ENCYCLOPÉDIE DE LA FRANC-MAÇONNERIE


01 type_Document_Title_here BLEU
BLÜCHER
BODE
BOIS
BOISSY D'ANGLAS
BOLIVAR
BONAPARTE
BONS AMIS (Les)
BONS COUSINS CHARBONNIERS
BORDEAUX
BORN
BOSTON TEA PARTY
BOSWELL
BOTHWELL GOSSE
BOUCHET
BOULANGISME

BLEU
Cette couleur est associée largement à la symbolique maçonnique, notamment au grade* de maître*. Lorsque ce dernier commence à se démultiplier en degrés supérieurs (Maître Secret, Maître Parfait, etc.), on appelle parfois «, maître bleu », le 3' grade symbolique. De cet usage vient sans doute l'expression « maçonnerie bleue » ou «symbolique » qui désigne l'ensemble des trois premiers grades (apprenti*, compagnon*, maître) de l' institution.
Le bleu est également la cotilewir rituelle dominante du Rite Français* sans doute par imitation des ordres royaux de chevalerie, notamment celui du Saint-Esprit.
Dés le milieu du XVIIIe siécle, une abondante litterature a cherché à présenter, expliquer, justifier, ou légitimer le bleu dans la symbolique maçonnique.
Tout le monde s'accorde pour admettre que le plafond de la loge*, symbole du cosmos, doit représenter la voûte azurée et étoilée.
L'interprétation de la présence du bleu dans les divers systémes maçonniques est l'objet de débats plus ouverts. Ainsi Oswald Wirth* précise à propos de la deuxiéme marche bleu que doit gravir le futur compagnon: « Elle rappelle la purification par l'air et l'obligation pour l'initié de dégager le subtil de l'épais, le signifié du signifiant et l'esprit vivifiant de la lettre morte »
Dans l'écossisme, le bleu, avec la même symbolique céleste, est également associé a divers hauts grades*. Ainsi au 4°, la bavette du tablier* et le sautoir* du Maître Secret sont bleus, bordés de noir. Au 12° le cordon et la bordure du tablier du Grand Maître Architecte sont également de couleur bleue. Il en est de même pour le manteau du Grand Maître qui préside la loge au 13°. On retrouve, selon certains tuileurs*, un petit ruban bleu, à cheval sur la bordure rouge, sans la couvrir et sur toute la largeur, sur le tablier de Grand Élu, tandis que d'autres documents précisent que ce sont la bordure et les cordons qui sont de couleur azurée. Une tenture aux coloris identiques décore le temple au 19° tandis que le futur Grand Pontife a le front ceint d'un bandeau bleu portant douze étoiles dorées. Au degré suivant, on trouve également l'association bleu-or dans la tenture et le cordon. Le futur Prince du Liban (22°) est reçu dans deux piéces dont la premiére, dite collége, est bleue. Cette couleur est également celle de la robe de soie du Prince du Tabernacle (24°), du bonnet d'une partie de l'assistance du 28°, des siéges des Grands Écossais (29°), et du troisiéme appartement pour la réception d'un nouveau Kadosh* (30°).
Y. H.M.

BLÜCHER
Blucher.jpg - 172184,0 K Gebhard Leberecht von–, prince de Wahlstadt (Rostock, 1742Kneblowit Breslau, 18199 Blücher est issu d'une famille de petite noblesse polméranienne, le cadet de 7 enfants dont le père, un ancien capitaine de cavalerie. avait épousé une demoiselle von Bülow-. Blücher reçoit une éducation très succincte et s'engage à 15 ans dans l'armée suédoise Fait prisonnier en 1760 par les Prussiens, il termine la guerre de Sept Ans au service de Frédéric, devient lieutenant de hussards en 1761 et capitaine en 1771. Son goût du vin et du jeu semble avoir nui à son avancement. Il s'en plaint à Frédéric qui le fait mettre 9 mois aux arrêts, puis le renvoie de l'armée en 1773 avec la remarque:« Le capitaine von Blücher peut aller au diable.», Le roi ne revint jamais sur sa décision malgré les suppliques de Blücher. Celui–ci se consacre alors à l' agriculture et épouse la fille du colonel von Mehling. ll est reçu maçon le 6 février 1782 dans une loge* relevant de la Mère Loge* Aux Trois Globes, Augute zur goldenen Krone (Auguste à la Couronne d'or}, à Stargard, petite ville de Poméranie proche de Stettin.

Ce n est qu'aprés l'accession au trône de Frédéric Guillaume II (1786) que Blücher a;t autorise à reprendre du service. En 1787, il prend part, avec le grade de commandant, à la campagne de Hollande et devient colonel de son ancien régiment, les Hussards Rouges, en 1794. En 1799, il s'affilie à la loge Zum hellen Licht, à Hamm Général de brigade en stationnement à Emmerich en 1801 et 1802 il vite fréquemment la loge Pax inimica mab dans laquelle il fait initier ses deux fils, Gustave Siegfried et Franz Joachim Bernhard, et 9 de ses officiers.

En 1803, Blücher est nomme gouverneur militaire de la ville de Munster qui venait d 'être acquise par la Prusse ce qui amène la loge locale, Zu den drei Balken des neuen Tempels (Aux Trois Poutres du Nouveau Temple), à passer de l'obédience* de l'Alliance Éclectique à celle de la Mère Loge Aux Trois Globes. Celle-ci recommanda Blücher aux frères de Münster; il devient maître de la loge le 8 août 1802 et le reste quatre ans, pendant lesquels il dirigea personnellement 190 réunions, utilisant son sabre d'officiers en guise d'épée. La loge le nomme membre d'honneur en 1807.

Mis à la tête d'une armée de 15 000 hommes réunis à Bayreuth, il y est reçu par la loge Zur Sonne (Au Soleil) le 6 janvier 1806. Force de capituler et fait prisonnier à Ratkau (7 novembre 1806), Blücher devient ensuite l'un des dirigeants du mouvement patriote apres la paix de Tilsitt. Son commandement lui est retiré en 1811 par Napoleon Bonaparte* en raison de ses liens avec Scharnhorst et Stein, mais dés le début de la guerre de libération, il est place en 1813 à la tête de l'armée de Silesie. En avril, quelques jours avant la bataille de Lützen, il passe plusieurs heures avec Gneisenau et Scharnhorst à la très ancienne loge Archimedes d'Altenburg qui le nomme membre d'honneur.

Vainqueur de Marmont à Möckern (ce qui lui vaut d'être promu maréchal et surnommé maréchal En Avant} et de Napoléon à Leipzig, il entre dans Paris en mars 1814. Frédéric Guillaume III le crée prince de Wahlstadt le 3 Juin. à son retour du front, la Mère Loge Aux Trois Globes organise un banquet* en son honneur à Berlin, le 21 août. ll se retire alors en Silésie. Rappelé au moment des Cent Jours, il est avec Wellington l'un des vainqueurs de Waterloo; il entre de nouveau à Paris, le 7 juillet 1815. 11 devait mourir quatre ans plus tard sur ses terres.

