, 1767–Belleville, 1850) Fils de merciers, Chemin–Dupontés fit de brillantes études au collège de Navarre. Après avoir envisage de devenir ecclésiastique, il se destine à l'enseignement puis dirige une entreprise de librairie; gagne aux idées révolutionnaires, ardemment républicain, il est incarcère au Luxembourg sous la Terreur, il est libère après le 9 Thermidor.
Il prend, en 1796, une part active, aux côtes de Mandar et Valentin Hauy, avec l'appui du directeur La Revelliére- Lépeaux, à la naissance d'une religion de filiation rousseauiste, déiste et républicaine: la théophilanthropie, pour enseigner l'amour de Dieu et de l'humanité. Le culte de cette religion adogmatique se limite à des discours de morale et des hymnes à l'être Suprême. Chemin, devenu « le pape de la théophilanthropie », rédige un Code de la Religion naturelle et un Manuel de Théophilanthropie. Cette religion est interdite par le Premier Consul quand il se rapproche de Rome? Le 4 octobre 1801.
Chemin reprend sa carrière d'enseignant interrompue par la Révolution; professeur de belles–lettres et chef d'institution, il publie divers ouvrages destines à l'education et dirige un périodique litteraire, Le Censeur. En 1816, il doit renoncer à diriger son établissement sous la pression d'une administration ultraroyaliste.
C'est vraisemblablement en 1815 qu'il est initie. Il va trouver dans l'institution maçonnique le moyen de poursuivre son apostolat théophilanthrope. Il sera prise par une génération de maçons dépourvue de maîtres à penser et son influence ne déclinera que sous la Monarchie de Juillet.
Très demande, il s'affilie dans plusieurs loges*, chapitres* où conseils philosophiques. Il est élu, en 1823, vénérable* des Sept~ Écossais Réunis, en 1827, des Rigides Écossais, puis de sa loge fille, Les Fidèles Écossais; en 1835, il dirige ensemble la Loge, le chapitre et le conseil philosophique d'lsis–Montyon, loge constituée par la fusion de trois ateliers dont Les Fidèles Écossais. Il est également « Très Sage », du chapitre des Sept Écossais.
11 instaure, en 182S, aux Rigides Écossais, les prix de vertu pour récompenser de bonnes actions. Les prix qu'il décerne à la loge Isis–Montyon sont remis au cours de solennités en présence des profanes. En 1821, il est admis au 33°. En 1839, le Grand Orient* lui délivre une médaille d'or en récompense pour son apostolat et ses travaux.
11 participe aux instances de l'obedience, en étant élu députe du Consei1 Philosophique des Commandeurs du Mont–Thabor et Expert de la Chambre du Suprême Conseil des Rites (1823). Il à également été orateur de la Chambre de Correspondance et préside, en 1833, la Chambre du Suprême Conseil.
En 1839, il accède à l'honorariat. Ses écrits maçonniques ont marque une génération. Il publie de 1819 à 1832, par livraisons, quatre volumes, réunis sous le titre d'Encyclopédie maçonnique. Il écrit également une Histoire des initiations et expirations de l'ancienne Égypte, un Mémoire sur l'écossisme et un Cours pratique de franc–maçonnerie pour les grades symboliques, capitulaires er philosophiques, comprenant cinq cahiers. Sous le pseudonyme de Jean Le Rond, il prodigue des conseils aux ouvriers, aux patrons et aux gouvernants, conseillant aux ouvriers d'être sérieux économes, prévoyants et de placer leurs économies dans des caisses d'épargne et de cotiser à une mutuelle.
Sa devise–« Bien penser, bien dire et bien faire »»–devient celle des Trinosophes* où il s'affiliera momentanément. Esprit rationnel, il se défie de ceux qui prêtent à la maçonnerie des origines antiques, des amateurs de titres et hauts grades*, des courants ésotériques; pour lui, la maçonnerie doit « désenseigner,» l'erreur (autrement dit la superstition et le fanatisme}, élever un temple* à la sagesse et offrir des ~« jouissances religieuses »» avec pour finalité le bonheur des hommes éclaires par la raison. Dieu, l'immortalité (éventuelle) de l'âme, la croyance dans le progrès forment les bases de son enseignement. 1es loges doivent pratiquer la bienfaisance, la tolérance, cultiver les arts, étudier les sciences, combattre l'ignorance, honorer le travail manuel célébrer les bienfaiteurs de l'humanité, les grandes époques de la nature et les tournants de la vie humaine. Il fait l'apologie du déisme qui «( n'obscurcit pas l 'intelligence o et fait consister le mérite religieux dans l'accomplissement des principes de la morale. Il oppose la foi éclairée à la superstition aveugle, acceptant cependant que des maçons relèvent d'autres écoles de pensée. La maçonnerie doit réserver son enseignement à des hommes éclaires, car les notions de liberté et d'egalité qu'elle propage, jetées dans des esprits faux, pourraient conduire à des violences comme sous la Terreur.
Chemin–Dupontés aura notamment pour disciples le philosophe Henry Carle. fondateur de l' Alliance Religieuse Universelle et, sous la Troisième République l'écrivain Décembre–Alonnier, vénérable des Zélés Philanthropes.
C.
