CABALE
CABALLERO DE PUGA
CABINET DE REFLEXION
CAGLIOSTRO
CALENDRIER
CAMBACERES
CAMUS DE PONTCARRÉ
CANDEUR (La)
CANNE
CARBONARI
CARDUCCI
CAROLATH
CARR
CARTEL DES GAUCHES
CASANOVA
CATECHISME






CABALE
voir Kabbale
CABALLERO DE PUGA
Eduardo (Madrid, 1847-1942) La franc-maçonnerie * à généralement repose sur les épaules d'anonymes ou de semi-inconnus qui, par leur effort, l'ont enrichi et fait avancer. Eduardo Caballero de Puga, écrivain discret, appartient à ce groupe qui à tout fait pour solidifier le Grand Orient National d'Espagne) pendant le dernier tiers du XIXe siècle et s'est révèle comme l'un des meilleurs écrivains rituélistes espagnols de l'époque.

Son activité maçonnique commence au début de 1870, dans la loge Fraternidad de Madrid: elle est enregistrée sous le n° 1 au Grand Orient Espagnol. Comme une grande partie des membres de son atelier, il se tourne en 1873 vers le Grand Orient National d'Espagne et, arborant depuis 1872 le grade de Chevalier Rose Croix*, il fonde pour la nouvelle obédience* la loge Fraternidad Iberica n° 15. Poursuivant son ascension dans la carrière des hauts grades (30° en 1873, 32° en 1874 et 33° en 18.#6), il est de plus en plus influent sur le plan institutionnel. Orateur (1873) puis vénérable* (1874) de la Fraternidad Iberica il devient ainsi Grand Secrétaire du Suprême Conseil et de la Grande Chambre des rites en 1876. Son ascendant sur les frères espagnols se consolide d'ailleurs puisqu'il reste vénérable de sa loge et Grand Secrétaire du Suprême Conseil sans interruption jusqu'en 1896. De plus, il est devenu Grand Secrétaire de la Souveraine Grande Loge et Diète maçonnique et assure nombre de présidences et secrétariats de chapitres*, chambres ou aréopages d'ateliers philosophiques. Loges et organisations maçonniques l'honorent de nominations variées et de titres honorifiques.

Bien que les Grands Maîtres soient Calatrava (1873-1876), le marquis de Seoane (18761887) ou Jose Maria Pantoja (1887-1896), le frère Moreto (c'est le nom symbolique qu'il à choisi lorsqu'il fut initie) est le cerveau du Grand Orient National d'Espagne pendant les années 1875-1896. Il modernise la mentalité et la structure de son obédience sans trop s'écarter de l'orthodoxie andersonnienne. En effet son action en maintenant l'obligation de reconnaître institutionnellement l'Être Suprême, en interdisant les discussions politiques et religieuses et en rédigeant de nouveaux rituels vise à occuper un espace libéral et conservateur sur l'échiquier maçonnique espagnol. Il essaie également d'expliquer, dans son oeuvre symbolique les contenus des grades du Rite Écossais Ancien et Accepte* et du Rite Français*. De plus, il introduit par paliers, en tant qu'enseignements specifiques des grades, les valeurs propres au citoyen démocrate. Visant à adapter la maçonnerie à l'évolution du temps, il défend surtout ardemment la constitution du Grand Orient National d'Espagne promulguée en 1893 pour remplacer celle, plus autoritaire, de 1866. Établissant la séparation des pouvoirs la Constitution de 1893 consacre les pouvoirs de l'assemblée et ouvre les portes aux élections démocratiques.

L'écroulement de l'empire espagnol à Cuba*, Porto Rico et aux Philippines entraîne la fin de la carrière maçonnique de cet homme qui est parvenu, en 1887, à faire légaliser le Grand Orient National d'Espagne. La maçonnerie étant accusée de saper l'autorité de la métropole, Caballero de Puga est emprisonne en 1896 et le Grand Orient National d'Espagne cesse alors d'exister. Son ancien Grand Secrétaire vivra encore 45 ans ! Néanmoins, son passe d'initié le poursuivra En effet, à la suite de la découverte de papiers par la police franquiste* ou de la possible dénonciation d'un frère qui le croyait mort, le 21 janvier 1942, l'instance n° 2 du Tribunal spécial de la Maçonnerie et du Communisme* décide d'entamer une procédure contre ce vieil homme alors âgé de 95 ans. Il ne supporte pas les rigueurs de la prison et meurt quelques mois plus tard.

Outre ses activités maçonniques Caballero de Puga à eu de multiples activités journalistiques et culturelles en faisant partie des cercles d'auteurs et en intervenant dans des colloques nationaux et internationaux. Il rappelait lui-même son activité au sein de l'Association des écrivains et artistes en 1876 et ses interventions lors du Congres international littéraire de Venise de 1888 et du Congres géographique hispano-portugais-américain de 1892. Il laisse surtout de nombreuses publications. En effet, étudiant en droit devenu avocat, il à cultive des vocations de publiciste et de poète. Il à montre sa culture humaniste essentiellement dans des articles de presse. Rédacteur d'un journal républicain, La Discusion, il à fonde aussi El Vigilante, un journal à petit tirage qui connut des jours plus brefs. Caballero lègue aussi divers ouvrages de poésie et de politique.
P. A.
CABINET DE REFLEXION
CABINET.JPG (102K) Le cabinet de réflexion est décrit avec précision par Tolstoi dans Guerre et paix. En effet, l'un des chapitres présente l'initiation* de Pierre Bezoukov à la franc-maçonnerie: le bandeau* ôté, le candidat se trouve seul, dans une petite pièce, il voit sur une table un Évangile une tête de mort un cercueil plein d'ossements. il se trouve dans le cabinet de réflexion qui le prépare à l'entrée dans le temple* Dans certains rites* spiritualistes et mystiques, comme celui de Memphis, la dimension macabre de la cérémonie est ainsi marquée: le candidat, les yeux bandes, est assis ,« devant une table simplement garnie d'un cran* humain réel, d'une bougie de cire allumée, à demi consumée, d'une feuille de papier blanc, d'une écritoire garnie... » Le symbolisme et la valeur accordes au cabinet de réflexion varient selon les rites. Le Rite Émulation* offre au candidat un moment de recueillement dans le silence qui lui permet d'atteindre à une certaine sérénité. Ce temps de contemplation favorise une véritable « autopsie», par laquelle, tout comme dans les rites antiques, le candidat voit de ses propres yeux et médite à partir de ce qui s'impose à la vue. Au Rite Français* et au Rite Écossais, l'initiation commence des l'entrée dans le cabinet. Cette petite pièce propice au recueillement solitaire est peinte ou revêtue de noir. Le candidat fait son deuil de certaines valeurs profanes, avant d'être initie à l'essentiel. Il comprend ainsi qu'il faut, en sa personne, tuer le vieil homme attache à certains biens, rempli de passions et de préjuges. Le noir en alchimie est aussi materia prima qui permet l'ouvre au noir. Il est un rappel des ténèbres de la terre d'oú va lever le germe nouveau. Si l'on retient cette hypothèse qui nous ramène vers les mystères d'Éleusis*, ce lieu clos évoque grottes, cavernes et cryptes, que l'on retrouve dans de nombreux rites initiatiques de l'Antiquite. Ainsi dans la tradition pythagoricienne, l'initiation est inaugurée par une épreuve de terre; la descente souterraine est un moment fort de l'introspection.