Des quatre loges allemandes qui portèrent son nom, l'une est toujours en activité à Berlin.
A. B.
BODE
Johann Joachim Christoph (12 janvier 1730–décembre 1793) Cible privilégiée des attaques antimaçonniques depuis Barruel*, qui l'accuse d'être l'inspirateur démoniaque des complots des Illuminaten*, des francs-maçons, protestants* et autres philosophes, et d'avoir précipite la France d'Ancien Régime dans l'apocalypse révolutionnaire, Johann Joachim Christoph Bode mérite un tout autre sort. Bode, que l'on commence à redécouvrir depuis les travaux de Claus Wemer et d'Herrnann Schüttler, est incontestablement une figure majeure des Lumières radicales et un intermédiaire culturel des plus actifs. << II fut sa vie durant un chercheur de vérité >> (H. Schüttler). Les réseaux de correspondances* et d'édition, profanes et maçonniques, qui innervent l'Europe des Lumières n'ont pas de secret pour lui. Il publie Lessing Goethe, Klopstock, traduit Sterne, Fielding et Montaigne, gagne à la cause des Illuminaten Nicolai*, mais aussi Herder ou encore Goethe. Sa correspondance, son « Journal de voyage de Weimar en France ». inédit en français, ses essais polémiques, nous plongent au coeur des grands combats des Lumières et représentent une mine d'inforrnations exceptionnelle .

L'itinéraire de Bode rappelle ceux des représentants de la « bohème littéraire » et Bode sera d'ailleurs très lie à Louis–Sébastien Mercier. Fils d'un journalier, berger, il est à 14 ans joueur de fifre dans un régiment au service du Brunswick en garnison à Helmstedt. C'est la qu'il fait la connaissance de Johann Christoph Stockhausen (1729-1784), lettre et pédagogue, auquel il restera attache toute sa vie. à son contact, Bode découvre la littérature allemande, et s'initie au français et à l'anglais. Mais pour l'essentiel, sa formation est celle d'un autodidacte. En 1757, Bode est frappe par le premier des nombreux drames familiaux qui marqueront toute son existence. Il perd brutalement son épouse et ses trois enfants, et décide de s'installer à Hambourg, porte de « l'Allemagne sur le monde », pour recommencer sa vie. Au total, Bode sera marié trois fois, aura sept enfants dont aucun ne vivra plus de quelques annexes. Fréquemment dépressif, Bode se refuge dans le travail .

A Hambourg, il s'installe comme imprimeur–éditeur, et traducteur. Parallèlement, le journalisme l'attire, et en 1762-1763, il est rédacteur au Hamburgische unpartheyische Correspondent. La réussite de Bode comme éditeur est incontestable. Son entreprise compte jusqu'a onze ouvriers. Il associe à son projet de Buchhandlung der Gelehrten (librairie des savants) Lessing, auquel il s'est lié d'amitié en 1766 mais aussi Basedow, célèbre pédagogue allemand. Homme de théâtre, à l'instar de Bonneville, qui lui empruntera notamment la psychose du complot, et mélomane, ses traductions sont reconnues dans toute l'Allemagne.

Cet engagement en faveur de l'Aufklärung est indissociable chez Bode d'un engagement maçonnique intense, dont chacune des étapes reproduit parfaitement l'évolution de la franc–maçonnerie allemande. Membre de la plus vieille loge* d'Allemagne, Absalom Zu den drei Nesseln, Bode lui restera toujours fidèle et en deviendra maître en chaire {vénérable* français), de 1782 à 1786. Ses talents d'orateur sont réels. Mais très vite, en 1765, Bode gagne les rangs de la Stricte Observance Templiére. Reçu dans l'ordre intérieur, avec pour nom d'ordre a Lilio Convallium, Bode devient des 1766 procurator generalis de la Vlle Province de l'Ordre (dite d'Allemagne Inférieure), la plus importante. à ce titre, il participe à la plupart des convents* de la Stricte Observance, avant d'opter au Convent de Wilhelmsbad (1782) pour les Lumières radicales et les Illuminaten et de rompre avec un Ordre investi par la réforme Lyonnaise de Jean–Baptiste Willermoz, chrétienne et mystique, dans laquelle il voit la main des jésuites et des anti–Lumières. Mais entre–temps, Bode exerce aussi des fonctions politiques auprès de princes allemands éclaires, pour la plupart francs maçons, voire par la suite membre des Illuminsten. à Weimar depuis 1778, il devient conseiller aulique de Saxe–Meiningen, conseiller de légation de Saxe-Gotha en 1782, puis conseiller secret de Hessé Darmstadt. C'est en 1782 qu'il est recruté par Knigge* qui assiste comme lui au Convent de Wilhelmsbad. Promu illuminatus rnajor dés janvier 1783, il devient de facto chef de l'Ordre en 1785 après le début des persécutions orchestrées contre ses membres dirigeants. Il participe aux nombreuses polémiques sur le cryptocatholicisme qui déchaînent les passions en Allemagne: les rumeurs annonçant la conversion au catholicisme de nombreux princes protestants vont bon train et raniment l' hostilité antipapiste de t nombreux protestants, y compris au sein de la Stricte Observance.
Au cours de ses voyages en Allemagne et en France, ' Bode ranime les énergies–ainsi à Strasbourg en 1787–et recrute de nouveaux .– membres. Invité à participer par les Philaléthes* au Convent de Paris de 1787, il s'y rend à contrecoeur et arrive en juin, trop tard pour participer aux travaux. Ses entretiens avec Savalette de Langes* et les principaux membres des Philaléthes sont cependant riches et fructueux. Ils conduisent, le « Journal de voyage » de Bode l'atteste, à la fondation d'un noyau secret de Philadelphes, équivalent français des . Illuminaten germaniques. Ce qui ne signifie bien évidemment pas qu'il ait précipite les événements pré révolutionnaires. Son Journal est d'ailleurs lus celui d'un t: touriste allemand éclairé, mélomane, armateur de théâtre, observateur incrédule de la fièvre engendrée par le mesmérisme* qui étreint le Paris de la fin des Lumières, que celui d'un comploteur; preuve de la richesse du personnage et de la diversité de ses centres d'interêt.
P.–Y. B.
BOIS
à côte des métiers de la pierre se sont crées, depuis la plus haute Antiquité, des fraternités ouvrières autour du :bois qui n'ont pas connu le développement «spéculatif*»des premiers. Pourtant, les métiers du bois, à travers le Compagnonnage* ou les Charbonniers, ont eu les légendes, les rites, le matériau symbolique et l'activité philanthropique et fraternel qui constituent bien des points communs avec la franc–maçonnerie; mais ces associations sont restées de simples organisations de métier, à l'exception de la Charbonnerie*.
Les origines des fraternités du bois sont à rechercher du côte des constructeurs (charpentiers, menuisiers) regroupés au Moyen Âge dans les confréries de métier et guildes*, puis dans les compagnonnages Les premières apparaissent dans le Livre des Métiers d'Étienne Boileau, à l'époque de Saint Louis. Les métiers du bois émergent: ainsi, à Paris, la chapelle Saint–Blaise appartient aux maçons et charpentiers. Ils laissent également une part importante au Compagnonnage.
Ainsi, parmi les Enfants du Père Soubise, les charpentiers sont les Drilles ou Bondrilles puis, en 1804, se crée le Devoir de Liberté, dont les menuisiers sont les Gavots. En 1834, la scission des charpentiers du Devoir renforce ainsi les rangs du Devoir de Liberté puis, en 1846, les charpentiers appelés Indiens retournent dans leur ancien corps d'orgine. Les troubles religieux qui touchent le Devoir n'épargnent pas les Compagnons du Bois. Ainsi, le protestantisme* naissant qui canalisa les énergies désireuses de s'émanciper du catholicisme capta, parmi les compagnons réfractaires regroupes chez les Étrangers, les tailleurs de pierre et les menuisiers.
Bois.jpg - 24086,0 K Les pratiques diffèrent cependant entre le monde du bois et celui de la pierre. Ainsi, le fondateur des charpentiers porte le nom de« Père » et non celui de « Maître* ». En revanche, I'iconographie du XlXe siècle, qui représente ce « père » sous les traits d'un moine bénédictin, laisse croire aux origines religieuses du Compagnonnage des charpentiers. Comme pour les métiers de la pierre, charpentiers et menuisiers ont ainsi pu avoir des rapports avec les Templiers, ces grands bâtisseurs d'églises et d'ouvrages d'art qui durent faire appel à une main–d'oeuvre importante aux XIIe et XIIIe siècles et leur instituèrent des règlements de métier. Le légendaire compagnon nique se fait abondamment l' écho de « l' ascendance templiére». Les condamnations des autorités religieuses contre les Compagnonnages du bois sont d'ailleurs identiques à celles touchant les autres Compagnonnages et les charbonniers, et leurs adhérents furent l'objet d'une ordonnance de N. Colbert évêque d'Auxerre (1673), qui les accusait d'un certain nombre de méfaits tant spirituels que temporels. Le contenu de cette condamnation est semblable à celui de 1655 contre les compagnons de divers corps de métier (tailleurs, chapeliers...) par les docteurs de la Sorbonne. Le texte dénonçait les serments prêtes comme profanant le sacre et intimait aux chrétiens d'y renoncer sous peine d'excommunication. Le Compagnonnage des forets semble toutefois avoir mieux résisté que les autres aux censures ecclésiastiques et aux menaces de l'autorité séculière; il continue à se recruter et à pratiquer des initiations mystérieuses dont Clavel à recueilli les détails précis.