CHEVALERIE DU TRAVAIL
La Chevalerie du Travail française se rattache aux Knights of Labor américains, fondes en 1869, qui jouèrent un rôle considérable aux États–Unis entre 1873 et 1890. Durant la maîtrise du premier Grand Maître Stephens, le ton est à la paix et à la conciliation en matière sociale. La situation évolue avec l'accession de Powderly au grade suprême; la grève est désormais considérée comme un moyen de lutte et de pression normal. Organises en assemblées reparties sur divers échelons (localité, district, État), ces chevaliers visent à assurer aux travailleurs la « pleine jouissance »» des richesses qu'ils contribuent à créer, et à leur permettre de développer leurs diverses facultés intellectuelles et morales. Les Knights of Labor sont tous des travailleurs manuels, l'entrée dans l'association étant refusée aux représentants des professions intellectuelles. Les rites* de leur cérémonie d'initiation*, leurs signes*, leurs mots de passe*, leurs sceaux*, leurs symboles empruntent très largement à la franc–maçonnerie. En 1879, les Knights of Labor comptent 1 300 assemblées locales et 23 assemblées de district.
La première implantation européennes des Knights of Labor se fait en Belgique* durant les années 1880. En France, L'ordre de la Chevalerie du Travail est fondé le 23 novembre 1893, grâce à l'action de Lucien Sanial, chevalier américain, et du franc–maçon Chauviére qui en est le premier Grand Maître. Les chevaliers français–uniquement des hommes–sont répartis en « chantiers», diriges par un chef de chantier ou maître. L'onomastique de ces chantiers présenté un grand intérêt, certains étant places sous le patronage des Lumières* (Voltaire*, Diderot*), d'autres se recommandant de la Grande Révolution (Marat)*, d'autres encore préférant des parrainages plus récents (Louis–Eugéne–Varlin, Karl–Marx). Les chantiers sont regroupes en sections departememta1es et ces dernières en districts régionaux.
Pour être admis à la Chevalerie du Travail. il faut être présente par un répondant, être âge de 18 ans, ou seulement de 16 si le répondant est un membre de la proche famille, se soumettre à diverses questions relatives aux opinions et engagements politiques ou associatifs et prêter le serment suivant: « Je promets sur mon honneur que jamais je ne révélerai à qui que ce soit aucun des signes vu travaux secrets de notre Ordre, qui peuvent m'être, maintenant ou plus tard, donnés ou confiés, aucun acte, fait, aucun objet ou projet conçus, excepte si j'y suis autorise par mes fonctions ou par une commission spéciale accordée par l'Ordre... »» (cite par Claude Willard}. Une fois investi le nouveau chevalier du Travail est accueilli par un discours de réception.
Se rattachant à la tradition révolutionnaire et poursuivant l'extinction du capitalisme, la Chevalerie du Travail admet le sabotage et la grève générale; Aristide Briand, grand théoricien de cette forme d'action, est lui–même chevalier du Travail (et aussi indicateur de police selon certains). Les membres du P.O.S.R. y sont nombreux. Leur présence explique certaines des orientations de la Chevalerie. comme l'anticléricalisme et l'adhésion aux pratiqules coopératives. L'antiparlementarisme y est aussi de mise; les élus ne peuvent devenir chefs de chantiers. mais peuvent néanmoins recevoir une délégation pour une mission précise et temporaire.
Outre les allemanistes*, les membres des bourses du travail sont nombreux dans les rangs des chevaliers du Travail. les plus connus sont les frères Pelloutier, mais il faut aussi citer Désire Colombe, Secrétaire de la bourse du travail de Nantes et proche de Charles Brunelliere. L'importance des francs–maçons est tout à fait remarquable. Deux des trois derniers Grands Maîtres sont francs–maçons; l'un, Jobert, membre du Grand Orient*, et l'autre, Levy–Oulman, de la Grande Loge*. Marcel Sembat*, Emile Chauviere, Adien Veber, Emile Pasquier, Charles Brunelliere, tous maçons patentes, appartiennent à la Chevalerie du Travail. Ayant puise dans la symbolique des Knights of Labor, les chevaliers français adoptent également certaines pratiques courantes dans les loges françaises. Les chevaliers s'appellent entre eux « frères .» et « trés chers frères »; dans leur correspondance, ils utilisent les trois points. Ils possèdent des mots secrets et communiquent entre eux grâce à certains signes, les seuls véritablement usités étant ceux de reconnaissance*. Pour Charles Brunelliére, la Chevalerie du Travail est « une franc–maçonnerie ouvrière et socialiste ». En revanche, pour Arthur Groussier*, dont le témoignage date de 1945, aucun rapport n'existe entre les deux mouvements. Augustin Hamon, qui posséda la double qualité de franc–maçon et de chevalier du Travail, à laisse un témoignage mesure et certainement très proche de la réalité :« Nous sommes sur que les chevaliers du Travail français n'avaient pas de rapports en tant qu'Ordre avec la franc–maçonnerie française. Beaucoup de Chevaliers du Travail étaient francs maçons, c'était la seulement le lien qui unissait les deux Ordres dont les buts, encore qu'assez semblables, n'étaient pas identiques » (cite par Maurice Dommanget). Par ailleurs, de nombreux chevaliers étaient aussi membres d'une société de libre pensée*, d'un syndicat, d'une coopérative ou d'un groupe libertaire.