On installe le profane dans le cabinet de réflexion. Il est alors postulant, selon le Rite Écossais Ancien et Accepte*; récipiendaire, selon le Rite Français, dans le cheminement qui va du cabinet de réflexion jusqu ' au moment de l ' initiation ou il reçoit la lumière. Au Rite Écossais, quatre étapes séparent le candidat du néophyte; il passe par les stades de postulant (ou aspirant) et de récipiendaire. Des le départ, il est dépouille de ses « métaux*». Cet abandon renforce la décision de se départir de l'inessentiel, de faire table rase des passions et préjuges liés au rang, au statut social ou à la fortune. En plus des symboles macabres, le cabinet offre du soufre*, du sel*, du mercure*, une cruche d'eau et du pain à la réflexion du candidat. Il peut parfois contempler un sablier, une lanterne allumée et un coq. L'animal de Thot et d'Hermes rappelle au profane, dans un sens hermétiste, que, bientôt purifie, il va sortir des ténèbres de la terre. On trouve également une faux*, une banderole ou l'on peut lire «. Vigilance et persévérance et l'inscription V.l.T.R.l.O.L.* (parfois V.l.T.R.l.O.L.U.M.}. à la fin de sa période d' introspection, le candidat est invite à rédiger, à la lumière faible d'une lampe, son «testament philosophique ». Par un questionnaire, variable dans son contenu? il précise la nature de ses devoirs envers lui-même, envers son pays et enfin envers l'humanité ou Dieu. Le manuscrit est lu en loge, avant l'entrée du profane. Il est brûle au terme de l'initiation. Ce moment testamentaire contribue à marquer avec une grande intensité symbolique la mort à la vie profane et le prélude à l'éveil à l'existence initiatique, dans laquelle 1lhomme nouveau est désormais engage La symbolique du cabinet de réflexion témoigne de la fragilité et de la fécondité du temps dans lequel s'inscrivent la mort et le réveil. Dans ce long moment de silence et de solitude tout conspire pour privilégier l'examen de conscience qui conduit le candidat au plus profond de ses doutes, au coeur de ses interrogations. Il s'agit d'une ascese spirituelle qui l'aide à mieux cerner les motivations intimes qui l'ont mené vers la franc-maçonnerie et à prendre conscience de la gravite du moment. Au Rite Écossais Rectifie*, un franc-maçon interroge le candidat, lui transmet des recommandations rituelles avant de fermer la porte du cabinet. Par la suite, le néophyte abandonne le séjour étroit et son décor funèbre. Il quitte en fait la terre, dépouille de ses « métaux», et revient peu à peu à la vie, après les ténèbres, l'étymologie du mot « néophyte ,» étant « nouvellement engendré»,.

La relation à la mort se retrouve dans de nombreux rites qui plongent parfois le profane dans un état de terreur. Chez les bouddhistes du Grand Véhicule, le novice fait l'expérience du caractère illusoire de ce qui l'épouvante et, saisissant du même coup que le monde est ontologiquement irréel, il se libère de la peur de la mort. Ce type d'exorcisme radical est étranger à l'esprit de la franc-maçonnerie. Si la cérémonie est conduite avec gravite et austérité, il ne s'agit jamais de plonger le candidat dans les douleurs de l'angoisse. Ainsi, au Rite Émulation, un franc-maçon est invite à apporter au candidat des propos apaisants, en mettant l'accent sur l'importance spirituelle de la cérémonie qui suit. Au Rite Écossais Rectifie ou le cabinet de réflexion est appelé chambre de préparation, le « frère introducteur », adresse au candidat quelques paroles instructives et rassurantes qu'il termine ainsi: « Consentez donc que je vous mette ce bandeau sur les yeux, et voulez-vous vous livrer avec confiance entre les mains de celui qui à reçu ordre de diriger vos pas ? »
Vl. B.
CAGLIOSTRO
CAGLIOS.JPG (87K) (Paterme, 1743-forteresse de San Leo 1795) Giuseppe Balsamo est ne le 2 juin 1743, baptise le 8, à Palerme en Sicile. Des pages écrites sous sa dictée, récemment mises au jour, montrent qu'il parlait avec un fort accent italien, ce que suggéraient déjà quelques bribes de conversation transcrites phonétiquement.

En 1781, selon Chefdebien, « le comte de Cagliostro est d'une taille médiocre Sans avoir un gros ventre. il est gros dans la carrure et dans tous ses membres. Il à la figure pleine et presque ronde, le teint fort brun, les cheveux, sourcils et barbe très noirs. Il m'a paru avoir environ quarante-cinq ans»

Après avoir défroque, dit-on, du noviciat des frères de la Merci, Balsamo avait épouse à Rome! le 20 avril 1768, Lorenza Feliciani, qu'il renomme Serafina. Il entreprit des voyages en Europe, mais ceux ci restent aussi obscurs que son enfance et sa jeunesse. On est mieux renseigne à partir de 1776, quand on le retrouve à Londres. De 1777 à 1780, on les suit aux Pays-Bas, en terres germaniques, en Courlande, en Russie. En 1785, une comédie de Catherine II, Le Trompeur ridiculise l'aventurier, la souveraine en compose une autre, Le Trompé ses dupes d ans laquelle elle confond les Rose-Croix d'or*, les Illuminaten* et les Templiers de la Stricte Observance* qu'elle désigne sous le nom de martinistes. De Pologne le couple gagne Strasbourg, ou il séduit le cardinal-prince de Rohan et Jacques Sarrasin, le Suisse à jamais fidèle, puis Bordeaux*, Lyon*, Paris. La capitale leur fait un triomphe mais, en 1785, l'implication de Cagliostro dans l'affaire du Collier entraîne dix mois d'embastillement le Parlement, érigé tribunal l'acquitte, l'année suivante. Aussitôt, une lettre de cachet l'expulse de France. Le couple part pour Bruxelles, Bâle puis Vienne, après s'être arrêté pour une cure à Aix-les-Bains, et revient en Italie: Rovoredo, Trente et, fin mai 1789, la folie de Rome. La police pontificale emprisonne Balsamo au château Saint-Ange. Après sa condamnation à mort, commuée en détention à perpétuité, il est transféré à la forteresse de San Leo. Une apoplexie l'y emporte, à trois heures du matin, le 26 août 1795. Le Sicilien à termine son périple, mais ce fut un périple missionnaire, et la mission était celle de l'Égyptien par excellence, alias Cagliostro.

