ENCYCLOPÉDIE DE LA FRANC-MAÇONNERIE


01 type_Document_Title_here BEQUET DE VIENNE,
BERNADOTTE
BERNARDIN
BESANT
BIBLE
BIJOUX
BLANQUISME
BLATIN Antoine
BLEU

BEQUET DE VIENNE,
Marie, née de Vienne {Paris, 1854-Hermanville-surmer, 1913) Issue d'une très ancienne famille de grands bourgeois bourguignons acquis aux idées de la Révolution, Marie Bequet de Vienne est traumatisée dès sa jeunesse par les nombreux morts de la Commune de Paris*. Après avoir épousé un libre penseur et conseiller d'Etat Léon Bequet, elle se lance dans le militantisme social et crée de nombreuses oeuvres durant 40 ans.

Républicaine laïque, elle ouvre en 1876 un refuge de 32 lits réservé à l'accueil des mères célibataires dans le XIVe arrondissement de Paris. Peu après, elle récidive: un deuxième refuge (de 64 lits) est ouvert dans le XVIIe arrondissement. Veuve à 37 ans, sans enfants, elle poursuit inlassablement la mise en place de ses oeuvres de bienfaisance en s'appuyant sur l'aide financière de généreux donateurs. Elle a également le soutien politique de son ami Georges Martin* qui obtient pour ses oeuvres une subvention du conseil municipal de Paris et des fondatrices du Droit Humain*: Clémence Royer* et Marie Georges-Martin*, l'épouse du docteur. Parmi les nombreuses oeuvres qu'elle anime, on doit remarquer son programme d'aide aux futures mères et aux femmes en couches, puis une société d'allaitement maternel et un refuge ouvert pour femmes enceintes, la création d'une société de, solidarité à l'enfance. Des ministres d'Etat (Jules Ferry*, Jules Simon, les présidents Loubet et Poincaré !) manifestent publiquement leur admiration pour son action sociale. On est donc peu étonné de la retrouver, en février 1892 et mars 1893, parmi les invités réunis par Maria Deraismes* en son domicile du XVIIe arrondissement de Paris. Elle est jugée digne de recevoir l'initiation* maçonnique, avec Clémence Royer, Marie Georges-Martin et Anna Feresse-Deraismes, la sœur de Maria. Le 14 mars 1893 a d'ailleurs lieu la première tenue* de la première loge* du Droit Humain chez elle: elle est initiée au grade d'apprenti*, avec onze autres femmes (Clémence Royer, Anna Feresse-Deraismes, Louise David, Marie Pierre, Marie Georges-Martin, Julie Pasquier, Eliska Vincent, Florestine Mariceau, Myrtille Reugnet, Charlotte Duval, Maria Martin) et un homme (Maurice Lévy). C'est Maria Deraismes en personne qui officie, avec Georges Martin à ses cotes. Les membres de ce groupe sont reçus compagnons* le 24 du même mois, puis maîtres le ler avril. Marie Bequet est également élue première surveillante dans le premier collège d'officiers présidé par Maria Deraismes. C'est elle qui prête ses locaux du 33, rue Jacob, à Paris, pour que la nouvelle loge du Droit Humain puisse se réunir régulièrement la première année. En 1896, elle crée une troisième loge à Rouen: elle en est vénérable* pendant 4 ans. C'est encore elle qui prononce l'éloge funèbre de Maria Deraismes. Marie Bequet de Vienne meurt le 25 septembre 1913, a 59 ans I. M .
BERNADOTTE
Charles Jean-Baptiste (Pau, 1763-1844) Républicain convaincu, jacobin puis maréchal d'Empire* et enfin roi de Suède, Bernadotte a une ascendance tout entière béarnaise. Son père, procureur du roi, le destinait aussi à une carrière juridique, mais, à la mort de ce dernier Charles s'engage comme soldat, le 3 septembre 1780, au Royal Marine auquel il appartient jusqu'à la Révolution* .

Pendant les années de la fin de l'Ancien Régime, ses liens réels avec la franc-maçonnerie restent incertains. Il aurait été officier d'honneur du Grand Orient* et, en 1785-1786, on le dit initié à La Tendre Fraternité mais les archives* de cette loge ont disparu. Une réelle amitié avec un aristocrate franc-maçon commandant le Royal Marine, le marquis d'Ambert, plaide cependant en faveur d'une initiation* possible. En outre, par deux fois avant sa carrière suédoise, il utilise une signature* maçonnique (le 2 pluviose an V quand il paraphe le Serment de haine à la royauté et à l'anarchie, puis en 1808) .

Reste sergent-major en 1788, la Révolution favorise son ascension. Son talent et son courage lui permettent d'être lieutenant en 1792, capitaine en 1793, colonel en avril de la même année puis, grâce à la protection de Kléber, major-général en octobre 1794. Envoyé en Italie en 1797 il gagne la confiance de Bonaparte* qui, le considérant comme « un des amis les plus solides de la République », lui confie la mission d'assurer la liaison entre le futur empereur et les membres du Directoire décident à éliminer le danger royaliste par le coup d'Etat du 18 fructidor. Pour le remercier, le Directoire lui offre l'ambassade de Vienne, mais il y reste peu de temps. En effet, à la cour de l'empereur, il arbore les trois couleurs frappées de la devise républicaine ! A son retour, il est envoyé commander l'armée du Rhin, mais son commandement lui est retiré à la suite des revers subis. Il regagne Paris, rejoint les généraux républicains et les néo-jacobins Apres le coup d'État du 18 prairial an VII (6 juin 1799), il devient ministre de la Guerre et fait preuve d'un autoritarisme et d'une ambition qui inquiètent le régime. Son jacobinisme provoque bien des soupçons et il est « démissionné ». Entre-temps, il a épousé Désirée Clary et est devenu le beau-frère de Joseph Bonaparte qui avait épousé Julie, la sœur de Désirée. Parce qu'il est opposé au 18 Brumaire, Bonaparte lui offre l'ambassade des Etats-Unis mais, la guerre reprenant, il lui confie le commandement d'un corps d'observation en Allemagne. C'est à ce moment qu'il noue des liens avec les Suédois; il en profite aussi pour s'enrichir en spéculant à la Bourse de Hambourg. Bien que maréchal dès la première promotion des maréchaux d'Empire (1804) et prince de Ponte Corvo (1805), son attitude inquiète l'Empereur qui le croit usé, seulement intéressé par l'argent et les plaisirs. En fait, il commence à jouer un jeu personnel. Son attentisme à Iéna (1807) décide Napoléon à lui enlever son commandement. Bernadotte renoue alors avec ses amitiés suédoises et se fait élire par la Diète.