Les chantiers sont, pour l'essentiel, installes à Paris et dans diverses localités de la Seine et de la Seine–et–Oise. D'assez nombreuses villes de pr3vince accueillent aussi un chantier, notamment dans l'Ouest (Angers, Rennes, Le Mans, Nantes) et sur la bordure sud et sud–est du Massif central (Ales. Decazeville, Figeac); il faut encore mentionner Amiens, Lyon, Toulouse... Le nombre de membres ne fut jamais très important, 1500 en 1896, d'après Maurice Dommanget. Moins de vingt ans après sa création, la Chevalerie était « expirante, sans énergie créatrice, sans tradition, sans troupes ,,. Elle E^Ut dissoute en lS10.
Pour Maurice Dommanget, la C'hevalerie du Travail à préfigure l'unité syndicale et l'unité socialiste. Plus sévère, Jacques Julliard, qui ne comprend pas le bien–fonde de son caractère secret, se demande ( à quoi à bien pu servir cette Chevalerie du Travail, en dépit de la qualité d'un certain nombre de ses membres ,,.
J. L.
CHEYALIER DU SOLEIL
Atteste en 1751 le grade* de Chevalier du Soleil est très probablement l'un des plus anciens hauts grades* chevaleresques. De plus, entre 1750 et 1762, il à vraisemblablement constitue le grade terminal de l'Ordre* pour de nombreuses loges*, et cela dans une période critique, et encore obscure, de l'histoire de la franc–maçonnerie*. Des les premiers textes, il dispense un enseignement qui se caractérise par une orientation très originale.
Le Chevalier du Soleil se présente d'abord comme un grade alchimique. De nombreux passages des rituels renvoient. en effet, à la tradition paracelsienne, notamment dans la formulation donnée par Basile Valentin dans son ouvrage L'Azoth qui connut de nombreuses éditions aux XVII et XVIIIe siècles. Mais des l'origine, le contenu du grade est double. Tout en s'enracinant réellement dans l'hermétisme*, le Chevalier du Soleil professe un enseignement religieux et moral fortement marque par l'esprit nouveau du XVIIIe siècle.
Alors que l'immense majorité des hauts grades du XVIIIe siècle sont très imprègnes par l'Ancien ou le Nouveau Testament, un des éléments les plus remarquables du grade de Chevalier du Soleil consiste dans l'absence de véritables références bibliques. Certes le « mot sacré » est Adonaï, le personnage central du rituel est Adam et on peut parfois y trouver une métaphore christique, mais une lecture attentive du texte montre qu'il ne s'agit la que d'un vocabulaire pour designer l'être Suprême, l'Homme primordial, et les opérations sur la matière. à la fois spiritualiste et rationaliste, le grade de Chevalier du Soleil paraît être le premier, et peut–être l'un des rares hauts grades, étranger, voire hostile, à la tradition judéochrétienne.
Il témoigne, par son contenu double et singulier de l'ancienneté de deux courants marginaux au XVIIIe siècle, mais qui se pérenniseront dans la maçonnerie française. Le premier est celui de la maçonnerie « philosophique » à la fois déiste et rationaliste (jusqu'au positivisme des années 1860, les deux vont ensemble), et le second est celui de la maçonnerie « hermétique». Les perspectives de ces deux maçonneries étant très différentes, il est paradoxal de constater que l'histoire de l'une et celle de l'autre semblent commencer avec le grade de Chevalier du Soleil.
Au XVIIIe siécle on retrouve ce grade dans toutes les échelles de grades de la mac5onnerie hermétique et au début du XIXe siécle il continue un temps à être pratique comme 5e ordre du Rite Français*, 28° du Rite Écossais Ancien Accepte* ou 51° du Rite de Misraïm (rites égyptiens), avant de ne plus être délivre que par communication. Il est tire de l'oubli à la fin du XIXe siécle par Goblet d'Alviella* qui en compose alors une très belle version. Depuis quelques années ce grade bénéficie d'un regain d'intérêt et de pratique.
P.M.
CHRONOLOGIE
voir Datation
CLARINETTE
Instrument mis à l'honneur par Mozart* dans son célèbre concerto dédie à son frère Stadler, la clarinette est également prisée dans les loges* franc,aises. Parmi les clarinettistes français on peut retenir le nom de deux maçons.
François Dacosta (Franco Isaac dit} [ 1778-1866] fut compositeur, premier clarinettiste du Théâtre–ltalien puis de l'Opéra, musicien particulier de Napoléon 1er, enseignant (1796) au Lycée litteraire et philharmonique de Bordeaux, sa ville natale; il exerça également au lycée des Arts. Probablement initie dans la loge La Parfaite Réunion, il s'affilie à Anacréon en 1805, devenant le premier clarinettiste de son harmonie.
Charles Duvernoy (1796–1972), professeur de clarinette au Conservatoire, membre des Frères Unis Inséparables* (18461851}, à travaille dans la colonne d'harmonie* animée par Taskin*, notamment pour le Grand Orient* (1845).
Chr. N.
CLÉMENT
Jean–Baptiste (Boulogne-sur–Seine, 1836–Paris, 1903)
Jean–Baptiste Clement est le fils d'un meunier aise de l'îlle Saint–Ouen, et de Marie-Thérèse Compoint. Il ne trouve affection et joie qu' auprès de sa grand–mère Charlotte, aubergiste dont l'établissement retentit de chansons. Il quitte l' école à 14 ans, entre en apprentissage chez un tourneur sur cuivre, puis exerce divers métiers avant de se faire embaucher pour la construction du viaduc de Nogent. Il se donne une culture d' autodidacte, lisant Balzac, Flaubert, Hugo, Dickens, avant de découvrir Proudhon* puis Marx. Il fréquente des membres de la Première Internationale* et commence à composer poèmes et chansons.