Le comte de Cagliostro se découvre sage, d'aucuns diraient initie, sous ce nom symbolicluement emprunte à la marraine d'une deuxième naissance baptismale, à Londres en 1776, et surtout lors de son voyage en Europe du Nord. Ses prodiges frappent: les mots, les herbes. les pierres dont il use guérissent, il secourt les miséreux et déroute les imbéciles. Au fond de Cagliostro, un prophète est à l'affût.

CAGLIO.JPG (26K) Le Grand Copte (ou Cophte) s'intronise en Courlande. Le « maître inconnu » (Marc Haven) enseigne et célèbre une forme du culte éternel. Il refuse l'antinomie de la révélation primitive, d'ailleurs en progrès constant, nonobstant ses éventuelles perversions (dénoncées par son disciple Devismes en Égypte meme: Corruptio optimi...}, et de la révélation judeo-chrétienne ou la première s'épanouit. Le christianisme avant la lettre glorifie l'Égypte*; le christianisme à la lettre aussi. Moïse « fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens », même si le Seigneur l'attendait au Sinaï, et déjà à « il était puissant en ses parole,s et en ses actions ». Le protomartyr Étienne, à Jérusalem, en remémore ses bourreaux - c'est un judeo-chrétien. Les premiers chrétiens d'Égypte le seront, avant peu d'années, au sein du judaïsme alexandrin.

Balsamo Cagliostro, le Grand Copte coexistent en un seul homme, comme corps, âme, esprit; le malheur est qu'ils ne font pas toujours bon ménage. Balsamo s'en va faire tuer à Rome Cagliostro, au motif légitime qu'il incombe au Grand Copte de perfectionner la foi du pape L'initié succombe aux vanités humaines de Balsamo dans son effort pour aider le Grand Copte à se manifester. Le Grand Copte enfin, dépend de Balsamo et de Cagliostro, pour le meilleur et le pire, car il n'est pas Dieu, quoiqu'il en soit l'Ami, et accomplisse, en cette fonction, l'initiation de Cagliostro, au détriment de Balsamo, un peu charlatans, l'un et l'autre, au besoin. Josephin Peladan déplore cette « misère de la nature humaine qui réduit le sage à emprunter les traits de l'histrion». Nature humaine des fous, nature humaine du sage... Mais de par l'amitié de Dieu, l'initié devient un adepte.

« Je ne suis d'aucune époque ni d'aucun lieu; en dehors du temps et de l'espace, mon être spirituel vit son éternelle existence. [...] Participant consciemment à l'être absolu, je règle mon action selon le milieu qui m'entoure. Mon nom est celui de ma fonction et je le choisis, ainsi que ma fonction, parce que je suis libre; mon pays est celui ou je fixe momentanément mes pas. [...] Quant au lieu, à l'heure, où mon corps matériel, il y à quelque quarante ans, se forma sur cette terre; quant à la famille que j'ai choisie pour cela, je veux l'ignorer. [...] Me voici: je suis noble et voyageur; je parle, et votre âme frémit en reconnaissant d'anciennes paroles. [...] J'agis, et la paix revient en vos coeurs, la santé dans vos corps, l'espoir et le courage dans vos âmes. Tous les hommes sont mes frères; tous les pays me sont chers je les parcours pour que? partout, l'Esprit puisse descendre et trouver un chemin vers vous [...] jusqu' à ce que je sois enfin arrêté et fixe définitivement au terme de ma carrière, à l'heure ou la rose fleurira sur la croix. Je suis Cagliostro. ,, Ainsi parle le Grand Copte en 1786, voila son mystère et l'assomption de Cagliostro. « Moi, je suis celui qui est ,,, résume-t-il: l'apparent blasphème relève du langage mystique, avec son corrélait: « Je n'ai qu'un père, mais les mystères de cette origine, et les rapports qui m'unissent à ce pere inconnu sont et restent mes secrets. .» Le secret de Cagliostro découle des secrets du Grand Copte. Il tient dans sa pratique, honnête et parfois maladroite, des sciences occultes, grâce aux « forces supérieures de la nature que la Providence communique à quelques personnes, pour les mettre à meme de faire du bien à des millions d'autres, selon l'exemple du Christ, de Moïse et d'Élias »,. Elisabeth von der Recke rapporte ce propos de Cagliostro, elle excelle à décrire les faits qui les illustrent, sans guère le savoir. à Cagliostro reviennent aussi l'ordonnance alchimique de «quarantaines » purificatoires et le rituel théurgique, kabbalistique, alchimique, astrologique de la Haute Maçonnerie égyptienne, en trois grades* supérieurs accessibles aux deux sexes, sous l'autorité directe du Grand Copte. Cette Haute Maçonnerie domine les autres rites égyptiens*, ceux ci discutent de sa succession et se la disputent. Balsamo portait les arcanes de la régénération morale et physique et du commerce avec les anges. Sur la terre historique et idéale d'Égypten le Grand Copte réconcilie mystiquement la religion, la magie et la franc-maçonnerie. Christian Rosenkreutz, le chrétien à la croix rouge comme une vraie rose, s'était instruit à Damcar et à Fés; dans la tradition rosicrucienne, Cagliostro, moins retenu que Martines de Pasqually*, réclame-mais sous quel rapport subsidiaire?-l'Afrique et les Arabes: «, Toute lumière vient de l'Orient; toute initiation, de l'Égypte.» Moïse, Élie et le Christ, que Cagliostro cite en exemples de science et de charité, président à la terre et sont les meilleurs des maçons en meme, temps que leurs supérieurs inconnus. Élie dirige le Grand Copte, Moïse et le Christ ne sauraient en être sépares. Cette antique christologie à leurre Saint-Martin et Jean-Baptiste Willermoz*. Balsamo affichait au surplus, un air trop flamboyant pour qu'ils ne le crussent impie. (Mais « ça ne vaut rien ,», disait Cagliostro à Chefdebien du premier livre de Saint-Martin.) De meme, combien de maçons verront en lui un émissaire des Jésuites et combien d'antimaçons un agent de la Révolution française? Lourde rançon d'une fortune littéraire et musicale exceptionnelle, et le prix d'un apostolat sans calcul !