Prince de ce pays et héritier du trône (en août 1810), sa position politique nouvelle le place de plain-pied en contact avec le monde de la franc-maçonnerie, au plus haut niveau. La maçonnerie suédoise a effet placé ses activités sous la protection des Vasa depuis le règne d'Adolphe Frédéric (1710-1771). Bernadotte est donc conduit à devenir Grand Maître de la maçonnerie suédoise et il exerce d'ailleurs cette fonction avant le décès de son père adoptif, Charles III (en 1818). Ce dernier a en effet résigné cette charge dès 1911 au profit de son héritier. A ce moment Bernadotte se comporte en ennemi ouvert de son ancienne patrie. Allié au tsar Alexandre, il a un rôle décisif à Lützen (1813). Il obtient de la Sainte-Alliance l'union de la Couronne de Suède et de Norvège.

Apres l'invasion de la France, il se propose comme l'alternative à Bonaparte et aux Bourbons, mais la Russie* et Talleyrand refusent. Il demeure dans son royaume de Suède et de Norvège, où il règne de 1818 a 1844. Devenu Charles XIV de Suède, il est « par la force des choses», en 1818, le Grand Maître de la franc-maçonnerie suédoise avec, Charles III étant décédé, le titre de vicarius Salomonis. C.L.B.
BERNARDIN
Charles (Plombières, 1860-Metz, 1939) Elevé par un père républicain et par une mère catholique Charles Bernardin entreprend des études à Epinal puis à Strasbourg avant de les poursuivre au Lycée de Nancy. Sa formation en droit lui permet d'embrasser la carrière notariale à Beine, puis à Epinal. C'est dans cette ville qu'il est initié, le 6 mars 1892, à la loge* La Fraternité Vosgienne: il en est dès la première année, le secrétaire puis le trésorier. En 1894, il vient résider à Nancy. Disposant d'une honnête fortune, il est inscrit en qualité de « rentiem» sur les registres de la loge Saint-Jean de Jérusalem, où il a sollicite et obtenu son affiliation le 7 janvier 1895. A partir de cette date, il s'engage dans une activité maçonnique concernant à la fois les relations franco-Allemandes, l'affaire Dreyfus* et l'anticléricalisme.

Confronté de très près à la question de l'Alsace-Lorraine*, Bernardin devient la cheville ouvrière de la réconciliation entre les maçons des deux pays, dont les relations étaient rompues depuis 1870. Son action commence en 1896, quand il représente son atelier à la fête solsticiale de la loge Les Enfants de la Concorde Fortifiée à l'orient de Luxembourg. Il parle alors des «maudits Allemands » dans un rapport confidentiel adressé au Grand Orient*. Cependant, son attitude évolue rapidement: en 1900, à l'initiative de Joseph Junck, vénérable* de la loge de Luxembourg, il met la main dans celle du frère Ludwig, un médecin militaire qui est alors vénérable de la loge allemande Zum Tempel des Friedens de Metz.

Le 8 février 1904, une seconde étape est franchie quand il assiste officieusement à une tenue* de la « loge ennemie », ce qui lui vaudra une vive opposition dans sa loge, notamment de la part de frères alsaciens expatriés. C'est le cas de Krug, l'ancien vénérable. Mais cela n'arrête pas une action qui prend de l'ampleur: le 7 juillet 1907 avec le frère Riess, vénérable de la loge Zur Treue de Colmar, il organise avec succès la première manifestation publique qui se tient au col de la Schlucht. Plus de 400 maçons français et allemands fraternisent à cette occasion et, sur sa proposition, décident de renouveler tous les ans une telle manifestation.

A Bâle, en 1925, c'est à son initiative que ces rencontres fraternelles sont relancées et, en mai 1928, ses efforts permettent d'aboutir à l'organisation d'une réunion à Verdun! Mais, avec la montée du nazisme*, l'entreprise de Bernardin est anéantie. Amer, on l'entend dire au Conseil de l'Ordre « Ces francs-maçons de Heidelberg ont voué une haine féroce à tout ce qui se réclame de la France... » Malgré son échec final, l'action de Bernardin, qui a présidé régulièrement le Comite d'organisation des rencontres maçonniques internationales, a marque la maçonnerie d'outre-Rhin: affilié aux loges de Metz et de Strasbourg, il fut nommé membre d'honneur de plusieurs loges allemandes, telles Zur Treue à Colmar (24 juin 1909), Osiris à Sarrebruck (18 mai 1923), Badenia zum Forschritt à Baden- Baden .

Parallèlement, on le voit, avant le «J'accuse » de Zola, dans le camp dreyfusard alors que la maçonnerie montre globalement une attitude plus timorée. Le 10 mai 1897, il fait partie des officiers* de sa loge qui démissionnent en bloc après le rejet (les 24 mai et 14 juin) par celle-ci de la candidature d'un profane de confession juive, Forest. Bernardin est d'ailleurs le dernier à revenir sur les colonnes* du temple.