En 1866, il s'installe à Montmartre mais, en 1867, doit se réfugier à Bruxelles pour avoir écrit une chanson intitulée Quatre–vingt–neuf. C'est dans cette ville qu'il publie Le Temps des cerises, sa plus célèbre chanson, créée à Paris en 1866 et qu'il dédiera plus tard à une ambulancier de la Commune*, Louise. De retour à Paris en février 1868, il fonde un journal, Le Casse–7ktet et collabore à La Reforme de Vermorel. Entre le mois de janvier et le mois d'avril 1870, il est successivement condamne à 3t 2, 4 et 6 mois de prison, pour publication d'un journal offenses à l'Empereur et pour (« provocation à commettre des crimes »». La chute du Second Empire* le tire de Sainte–Pélagie ou il est incarcéré depuis février. Il participe aux combats contre les Prussiens dans le 129e bataillon de marche prend part aux journées du 30 octobre 1870, du 22 janvier et du 18 mars 1871.
Successeur de Clemenceau à la mairie du XVIIIe arrondissement le 10 mai 1871, il adresse aux directeurs et aux directrices des écoles un avis relatif à la laïcisation des locaux et des programmes scolaires cite par Froumov: « On ne doit plus voir dans nos écoles ni tableaux, ni livres religieux ni croix, ni statuettes représentant des saints. [....] Bref, vous nous comprenez, le règne de l'erreur est fini; nous avons à propager la vérité et à la faire aimer. Les prières sont naturellement supprimées; nous les remplacerons par des leçons plus morales et plus utiles.» Il siège à la commission des subsistances avant d'être délègue à la fabrication des munitions et d'être nomme membre de la Commission de l'enseignement. Il collabore aussi au Journal officiel de la Commune.
Il participe aux combats de la Semaine sanglante, dont il rappellera le souvenir tragique dans une célèbre chanson intitulée La Semaine sanglante. Grâce à un compagnon d'armes, il peut se cacher plus de deux mois dans la capitale avant de s'enfuir à Londres, ou il vit en donnant quelques leçons de français et en encadrant des estampes. Condamne à mort par contumace le 24 octobre 1874, il rentre à Paris en 1880. Il collabore à divers journaux, Le Cri du peuple, Le Prolétaire, La Justice sociale, et publie des brochures (Le Quatrième État et La Science de Jacques Bonhomme}. Il prononce des conférences pour les sociétés de libre pensée* du XVllle et du XXe arrondissement, prend la parole dans diverses réunions publiques et défend la cause de l'émancipation des femmes.
Membre du Parti ouvrier, il suit les possibilistes, et adhère à la Fédération des travailleurs socialistes de France – Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire. En 1885–année ou il publie un premier recueil de chansons–il est délégué à la propagande; il soutient une grevé de boulonniers de Château–Régnault (Ardennes). Il se fixe plusieurs années dans ce département, s'y présente vainement à une élection législative partielle en décembre 1888, aux législatives de 1889. Il encourage les métallurgistes, les ardoisiers, les carriers et les travailleurs du textile à la lutte et contribue à la fondation de syndicats, de coopératives et de cercles d'études sociales. Il fonde successivement deux journaux, L Émancipation (1889-1890) puis L' Émancipateur (1891–1892).
En 1890, lors du Congres de Châtellerault, il défend les thèses allemanistes* contre les thèses broussistes et devient membre du Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire, de Jean Allemane. Le 1er mai 1891, il est arrête, condamne à 2 ans de prison et 5 ans d'interdiction de séjour, mais il fait appel du jugement; sa peine est ramenée à 2 mois de prison, après une plaidoirie de Millerand*.
Il se présente de nouveau aux législatives de 1893, sans succès. En l895, il revient dans la région parisienne, alors que, sous la direction d'Albert Poulain, la Fédération des Ardennes prend une orientation réformiste et électoraliste. Il est employé à la mairie de Saint–Denis en 1895-1896, collabore à La Petite République de Cierault–Richard, au Socialiste ardennais. En 1900, il publie La Chanson populaire qui, outre des chansons, comprend des considérations sur la chanson populaire: Jean–Baptiste Clement ne veut pas la voir confondue « avec les élucubrations des cafés–concerts et des beuglants ». Pour lui, elle doit être un moyen de propagande simple et efficace permettant de «~ faire pénétrer les idées de justice et d'indépendance dans les coeurs » et de lutter contre le capital.
11 est initie le 28 octobre 1898 à la loge Les Rénovateurs de Clichy, qui lui confère les grades de compagnon* et de maître* le 6 juillet 1901. D'après La Chaîne d union de l938-1939, il s'affilie à L Évolution Sociale. Il meurt le 23 février 1903. Lors de ses obsèques, la Librairie de propagande socialiste fait distribuer gratuitement une brochure contenant ses meilleures chansons. Plusieurs milliers de personnes suivent son cercueil, recouvert d'un drap rouge; plus de 60 couronnes sont déposées sur sa tombe et divers discours sont prononces, au nom des socialistes ardennais, du Parti Ouvrier Belge, de la Société des auteurs et compositeurs. Sincholle prend la parole pour Les Rénovateurs de Clichy, L Évolution Sociale étant elle aussi représentée. Le poète socialiste Clovis Hugues lit une pièce de vers sur sa tombe.