Ayant échoué dans son évolution spéculative, il n'est pas surprenant que le symbolisme du bois ait peu pénètre la francmaçonnerie. On retrouve la hache dans quelques grades comme le Chevalier de Royale Hache (hauts grades* du Rite Ecossais Ancien et Accepte*). L'acacia*, symbole d'immortalité, est une exception. En revanche, il à mieux pénètre le Compagnonnage par les légendes (légendes de la canne*, du coffre, de l'arche de Noë, de l'arche d'Alliance}. J.–Fr. B.


BOISSY D'ANGLAS
Fransois–Antoine (Saint–Jean, Vivarais, 1756–Paris, 1826)
Petit–fils d'un juge de Lamastre, fils d'un médecin, François–Antoine Boissy est issu d'une famille aisée de la bourgeoisie reformée ardechoise. Orphelin de père à 4 ans, il reçoit une éducation maternelle soignée mais ferme. Il vit son enfance et son adolescence en compagnie des 630 volumes de la bibliotheque que son père avait constituée.

Élevé un protestantisme* militant mais tolérantes son plus jeune âge l'exigence de la liberté de conscience, l'horreur du fanatisme, dont un nombre important des membres de ses familles paternelle et maternelle ont eu à souffrir. En 1772, il est envoyé dans une des « premières maisons d' instruction » de la capitale. Après avoir achevé des études de droit, il rentre à Annonay. En 1773, il hérite de son oncle maternel Barthélemy Alléon le domaine d'Anglas sur le territoir de de Vauvert (Gard).

Il épouse en 1777 Françoise Michel. une protestante, la fille du président du présidial de Nîmes. Après ce mariage confortable, Boissy se fixe à Nîmes où il demeure dix ans, en voisin et ami du pasteur Rabaut–Saint–Étienne. Il écrit et passe le plus clair de son temps à l'étude et, entretient de nombreuses relations parisiennes. 1777 marque aussi le debout dit ses échanges épistolaires avec La Harpe et Malesherbes et de ses rencontres avec La Fayette*. C'est par l'entremise de son ami d'enfance Montgolfier qu'il avait fait leur connaissance. Il correspond aussi avec les Académies de Nîmes, La Rochelle, Valence et Lyon; les trois premières le reçoivent. En 1781, il obtient une licence de droit à l'université d'Orange ,et achète une charge d'avocat au Parlement de Paris. Cependant, il vit noblement en s'occupant de ses propriétés. Il adjoint alors à son nom celui d'Anglas et tente de s'agréger à l'élite. Bien qu'il fréquente ' les salons parisiens, La Harpe étant alors son cicérone, il reste très attache à ses racines bourgeoises ardechoise, mène une vie familiale stable (il est père de 4 enfants), apprécie un confort matériel et intellectuel qu'il désire renforcer en acquérant une charge de maître d' hôtel ordinaire chez le comte de Provence en 1783.

C'est en raison de cette stratégie familiale visant à renforcer ses liens avec les privilégiés qu'il demande son affiliation à la loge La Vraie Vertu d'Annonay. Cette dernière, créée en 1766 et reconstituée en décembre 1775, rassemblait un cénacle de 40 membres qui refusa, à deux reprises. en 1777 et 1779, l'affiliation aux artisans de la ville. En revanche, elle avait accueilli deux femmes le 30 janvier 1772 en créant une loge d'adoption* et l'on sait qu'en 1788 les structures de la loge ont été utilisées afin de créer une société philanthropique, couvre de bienfaisance dont les fonds seraient devenus « le trésor de guerre de la Révolution française». Si Boissy ne fut membre officiel de la loge que le 14 juillet 1788, sa signature apparaît des juin 1788 et il retrouve donc de vieilles amitiés bourgeoises auprès de la noblesse liberale locale.

Dés les élections aux États généraux, il vit à Paris, et en 1791 fréquente la Société des Amis de la Constitution ou les divers clubs de la ville d'Annonay qui se sont substitues aux loges. La participation de Boissy à la vie maçonnique fut donc

brève mais intéressante parce qu'elle illustre bien la trajectoire suivie par de nombreux robins bientôt promus parmi les principaux acteurs de la Révolution.

Cet homme que la Révolution révéla connut alors une carrière politique remarquable: députe à la Constituante, procureur général syndic de l'Ardeche conventionnel, « pére» de la Constitution de l'an III et héros du 1er prairial (jour de gloire qui lui servit de viatique tout au long de ses 35 années de carrière politique),« à fructidorise » en l'an V puis récupère par Bonaparte en 1800, comte d'Empire pair de France, rédacteur de la Charte, membre du Consistoire réformé Paris, il meurt à Paris en 1826 attaché indéfectiblement aux valeurs libérales de 1789 qui lui fit quitter de nombreux navires politiques, même si ses trois voyants ralliements en seize mois (1814–1815) furent longtemps utilisés pour renvoyer seulement l'image d'un sinistre opportuniste occultant ainsi sa fidélité aux acquis de 1789 . En 1826, les anciens membres encore en vie de La Vraie Vertu d'Annonay entretenaient toujours des relations d'amitié avec Boissy d'Anglas. Toutefois, il semblait ne plus fréquenter les ateliers maçonniques qui étaient, il est vrai, engages à ce moment–là dans une opposition politique peut–être trop ostensiblement radicale pour ce grand notable.
C.L.B.
BOLIVAR
BOLIVAR-II
Bolivar.jpg - 201944,0 K Simon (Caracas, 1783Santa Marta, 18309 La personnalité du Libertador soulève bien des polémiques tant sur les plans de ses menées militaires qu'institutionnels et politiques. Il semble en tout cas, dans toutes les sphères de son action publique, difficile d'en faire le prototype du libérateur franc–maçon et libre penseur (Libre pensée*) comme le font la plupart des biographes. En effet, lie à des sociétés révolutionnaires ou patriotiques qui conspiraient des deux côtes de l'Atlantique, Bolivar, plus qu'aucune autre personnalité de son temps, à donne lieu à un intense débat historiographique qui est une « véritable foret», semblable aux bois touffus qu'il contribua à libérer, et dans laquelle il est difficile de discerner la vérité... y compris en ce qui concerne sa carrière maçonnique.