Enfin, Bernardin mène une action déterminée face aux cléricaux. Membre du Conseil de l'Ordre, il est en effet mis en cause nominativement par le député Guyot de Villeneuve lors de l'Affaire des Fiches*. En octobre 1904, ce dernier évoque l'une des fiches dont Bernardin était l'auteur. Après avoir adopté une position de repli, il passe à l'offensive. Il publie ainsi, dans Pour la République, une série d'articles sur les « Fiches cléricales » en défendant la légitimité de son action puis il ne cesse de signaler à l'attention de l'obédience* le comportement des officiers hostiles à la République... et les agissements qui trahissaient leurs sentiments favorables à l'Eglise. Il est vrai que son rejet du cléricalisme s'est manifesté déjà en 1903 quand, nommé juge de paix à Pont-à-Mousson il a pris l'initiative de décrocher le crucifix qui ornait la salle d'audience et de le remplacer séance tenante par un buste de Marianne. Amplifiée grâce au bruit fait par les « calotins » de la ville, «l'affaire» avait pris une ampleur nationale quand la loge nancéenne avait adressé un vœu au Grand Orient de France tendant à faire disparaître tous les emblèmes religieux des endroits ou l'on rend la justice. Relayé par un frère à la Chambre, la demande avait débouché sur le vote d'une loi.
Sous l'impulsion de la loge, la mesure était devenue également applicable dans les conseils de guerre et dans la Marine. Dans ce contexte, on comprend que Bernardin et sa loge soient devenus la cible des cléricaux lors de la mise en place tumultueuse des dispositions de la loi relative à la séparation des Eglises et de l'Etat (décembre 1905) dans une ville où les faits se déroulent dans une atmosphère de guerre civile. Opéré à la cathédrale de Nancy le l3 mars 1906, l'inventaire des biens se fait sous la protection de la troupe. De jeunes catholiques, menés par deux abbés au service de l'évêque de Nancy, Mgr Turinaz, l'un des chefs de file du catholicisme intégral, décident par représailles «d'inventorier » la loge située à quelques pas de là; le local est mis à sac, des objets et des documents volés... Bernardin intente alors un procès à la «cléricale » ville de Nancy, se porte partie civile contre les auteurs de cet assaut et fait apposer sur la façade du temple une plaque en marbre blanc sur laquelle on peut lire: « L'an 1906, le 13 mars, à l'heure où la République assurait la conservation des biens des Eglises malgré les catholiques, ceux-ci, conduits par deux prêtres ont violé pillé saccagé et tenté d'incendier la loge Saint-Jean de Jérusalem, Turinaz étant évêque et Beauchet maire de Nancy. »

Bernardin eut également une influence politique incontestable en Lorraine. Responsable en vue du mouvement républicain, il fonde la Fédération républicaine de Meurthe-et-Moselle dont il assume longtemps la présidence, puis le Cercle républicain de Pont-à-Mousson, des sections de la Ligue des Droits de l'Homme* de la libre pensée*. Il crée également un hebdomadaire au titre sans équivoque: Pour la République. Homme d'action, il a aussi laisse des écrits allant de l'histoire de la franc-maçonnerie à un livre sur les champignons qui fit autorité. Lors de ses obsèques, le Grand Orient, conscient des services rendus par ce frère à la forte personnalité mais plusieurs fois conteste, salue le courage dont fit preuve.
J.-C. C.
BESANT Annie
(Londres, 1847-Adyar 1933) Fille unique d'un homme d'affaires londonien, William Persse Wood, et d'Emily Mary Roche, Annie Besant reçoit une éducation privée dans le Royaume Uni et à l'étranger. Elle a ainsi comme préceptrice Miss Maryatt, la sœur du romancier Frederick Marryat (1792-1848). En 1867, elle épouse le pasteur Frank Besant, vicaire de Sibsey dans le Lincolns-hire (Jusqu'a sa mort en 1917) et jeune frère du romancier Walter Besant (1836-1901). De 1870 à 1873, Annie traverse une crise psychologique et religieuse qui l'amène à rejeter la foi familiale et à se proclamer athée. En 1873, elle quitte Sibsey et une séparation de biens et de corps entre elle et son mari est prononcée. Elle va vivre auprès de sa mère qui l'aide quand ses premiers travaux de plume se montrent peu rémunérateurs.

En 1874, elle adhère à la National Secular Society, association de libre pensée* présidée par le radical Charles Braudlaught (1833-1891). En 1875, devenue vice-présidente de la Secular Society. elle est sa principale collaboratrice au National Reformer. Elle publie un pamphlet, De la divinité de Jésus de Nazareth, par l'épouse d'un pasteur en exercice, puis elle édite avec Braudlaught Gospel of Atheism (1877). Pour avoir publié une brochure en faveur de la limitation des naissances les deux auteurs sont condamnes à six mois de prison ferme, mais Braudlaught parvient à faire casser la sentence et, en deuxième instance, une simple amende est prononcée. La même année, elle publie La loi de la population et réveille la Ligue malthusienne dont elle sera secrétaire générale. Elle rédige également un autre pamphlet, La Bible tombe-t-elle sous le coup de la loi ? Par ailleurs, éveillée depuis sa jeunesse par William P. Roberts (1806-1871), l'avocat des Trades Unions, aux questions politiques et sociales, elle participe à toutes les grandes batailles menées par les radicals, notamment à la manifestation de Trafalgar Square, dite Black Sunday (novembre 1877).