Les termes du mémoire en défense déjà cite conviennent, certes, à un adepte. Certains encore, à droite et à gauche, ont doute de leur sincérité Balsamo-Cagliostro n'était-il qu'un charlatan ? et le Grand Copte qu'un imposteur ? Un document récapitule l'homme et son message, nous en propose le noeud à dénouer ou à trancher, selon que le désir est d'expliquer ou de comprendre: c'est le testament de Cagliostro, trace en graffiti peu cohérents sur les murs de sa geôle mortelle.
R. A.
CALENDRIER
voir Datation
CAMBACERES
Jean Jacques Regis (Montpellier, 1753-Paris, 1824)
L'homme de confiance de Napoléon qui est «( plus qu'un numéro deux moins qu'un numéro un »», commence sa carrière comme conseiller à la Cour des aides de Montpellier avant la Révolution*. à cette époque, il fréquente déjà la maçonnerie: Cambacérès est en effet reçu franc-maçon à Montpellier dans la loge* L'Ancienne et la Réunion des E/us, avec son ami le chimiste Chaptal. à la veille de la Révolution, il est chevalier Rose-Croix* et plusieurs membres de sa famille sont connus comme maçons, dont plusieurs à la loge des Neuf Soeurs* ou aux Amis Réunis*. De 1780 à 1792, il est élu membre de la commission municipale de cette ville puis, président du bureau de subsistances, procureur-syndic et président du tribunal criminel de l'Hérault. Élu en août 1792 députe à la Convention, il vote la mort du roi. En mars 1793, il est l'un des créateurs du Tribunal révolutionnaire, et président du comité de législation. Excellent juriste, il rédige un premier projet de Code civil en août 1793 et participe à l'élaboration de la Constitution de l'an 11[. Membre du Conseil des Cinq-Cents, il en assume la présidence en octobre 1796, mais il est battu aux élections de mai 1797. il quitte pour un temps la scène politique puis devient le dernier ministre de la Justice du directoire avant de participer activement au coup d'État du 18 brumaire an VIII. Lors du Consulat provisoire, il conserve son portefeuille, puis devient Second Consul en l'an V111. Il se montre alors l'homme clef du régime et, à la proclamation de l'Empire* il est nommé archichancelier. Dés lors, il est couvert de titres et de fonctions (sénateur, conseiller d'État, membre du conseil prive, prince avec le titre d'altesse sérénissime et duc de Parme) et devient une sorte de premier ministre: c'est à lui que Napoléon donne de larges délégations lorsqu'il s'absente de Paris. II assure la présidence du Sénat, du Conseil d' État et du Conseil des ministres. C'est lui qui propose la plupart des nominations civiles du Consulat et de l'Empire, tant la connaissance du personnel politique et administratif de cet homme de réseau est étendue. Il conserve durant toute cette période la haute main sur la justice.

Initié de longue date, artisan avec son ami Roëttiers de Montaleau* du renouveau de la maçonnerie après 1799 et homme clef du nouveau régime, il est peu étonnant qu'il soit « choisi »» comme le fédérateur de la maçonnerie française sous le Premier Empire. Ses frères appréciaient sa modération son goût de la conciliation et du compromis, mais aussi sa parfaite urbanité et sa cordialité un peu distante. Ils acceptent de lui des décisions et des arbitrages que son prestige seul pouvait imposer. Il est donc à la fois le surveillant et le protecteur de la maçonnerie impériale. II pondéré l'influence maçonnique en la divisant et en acceptant avec un égal zèle en apparence, mais au fond avec une égale indifférence la Grande Maîtrise de tous les rites*. Dans les mois et les années qui suivent son installation en qualité de Grand Maître Adjoint du Grand Orient*, il est nomme à La dignité de Très Puissant Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France le I er juillet 1806, puis Grand Maître d'Honneur du Rite d'Herodorn le 25 octobre. Il devient Grand Maître du Rite Écossais Philosophique le 4 mars 1807, Grand Maître du Rite Primitif de Narbonne sous le titre de protecteur le 8 mars 1808 Grand Maître du Régime Rectifie* et de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cite Sainte le 18 juin 1808, Grand Maître du Directoire d'Auvergne le 9 mars 1809, Grand Maître du Directoire de Septimanie (Montpellier) le 17 mai 1809 et, enfin, le 19 janvier 1811, il est président du Grand Consistoire. à toutes ces fonctions, il ajoutait celles de vénérable* de la loge* parisienne Saint-Jean de la Grande Maîtrise qui réunissait t{~us les grands noms de la maçonnerie impériale. Lors de la Première Restauration, il quitte ]a vie politique. à son corps défendant, il fait une réapparition discrète lors des Cent-Jours et, lors de la Seconde Restauration, il est banni de France (1816). Il obtient rapidement le pardon royal et termine sa vie en administrant son immense fortune. Mais son activité de maçon ne s' achève pas avec l'ecroulernent de la maçonnerie impériale. Lors de son exil à Bruxelles, il à participé aux travaux des Amis Philanthropes et du Suprême Conseil de Belgique* dont les fondateurs étaient d'anciens régicides. Il y à retrouve son ami Ramel, l'ancien ministre des Finances du Directoire, mais aussi le peintre David d'Angers. Lors de son retour en France, il est reçu Grand Commandeur Honoraire du Suprême Conseil; il continue jusqu'à sa mort à fréquenter les loges mais avec plus de discrétion. à son décès, il comptait plus de quarante ans de vie maçonnique.
P.-Fr. P.
CAMUS DE PONTCARRÉ
Louis François Elie (Paris, 1746-Londres, 18109
Fils d' intendant et petit-fils d'un Premier Président du Parlement de Normandie, Camus de Pontcarré acquiert la charge de Premier Président du même parlement le 12 août 1782. Bien que membre du parlement lui-même depuis 1764, Camus est à ce moment-la un jeune aristocrate plus attiré par la vie mondaine parisienne que par la magistrature. Son intérêt pour la réflexion philosophique doit beaucoup à un père académicien qui à exerce un vrai magistère sur lui. Cette éducation lui fait tôt rencontrer les loges* les plus prestigieuses du Paris des Lumières où il réside. Le 3 mai 1777, on le retrouve ainsi parmi les membres de la célèbre loge des Amis Réunis*. Il en est l'un des fondateurs et le Secrétaire. Le choix de cet atelier, parmi les plus engagés dans le développement des ouvres philanthropiques, n'est pas surprenant. On le trouve en effet parmi les philanthropes qui, à l'initiative du groupe réuni autour du Journal de Paris, donnent l'impulsion véritable en 1780 à la Société Philanthropique dont il est l'un des premiers souscripteurs. Il s'agit la de la première institution d'envergure émancipée des autorités religieuses et royales qui substitue à la charité traditionnelle une action fondée sur l'utilité sociale des indigents. à Paris, Camus fréquente les tenues* des Amis Réunis jusqu'en 1784 et fréquente Savalette de Langes* et Saint Martin*. Martiniste, il participe en 1785 aux travaux des Philaléthes et est délégué auprès de Savalettee de Joseph de Maistre*, de Saulx de Tavannes et de Virieu .

Camus délaisse toutefois la maçonnerie parisienne et concentre ses activités maçonniques autour de Rouen lorsqu'il acquiert la charge de Premier Président du Parlement de Normandie, en 1782.