La maçonnerie apparaît à deux reprises dans sa trajectoire. Sur le plan des relations directes, d' après la documentation disponible, il aurait été reçu maçon dans une loge française, sans que l'on sache laquelle. Il apparaît en effet sur une page des registres de la loge Son Alejandro de Escocia (Saint–Alexandre d'Ecosse), comme compagnon* en 1805. Cette loge à alors son sièges à Paris. Un autre tableau, de la même époque, conservé à la Bibliothèque nationale de France, le mentionne comme maître* maçon, de meme que le noble espagnol Manuel Campos. La rapide réception des grades* pourrait s'explique par les fréquents déplacements de s'intéressé en Europe et en Amérique. On ne dispose de rien de plus précis apres cette date.

Pourtant, en 1828, lorsqu'il eut mené de façon décisive le processus l'émancipation en Amérique continentale (Empire espagnol*) et commencé à appliquer sa politique, la conspiration orchestrée par la Sociedad filologica de Bogota, à laquelle appartenaient bien des maçons, fut l'occasion de faire resurgir l'Ordre* dans la trajectoire de Bolivar... Et dans une tout autre perspective. Quelques mois après la conspiration, sur les conseils de son gouvernement, il ratifie en effet un décret entre en vigueur le 8 novembre 1828 interdisant sur le territoire de la République « les associations et les confréries secrètes». Bien qu'il ne soit pas fait explicitement allusion à la maçonnerie, tout porte à croire qu'elle fut comprise dans cette loi. En effet, elle fut officiellement dissoute sur tout le territoire de la Grande Colombie. Au Venezuela, la maçonnerie put se reformer en 1830 et, à Caracas, fut fondée la Gran Loggia de Venezuela. Mais, l' orientation idéologique de la maçonnerie est alors loin des idéaux d'émancipation politique, de conspiration romantique ou de rupture révolutionnaire dans lesquels baigne une bonne partie de l'histoire des débuts de la maçonnerie en Amérique latine.
M. de P. S.
BONAPARTE
Bonap2.jpg - 35972,0 K Si l'appartenance de Napoleon Bonaparte à la franc–maçonnerie demeure une énigme qui n'a pas te résolue de façon définitive malgré les nombreux ouvrages qui ont été consacres à cette question, il n'en est pas de même pour d'autres membres de cette illustre famille corse. Charles Marie Bonaparte (1746-1785), le père du futur empereur, était probablement lui–même francmaçon. Conseiller du roi, avocat au conseil supérieur de Corse, député d'Ajaccio à l'assemblée provinciale de Corse (1776 1778, et 1781), députe de la noblesse* de Corse auprès de Louis XVI (1777), membre du Conseil des douze nobles de l'île, il fut en effet très vraisemblablement membre d'une loge* d'Ajaccio, la Grande Loge dite de Clermont*. Les archives ont été détruites et la chose ne peut cependant être attestée par les sources.

Preuves à l'appui, plusieurs enfants de Charles furent inities.
Joseph Napoléon (1768–1844), frère aîné de l'empereur, avocat avant la Révolution* puis président du district d'Ajaccio en 1791, est initie le 8 octobre 1793 à la loge La Parfaite Sincérité à l'orient de Marseille. Devenu ministre plénipotentiaire, il est élu membre du Conseil des Cinq Cents avant d'être conseiller d'état, grand électeur de l'Empire* (le 18 mai 1804). Bonap.jpg - 26201,0 K « Placé » Grand Maître du Grand Orient* le 11 octobre 1805–il le restera jusqu'en 1814 –, il fut également Grand Maître des Grands Orients de Naples puis d'Espagne, au moment où il est roi de Naples et de Sicile (1806–1808), puis roi d'Espagne et des Indes (1808–1813)... avec le succès que l'on sait. Également lieutenant–général de l'Empire et commandant de la Garde nationale de Paris, il s'exile alternativement en Amérique (de 1815 à 1823, puis de 1837 à 1839) et en Angleterre (de 1832 à 1837 et de 1839 à 1841).

Louis (1778-1846), neuvième enfant de Charles, nomme colonel apres le 18 brumaire puis? e,n 1804, général de division, conseiller d'État, prince français et connétable de l'Empire, devient Grand Maître Adjoint du Grand Orient* de 1803 à 1806. Il est initie le meme jour, à très Grande vitesse du grade d'apprenti* à celui de 33° par la grâce de Cambaceres*. Roi de Hollande le 5 juin 1806, il abdique en 1810 et, en échange reçoit le titre de comte de Saint–Leu. Par obligation et par prudence, il se retire en Italie.

Caroline Marie Annonciade (1782–1839) troisième soeur de l'empereur, est devenue princesse française en 1804, grande–duchesse de Cléves et de Berg en 1806, puis reines de Naples et des Deux–Siciles le 15 juillet 1808. Épouse, depuis le 20 juillet 1800, de Joachim Murat*, elle exerce le rôle de Grande Maîtresse des ses d'adoption* du royaume des Deux Siciles. Elle reste comtesse de Lipona aprés Jerome Napoléon (1784–1860), le plus jeune frère de Napoléon, capitaine de vaisseau, contre–amiral puis général de division participe activement à la conquête de la Silésie avant de devenir roi de Westphalie (du 18 août 1807 au 28 octobre 18139. Initie depuis le 2 avril 1801 à La Paix (Toulon), il est le Grand Maître de la franc–maçonnerie de Westphalie avant de se battre à Waterloo puis d'être exilé jusqu'en 1848. Sous le Second Empire*, il est nomme gouverneur des Invalides, maréchal de France et président du Sénat.
P.–Fr. P.




Bons Amis (Les)
Née de la rupture de sept parlementaires qui, bien que roturiers, étaient peu enclins à supporter l'ostracisme culturel dont était victime leur modeste atelier originel, L'Ardente Amitié, secoue par les turpitudes du frère Mathéus*, cette loge*, constituée par le Grand Orient de France* le 23 décembre 1779, mais installée seulement en avril 1782 (en présence de Bacon de la Chevalerie*), connaît une politisation ouverte dont sont l'objet quelques ateliers avant la Révolution.

En effet, un rapport de la Chambre des Provinces, date du 7 janvier 1789, accuse Les Bons Amis, qui vient de donner le maillet à l'avocat Ducastel, d'avoir diffusé un papier appelant les frères à se réunir pour « une cérémonie relative à l'état où sont les affaires politiques du royaume». à cette date, on n'a aucun doute sur les affaires en question.

La composition du dernier tableau*, en 1787, éclaire un peu plus sur la réalité des faits. Tout ce que le Rouen pré–révolutionnaire et révolutionnaire compte d'important est bien la, dans un bel cecuménisme maçonnique–qui sera bientôt en miettes.

Dans le camp du refus de la Révolution, on trouve notamment l'avocat royaliste Aumont, qui est le principal protagoniste de l'affaire de la place de la Rougemare, la seule vraie tentative d'insurrection fomentée pour empêcher l'exécution du roi (ce qui vaudra à l'intéressé la guillotine), et Camus de Pontcarre*, qualifie d'ex–vénérable perpétuel et honoraire de la loge.