Dans la décennie 1880, ses liens avec Edwards Aveling (1849-1898}, professeur d'anatomie et de biologie comparée au London Hospital (1875-1882), la conduisent vers le socialisme. Fascinée par Louise Michel*, elle adhère à la Fabian Society, par l'intermédiaire de George Bernard Shaw (1856-1950). Son activité est considérable. Membre du comite directeur de la Fabian Society (1886-1890), elle participe aux campagnes pour la liberté d'expression dites Free Speech (1886-1887). En 1883, elle fonde et dirige un journal Our Coroner, qui parait jusqu'en 1887 A l'automne, elle rompt avec Braudlaught à propos du socialisme puis en février 1888, elle lance et dirige un nouvel hebdomadaire, The Link. Elle se rend célèbre à la suite d'une série d'articles où elle dénonce les conditions de travail des jeunes ouvrières de la fabrique d'allumettes Bryant & Mayl dans l'East End, à Londres. En juillet, elle soutient d'ailleurs leur grève victorieuse. La même année, elle est élue par le quartier de l'East End au London School Board, sorte de conseil et de caisse des écoles londoniennes, et assiste au congrès international des syndicats réunis à Londres. L'année suivante, elle soutient activement la grève des dockers et assiste à Paris au congrès préparatoire de la deuxième Internationale.

Elle s'intéresse de plus en plus à l'occultisme, au surnaturel et aux spiritualités extra-européennes. Elle rencontre Elena Petrovna Blavatskaia (Mme Blavastky), la cofondatrice avec le colonel FI.S. Olcott de la Theosophial Society (Société Théosophique*) en 1875, tombe sous son charme et, en mai 1889, annonce sa conversion à la théosophie. Si elle milite encore pour le socialisme, Annie s'investit de plus en plus dans la Theosophical Society, écrit pour elle nombre d'ouvrages (Karma ou la Jusfice immanente, 1899; Le Pouvoir de la pensée, 1903; la Sagesse antique, 1905; Vers le Temple, 1906; Les Lois de la vie supérieure, 1911, Le Sentier du disciple,1913) et d'articles et tient de multiples conférences, seule ou avec son « médium » Charles Leadbeater (1847-1934) le futur évêque de la Liberal Catholic Church.

C'est au cours de cette période qu'elle entre en maçonnerie. Durant ses voyages ou lors de congres internationaux, Annie Besant avait côtoyé divers francs-maçons et, en 1902, présentée par Francesca Arundale* (la femme de George} à la famille Georges Martin*, elle est initiée dans la loge mère* n° 1 du Droit Humain*. La même année, elle fonde à Londres la loge n° 6 Humain Duty, dont elle devient vénérable* et d'où naîtra la fédération britannique du Droit Humain. En décembre 1903, la loge mixte Dharma, qu'elle préside, est allumée à Bénarès. Elle a découvert et aime ce morceau d'Empire en l893 (ou elle prétendra s'être plusieurs fois réincarnée) et elle s'est déjà impliquée à la fois dans le jeune mouvement nationaliste indien et dans l'amélioration du sort des enfants, notamment des filles. Ainsi, en 1899, elle a persuade le maharadjah de Bénarès de donner un site et des bâtiments pour fonder The Central Hindu College, auquel s'ajoutera en 1904 une école de filles. L'année suivante, de retour en Europe, elle contribue à l'érection d'ateliers en Angleterre, à Amsterdam, à Rome et, un an après, à Edimbourg*. En 1905, Annie Besant devient Grand Inspecteur Général (33°) et est admise au Suprême Conseil International Mixte. Elle devient aussi présidente de la Société Théosophique en 1907. Promue Lieutenant Grand Commandeur en 1909, elle réussit à faire ériger un important temple du Droit Humain indien, ainsi qu'une loge mixte à Adyar, près de Madras, puis en allume une autre à Colombo. Lors d'un nouveau séjour en Europe en 1911 où elle contribue au succès du défile des suffragettes à Londres (17 juin), elle pose la première pierre du temple maçonnique et théosophique de la capitale britannique (3 septembre). De retour en Inde, elle initie trois Australiens qui seront à l'origine de l'atelier de Sydney.

Engagements théosophique et maçonnique se mêlent étroitement. En effet, en 1911, ayant «découvert » le jeune Jiddu Krisnamurti (1895-l986) en qui elle a vu le grand instructeur spirituel, la réincarnation pour notre temps du seigneur Maitreya, elle fonde l'Ordre de l'Etoile d'Orient à Adyar, pour préparer son avènement. Durant ces années, elle joint à ses deux engagements majeurs la défense de la cause nationaliste en adhérant à l'Indian National Congress. Elle dispose de deux journaux (The Madras Standard devenu The New India et The Commonwealth) et fonde en 1916 la Home Rule for lndia League. En 1917, avec ses lieutenants George Arundale et l'Indien Wadia. Ses activités lui valent d'être assignée à résidence par les autorités britanniques. Libérée, elle a l'insigne honneur de présider la session 1917 de l'lndian National Congress mais, malgré ses efforts, Annie Besant demeure une Européenne qui parle le sanscrit des lettres mais peu l'hindi populaire. Ses ambiguïtés et son refus de condamner le massacre d'Amritsar (avril 1919) la font exclure du parti du Congrès qui est pris en charge par Gandhi, avec lequel elle sera souvent en désaccord idéologique et tactique. Malgré cela, elle tente par l'intermédiaire des députés du Labour Party de faire aboutir son projet de Home Rule pour l'Inde. En 1925, il est adopté en première lecture par la Chambre des communes... mais le contexte politique l'empêche d'aller plus loin. Très affaiblie à partir de 1931 Annie Besant meurt en l933 et est incinérée.
Y. H.M.
BIBLE
1.La Bible,« lumiere » de la maconrierie
II. La Bible, source principale du fonds maconnique


La Bible joue un rôle fondamental dans la maçonnerie soit comme «lumière»,« meuble » ou «volume de la Loi sacrée », soit comme source directe (ou indirecte) des légendes, personnages et «mots » maçonniques.
1.La Bible,« lumière » de la maçonnerie