Membre honoraire de La Céleste Amitié, de 1783 à 1787, la loge la plus prestigieuse, il ne dédaigne pas fréquenter les tenues des Bons Amis*. Ce sont les loges les plus engagées dans la préservation du prestige social de la franc-maçonnerie locale. Pourtant, plus que les réunions maçonniques, c'est vers l'Académie de Rouen qu'il se tourne alors. Il en est membre titulaire à partir de 1783; il fréquente aussi la Société d'agriculture locale. Le Premier Président semble se détourner des loges maçonniques vers 1787 car il est fort accaparé par les troubles qui agitent le Parlement de Normandie en cette période de prérévolution. Chef de file de ceux qui refusent la fin de l'institution parlementaire et bien qu'ayant maçonné avec de futurs révolutionnaires radicaux dans le temple des Bons Amis*, son action politique va être motivée par une détermination farouche contre les reformes politiques engagées par la Révolution. Refusant l'egalité devant l'impôt lors des réunions de la noblesse aux États généraux, sa belle demeure de la me Saint Lô, mise à sac durant l'été de 1789, fait de lui le symbole du régime honni. De Hollande puis d'Angleterre ou il à émigre, il participe à la propagande contre-révolutionnaire à Rouen où il entretient un réseau d'agents royalistes menés par un ancien procureur Pottier, qui fut maçon dans la même loge que lui. à la différence de nombre d'émigrés, Camus ne survit pas à la période révolutionnaire. Inscrit à la Caisse de Secours des Émigres (Bruxelles), il meurt dans la misère à Londres.
E.S.

CANDEUR (La)
CANDEUR.JPG (30K) C'est le 25 avril 1775 que le Grand Orient* accorde à cette loge* parisienne les constitutions qu'elle à demandées le 2 avril. La loge est alors sous l'autorité provisoire du capitaine Claude-Louis, marquis de Saisseval, vénérable*, du mestre de camp François, comte de Balbi, premier surveillant, du chambellan de l'impératrice de Russie Alexandre, comte de Stroganov, de Bacon de la Chevalerie*, orateur et frère terrible, du capitaine Jean, comte de Saisseval, maître des cérémonies et de Bouvard, Secrétaire.

La loge, à peine constituée et de manière provisoire, la marquise d'Ossat procède à l'ouverture de sa loge d'adoption*. Quatre néophytes (Adélaïde comtesse de Choisel-Goufier, Charlotte de Saint-Marsan, comtesse de Courtebonne, Gabrielle de Boulainvilliers, vicomtesse de Faudoas et Charlotte, comtesse de Polignac} sont alors reçues, puis élevées au grade de compagnonne et, deux jours plus tard, à la maîtrise. On peut se demander si l'atelier n'avait pas été érigé pour servir de cadre légal à une loge d'adoption.

La Candeur est inaugurée le 9 mai en présence notamment du duc de Montmorency* et du duc de Chartres (Orleans*). Les premiers officiers de la loge sont Joseph, comte d'Espinchal, trésorier, Clement Tissot, docteur en médecine Secrétaire, Louis, comte de Gouy, orateur, Henri, marquis de Turpin de Crisse deuxième surveillant, Jean, comte de Saisseval, premier surveillant, et Claude Louis, marquis de Saisseval, vénérable jusqu'en 1782.

Le 25 décembre 1775, la loge organise une cérémonie d'inauguration du temple* rue de Bondy, dans le Vaux-Hall de Jean-Baptiste Tairre, artificier du roi, physicien et membre de cet atelier prestigieux qui consacre 2 400 francs pour la location t

La Candeur occupe des lors une place originale dans la maçonnerie de la France de Louis XVI.

La liste de ses membres (157 noms identifiés) ressemble à un extrait de l'Almanach de Gotha: on y trouve Louis Covy marquis d Arcy, deuxième et dernier vénérable, les colonels Auguste du Prat, comte de Barbançon, Joseph, comte d'Espinchal, Claude, comte de La Chatre Nançay, Armand, marquis de La Tour du Pin de Soyanes Montauban, Louis-François, comte de Rieux, Rodolphe, baron de Salis-Marschlins, Louis-Edouard de Boufflers-Rouverel, Jacques-Charles, cilevalier de Fitz-James, les ducs de Lauzun (Armand Louis de Gontaut) et de Luynes (Louis dtAlbert), Louis de Saint-Maurice de Montbarrey, prince du Saint-Ernpire, Armand-Jules, futur duc de Polignac, Antoine et Marie-Philippe de Gramont, respectivement Antoine et Marie-Philippe de Gramontt respectivement ducs de Guiche et de Caderousse, Antoine-Cesar (futur duc) et Cesar-Hippolyte, comtes de Clloiseul-Praslin, ou Stanislas, comte de Clermont-Tonnerre.

La Candeur est également cosmopolite et entretient une correspondance avec des ateliers de Berlin, Brunswick, Dresde ou Naples.

Le recrutement nobiliaire et l'ouverture aux étrangers rie doit cependant pas masquer les effectifs modestes {19 en 1780, 49 en 1782}. Il est vrai que la cotisation est de 120 livres par an et que les réunions masculines attirent moins que les te nues* de la Loge d'adoption . C' est bien autour d'elle que gravite vraiment la vie maçonnique même si on affirme solennellement la non-réception des soeurs dans les tenues masculines. Plusieurs faits traduisent le caractère androgyne de la loge. Le 19 janvier 1776, elle proclame: « On n'admettra désormais aucun frère ou profane sans le consentement unanime des soeurs qui seront préalablement consultées sur l'admission de tel ou tel profane ou Effiliez. ,» Pour avoir fait un choix similaire, la loge de Rochefort avait été démolie. se 25 janvier 1781, La Candeur décide que les travaux d'adoption seraient diriges par les seules soeurs et, le 5 février 1782, les soeurs adoptent « une robe uniforme» pour les tenues d'adoption, et imposent un « uniforme,» aux frères, dont elles choisissent la couleur. Rapidement, l'autonomie de la loge d'adoption se manifeste par la tenue d'un livre d' architecture séparé. Le frère Clément Tissot tient cependant les deux livres ce qui, parfois, le conduit à confondre le; ateliers. Le 8 avril 1775, le procès-verbal de la loge masculine rend compte de la réception de soeurs alors que celui de la loge des dames annonce la prochaine réception d'Hughes Thibaud Lezat, marquis de Lusignan. Toutes les soeurs appartiennent à la noblesse*. Notons Léopoldine de Liechtenstein, princesse de Hesse-Rheinsfeld, ainsi que les marquises de Bercy, de Coulet, de Gouy d'Arcy, d'Havrincourt, de La Salle, de Monteuil, et de Rennepont.

La dernière caractéristique est la vocation philanthropique de la loge: la loge féminine organise des collectes pour {« délivrer des pères et des mères mis en prison pour n'avoir pu payer des mois de nourrice» et, en mars 1775, fait remettre au caporal Bernin 300 livres « comme tribut de reconnaissance pour l'acte d'humanité qu'il avait exerce en se précipitant sous les .glaces pour sauver la vie à trois enfants». La loge discute de projets sociaux à plus long terme et, le 27 janvier 1778, elle attribue une « médaille d'or de la valeur de 3 000 livres à celui d'entre les maçons réguliers de l'Europe qui aurait le mieux rempli l'objet de la question suivante: "Quelle est la manière la plus économique, la plus aisée et la plus utile à la société, d'élever les enfants trouves depuis leur naissance jusqu'à l'âge de sept ans ?"» La Candeur a-t-elle secrètement rêvé d'être une loge phare destinée à instaurer en France une « maçonnerie d'État ,». Une circulaire le suggère: « Nous étions proscrits; nous sommes tolères; nous pourrions ainsi marcher à cote de la brillante loge de Stockholm ,» Les événements de 1789 allaient en décider autrement
Y. H.M.
CANNE
La canne est liée à l'office de maître des cérémonies, ce dernier devant avoir sa canne à portée de la main et la prendre avec lui pour rythmer sa marche lors des cortèges ou lorsqu'il fait passer le «sac aux propositions ,». Il est probable qu'elle doive son origine à la verge que portaient certains magistrats de l'Ancien Régime. La maçonnerie anglaise ne semble pas avoir connu la canne comme attribut des officiers*.