Le « parti patriote » est mieux représenté, mais déjà les dissensions futures s'annoncent. Jean–Baptiste Ducastel, le vénérable* en exercice, n'est autre que le plus proche collaborateur du célèbre Thouret, le « père » des départements. Ducastel sera bientôt députe à la Législative. Partisan avoué du compromis avec la noblesse*, il est entoure par François Hardy (1748–1823), alors correspondant du Collège Royal de Médecine de Paris et bientôt cofondateur de la Société des Amis de la Constitution de Rouen (19 octobre 1790), puis Conventionnel proche des Girondins (il est proscrit le 3 octobre 1793) et républicain sincère élu aux Cinq–Cents en octobre 1795. Proche d'eux figure François Noël Anquetin de Beaulieu (1741–1800), le fondateur de la loge.
Ce dernier va bientôt présider l'administration du département et surtout se distinguer, dans sa fonction clef de procureur syndic du district de Rouen, comme le régulateur du processus révolutionnaire dans ce département stratégique? de 1790 au printemps de 1791. Il est alors victime de l'épuration des Girondins. Magistrat au Parlement de Normandie, dont il est secrétaire depuis 1785, il est également l'auteur d'essais (Réflexions sur la manière de poser le gouvernement républicain ) montrant son adhésion à une République modérée reposant sur les pouvoirs équilibrés que Montesquieu* appelait de ses voeux. Arrête en novembre 1793, puis commissaire du pouvoir exécutif durant le premier Directoire et redevenu accusateur public, il est malade et ne joue plus de rôle actif malgré son élection aux Anciens en 1799 et au Corps Législatif. Mais, dans cette loge, les futurs jacobins sont également représentes: on retrouve notamment l'avocat dieppois Antoine–Louis Albitte. Conventionnel, régicide, il est surtout connu comme actif déchristianisateur et représentant en mission dans le département de l'Ain avant d'être inquiète puis protégé par Bonaparte. Cette protection lui permet de devenir, sous l'Empire*, maire de Dieppe. On à donc bien là une belle photographie de l' échiquier politique en devenir, mais aussi la preuve que la politisation dont purent être l'objet certaines loges entre 1787 et 1789 n'est pas pour autant la garantie de l'élaboration d'un compromis par celles–ci.
E. S.
BONS COUSINS CHARBONNIERS
Il à existe au XVIIIe siècle un Compagnonnage* des charbonniers dont l'origine est fort ancienne. Il prospérait dans les forets suivant la vie itinérante des charbonniers. Le but de cette association était la perfection de l'homme, et pour être «francharbonnier >> il fallait être de moeurs pures. Organises dans des ventes, les membres sont appelés Bons Cousins Charbonniers. C'est cette structure que le chevalier de Beauchaine tente de récupérer en fondant les rites de la Fenderie*, lesquels dureront jusqu'en 1825. Selon Paul Sébillot, ce Compagnonnage est antérieur à la maçonnerie « car il comprend dans sa nomenclature technique des archaïsmes de notre langue, dont il ne reste presque pas d'autres monuments». Rien n'est prouve. Sur le plan des pratiques,– les compagnons charbonniers se réunissaient dans les forêts, se donnaient le titre de « Bons Cousins » et le récipiendaire était appelé « guêpier ».
Avant de procéder à la réception, on tendait sur terre une nappe blanche sur laquelle on plaçait une salière un verre d'eau, un cierge allumé et une croix*.
On amenait ensuite l'aspirant qui prosterné, les mains tendues sur l'eau et le sel *, jurait par eux de garder religieusement les secrets de l'association. Soumis alors à différentes épreuves, il ne tardait pas à recevoir la communication des signes* et des mots mystérieux à l'aide desquels il pouvait se faire reconnaître dans toutes les forêts. Le compagnon qui présidait lui expliquait le sens emblématique des objets exposes à sa vue: le linge, lui disait–il, est l'image du linceul dans lequel nous serons ensevelis, le sel représente les vertus théologales; le feu désigne les flambeaux qu'on allumera à notre mort; l'eau est l'emblème de celle avec laquelle on nous aspergea, et la croix est celle qui sera portée devant notre cercueil. Il apprenait au néophyte que la vraie croix de Jésus–Christ était de houx marin, qu'elle avait 70 pointes et que saint Thibault était le patron des charbonniers C'est cette société initiatique que la Charbonnerie* politique à subvertie pour répondre à de bien autres desseins.
J.–Fr. B.
BORDEAUX
(XVIIIe siècle) Bordeaux se place au premier rang des Lumières provinciales avec son académie* et son musée*–dans la création duquel les francs–maçons bordelais jouent un rôle décisif (J. Coutura). Au coeur des échanges entre les Antilles et les rivages de la mer du Nord et de la Baltique, Bordeaux accueille de puissantes communautés négociantes étrangères, notamment irlandaise et germaniques, dont les réseaux commerciaux, familiaux et confessionnels s'étoffent à travers toute l'Europe.

Leur contribution à l'introduction puis à la diffusion de la franc–maçonnerie à Bordeaux, qui compte au XVIIIe siècle plus de trois mille francs–maçons, est déterminante.

La première loge* de l'orient, L'Anglaise, allume ses feux le 27 avril 1732. Ses fondateurs sont des marins qui relâchent a 00 Bordeaux le temps d'une escale. Ils initient dés les premières tenues* des négociants irlandais installes à Bordeaux. Dublin et Cork sont alors les premiers ports britanniques en relation avec Bordeaux et l'immigration des commissionnaires irlandais enregistre une très nette croissance dans les années 1720-1730. Le tropisme irlandais de L'Anglaise s'explique ainsi–il est fréquent de qualifier un Irlandais l'anglais au XVIIIe siècle. D'autres cas similaires existent ailleurs, dans le Centre–Ouest et dans le Sud Ouest. à partir des années 1740~ L'Anglaise s'ouvre à un recrutement autochtone et adopte le français comme langue de travail. Le 8. mars 1766, alors que la Grande Loge de France* est en crise L'Anglaise se tourne vers Londres et se fait constituer par la Grande Loge des Modernes*. Ces patentes anglaises seront l'un des principaux motifs d'affrontement entre les obédiences* françaises et la Grande Loge d'Angleterre qui revendique une suzeraineté sur l'ensemble des francs–maçons européens. Devenue bien involontairement un symbole de la résistance à la politique centralisatrice du centre parisien? L'Anglaise sera frappée d'ostracisme.

Malgré l'importance de la contribution irlandaise à l'enracinement de la franc–maçonnerie à Bordeaux, la capitale de la Guyenne n'est pas plus un orient irlandais qu'un orient anglais. Le franc–maçon étranger à Bordeaux à majoritairement les traits d'un négociant de la Baltique, dont Bordeaux est le premier partenaire commercial. Il fréquente prioritairement la plus puissante loge de l'orient, véritable temple* du grand négoce bordelais, L'Amitie, encore appelée L'Amitie Allemande, fondée le 18. mai 1746. D'ailleurs on constate qu'à partir des années 1770 les représentants des principales maisons de commerce irlandaise sont plus nombreux sur les colonnes de L'Amitie' que sur celles de L'Anglaise L'accés à L'Amitié est un signe de reconnaissance pour les négociants bordelais. Partenaires en affaires ces francs–maçons se retrouvent en famille sur les colonnes de L'Amitie Cette dimension familiale et communautaire lui confère une exceptionnelle stabilité et une très grande homogénéité, ce qui est rare pour un orient maritime. L'importance numérique de la communauté négociante germanique, ses liens avec les communautés hollandaise et irlandaise. permettent cependant à L'Amitie de ne pas réunir seulement une poignée de représentants en vue des maisons de commerce germaniques.
En 1773, la loge compte 119 frères et s'ouvre à toutes les composantes de la famille germanique: suédoise avec Jacob Brommer, major du régiment de Royal–Suède, ne à Bordeaux, suisse alémanique, avec Laurent Hegner, de la maison Hegner, Gier et compagnie, spécialisée dans l'exportation de toiles peintes; alsacienne, avec Jean–Frédéric Kuhn, né à Strasbourg, affilie à L'Amitie en 1772. Membre des Élus Coëns*, Kuhn fonde L'Étoile Flamboyante aux Trois Lys, ainsi que le chapitre provincial de l'Ordre Royal du Silence des Architectes surnommés Africains, avant d'adhérer aux Amis Réunis* Mais en refusant toute compromission avec la Stricte Observance* et ses adeptes bordelais de L'Harmonie, loge composée d'avocats français, L'Amitié Allemande s'affirme comme une authentique loge française et entretient de bonnes relations avec le Grand Orient*. Son réseau de correspondances* épouse les lignes de force du grand négoce colonial avec de nombreuses ramifications dans les « Isles ». Cette relation privilégiée avec les Antilles, théâtre au XVIIIe siècle d'un véritable provignement de régimes de hauts grades* maçonniques, permet à Bordeaux d'être un des principaux foyers d'élection de l'ecossisme. L'atelier entretient également logiquement des liens avec les ateliers germaniques, mais son réseau de correspondances traduit aussi l' enracinement réussi de ce puissant atelier dans le Sud–Ouest, ou L'Amitié à fonde des loges à Libourne, Figeac, ou encore à Agen. L'Amitie fait donc un choix diamétralement oppose à La Candeur (Strasbourg) ou Saint–Jean d'Ecosse (Marseille), qui rompent avec la maçonnerie française.