Majoritairement, les membres des corporations et métiers avaient coutume de prêter serment sur la Bible. En France, Etienne Boileau dans le Livre des métiers (1268) indique que l'apprenti* jure sur les saints Evangiles. En Angleterre, les ordonnances des maçons d'York (1352) précisent que le maçon doit « jurer sur Bible ». Le Regius (1390) est plus vague tandis que le Cooke (1410) cite plusieurs fois la Bible sans mentionner le serment* . Dans la maçonnerie naissante, la Bible (associée à l'Equerre et au Compas} entre dans l'une des deux triades fondamentales (l'autre étant constituée par «le Soleil, la Lune et le Maître de la Loge») Cette triade va être très rapidement qualifiée de « Grandes Lumières* ». Ce sera l'usage dans la Grande Loge de Londres (dite plus tard des Modernes*). Ainsi, dans Masonry Dissected (1730) de Samuel Prichard, l'association Bible-équerre-compas est classée parmi les meubles (furnitures).

Dans la première moitie du XVIIIe siècle, la référence à la Bible ne peut être dissociée du contexte religieux des îles britanniques.

Trois points sont à noter. Premièrement, en terroir protestant, le canon juif est placé sur le même plan que le Nouveau Testament, dans la mesure où les Juifs sont le peuple auquel Dieu a «parlé». Aussi, dès 1732, trouve-t-on des Juifs* dans les ateliers londoniens. A quelques exceptions près, on ne rencontrera pas de discrimination à l'encontre des postulants juifs à l'initiation en Angleterre et dans les Provinces-Unies*. Ce sera totalement différent sur le reste du continent. Ensuite la Bible est la seule légitimité religieuse, bien qu'elle soit accessible au «libre examen », des fidèles; elle peut donc être l'objet de controverses. La pluralité des interprétations mène à une certaine tolérance et les Constitutions d'Anderson* pourront profiter de cela pour fonder le latitudinarisme. En même temps, on cherche un texte le plus exact possible et accessible à tous, donc traduit en langue vernaculaire. La jeune maçonnerie anglaise se réfère le plus souvent à l'Authorized Version ou King James Version, de 1611.

Cependant, durant tout le siècle, la Bible perd progressivement son statut de texte sacré. Quoi qu'il en soit, la présence de la Bible dans la maçonnerie anglo-saxonne, puis dans celle de l'Europe protestante, ne pose pas vraiment de difficultés. La France, au XVIIIe siècle, occupe une place à part dans les nations catholiques, car elle dispose de bonnes traductions des livres saints, notamment celle dite « de Sacy ». De plus, malgré le courant ultramontain « à l'espagnole », hostile aux traductions et à l'accès direct des fidèles au Livre, et les tenants de la Regula IV de l'Index qui permettent la lecture des textes sacrés aux seuls laïcs « capables » et autorisés par le clergé, les élites, dans lesquelles se recrutent les maçons, sont largement influencées par le jansénisme*, le gallicanisme et le «laïcisme doctrinal » (courant dont les adeptes veulent avoir accès à la Bible comme source directe d'informations en matière doctrinale et morale et même, pour les plus radicaux d'entre eux, pour en faire un moyen de contestation anticléricale). La présence de la Bible dans les loges* françaises ne posait pas vraiment de problème. Cependant, une relative sécularisation des esprits à la fin du XVIIIe siècle conduit le Grand Orient*, lorsqu'il fixe le Rite Français*, à faire prêter le serment du néophyte sur le livre de la Constitution (1786), montrant qu'on peut maçonner à la gloire du Grand Architecte* sans obligation biblique. Notons que le manuscrit Dumfries n° 4 (vers 1710) mentionnait déjà un autre ouvrage de référence (le Livre des constitutions d'Euclide), même s'il précisait que l'obligation devait être prêtée sur la Bible.

Entre-temps, dans la maçonnerie anglo-saxonne, vont progressivement s'imposer les systèmes maçonniques héritiers des Anciens*, qui considèrent la Bible comme une des Grandes Lumières. Ainsi The Three Distinct Knocks (1760) précise: « Lorsque la lumière vous fut donnée, quelles furent les premières choses que vous vites?- La Bible, l'Equerre et le Compas.-Que vous a-t-on dit qu'elles signifiaient ?- Les trois Grandes Lumières dans la maçonnerie. - Expliquez moi cela, mon frère.- La Bible pour diriger et gouverner notre Loi... »

Déjà le manuscrit Dumfries n° 4 avait classe la Bible parmi les trois « piliers » ou « colonnes* » de la loge, tandis que le manuscrit Wilkinson (vers 1727) qualifiera la même triade de «meubles».

Au milieu du XIXe siècle, la maçonnerie britannique accueille de plus en plus de membres non chrétiens et non juifs, notamment aux Indes*, et doit leur faire prêter serment sur les livres saints de leurs religions respectives. Ainsi apparaît l'expression Volume of the Sacred Law dont la Bible n'est désormais qu'une des versions possibles. Toujours obligatoire dans la maçonnerie «chrétienne », elle est considérée comme un symbole dans certaines obédiences* libérales ou «ésotériques » et sera supprimée (ou demeurera facultative) dans la maçonnerie agnostique. En France, aujourd'hui, fait nouveau depuis la fin des années l980, une bonne moitie des loges (toutes obédiences confondues) utilise la Bible (ou un autre « volume de la Loi sacrée »)

Demeure une dernière question: à quelle page faut-il ouvrir la Bible? Le premier rituel connu, la Masonry Dissected (1730), fait état d'un serment prêté sur la Bible, ouverte au chapitre premier de l'Evangile de Jean. On trouve déjà des preuves de cet usage dans la maçonnerie pré-andersonienne (manuscrit des Archives d Edimbourg, 1696): « Me voici, moi le plus jeune et le dernier apprenti entre, qui ai juré par Dieu et saint Jean... »