En France, on ne sait pas quand elle fut introduite l'abbe Perau (XVIIIe siècle) ne parle ni du maître des cérémonies ni de la canne et, dans les rituels de la Mère Loge écossaise* d'Avignon (1772), on ne sait pas si le maître des cérémonies tient une canne ou un bâton. De nos jours, il se déplace dans la loge* dans le sens «solaire», la canne dans la main droite. Il est l'officier qui, par sa fonction, se déplace le plus, ce qui peut rappeler l'état du compagnon « voyageur». La partie supérieurene est coiffée pommeau sphérique et parfois une corde tressée la recouvre... et il y à peut-être ici une influence du Compagnonnage*. 12 canne est. en effet, l'attribut du compagnon* qui l'appelle le « jonc »-peut-être en souvenir de la légende de Maître Jacques: pourchassé par ses ennemis, il dut se cacher dans les joncs qui bordaient le fleuve; ayant réussi à échapper à ses poursuivants, il conserva sur lui une tige que les compagnons découvrirent sur son corps après sa mort. Une autre légende répandue chez les compagnons raconte qu'en quittant le Paradis, Eve emporta un rameau de l'Arbre de science et le planta. Il en naquit un arbre aux trois couleurs - noir, vert et rouge. C'est dans cet arbre qu'aurait été creusée l'Arche de Noé et confectionnée l'Arche d'Alliance*; son tronc aurait servi de poutre maîtresse au temple du roi Salomon; enfin, il aurait été utilise pour la croix ou fut supplicié Jésus. La canne du compagnon serait faite de ce bois. Cette parabole enracine la tradition dans les « plus anciens jours» du monde judeo-chrétien. La canne est aussi un instrument de mesure utilise comme te] depuis la plus haute Antiquité. Elle est citée plusieurs fois dans le livre d'Ezéchiel, dans la partie de la vision qui concerne le temple* à reconstruire (chap. 4042); il est alors question d'une canne à mesurer de six coudees et un palme. La canne à mesurer figure enfin sur les gravures qui représentent les maîtres d'oeuvre du Moyen Âge. Cette canne est représentée graduée en pouces et en pieds, comme on peut le voir sur la pierre tombale d'Hugues Liebergier, architecte de Saint-Nicaise de Reims (XIIIe siècle). Dans le langage familier des compagnons, la canne à pris le nom de pige.
J.-Fr. B.
CARBONARI
Voir Charbonnerie
CARDUCCI
Giosué (Valdicastello di Pietrasanta, Toscane, 1835-Bologne 1907) Né de Michele Carducci, médecin du service de santé, et d'lldegonda Celli, Giosue Carducci tenait de son père, soupçonne d'être un sympathisant de la Carboneria (Charbonnerie*), le caractère fier, la fougue obstinée et une impulsivité qui finissait souvent en colère, mais aussi le courage, l'abnégation et un sens civique empreint de droiture et d'honnêteté.

Il étudie chez les pères Scolopi, est admis gratuitement à l'École normale de Pise et obtient son diplôme de Lettres et Philosophie en 1850. Il commence en meme temps une carrière d'enseignant de poète et de prosateur mais perd cette année-la son frère Dante mort dans des circonstances mystérieuses après une dispute avec son pere. Quelques mois plus tard, son pere meurt aussi et, seul et avec peu de moyens, Carducci doit subvenir à l'entretien de sa mère et de son frère cadet Valfredo. Quelques mois plus tard, il épouse sa cousine Elvira Menicotti qui lui donne quatre enfants. Sa réputation de poète, liée à son recueil Juvenilia, ses premières polémiques littéraires et sa collaboration avec l'éditeur florentin Barbera incitent le ministre de l' instruction publique Terenzio Mamiani à lui confier la chaire de Littérature italienne de l'Université de Bologne. Il y reste toute sa vie, déclinant toutes les offres des autres universités. La période la plus intense et la plus féconde de sa production poétique et littéraire commence en 1860 et coïncide avec sa participation passionnée à la vie politique du pays. Carducci devient en effet le poète officiel de la Nation. Il aime et étudie les auteurs classiques, de Virgile à Horace. Toute sa poésie est empreinte de nostalgie pour les aspects héroïques de ce monde, qui revivaient dans les événements de la Révolution française* et du Risorgimento. Il intègre les nouvelles idées de liberté et de justice que Parini, Aifieri et Monti avaient diffusées à la fin du siècle précèdent. Jeune, il est un ardent défenseur de Garibaldi*, puis il devient un admirateur de Crispi et de sa politique autoritariste. Il est aussi un fidèle ami du Grand Maître Lemmi*. Devenu vigoureusement anticlérical après les déceptions de 1848 et les conflits qui résultent de la Question romaine mais sans être antireligieux, sa poésie est empreinte d'une religiosité laïque liée aux thèmes de l'amour, de la souffrance et de la mort. Son Hymne à Satan, publié à Pistoia en 1865 sous le pseudonyme d'Enotrio Romano, est célèbre et republié le jour de l'ouverture du concile Vatican 1, en 1869. Républicain convaincu, il finit par accepter la monarchie comme un instrument nécessaire à l'unité italienne.