Le Conseil municipal de Paris lui vote l'octroi d'une concession perpétuelle, qui se trouve près du Mur des Fédères. Le 27 juin 1937, lors de l'inauguration de son buste dans la petite ville ardennaise de Nouzonville, son ami Leon Troclet déclare que q le souvenir d'un tel homme ne s'effacera jamais ».
J. L.
CLEMENTE AMITIE (La)
On retient du passe de cette loge*, créée en 1805, trois grandes périodes. Le premier moment important se situe en 1814 quand elle élit comme vénérable pour remplacer le néo-templier Juge, Begue–Clavel, un homrne de lettres maçonnologue, déiste et républicain. Il en fait une pépinière intellectuelle et républicaine en initiant ou en affiliant notamment le chansonnier* Altaroche, le fouriériste Léon Cuzlan, l'écrivain Felix Pyat, Eugéne Duclerc, futur ministre des Finances, le vaudevilliste Jean Lafitte, Victor Schoelcher. l'éditeur Pagnerre... Ce dernier, qui vient notamment de publier le Dictionnaire politique... de Duclerc er une Abolition immédiate de l esclavage de Schoelcher semble avoir été le pourvoyeur de ces hommes à talents. Begue–Clavel et Pagnerre mènent alors une offensive contre le sénat conservateur du Grand Orient rédigent un projet de reforme des statuts qu'ils adressent illégalement à tous les ateliers.
Bégue–Clavel est exclu, Pagnerre suspendu, la loge démolie. Elle est reprise en main par des modérés comme l' avocat Desanlis ou Bailleu1, un archéologue, inspecteur en chef de l'lmprimerie et de la Librairie {et donc à priori orléaniste).
Sous la Deuxième République. outre Desanlis, la personnalité .a plus marquante de La Clémente Amitié est l'homme de lettres Leblanc de Marc3nnay, spécialiste des questions antillaises, ami de Schoelcher. Elle admet alors un chef indien du Brésil et des Noirs antillais dont, le 31 novembre 1848, un ébéniste, le représentant du peuple Louisy Mathieu. Interroge sur les conséquences de l'émancipation des esclaves, il repousse l 'idée de revanche et de séparatisme. Puis, elle reçoit, le 10 janvier 1849, Pory–Papy, un autre élu du peuple.
Protégée par Desanlis, qui à affilie le prince Murat*, elle apparaît, sous l'Empire* autoritaire, comrne une des loges les mieux en vue de l' obédience*. Elle abrite des anciens représentants du peuple, modérés comme Auguste Clement. Delaboulie, La Rochejacquelin, Luizy Mathieu, Mauguin, Lebreton Ronjat.
Elle dispose d'une colonne d'harmonie* et perpétue, depuis le 9 mars 1824, un ordre de la Récompense alors préside par Desanlis. Mais La Clémente Amitié est secouée par un scandale. Elle à investi des fonds dans un orphelinat* que son vénérable dirige à Châtre et qui est fermé pour mauvaise gestion. Marconnay est exclu. La Loge se divise après cette affaire et les scissionnistes fondent autour de Charles Bataille, professeur au Conservatoire de musique et futur sous–préfet, La Clémente Amitié cosmopolite (16 décembre 1859)
La Clémente Amitié sombre alors dans l' anonymat avant de se réveiller, sous la Troisième République, grâce à la forte personnalité de son vénérable, Charles Cousin. Inspecteur principal au chemin de fer du Nord, il est président du Conseil de l Ordre de 1882 à 1885. Elle devient. en quelques années, la loge la plus importante du Grand Orient* avec 250 membres en 1877. Madier de Montjau, le proche collaborateur de Gambetta*, refuse dans une loge sous la Deuxième République, y est admis en 1874. Son coup d'éclat est l'initiation*, en 1#7.S, de Ferry*. Lettré* et Chavée. Elle est alors très implantée dans le personnel du chemin de fer (29 membres), le négoce (22), la médecine (13) et la presse {159. On relève sur son registre les noms de Victor Borie, publiciste et futur maire du VIe arrondissement de Paris, de Louis Chassin, historien des guerres de Vende, du préfet gambettiste Louis Antoine Delpech, de nombreux parlernen5aires (Lasserve, Ferdinand Dreyfus Émile Deschanel, Léonce Guyot–Montpeyroux. Savariano de Heredia, Laurent–Pichat), de publicistes comme Maurice Jolly et Eugéne Le Roy (l' auteur de Jacquou le Croquant), du dreyfusiste Joseph Reinach, de Léon Richer, le directeur de L'Avenir des femmes.
Cousin prend des risques en faisant parrainer par la loge l'avant–projet pour le percement de l'isthme de Panama ! « Notre famille, précisera–t–il, à fourni une notable part du capital et les explorateurs eux–mêmes, les frères Wyse et Reclus qui, après avoir détermine le trace du canal, ont te charges de l'exécution des travaux, assistes pour l'inspection générale et le recrutement du personnel, par deux membres de la loge. La société d'exploration à été présidée par le frère Turr. »
En 1881, la loge compte 285 inscrits. Les effectifs se renouvellent avec les initiations ou affiliations de l'ancien représentant du peuple Richard (du Cantal). en ItS84, de l'écrivain Paul Arène, du préfet Edgar Monteil, de Pierre Courdaveaux. professeur de faculté (lettres), spécialiste très anticlérical des questions religieuses, du futur députe Gustave Hubbard. Cousin, avant les législatives de 1885, démissionne de la présidence du Grand Orient. car il ne supporte pas les attaques portées par les radicaux contre Jules Ferry. La loge continue à accueillir des personnalités politiques importantes: l'avocat Paul Lefebvre–Roncier, les députés Dujardin Beaumetz, Camille Pelletan* et Louis Ricard. Elle se singularise, sous le maillet du préfet Edgar Monteil, par son ardeur anticléricale. Elle dénonce les maçons parlementaires qui votent le budget des cultes et veut interdire aux conseillers de l'Ordre et à leur famille tout acte religieux. En 1896, cinq de ses 145 membres sont encore députes: Dujardin–Beaumetz, Descubes–Desquerisne, Octave Chenavaz, Camille Pelletan et Louis Ricard. Un sixième, le sénateur Alfred Rambaud, ministre du gouvernement Meline, quitte la loge, violemment antiméliniste, ainsi que la maçonnerie.