La divulgation du lieutenant de police de Paris R. Herault (1737-1738) et le procès-verbal de la descente de police à l'hôtel de Soissons (Paris, 8 juin 1745) prouvent que ces habitudes avaient également cours dans la jeune maçonnerie française.
Cet usage va se généraliser, comme le montre l'instruction du Rite Ecossais Rectifie*, rédigée en 1809 par Willermoz* Il est demeuré largement majoritaire dans le monde maçonnique, du moins pour le grade d'apprenti. Pour les deux degrés suivants, il n'y a pas d'usage clairement établi comme le montre The Three Distinct Knocks (1760), qui fait état de trois obligations mais sans mention de support biblique. Une tradition se crée alors Ainsi, dans le Webb-Preston-Work (1797) le premier grade doit utiliser le Psaume 133, le deuxième Amos 7, et le troisième l'Ecclésiaste 12. Une Grande Loge américaine prescrit même d'ouvrir la Bible au hasard, tandis que l'Américain Harvey N. Brown conseille de le faire au premier chapitre de l'Evangile de Jean (1°), au verset 6 du premier Livre des Rois (2°) et a l'Ecclésiaste 12 (3°). Dès le XVIIIe siècle, la légende hiramicosalomonienne (et/ou la volonté de recevoir des Juifs) a conduit certaines loges à préféré l'ouverture de la Bible au premier Livre des Rois (chap. 5 ou 8).
II. La Bible, source principale du fonds maçonnique

On peut estimer grosso modo que les deux tiers des mots sacrés et des mots de passe*, des titres des officiers*, des personnages des légendes maçonniques des devises et des acclamations, sont d'origine biblique
Les sources scripturaires de la franc-maçonnerie sont principalement veterotestamentaires. Si l'on suit la « chronologie » biblique, on trouve plusieurs dizaines de figures de l'Ancien Testament à l'origine de très nombreux personnages ou « mots » maçonniques. Loin d'être exhaustifs, citons Adam que quinze auteurs voient comme vénérable* de la loge* sise à l'orient de l'Eden, Eve dans le rite d'Adoption*, Tubal-Cain, Enoch, Nemrod, « Phaleg », Abraham, Loth, Jacob et sa fameuse échelle, Joseph, Bethsabée. Ohaliah, Esdrast Nehemie, Judith ou Ezéchiel. Certains jouent un rôle plus déterminant comme Noé. Dans la deuxième édition des Constitutions*, Anderson rappelle que le maçon doit se conduire en « vrai noachite ». Le pasteur précise également que l'Arche* fut « fabriquée selon la géométrie et d'après les règles de la maçonnerie». De plus, la légende noachique rapportée par le manuscrit Graham va servir en partie de matrice au mythe d'Hiram*. Il en est de même pour Moïse, assez régulièrement évoqué dans les O!d Charges*, le rite d'Adoption et plusieurs degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepte*. S'ajoutent les deux thèmes mosaïques de la construction du Tabernacle et du serpent d'airain. Mais, bien sur, les deux personnages bibliques omniprésents dans la thématique maçonnique sont le roi Salomon et Hiram. Les textes des Rois et des Chroniques fournissent une foule de détails à la symbolique maçonnique, notamment à l'architecture du temple* et aux colonnes. Ils sont à la base du grade* de maître, mais les légendes hiramico-salomoniennes se poursuivent jusqu'au 14º du Rite Ecossais Ancien et Accepte, et même de manière plus discrète dans quelques grades chevaleresques (26°)« Avant » le Temple de Jérusalem, c'est la tour de Babel* qui inspire divers aspects du corpus maçonnique. La construction du Temple est le thème central des 15°, 16° et 20° du Rite Ecossais Ancien et Accepte. Elle est également présente, de manière plus discrète, dans Régime Rectifie (Maître Ecossais de Saint-André) et la franc-maçonnerie des hauts grades anglaise (exaltation au Royal Arch) . L'Ancien Testament se retrouve également en maçonnerie par des lieux géographiques ou des villes (Gabaon, Babylone), des mots (Balthazar), des expressions et des acclamations (Alléluia), des titres (Athirsata), des nombres (2, 4, 7, 12 par exemple), des végétaux (acacia*), des expressions linguistiques (Schibboleth), des récits, sans compter les noms de Dieu (Adonaï, Jéhovah, lod).

Le Nouveau Testament est surtout présent par les deux Jean, le Baptiste et plus encore l'Evangéliste. André occupe une place importante, notamment au 4° du Régime Rectifié et au 29º du Rite Ecossais Ancien et Accepte. Le Baptiste enseigne comment se préparer à recevoir la Lumière, tandis que l'Evangéliste est celui dont les effets s'opèrent en lui: « Le Verbe était la vraie lumière qui en venant dans le monde, illumine tout homme» (Jean 1, 9). Si les trois autres évangélistes sont très présents par leur texte, les autres apôtres (sauf Pierre et Thomas) sont plus discrets dans le corpus maçonnique. Peu présent ailleurs, Jésus est toutefois la figure centrale du grade de Rose Croix*. Les références bibliques donnent à ce degré sa densité neotestamentaire (foi-espérance-charité, Nazareth-Raphaël Juda, INRI, Emmanuel-Pax vobiscum, signe du Bon Pasteur, sans compter la Cène, et l'Agape du jeudi saint) que les réécritures successives, notamment en France aux XIXe et XXe siècles, ont du mal à effacer. Le thème de la Jérusalem céleste (notamment dans la maçonnerie « chrétienne ») est l'accomplissement des «mystères » maçonniques. Enfin, la maçonnerie a emprunte au Nouveau Testament, notamment à l'Apocalypse, des mots, des objets (les sept chandeliers), des lieux (Nazareth), des personnages (la veuve), des gestes (les trois coups}, des ateliers (Boulomie = archiloge), des expressions (Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie), des animaux (agneau*, coq*), sans oublier tout ou partie de certains récits évangéliques, comme le thème de la pierre rejetée (Matthieu 21, 42; Marc 12, 10; Luc 20, 17).
Y. H.M.
BIJOUX
Expression dont les frontières restent floues, le terme « bijoux » désigne à la fois les insignes portés par les officiers* des collèges des loges où les frères inities aux hauts grades*, mais aussi les objets spécifiques proposés à la méditation des frères lors de l'initiation*.