La date et le lieu de son initiation à la franc-maçonnerie ne sont pas connus et, pour certains, Carducci fut initie dans la loge Galvani de Bologne, alors que pour d'autres il le fut dans la loge Severa qu'il quitte peu après. En 1866, la loge Felsinea se constitue à Bologne et Carducci devient Secrétaire de loge. La liste originelle des membres de cette loge comprenait trente-six frères, parmi lesquels onze étaient professeurs d'université, dix officiers dans l'armée et cinq médecins. Huit frères de cette loge devinrent députes et cinq sénateurs. Felsinea est supprimée par le Grand Orient d'ltalie l'année suivante, lorsqu'elle décide d'adhérer au Rite Symbolique de Milan d'Ausonio Franchi, un groupe dissident. Carducci est aussi, en avril 1886, affilie à la loge Propaganda Massorlico de Rome (matricule 7280), fondée en mars 1877 par le Grand Maître Suiseppe Mazzoni, qui en était aussi le vénérable*, pour regrouper à Rome les frères autorises qui ne pouvaient pas fréquenter régulièrement leurs loges respectives. En 1888, il est élevé au 33° du Rite Écossais Ancien et Accepte*. En 189O, il est nomme Sénateur du Royaume pour ses mérites littéraires et, en 190ti, on lui remet le prix Nobel de littérature. Il meurt à Bologne dans la nuit du 16 février 1907. Sa maison est déclarée monument national.
F. R.
CAROLATH
Heinrich Karl Erdmann prince de Schonaick {1759- ?) Époux d'Amalie, princesse de Saxe-Meiningen, Carolath est en 1785 vénérable* maître de la mère loge* indépendante Zur goldenen Himmelskugel à Glogau, ville de Silesie située à une centaine de kilomètres au nord-ouest le Breslau. De 1788 à 1795, Fessler est le précepteur de ses enfants. Dans les notes manuscrites que Savalette de Langes remit au marquis de Chefdebien avant de Convent* de Wilhelmsbad, notes qui furent publiées par Benjamin Fabre (pseudonyme de Jean Guiraud), il est décrit ainsi: « Ce Jeune seigneur prussien dans son voyage en France à été porte dan; l'interieur des [directoires] il à rencontré les chefs de Montpellier, ceux de Lyon et même il à par lä lié connaissance avec les membres de [Coens] qui avaient assez intéresse M. D'hauterive pour lui pour qu'il l'ait adresse à St. Martin. Ce dernier l'a trouvé trop jeune pour se livrer. D'ailleurs il n'aime pas à s'ouvrir avec des sujets qu'il ne peut suivre. Cette liaison à eu peu de suite. Il avait entendu parler de l'ami de Langes car l'ayant rencontré dans une loge*, il à fait toutes les avances et à mis le plus grand empressement à lier connaissance. Sa candeur, sol zèle et surtout la pureté de ses principe! moraux et de la nature de ses désirs en ait de connaissances maçonniques ont intéressé ce dernier qui lui à communiqué plusieurs choses intéressantes. S'il es au convent, les députes peuvent compter qu'il sera favorable aux [Amis Réunis] dont il à pris la meilleure idée.» Plusieurs historiens, dont Le Forestier, ont confondu le prince de Carolath avec Franz Joseph, comte de Kolowrath-Liebsteinsky, né le 17 décembre 1748, devenu maçon à Prague le 26 décembre 1772 qui assista au Convent de Wilhelmsbada la place de son frère cadet Vincent.
A. B.
CARR
Thomas (1859-1924): voir Opératifs
CARTEL DES GAUCHES
CARTEL.JPG (66K) Le Cartel des Gauches est une alliance électorale entre le parti radical, la S.F.I.O., le parti républicain, parfois même les républicains de gauche et/ou des communistes dissidents, conclue autour de la défense de l'impôt sur le revenu, l'appui à la Société des Nations* et à la laïcité*, le respect des lois sociales et le refus de la politique économique et financière de Poincare. C'est, lors des élections législatives de 1924, la dernière grande échéance électorale dans lesquelles les obédience* interviennent directement et officiellement. Cet engagement est la conséquence de l'opposition de plus en plus vive manifestée par les fédérations maçonniques à l'égard du Bloc National. En 1921, le Grand Orient* avait diffuse un Manifeste aux républicains (100 000 exemplaires) rédige par Debierre* et, le 19 novembre 1923, L'Appel à l'union des pur/~s de gauche, du à la plume d'Arthur Groussier*, est tire à 500 000 exemplaires et distribue par les loges*. En février 1924, la Grande Loge de France* et, en mars 1924, le Grand Orient offrent leurs locaux aux délégués des partis de gauche pour structurer l'Union. Globalement, les exécutifs maçonniques et de très nombreux maçons ont contribue à préparer le Cartel par la mise en avant du thème de la défense laïque, plus petit commun dénominateur des Gauches, et la réactivation de l'opposition politique traditionnelle des deux France, entre le bloc républicain et le bloc réactionnaire (clérical), oubliée pendant l'Union sacrée*. Les maçons socialistes ont grandement contribue à rallier la S.F.I.O. au Cartel, lors du congres de Marseille de janvier 1924» et on note l'intervention discrète pour régler les litiges électoraux, pour apaiser les conflits personnels et aider à la répartition des sièges. {Quelques listes composées de notables maçons radicalisants devaient « ratisser large »» et la maçonnerie incite la presse républicaine, en particulier régionale, à soutenir le Cartel; collecte de fonds par l'intermédiaire du Comité Mascuraud, dont le Secrétaire général du moment est l'ancien députe de l'Oise, Bouffandeau .

Il faut cependant relativiser le rôle des maçons dans l'organisation et la victoire du Cartel. Des frères, souvent élus locaux ou nationaux, refusent l'alliance électorale. En juin 1924, après la démission de l'ex-frère Millerand*« le frère buissonnier » Doumergue est d'ailleurs élu président de la République contre le profane Painleve, candidat du Cartel. in outre, le parti communiste, violemment anti maçonnique, reste en dehors du Cartel et enfin, au sein même de la l'extrême gauche non communiste, renaît un courant anti maçonnique incarne par l'anarchiste Lorulot * .

Malgré son retard sur le plan arithmétique {les Droites obtiennent 1 200 000 voix de plus que la gauche cartelliste), le .système électoral permet au Cartel de l'emporter en nombre de sièges (327 contre 228 à la droite et 26 aux communistes). Après la victoire électorale et la formation du cabinet Herriot, dans lequel siègent six frères dont Chautemps*, des voeux affluent à la fois auprès des obédiences et du gouvernement, pour demander l'application du programme électoral.

Le Grand Orient fait tirer à 10 0()0 exemplaires un communique invitant la nouvelle majorité à respecter ses engagements. Les maçons applaudissent aux premiers gestes symboliques du gouvernement comme l'amnistie de Caillaux et de Malvy, la révocation de quelques hauts fonctionnaires, le transfert des cendres de Jaurés au Pantheon (auquel s'associent quasi officiellement les obédiences), à l'extension du droit syndical aux fonctionnaires et à la création d'un Conseil national économique. Une large majorité de maçons approuve la reconnaissance de jure du gouvernement des Soviets (octobre 1924) et le rapprochement franco-allemand. Le consensus est plus difficile à faire sur la manière de régler la révolte du Rif menée par Abd el-Krim qui bénéficie de la sympathie active de quelques frères. Toutefois, le monde maçonnique est d'accord pour l'application zélée d'un programme de laïcisation. Le relus (ou l'impo9sibilite} du gouvernement d'appliquer la Séparation en Alsace Lorraine* et de rompre les relations avec le Saint-Siège* provoque amertume et colère sur les colonnes*. Surtout, les maçons divergent sur la politique économique et financière à suivre. Lorsque le cabinet Herriot est renverse par le Sénat, le 10 avril 1925, les deux tiers des loges franc,aises adressent à l'ancien président du Conseil des messages de sympathie.