Le dernier titre de gloire de La Clémente Amitié est son rôle dans la Résistance* et dans la reconstruction d'une maçonnerie clandestine.
A.C.
CLERGE
La présence des clercs dans les loges* maçonniques au XVIIIe siècle est un phénomène répandu. L'étonnement apparent s'estompe rapidement quand on considère le décalage entre l'interdit et les pratiques des loges dans un royaume ou la culture religieuse reste marquée par le poids du gallicanisme. De surcroît, l' Église de France, déjà en lutte contre le jansénisme*, doit appliquer un modus vivendi avec le nouvel adversaire: les bulles de 1738 et de 1751 restent sans effet et la condamnation des associations maçonniques, sans lendemain. Si quatre membres de la faculté de théologie « examinent » la société nouvelle en 1748- 1749 et condamnent la maçonnerie en raison de la pratique du serment* qui devait inciter les bons chrétiens à s'éloigner des ,« sociétés à mystères », leur jugement est peu suivi d'effets. Quelques évêques font bien condamner publiquement l'Ordre* au moment ou le pouvoir politique veut, entre 1737 et 1747 puis de 1767 à 1771, freiner sa diffusion, mais plus nombreux sont les dignitaires de l' Église qui, en se taisant, le tolère implicitement. L'évêque de Quimper, M. de Saint–Luc, figure assez isolée du combat contre la maçonnerie, est d'ailleurs transféré à Saint–Flour en 177fS à l'initiative du roi, après une attaque publique prononcée dans sa cathédrale et jugée trop violente. L'ensemble du bas-clergé ne semble pas avoir adopté une attitude très différente. Le légalisme religieux des maçons et l'épanouissement d'une philanthropie* encadrée de fait par les clercs inities expliquent que nombre de prêtres se retrouvent sans difficulté! sous les colonnes* du temple~ meme si, ici ou la, des loges émettent des réserves en raison du caractère public du sacerdoce des séculiers ou de « l'état de dépendance » des réguliers.
A Paris et dans les villes académiques. on recense ainsi, sur les tableaux des loges rattachées au Grand Orient* entre 1774 et 1789, respectivement 320 et 783 clercs. Dans les grands centres, on trouve régulièrement plus de 30 clercs francs-maçons (Toulouse 230, Bordeaux* 33, Lyon* 41...). Les attitudes sont variées. Ainsi, si deux prêtres francs–maçons sur trois sont des réguliers dans certaines provinces (Normandie), des centres majeurs (Lyon) recrutent surtout des séculiers. Géographiquement, l' attraction de la franc–maçonnerie joue beau coup plus dans le nord et l ouest de la France (33 % du recrutement à Angers, 18% à Soissons...) que dans les provinces méridionales: les monastères, nombreux, facilitent la contagion.
Des hommes comme Pingre* ou Jean–Baptiste Saurine, qui représente la Chambre des Provinces auprès du Grand Orient de France, montrent bien le profil d'ensemble de ces prêtres fortement engages dans le mouvement maçonnique. En effet, les deux hommes ne sont pas les moins acquis à la nouvelle culture démocratique qui heurte les aristocrates inquiets, à partir des années 1775–1780, de la dérive démocratique du recrutement des loges. Les passes d'armes entre Saurine et les loges nobiliaires bas–normandes qui refusent la descente sociale du fait maçonnique en témoignent. Cette remarque pose bien sur la question de l'existence d'une spécificité culturelle des clercs francs–maçons.
Si on doit rejeter la vieille thèse véhiculé par l'historiographie cléricale d'initiations révélant une crise morale, on peut accepter, à la différence des caractéristiques comportementales des autres groupes sociaux, que le clergé maçonnique se distingue par une sensibilité remarquable envers La culture des Lumières*.
Une étude d'ensemble reste à mener, mais, en tenant compte de quelques observatoires importants (150 prêtres normands), on remarquera que ces clercs, fortement marques par le second jansénisme, acceptent majoritairement le serment impose par la Révolution. En outre, dans les clubs naissants oú le « curé jureur » est une figure majeure, la participation des anciens curés francs–maçons se révèle particulièrement importante.
La Révolution française* semble pourtant mettre fin à l'attraction exercée par la franc–maçonnerie sur les clercs. En effet, quand celle–ci renaît véritablement de ses cendres sous le Consulat, on observe le départ progressif des clercs des colonnes des temples. Subvertie par la Révolution et politisée peu ou proue à partir de 1815, la maçonnerie à connu une mutation des sensibilités religieuses. Nombre de maçons abandonnent la fidélité affichée au catholicisme au profit de tendances syncrétiques, déistes voire détachées de Dieu.