Apparus dans cette perspective dès la rédaction des premiers manuscrits (Edinburgh Register House Ms. 1696) et des premières divulgations, le terme est lié à la traduction française de jewel, qui signifie aussi bien le «bijou » que le « joyau ». Même si ce dernier, en désignant plus la valeur que la matière en elle-même, est sans doute plus proche du contexte originel dans lequel les premiers textes emploient le terme, c'est cependant bien le mot « bijou » qui s'est imposé. Offerts à la méditation des initiés, ces bijoux peuvent être qualifiés de mobiles ou d'immobiles. Les premiers regroupent invariablement l'équerre* et le niveau*; de manière moins systématique, le perpendiculaire* ou le fil a plomb. Ce sont la les attributs du vénérable* et des surveillants dont ils ornent leurs sautoirs*. Ces bijoux, en raison de la règle de la rotation des offices, passent donc d'un frère à l'autre, d'où leur mobilité. Les bijoux immobiles sont les pierres* cubiques et brutes et les planches à tracer, c'est-à- dire les objets qui correspondent aux trois grades bleus (apprenti*, compagnon* et maître*). Des pavements peuvent toutefois s'intégrer dans cet ensemble.

Sans idée de spéculation, les bijoux dont sont parés les frères porteurs des hauts grades et les officiers, et dont les origines incertaines sont sans doute à situer du coté de l'equestromanie régnante au sein de cette forme de sociabilité aristocratisée et militarisée au XVIIIe siècle, évoquent les thèmes des grades et les fonctions dont les frères sont détenteurs. Deux plumes ou deux clefs croisées pour le secrétaire et le trésorier, l'aumônière ou la bourse pour l'hospitalier, le glaive et la lyre pour le couvreur ou l'harmoniste, les bijoux accolés aux différents offices sont le plus souvent invariablement représentés même si quelques rites, notamment le Rite Emulation, offrent une certaine originalité dans les représentations de ceux-ci.
E. S.
BLANQUISME
A la différence de Barbès, il n'est pas certain qu'Auguste Blanqui ait été maçon On trouve seulement son nom parmi les signataires, en 1830, de la souscription que Les Amis de la Vérité organisent pour édifier un monument aux quatre sergents de La Rochelle.
Toutefois, les disciples de l'Enfermé vont entrer, en grand nombre, dans les loges* après la formation du mouvement, en 1864. Ils adhèrent notamment à L'Avenir*, à L'Union Parfaite de la Persévérance (Ernest Bataille, Anatole Derouilla, François Viette, Louis Virtely, Emile Villeneuve. Théodore Brisson et le baron de Ponnat), à La Renaissance (Arthur Ranc, Germain Casse, André-Saturnin Morin et Albert Regnard), à L'Acacia (Juvet, l'imprimeur de Candide). Au Rite Ecossais*, ils figurent sur les registres de L'Ecossaise 133* (Emile Eudes et Henri Villeneuve), de L'Alliance Fraternelle (Eugène Protot, Henry Granger), de La Ligne Droite (Gabriel Ranvier), des Ecossais Inséparables (Louis Guillon, Charles Jeunesse)... Ainsi, des 18 membres du noyau blanquiste initial 9 furent francs-maçons. Dispersés au milieu d'autres républicains, ils ne semblent pas cependant avoir obéi à une consigne d'entrisme mais ont adhéré à des loges où ils retrouvent des amis de la libre pensée*. D'autres viennent en maçonnerie après l'amnistie des communards: Antoine Jourde, Alphonse Humbert , à La Ruche Libre, Caston da Costa en 1888, à Travail et Vrais Amis Fidèles.
La tendance restée fidèle au Vieux éclate. Eudes et Jourde sont boulangistes, Vaillant conduit le Comite révolutionnaire central qui passera à la S. F. 1. O. Si ce dernier est reste profane, deux de ses lieutenants, fondateurs de la Chevalerie de travail* ont rejoint la maçonnerie: il s'agit d'Octave Martinet et Emile Chauviere. Ce dernier fera de sa loge écossaise, La Fédération Maçonnique, qu'il implante dans le XVe arrondissement, un foyer révolutionnaire. Trois des six députés vaillantistes Sembat*, Lassalle et Poulain, ont également été maçons, mais tardivement.
A.C.
BLATIN Antoine
(Clermont-Ferrand, 1841- Paris, 1911) Antoine Blatin est une des personnalités les plus représentatives de la franc-maçonnerie sous la Troisième République. Ce Clermontois, alors étudiant, est initié à Paris à la loge L'avenir le 14 décembre 1864. Il retourne ensuite à Clermont où il enseigne à la faculté de médecine, est élu maire (1884), puis député du Puy-de-Dôme (1885-1889). Sa carrière politique est interrompue par la vague boulangiste.