L'Amitié accentue son audience locale et régionale en accueillant de très nombreux Français, partenaires en affaires des maisons de commerce germaniques. Son fondateur et premier vénérable*, Jacques Imbert, d'une famille protestante de Sainte–Foy–la Grande, n est autre que l'associé de Jean–Jacques Bethmann. En 1790, c'est encore à L'Amitié qu'un des membres de la puissante famille d' armateurs protestants Nairac, Élisée, demande la lumière. Au total, les frères d'origine française représentent plus de la moitié des membres de la Loge en 1773. En outre, L'Amitie rayonne bien au-delà du milieu négociant. Alors que l'Academie applique à la lettre la loi d'exclusion réciproque du neg/otium et de l'otium, plusieurs figures éminentes des Lumières bordelaises n'ont pas craint de s'affilier à 1' Amitié, ainsi le mauriste dom Devienne célèbre historiographe de Guyenne. Les négociants eux–mêmes sont parfois des amateurs réputés, comme l'atteste le cas de Daniel Lienau, peintre amateur, membre de l'Academie de peinture, et souscripteur du Monde ,primitif de Court de Gebelin*. Notables, les commissionnaires des Chartrons prennent part au développement des foyers de la sociabilité des Lumières. Les Streckeisen, Journu, Nairac comptent parmi les figures marquantes du musée de Bordeaux, qui conteste l'immobilisme académique, tandis que l'avocat Dominique Carat, ancien membre de L'Amitié passe à L'Harmonie, y prononce en 1783 un discours sur « les avantages que les négociants peuvent retirer des Lettres». Les négociants francsmaçons de L'amitié soutiennent également financièrement le projet du théâtre de Bordeaux ou sera donnée 1n Flûte enchantée. P.–Y. B.
BORN
Baptist.jpg - 16594,0 K seigneur Ignaz, Edler von (Karlsburg 1742–Vienne, 1791)
Géologue et minéralogiste autrichien, Born, de bonne heure orphelin, à fait ses études primaires à Hermannstadt (Sibiu) et ses humanités à Vienne, au lycée des jésuites. Il entre dans leur ordre en août 1760 et le quitte 16 mois plus tard. Apres des études de droit a. Prague (1762–1763), il entreprend un voyage à travers l'Europe (France, Allemagne Pays–Bas), puis retourne dans cette ville étudier la minéralogie. Nomme conseiller des Mines à Chemnitz en 1769, Born subit l'année suivante une grave intoxication dans une mine, dont les suites affaibliront sa santé déjà marquée par une sciatique chronique. Il quitte ses fonctions en 1772 et rédige dans sa maison d'Alt–Sedtitsch le catalogue raisonne de sa collection de fossiles, dont la publication lui vaut de devenir membre des académies de Stockholm, Sienne et Padoue. Sa situation financière le force à vendre pour 1 000 livres sa collection minéralogique à Charles Francis Greville (1749-1809), membre de la Royal Society, dont Born est élu fellow Le 2 juin 1774 (Teich). Cette distinction amène peut-être Marie–Théresè à appeler Born pour réorganiser la section minéralogique du Musée impérial de Vienne, en 1777.

Quatre ans plus tard, son nom apparaît sur les listes de la franc–maçonnerie viennoise. On ne sait ni ou ni quand Born à été reçu maçon. Sur la foi d'indications fournies par Alois Irmler, Abafi (1891) suppose qu'il l'aurait été au cours d'un voyage à l' étranger et affirme qu'en 1770 Born avait réveille une loge* de Prague, Zu den drei gekrönten Säulen, dont il se serait séparé lorsqu'elle se rattacha à la Stricte Observance*. Les procès–verbaux de la loge Zum wahren Eintracht, fondée le 12 mars 1781, indiquent le 14 novembre suivant que « Born à été rectifieé et reçu membre de cette loge avec tous les honneurs de notre Ordre royal»,. Angelo Soliman qui présente sa demande est alors précepteur des princes Lobkowitz et Liechstenstein et le fils d'un roi africain. Born est élève deux semaines plus tard au grade de maître* et élu maître de la loge le 9 mars 1782.

Sa culture, son ironie et son intelligence transforment cette loge en une académie de l' esprit à laquelle appartiennent les plus célèbres intellectuels de vienne. à l'instigation de Born, à partir du 4 novembre 1782, la loge tient chaque mois des réunions de travail au grade de maître, au cours desquelles, à la suite de l'instruction habituelle par questions et réponses, des frères lisent des essais sur des questions maçonniques. Ces travaux sont publies dans une revue trimestrielle créée par la loge, Journal für Freimaurer dont l 2 livraisons sont tirées à mille exemplaires entre 1784 et 1780;. Dirigée par le poète Blumauer, la revue est réservée aux maçons, ce qui lui évite d'être soumise à la censure. On y lit l'éloge de4 raison, de la liberté de l'esprit et de la lutte contre les préjugés et la superstition. Born y publie un essai, « Sur les mystères des Égyptiens », qui est utilise pour le livret de la Flûte enchantée. On à écrit que le personnage de Sarastro fut inspire par Born–auquel Mozart* dédia sa cantate Die Maurerfreude {Kochel 471).

Au mois d'août 1784, Georg Foster écrit de Vienne à Sömmering: « On ne peut que se réjouir de voir l'esprit des Lumières (aufklärung) et la liberté de pensée se répandre chaque jour davantage, meme dans les pays catholiques... La loge Zum wahren Eintracht est celle qui a8it le plus en ce sens. Elle publie un journal pour les francs–maçons dans lequel on parle de la foi, du serment, du fanatisme, des cérémonies, en un mot ou on parle de tout bien plus librement qu'on ne le ferait chez nous en Basse–Saxe. Les meilleurs érudits de Vienne et ses meilleurs poètes en font partie. On en à fait une société de scientifiques, amants de la lumière et, surtout, libres de préjugés. »

La solidarité avec les Illuminaten* est illustrée par la publication de deux lettres que Born adresse en 1785 au président de l'Academie des sciences de Munich, le baron von Kreitmayr, après la fermeture de la loge munichoise Theodor zum guten Rath que l'Academie avait approuvée. Born souligne sa fierté d'être maçon, qualifie son correspondant de « président du tribunal inquisitorial contre les francsmaçons » et lui adresse sa démission.