E. S.
CLERMONT–FERRAND
L'histoire de cet orient bien cernée des origines au premier conflit mondial, illustre la place de l'espace maçonnique dans une cite provinciale et les évolutions qui le touchent au XIXe siécle. On n'a d'autre trace de la première loge clermontoise, Saint–Louis, constituée avant 1753, que son sceau*. L'essentiel de la vie maçonnique est organise autour de trois ateliers: La Parfaite Union de Saint–Hubert, fondée le 7 mai 1752; Saint–Maurice, constituée le 10 juillet 1753; enfin Saint–Victor des Amis Choisis, créée le1er octobre 1766 et reconstituée en 1778 sous le titre distinctif de Saint Michel de la Paix.
Saint–Maunce est incontestablement la loge la plus importante de l'orient. Loge élitiste, elle s'ouvre largement aux officiers supérieurs des régiments en garnison dans la capitale auvergnate. comme Stanislas de Clermont–Tonnerre, futur chef de file des « Monarchiens » sous la Révolution, ainsi qu'à Edward Onslow, fils d'un pair d'Angleterre, symbole d'intégration à la bonne société locale, et pere du compositeur George Onslow. Localement, la loge recrute parmi les elites éclairées: représentants de la noblesse* de robe (magistrats de la Cour des Aides), officiers « moyens ,, (Présidial), membres du barreau, agents des administrations royales, négociants les mieux établis. La règle d'exclusion réciproque entre l'otium et le neg-otium ne joue pas ici.
Les procureurs, greffiers et autres hommes de loi, qui ne peuvent concurrencer les avocats, de meme que les marchands, preferent travailler la pierre brute su r les colonnes de Sainf–Michel. Les bas–officiers optent quant à eux pour Saint ubert. Cet orient tripolaire permet à chacun de se retrouver dans le ternple de l'entre–soi. Il est interessant de constater que cet orient reunit un nombre significatif de futurs revolutionnaires importants: outre Clermont–Tonnerre deja cite, Saint–Maurice compte parmi ses membres le futur montagnard Georges Couthon, le futur conventionnel Bancal des Issarts initie en 1790, ou encore Dijon de Saint–Mayard, avocat général pres la Cour des Aides.
Sainf–Michel n'est pas en reste, avec l'homme fort des premieres annees de la Revolution à Clermont, Gaultier de Biauzat. l}epute à la Constituante, maire en 1790, il fait son retour à la mairie en 1794 et sera elu aux Cinq Cents. Or on observe que sur la scene maaconnique, les deux avocats Couthon et Gaultier de Biauzat cherchent à se placer à bonne distance l'un de l'autre. Dans la meme loge, ils se generaient, notamment pour l'election au poste d'orateur.
Aussi Biauzat opte–t–il pour Saint–Michel, apres un passage par Saint–Maurice. Son ami, le brillant avocat Bonarme, membre de l'Academie, le suit à Sairzl–Michei, et devient quelques mois plus tard orateur d'une loge qui ne compte que quatre avocats, alors qu'ils sont 18 à Saint–Maurice. Voila qui doit inciter à tenir compte des individualites dans le choix des ateliers et à ne pas utiliser mecaniquement le profil sociologique dtun atelier comme cle unique d'explication des options individuelles. Comme dans la plupart des metropoles ma;,conniques, les elites macaonniques locales forment les cadres de la Societe des Amis de la Constitution et des institutions mises en place par la Revolution bourgeoise, sans que la loge n'ait en rien premedite une quelconque confiscation du pouvoir municipal.
Receptacle priVIIIgie des notabilites d'Ancien Regime, notamment des composantes bourgeoises et en cours d'anoblissement, la cellule macaonnique devait inevitablement compter beaucoup des siens dans les cercles du pouvoir, avant que l'entree en politique de categories nouvelles ne permette leur renouvellement. La fierte des loges clermontoises de compter parmi leurs membres des deputes comme Couthon et Gaultier de Biauzat ne reflete aucune politi.sation de la loge.
Mais il est encore un trait qui rend l'orient cleranontois interessant à etudier. Saint–Maunce fusionne avec le Noble Jeu * de l' arc clermontois, autre signe de son caractere social releve, qu'elle relance. Le souci de rationaliser la vie de deux structures de sociabilite unies par de frequentes doubles apparte nances est manifestet de meme que celui de proposer des activites variees, dans l'atmosphere intime, chaleureuse et fraternelle, du temple et du jardin de l'arc.
Le xlxe siécle marque une rupture sous le signe d'un engagement politique particulierement actif en faveur de la laicite*. Apres plus de vingt ans de mise en sommeil de l'orient, la loge des ErzAants de Gergosie, toujours en activite, est constituee en 1867 (on sait comment le Second Empire* exalta Vercingetorix et Gergovie). Des la ceremonie dainstallation*, le titre distinctif de la loge est l'occasion d'une violente attaque contre la Rome pontificale, alors que l'unite italienne* n'est pas achevee, et deun appel au soulevement inspire de celui qu'entreprit le chef arverne. En mars 1871, un frere fait voter la motion suivante: « L'objectif de la magonnerie doit etre l'instruction des campagnes, le remplacement des ecoles clericales par les ecoles laiques. »» Un mois auparavant, la ioge avait temoigne de sa reconnai.ssance au frere Garibaldi*, « ce grand apotre de l'emancipation des peuples et de la Republique universelle ~. La mac, onnerie auvergnate vit des lors au rythme des grands connbats emancipateurs du xlxe siécle.