Il réveille, en 1881, la loge* locale, les Enfants de Gergovje, dont il prend la présidence en 1882. Elu orateur au Convent* de 1883, il prononce le discours de clôture où il se livre à un vibrant éloge de la symbolique maçonnique. En 1884, l'article 1er de la Constitution de l'obédience* est à l'étude. Blatin y fit incorporer le troisième paragraphe suivant: « Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l'appréciation individuelle de ses membres, elle [la franc-maçonnerie] se refuse à toute affirmation dogmatique. » Ce paragraphe sera maintenu jusqu'a nos jours.

Il est désormais élu en permanence au Conseil, de 1884 à 1887, puis, après l'année de rémission, de 1888 à 1891. En 1892, il accède à la vice-présidence. Le président Thulié, gravement malade, se trouve contraint à la démission en novembre 1894 et Blatin assure l'intérim jusqu'au Convent de 1895 qui élit Lucipia*. Il dirige donc l'obédience dans le contexte postélectoral de 1893, où la maçonnerie élabore un programme destiné à la maintenir "à la tête de l'armée républicaine". Outre "l'écrasement définitif du cléricalisme", il inclut la reprise des monopoles, l'impôt progressif sur les successions en ligne directe, la suppression de l'héritage en ligne collatérale, I'assistance publique intégrale, organisée de façon à assurer à tout homme, incapable de gagner sa vie, la satisfaction de son minimum de besoins. Blatin s'inscrit, en 1894» aux Vrais Amis à Paris (la loge du « traître » Bidegain), en prend le premier maillet de 1896 à 1911. En 1895, il publie ses célèbres rituels maçonniques d'adoption* et de reconnaissance conjugale où il explique que les époux sont unis par un contrat humain, librement consenti qui a pour but la conservation de l'espèce humaine. Du « libre jeu des attractions affectives » et de la pratique de la solidarité sociale, il attend une amélioration des générations futures. Il est également l'auteur de rituels pour pompes funèbres et pour tenues* blanches, d'une brochure sur le droit des minorités électorales, et comme médecine des «causeries d'une accoucheuse » destinées à prévenir les accidents.

Après un court répit, il est réélu au Conseil de 1898 à 1901, puis de 1902 à 1905 et de 1906 à 1909. Rose-Croix* en 1885, membre du Grand Collège en 1888, il en devient. en 1901, le Grand Commandeur. Il invite tes chapitres et les conseils philosophiques à être les « écoles normales de l'ordre » et à veiller à l'éducation maçonnique. Il définit, en rationaliste, le symbolisme comme un signe de ralliement, mais aussi comme un procédé d'éducation philosophique, l'emblématisation de vérités morales. Il demande aux ateliers supérieurs de se pencher sur les traditions rituéliques du grade d'apprenti*.

Il préside le Convent de 1898 qui prend, à l'unanimité, position en faveur de Dreyfus et celui, tout aussi combatif, de 1902 Il aura l'intelligence d'accepter l'incorporation, au sein du Grand Orient*, du Rite Ecossais Rectifie*, de facture chrétienne, mais il en laïcise le rituel, remplaçant la prière préliminaire par « un prélude non dogmatique » explicitant la référence au Grand Architecte de l'Univers* (19l0). D'autres modifications apportées ensuite par son successeur Gaston Bouley feront échouer cette expérience. Blatin sera incinéré.
BLEU
Cette couleur est associée largement à la symbolique maçonnique, notamment au grade* de maître*. Lorsque ce dernier commence à se démultiplier en degrés supérieurs (Maître Secret, Maître Parfait, etc.}, on appelle parfois «maître bleu » le 3e grade symbolique. De cet usage vient sans doute l'expression « maçonnerie bleue » ou «symbolique », qui désigne l'ensemble des trois premiers grades (apprenti*, compagnon*, maître) de l'institution .

Le bleu est également la couleur rituelle dominante du Rite Français*, sans doute par imitation des ordres royaux de chevalerie, notamment celui du Saint-Esprit.

Dès le milieu du XVIIIe siècle, une abondante littérature a cherché à présenter, expliquer, justifier ou légitimer le bleu dans la symbolique maçonnique.
Tout le monde s'accorde pour admettre que le plafond de la loge*, symbole du cosmos, doit représenter la voûte azurée et étoilée.

L'interprétation de la présence du bleu dans les divers systèmes maçonniques est l'objet de débats plus ouverts. Ainsi Oswald Wirth* précise à propos de la deuxième marche bleue que doit gravir le futur compagnon: « Elle rappelle la purification par l'air et l'obligation pour l'initie de dégager le subtil de l'épais, le signifie du signifiant et l'esprit vivifiant de la lettre morte. »

Dans l'écossisme, le bleu, avec la même symbolique céleste, est également associe à divers hauts grades*. Ainsi au 4°, la bavette du tablier* et le sautoir* du Maître Secret sont bleus, bordes de noir. Au 12°, le cordon et la bordure du tablier du Grand Maître Architecte sont également de couleur bleue. Il en est de même pour le manteau du Grand Maître qui présidé la loge au 13°. On retrouve, selon certains tuileurs*, un petit ruban bleu, à cheval sur la bordure rouge, sans la couvrir et sur toute la largeur, sur le tablier de Grand Elu, tandis que d'autres documents précisent que ce sont la bordure et les cordons qui sont de couleur azurée. Une tenture aux coloris identiques décore le temple au 19° tandis que le futur Grand Pontife a le front ceint d'un bandeau bleu portant douze étoiles dorées. Au degré suivant, on trouve également l'association bleu-or dans la tenture et le cordon. Le futur Prince du Liban (22°) est reçu dans deux pièces dont la premier, dite collège, est bleue. Cette couleur est également celle de la robe de soie du Prince du Tabernacle (24°), du bonnet d'une partie de l'assistance du 28°, des sièges des Grands Ecossais (29° ). et du troisième appartement pour la réception d'un nouveau Kadosh* (30°). Y. H.M.