Born et sa loge contribuent à l' unification de la maçonnerie autrichienne réalisée en 1784 avec la fondation de la Grande Loge Nationale d'Autriche* dont il est Grand Secrétaire. à la fin de l'année suivante, lorsque Joseph II réduit à deux le nombre des loges de Vienne, Born dirige les travaux de la nouvelle loge Zur Wahrheit, mais il la quitte à la fin de 1786 et ne s'occupera jamais plus de franc–maçonnerie.
A. B.
BOSTON TEA PARTY
Boston.jpg - 198171,0 K Le 16 décembre 1773, un groupe d'hommes déguisés en Indiens aborda trois navires britanniques dans le port de Boston et jeta leur cargaison de thé à la mer. La Boston Tea Party fut un acte sans doute plus symbolique que révolutionnaire Étaient–ils cent, cinq cents ou davantage encore ? Il est bien difficile d'établir la liste des participants à un acte insurrectionnel. Combien d'entre eux étaient maçons ?
On se heurte ici à une double difficulté, ces hommes ayant pris soin à la fois de cacher leur nom et leur affiliation maçonnique. Rien d'étonnant donc à ce que neuf francs–maçons uniquement aient été parfaitement identifiés.
Mais l'influence de la franc–maçonnerie fut sans doute bien moins quantitative que qualitative. Le fait que neuf participants au moins aient été francs–maçons pourrait sembler dérisoire.
Cependant, il est piquant que sept d'entre eux aient appartenu à la même loge*, St. Andrews, une loge affiliée à la Grande Loge d'Ecosse* qui annula ses travaux le jour même du Boston Tea Party, comme en attestent ses annales! Parmi les sept maçons on relève le nom de Paul Revere*, célèbre révolutionnaire américain et futur Grand Maître de la Grande Loge du Massachusetts*.
La franc–maçonnerie offrit aux principales organisations révolutionnaires de la villet le North End Caucus et les Sons of Liberty, un lieu de sociabilité exceptionnel en mettant à leur disposition un local, la taverne dont la loge St. Andrews était propriétairet la Green Dragon Tavern. La Boston Tea Party est un mythe fondateur de la Révolution américaine* et sa portée symbolique ne put laisser indifférents les maçons de l'époque, du moins ceux qui étaient « patriotes».
C. R.





BOSWELL
James (Edimbourg, 1740 Londres, 1795) Fils d'Alexandre Boswell, lord Auchinleck, juriste de formation, James Boswell est surtout connu pour sa biographie de Samuel Johnson, auteur en 1755 du premier dictionnaire britannique digne de ce nom. Il fait partie du même club que plusieurs de ses amis francs–maçons, dont Burke* et Wilkes*, qui se réunissait à l'auberge Turk's Head, à Londres, au même endroit que certaines loges* maçonniques. Il y côtoie aussi le célèbre historien Edward Gibbon, également maçon, ainsi que le Grand Maître d'Ecosse*, sir William Forbes of Pitsligo. Boswell est initié à la loge Canongate Kilwinning n° 2 d'Edimbourg*, à l'âge de 19 ans, le 14 août 1759. Son oncle, John Boswell, occupe alors le poste de vénérable adjoint. James sera lui–même vénérable adjoint (depute master) de cette même loge de 1767 à 1769, puis vénérable* de 1713 à 1775.
Il exerce les fonctions de Grand Maître Adjoint de 1776 à 1778, pour seconder son ami sir William Forbes au moment de l'indépendance américaine. James Boswell ne fait pas allusion à son appartenance maçonnique dans son oeuvre principale, Life of Johnson (1791), mais uniquement dans ses Private Papers. Il y rapporte un fait significatif lorsqu'il évoque l'organisation d'une rencontre entre son ami très conservateur, Samuel Johnson, qui n'est pas maçon, un patriote américain, Arthur Lee, qui ne l'est pas non plus, et Wilkes, qui l'est depuis peu. Il se réjouit d'avoir à cette occasion rapproché « des personnes qui auraient pu rester à une perpétuelle distance », reprenant ainsi presque mot pour mot l'article I des Constitutions d'Anderson *
. CR
BOTHWELL GOSSE
Bothw.jpg - 2017,0 K Aimee (Liverpool, 1866– 1954) Fille d'un ingénieur élève par sa mère, ayant reçu une formation éclectique {brillante pianiste et violoniste elle étudie aussi les sciences et la philosophie), Aimée Bothwell Gosse part à 20 ans pour Le Cap ou elle dirige une école normale d'enseignants; elle revient en Angleterre et entame de brillantes études de sciences physiques, de medicine et d'égyptologie, rapidement interrompues par des problèmes de santé.

Marquée par une éducation religieuse presbytérienne, de culture philosophique tôt empreinte de spiritualiste, de 1893 à 1924 elle est membre de la Société Théosophique*. Elle s'y investit sans compter en y donnant de nombreuses conférences.

C'est durant cette période qu'elle est initiée en 1904, à la loge* no 6 de Londres, Human Duty, qui fut fondée par Annie Besant* et Francesca Arundale* en 1902 et rattachée au Droit Humain*. Parvenue au 30° en 1912, elle accède au 33° à Paris en 1914. Elle fonde par la suite cinq loges bleues. Mais son engagement maçonnique dépasse rapidement le cadre de cette obédience*. En effet, en 1910, en relation avec Clement Stretton, elle est initiée à l'Ordre des Operatifs*, au sein de la loge Mount Bardon n° 110 et, plus tard, elle devient membre de la loge Leicester n°91 qui lui confère le 6° de Passé Maître. Elle atteint par la suite le degré le plus élève de la hiérarchie des operatifs en étant reçue 3º Grand Maître Maçon du 6° de cet Ordre. Il s'agit bien là d'une ascension surprenante.... et rocambolesque, car on proposa à Aimée d'entrer dans cet Ordre exclusivement masculin parce qu'elle dirigeait la revue The Speculative Mason et qu'elle signait ses articles« John Lloyd»,, pensant que seul un homme pouvait diriger une telle revue. Stretton la fit quand même initier. Ses relations avec les opératifs s'interrompent avec la Première Guerre mondiale et les décès de Yarker (1913) et Stretton {1913). Les loges Mount Bardon et Leicester ne peuvent reprendre leurs travaux et Robert Grant, survivant des Operatifs déjà très âge, entre en relation avec Miss Bothwell Gosse, refuse aimablement d'en réanimer l'activité. Pensant que l'Ordre des Operatifs avait définitivement disparu, elle publie dans la revue qu'elle dirige la correspondance adressée par Stretton à Yarker, ce qui tenait lieu de divulgations.

Parallèlement aux périgrinations qui l'ont menée près des opératifs, Aimée Bothwell Gosse fait preuve d'une activité importante au Droit Humain: elle fonde la première loge pratiquant le degré de« la Marque*» en 1911 au Rite d'Émulation* ainsi que l'atelier du premier chapitre du Royal Arch* en 1916 qui admet des femmes. En 1914, elle à reçu également, à Paris, le 33° du Rite Ecossais Ancien et Accepte* des mains de Georges Martin*. Cependant, elle se trouve en désaccord avec les dirigeants du Droit Humain influences par des conceptions théosophiques qu'elle juge déviationnistes. Certaines d'entre elles se prétendent inspirées par le comte de Saint–Germain! Elle fonde une nouvelle obédience, The Order of Ancient, Free and Accepted Masonry for Men and Women * en 1925.

Elle exerce jusqu'a sa mort, en 1954, la fonction de Grand Commandeur avec un respect scrupuleux de la Tradition, mais aussi une grande rigueur dans l'observance de la transmission des rituels reculèrent reçus. Elle est remplacée par Marjorie Cecily Debenham*, sa secrétaire.

Par ailleurs, apres avoir fonde une revue trimestrielle The Co–Mason en 1909, elle poursuivit son activité éditoriale dans les colonnes de The Spéculative Mason, qui lui succéda et accueillit régulièrement des collaborateurs étrangers, notamment Guénon*. Ayant une bonne connaissance du français, Aimée Bothwell Gosse fut aussi en relations épistolaires suivies avec Marius Lepage* et Joannis Corneloup*.