P.–Y. B.
CLIPSAS
voir Relations internationales
COLFAVRU
Jean–Claude {Lyon) 1820Paris, 189JJ Jean–Claude Colfavru naît dans une modeste famille Lyonnaise le 1er décembre 1820. Sa conduite héroïque lors de la Révolution de juillet 1830, lui vaut d'être admis comme tambour réglementaire au collège de sa ville natale et d'y faire des études secondaires gratuites. Pour payer ses études supérieures, il exerce divers métiers dont celui de clerc d'avoué à Grenoble ou il est reg;u avocat en mars 1845. Il s'installe ensuite à Paris.
Dans les dernières années de la Monarchie de Juillet, il affirme ses convictions républicaines; il est l'un des protagonistes de la campagne des banquets* sans prendre part à la Révolution de février 1848. Il devient cependant rédacteur en chef du journal d' extrême gauche Le Pere Ducl7esne. Arrête après les journées de Juin, il est envoyé sur les pontons de Brest, puis relègue à Belle–lsle–en–Mer. Au printemps de 184S, il est transfère à Paris pour être jugé devant le conseil de guerre: il se serait fait délivrer une attestation par des officiers de la garde nationale de Paris précisant qu'il aurait combattu « pour l'ordre ». Libère, Colfavru collabore alors à La Réforme. à nouveau incarcère en décembre 1849, il obtient une ordonnance de non–lieu en février 1850. Devenu rédacteur au journal proudhonien La Voix du peuple, Colfavru est élu, le 28 avril 1850, députe « démocrate socialiste » de la Saône et–Loire, après l'invalidation d'lsidore Buvignier.
Le 1er juillet 1850, il est reçu apprenti* dans la loge* parisienne Saint–Vincent-de-Paul. Opposé au coup d'État du 2 décembre 1851, il s'exile en Belgique*, à Londres, puis à Jersey ou il fonde un journal, La Ligue. Avec d'autres membres de la Commune révolutionnaire sise à Jersey (Alavoine, Valliére), il publie L'Empire, la Famine et la Honte.
De retour en France, Colfavru reprend son métier d'avocat et publie divers ouvrages spécialises (Le Droit commercial compare de la France et de l'Angleterre, 1861) et demeure un opposant politique. Maître* le 21 février 1863, il devient en 1868 vénérable* de la loge Le Travail, ancien Temple des Familles. Au Convent* de 1864, il anime, avec Rouselle et Massol*, la tendance « ultra–novatrice » du Grand Orient*. à l'assemblée générale de 1868, toujours avec Massol, il défend une proposition de réunir un convent maçonnique international en réponse à la convocation du premier concile du Vatican. Devant le refus, les deux frères présentent néanmoins un Projet à tous les membres de la franc–maçonnerie française er des orients du monde (1869) en vue d'un convent « extraordinaire».
En 1870, il mène une campagne active contre le plébiscite. Durant le conflit franco–allemand, il est élu commandant du 85e bataillon de la garde nationale de Paris. Il sera décore pour sa bravoure à la bataille de Buzenval et nomme juge de paix du XVIIIe arrondissement. Il refuse d'adhérer à la Commune*.
Au cours de la séance du 7 septembre du Convent de 1871, Colsavru est élu au Conseil de l'Ordre en 26' position, avec 143 voix sur 226 votants puis, le 29 octobre, il préside l'assemblée chargée de condamner maçonniquenent les frères Guillaume 1er, Kaiser, et Frédéric, Kronprinz d'Allemagne.
Le 26 octobre 1872, le Conseil de l'Ordre prend acte de sa mise en congé. En effet, pendant huit ans, Colfavru sera avocat au Caire. Il publie une Lettre sur la réforme judiciaire en Égypte {Alexandrie 1873) et un petit ouvrage, Les Français en Égypte (Paris, 1878).
Revenu en France en octobre 1880, il s'installe à Pontoise. En juillet 1881, avec Auguste Dide, il crée la revue La Révolution française. Membre d'honneur de la loge lies Amis de la Patrie vénérable fondateur de La Constante Amitié, il entre au Conseil de l'Ordre en septembre 1884.
Le 14 octobre 1885, il est élu députe radical de gauche de Seine–et–Oise (Pontoise) puis, le 30, choisi par 17 voix sur 26 comme président du conseil de l'Ordre du Grand Orient. Il restera deux ans à la tête de l'exécutif de la rue Cadet.
Le 16 novembre suivant, il est élève au grade de Rose Croix* pal le chapitre La Clémente Amitié*» sis à Paris. Pour sa promotion, il avait présenté un travail « De La mission de la franc–maçonnerie dans notre patrie la France », dans lequel il défend et illustre le rôle de la franc–maçonnerie dans l'établissement de la République et la laïcisation de l'état et de la société.
Comme parlementaire, il fait preuve de zèle en présentant de nombreux rapports et projets de loi, notamment sur la reforme de la justice, mais il devient un « tombeur de ministère » (Freycinet en janvier 1887, Rouvier en novembre 1887, Tirard en mars 1888) et contribue à la démission du président Jules Grévy. Il ne fut pas réélu en 1889.
L'année suivante, au sein du Grand Orient, il conduit l'épuralion antiboulangiste, puis meurt le 18 mai 1891.
Y. H.M.