Le cabinet Painlevé, forme le 17 avril, compte sept frères. La signature du pacte de Locarno (16 octobre 1925) est le dernier acte du Cartel à bénéficier de l'appui Cou de la sympathie) d'une très large majorité de maçons. Une loge du Grand Orient est d'ailleurs créée sous le titre distinctif de Locarno, l'année suivante.

Les critiques sont de plus en plus vives envers les huitième, neuvième et dixième ministères Briand (3 décembre 1925 17 juillet 1926}, et l'échec définitif du Cartel, après l'éphémère second cabinet Herriot (19-21 juillet 1926), provoque une vive déception.

Dans les années qui suivent, il se trouve de plus en plus de voix, aussi bien à la Grande Loge (A. Coen, M. Dumesnil de Gramont*, C. Riandey*) qu'au Grand Orient (J. Brenier, A. Groussier), pour s'opposer à toute participation directe des obédiences au combat politique stricto sensu et pour prôner un recentrage philosophique },.
Y. H.M.
CASANOVA
Giovanni-Jacopo de Seingalt (Venise) 1725-Dux, 1798) Le célèbre aventurier italien est surtout connu par des mémoires sulfureux (Histoire de ma vie), dont le destin posthume fut aussi une aventure} puisqu'il fallut attendre les années 1960-1962 pour en connaître la version intégrale. Mais on lui doit aussi divers textes qui ne manquent pas d'intérêtt dont un roman utopique publie à Prague en 1788 (Isocaméron ou Histoire d'Édouard et d'Élisabeth qui passèrent quatre-vingt-un ans chez les Mégamicres). Homme de son siècle, Casanova à parcouru l'Europe dans IOUS les sens et rencontre les meilleurs esprits du temps. Comme beaucoup de ses contemporains, il se fit franc-maçon. Quand et où fut-il reçu en loge* ? On ne dispose que du témoignage de Casanova lui-même: « Un respectable personnage que j'ai connu chez M. de Rochebaron, me procura la grâce d'être admis parmi ceux qui voient la lumière. Je suis devenu franc-maçon apprenti*. Deux mois après, j'ai reçu le second grade* et, quelques mois après le troisième, qui est la maîtrise. C'est le suprême. Tous les autres litres que dans la suite du temps on m'a fait prendre sont des inventions agréables, qui quoique symboliques n'ajoutent rien à la dignité de maître. ,» On peut conjecturer que Casanova à été reçu maçon à Lyon* en 1750; fin avril, il devient compagnon* à Paris, dans la loge du comte de Clermont, enfin, début 1751, il est exalte à la maîtrise (maître*). La rapidité des augmentations de salaire ne doit pas surprendre et fait partie des usages du temps, puisque alors la maçonnerie n'était pas considérée comme une société à «initiatique », mais d'abord comme une forme originale de sociabilisation rassemblant des elites-ce que Casanova explique avec un certain cynisme dans ses mémoires: « Tout jeune homme qui voyage, qui veut connaître le grand monde, qui ne veut pas se trouver inférieur et exclu de la compagnie de ses égaux dans le temps où nous sommes, doit se faire initier dans ce qu'on appelle la franc-maçonnerie, quand ce ne serait que pour savoir au moins superficiellement ce que c'est. », L'appartenance à une loge constitue donc un laissez-passer international dont on à la preuve que Casanova à use et abuse: à Amsterdam, fin 1759, quand il est reçu par la loge des diamantaires (La Bien-Aimée), mais aussi à Vienne, en 1783, quand il rencontre [)a Ponte et participe à la rédaction du livret de Don Giovanni, à Paris ou il se lie avec Benjamin Franklin*... Finalement, on sait qu'il mourra à Dux, chez le frère comte de Waldstein qui l'avait recueilli... Ajoutons que la plupart des souscripteurs de son Isocaméron étaient des francs-maçons, de sorte que son oeuvre donne une idée exacte des réseaux maçonniques qui s'étaient tisses dans l'Europe des lumières, même si Casanova ne figure pas parmi les esprits les plus éclaires de son temps (le prince Charles-Joseph de Ligne disait plaisamment de lui: « il n'y à que ses comédies qui ne soient pas comiques; il n'y à que ses ouvrages philosophiques ou il n'y ait pas de philosophie: tous les autres en sont remplis »»). Il reste que son oeuvre, parfois pesante, doit se lire comme un document, un témoignage, dont la maçonnerie reste, après le libertinage, I' index le plus voyant.
Ch. P.
CATÉCHISME
Les premiers catéchismes apparurent en Écosse*, sous l'aspect d'un simple feuillet ou d'un opuscule de quelques pages. En une quinzaine de questions-réponses, ils permettaient de s'assurer de la connaissance, par l'impétrant, du mot du maçon, ensemble des signes*t mots et attouchements caractéristiques de l'appartenance au métier. Entre la première mention, e,n 169G, dans le Manuscrit des Archives d'Edimbourg*, et 1730, date à laquelle paraît Ta synthèse de Samuel Prichard, La Maçonnerie dissèque, seize textes peuvent être rattaches à cet ensemble de témoignages sur les pratiques rituelles de cette époque charnière. Ce sont neuf manuscrits {Edinburgh Register House Ms., 1696; Chetwode Crawhey Ms., vers 1700, Sloane Ms. 3329» vers 1700; Damfries n° 4 Ms., vers 1710; Trinizy Col/ege, Dublin, Ms. 171 1; Kevan Ms., vers 1720, Iristitution of Free Masons, vers 1725; Craham Ms. 1726; Wilkinson Ms., vers 1727) et sept versions imprimees (A Mason's Examination, 1723; 777e Crand Mystery of Free-Masoz7s Discover'd, 1724; 77e Whole Institutions of Free-Masons Opened, 1725; The Crand Mystery Laid Open, 1726; à Mason's Confessiorz, 1727 [ ? ]; Ehe Mystery of FreeMasonry, 1730; Prichardis Masonry Dtssectedw 1730). Au-delà de l'apparente hétérogénéité de ces textes, Knoop, Jones et Hamer (1943) se sont accordes pour distinguer quatre groupes:
1- le Manuscrit des Archives d'Edimbourg et le manuscrit Chetwode Crawley, rattaches à la tradition opérative écossaise de la fin du XVIIe siècle ou prédominaient tuilage et transmissions des mots appropries;
2- « La Confession d'un maçon », qui décrit les pratiques opératives écossaises de la première décennie du XVllle siécle,
3- Un ensemble central, qui insiste sur certains aspects des cérémonies en usage chez les maçons acceptes* ou spéculatifs durant les trente premières années du XVllle siècle, où transparaissait un intérêt croissant pour l'architecture et le symbolisme de la loge;
4 - La Maçonnerie dissèquée, qui établit une nette distinction entre trois grades* (apprenti * entre, compagnon * et maître*), laquelle s'imposa avec l'adoption définitive de la légende d'Hiram* .

A partir du deuxième tiers du XVllle siècle, ces textes pionniers virent leur influence supplantée par les Pocket Companions* et les traductions des premières divulgations françaises.
Fr. D.