Dans The Speculative Mason, elle publia également régulièrement des comptes rendus de revues maçonniques franc,aises célèbres~ comme Le Symbolisme, La Chaîne d union et Le Voile d Isis (qui prit en 1936 le nom d'études traditionnelles). Elle contribua donc à construire un pont culturel et spirituel entre les franc–maçonneries britannique et française. Parallèlement, Aimée Bothwell Gosse écrivit plusieurs ouvrages spiritualistes, dont The Rose Immortal, The Lily of Light, The Knigh Templars et The Ancient and Accepted Rite. Elle avait aussi ]'ambition d'éditer une « Encyclopédie maçonnique du XXe siècle » en rassemblant les différents articles parus dans The Speculative Mason mais elle ne put mener à bien ce projet.
I. M.
BOUCHET
Berthe, née Boulanger {Laxou, 1896–Ravensbruck, 1945) Engagée comme infirmière volontaire en 1916 dans un hôpital ou elle rencontre Émile Bouchet, son futur mari (19l8), Berthe Bouchet reçoit la médaille d'honneur des infirmières pour acte de courage. Émile, lui, dévoué à la patrie, est décore pour fait d'armes. Cet instituteur vendéen, militant à la Ligue des Droits de l'Homme*, devient alors franc–maçon, mais il meurt des suites de ses blessures de guerre. Jeune veuve, Berthe Bouchet retourne alors dans sa région natale, près de Nancy, où elle est recrutée des 1926 comme employée auxiliaire dans un service dépendant de la préfecture, en dépit d'un militantisme humaniste peu apprécié.

C'est en 1930 qu'elle est initiée à la loge n° 36, Paix–Humanité du Droit Humain*, à l'orient de Nancy. En 1937, elle est la première femme de la loge à être vénérable*. Parallèlement à son engagement maçonnique, elle devient aussi, en 1931i, la rédactrice principale en charge des Services des eaux et forets. Partisane du droit de vote des femmes, admiratrice de Marie Curie et de Simone Weill, elle s'engage également au Parti radical et devient vice–présidente de la section locale de Nancy de la Ligue des Droits de l'Homme. Consciente de la menace que représente alors la montée du nazisme*, elle alerte ses amis de la Ligue.

Fonctionnaire mise à l'écart en raison de son appartenance maçonnique, elle est mise sous surveillance des le début de l 'occupation nazie. Elle est arrêtée le 20 mai 1943 par la Gestapo pour fait de propagande et de résistance. Déportée à Ravensbruck, elle est gazée au printemps de 1945.
1. M.

BOULANGISME
Les premiers partisans du « général revanche» forment une coalition hétéroclite de radicaux, de blanquistes, de nationalistes, d'où la présence dans le camp boulangiste d'une poignée de maçons patriotes, comme La guerre (du Conseil de l'Ordre), Élie May, Clovis Hugues, Laisant, Naquet. Cependant, l'appui que le général reçoit de monarchistes et de cléricaux tend à les discréditer. Le souvenir du coup d'état du 2 décembre 1851 n'est pas efface. Pour faire face à la menace, Charles Floquet le 30 mars 1888, prend la direction du gouvernement et, avec lui, la maçonnerie entre, pour la première fois, bannière déployée, dans une bataille politique. Des loges* votent des ordres du jour de soutien au, ministère. La Grande Loge Symbolique Écossaise*, dont il est membre, manifeste sa confiance « dans la fermeté de sa politique réformatrice », susceptible « de mettre fin à l'agitation plébisciter ». Le vendredi 21 avril, les loges de la Gironde votent un ordre du Jour de blâme au général Boulanger, lancent un appel à la concentration des forces républicaines. D'où l'emotion soulevée par une lettre ambiguë de Desmons*, président du Conseil de l'Ordre et député du Gard, publiée le 22 avril 1888. Il voit surtout en Boulanger l'ancien ministre qui à su « inspirer la confiance au soldat et au pays tout entier»

Le Conseil se réunit, le ler mai 1888, à la demande des trois députés radicaux, Fernand Faure, Camille Dreyfus et de Heredia. Le frère Desmons explique qu'il ne s'est exprime que comme députe. Les signataires de l'interpellation jugent ses explications insuffisantes mais le Conseil adopte un communiqué conciliant.

Le 23 mai, l'état–major du Grand Orient* prend officiellement position en dénonçant « la politique plébiscitaire et césarienne qui menace aujourd'hui la véritable démocratie», mais recommande d'éviter, dans les réunions purement maçonniques, « les débats irritants que peuvent y soulever les questions politiques et particulièrement les questions de personnes.»>

Alors que se tient cette séance, des radicaux antiboulangistes maçons ou profanes se rencontrent au Grand Orient et forment une Ligue des Droits de l'Homme*.

Une réunion antiboulangistes est organisée, sous forme maçonnique, avec la participation des trois obédiences*, le dimanche 3 juin à 14 heures au Cirque d'Hiver. Elle obtient un franc succès et une motion énergique est adoptée en dépit de l' intervention de socialistes révisionnistes.

Lors de l'élection législative du 27 janvier 1889, radicaux et opportunistes présentent, contre Boulanger, la candidature du frère Edouard Jacques, un petit industriel qui est président du conseil général de la Seine. La ligue républicaine de Paris lance un appel à la mobilisation des ateliers, mais les résultats sont désastreux: Boulanger est triomphalement élu. Heureusement, le général renonce à marcher sur l'Élysée, préférant attendre les législatives.

Le gouvernement Floquet laisse la place à un cabinet Tirard, ou le ministère de l'intérieur échoit à un ancien conseiller de l'Ordre, le Toulousain Ernest Constans. Il engage des poursuites contre la Ligue des Patriotes et inculpe des chefs boulangistes comme Déroulède, Naquet et Laguerre. Puis il fait répandre le bruit que le général va être arrête et mis en accusation devant la Haute Cour, provoquant sa fuite à Bruxelles.

Le Convent* de 1890 porte à sa présidence, par 237 voix sur 248, Fernand Faure qui à été battu aux législatives à Bordeaux par un candidat boulangiste. Ce choix est donc considère comme une « significative manifestation maçonnique et républicaine». Au cours des débats, Benolt–Levy et Paul Doumer* s'entendent pour présenter la motion suivante: « Les soussignés demandent que le Conseil de l'Ordre mette en oeuvre la justice maçonnique pour exclure de la Franc–maçonnerie, ceux qui ont coopère à la direction du mouvement que l'histoire flétrira sous le nom de boulangisme et principalement la loge La République Démocratique* et son vénérable, tous les frères députes et sénateurs qui ont donne leur nom au comité boulangiste.»

Elle est adoptée par 190 voix contre 17 et 2 abstentions. Le Grand Orient, pour la première fois, va exclure pour raisons politiques.

La liste dressée par Colfavru* comprend les députes Laisant. Saint–Martin, Paulin Mery, Naquet, Jourde, Leveille, Borie et Goussot, le conseiller municipal Pruniéres, l'ancien conseiller de Ménorval, les publicistes Cère, Cinqualbre, Irénée Blanc, Lucien Nicot et le négociant Prosper Iverlet; ainsi que la loge La République Démocratique* et son vénérable Laguerre pour avoir vainement tente de faire initier le journaliste Lalou. Ceux qui, comme Naquet, ne sont plus maçons sont mis en accusation devant leur dernière loge. La République Démocratique est dissoute. Les peines vont de l'acquittement (Blanc, Iverlet) à l'exclusion. Plusieurs exclus, qui ont fait leurs preuves dans le parti républicain (Pruniéres, Jourde, Laisant, Cère), seront ultérieurement réintègres.
A. C.