AMIS DE LA VÉRITÉ
AMIS REUNIS
«ANCIEN[T]S»
ANDERSON,
ANDRADA E SILVA,
ANJOUMAN-I OUKHOUWWAT
ANTIESCLAVAGISME
ANTIMAÇONNISME

AMIS DE LA VÉRITÉ
(Les) (18211834) Cette loge* est née la « sociétément philosophique » constituée en 1818 par quatre jeunes étudiants. employés à l'octroi en 1814. Flotard, Buchez, Bazard et son beau-frère Joubert. fils d'un ancien évêque sécularisé, députe à la Convention, avaient combattu l'ennemi. Leur idée commune est de rassembler, contre les Bourbons, la jeunesse des écoles et des métiers du commerce. Trois sont déjà maçons. lls décident d'initier le quatrième et de fonder une loge, pour couvrir leurs activités, sous le titre des Amis de la Vérité reprenant ainsi le nom d'un ancien club révolutionnaire paramaçonnique fonde par Bonneville et l'abbé Fauchet.

La loge se développe dans la plus totale irrégularité, bien que se réunissant dans des locaux maçonniques. En 1820 sous le maillet de Buchez, elle participe à la manifestation contre la loi du double vote, au cours de laquelle l'etudiant L'allemand est tue. Elle s'allie avec une autre loge révolutionnaire, Les Amis de l'Armorique, et joue le rôle d'un club politique. Les deux ateliers, en liaison avec d'autres groupes comme L'Union de Joseph Rey, projettent une insurrection justifiée par l' impossibilité d 'arriver légalement au pouvoir. Un accord politique est ainsi conclu Aprés une rencontre avec La Fayette* et la tentative est prévue le 19 août 1820. Les jeunes étudiants se rendant à la loge sont invites à se réunir, en armes, dans des chambrées de la place du Panthéon.

Les insurgés sont trahis et les conjures se dispersent. Deux d'entre eux, Joubert et Duguied, doivent s'enfuir et sont inities dans le Royaume de Naples, au carbonarisme. à leur retour, avec l'état-major de la loge, ils fondent la Charbonnerie*.

Les Amis de la Vérité et Les Amis de l'Armorique ne sont admis au sein du Grand Orient* qu'en 1821 en transmettant à l'obédience* une liste d'adhérents très inférieure à la réalité. En effet, le grand nombre d'affiliés montre bien que cette loge fonctionne plus comme un «séminaire patriotique» que comme un atelier ordinaire. Le premier vénérable* « officiel » est le jeune avocat Orsat. D'aprés les papiers de la loge, elle à initie toute une génération de républicains qui font parler la poudre en 1830 et combattront la monarchie de Juillet. Ce sont les Broussais, Guinard, Limperani, Cavaignac, Degeorge Cariol, Sautelet, Beslay Dornés... Elle aurait également reçu Raspail*, Étienne Arago Schoelcher et, peut être, Blanqui.

L'atelier, bien qu' inquiété, survit à l'échec de la Charbonnerie. 11 est résolurent modeniste remplaçant les épreuves physiques par « des examens et des discussions où chaque néophyte peut s'eclairer sur ses droits et ses devoirs réciproques » Ils sont interrogés notamment sur leurs devoirs envers la patrie. Le questionnaire soumis à l'initie ressemble plus à une préparation au << martyr a, teintee de romantisme, qu'a un rituel initiatique traditionnel .

Un rapport de police, en 1825, confirme que certains impétrants font profession d'atheisme: il est vrai qu'une commission, en 1823, élabore une déclaration sur les principes de la morale dans laquelle la loge condamne les morales religieuses (, formulées par des dogmes et un culte qui change par nations et par siècles ,) et définit les besoins des hommes sans références métaphysiques.

Dans les ultimes années de la Restauration une fraction de l'atelier passe au saint-simonisme* et une autre participe à la constitution de la Société « Aide-toi, le ciel t'aidera ». Après les Trois Glorieuses la loge publie une Adresse dans La Tribune des Départements Elle reconnaît le droit à la Chambre des députes d'élire un gouvernement provisoire, mais accueille le nouveau régime avec réticence. Elle organise, le 21 juillet, un grand défile maçonnique à la mémoire des quatre sergents de La Rochelle, dont trois auraient été membres de l'atelier. Des maçons, revêtus de leurs décors, se rendent, derrière la bannière des Amis de la Vérité Temple* de la rue Grenelle-Saint-Honore à la place de Grève ou les quatre sergents ont été guillotinés. Des orateurs, anciens carbonari, dont Buchez et le vénérable Cahaigne, prennent la parole, place de Grève. Puis le défile prend le chemin inverse jusqu'au Temple ou les Frères signent puis diffusent une pétition pour l'abolition de la peine de mort et affichent sur les murs de Paris une proclamation républicaine hostile au roi-citoyen.

Ses membres vont former les cadres de la « Société des Amis du Peuple » Elle tient d'abord ses séances rue Montmartre, puis se réfugie dans le local de la loge rue Grenelle-Saint-Honore. Elle l'abandonne ultérieurement pour ne pas apparaître sous influence maçonnique. L'atelier ne devait pas survivre à l'écrasement des républicains. A. C.
AMIS REUNIS
{Les) Cette loge est l'une des plus prestigieuses de Paris, de 1771 à 1891; elle à été fondée par le garde général du Trésor royal Savalette de Langes*. Fondée d'abord à Rumigny petit bourg de la Thiérache par un magistrat du Parlement de Paris exile par le chancelier Maupeou, la loge s'installe définitivement à Paris en 1773. Savalette de Langes allait faire des Amis Réunis le cénacle de la maçonnerie mondaine et cosmopolite de la fin du siècle des Lumières*. Là se réunissent les élites et les talents reconnus. L'orchestre des Amis Réunis se compose d'ailleurs de six musiciens de grand renom comme le compositeur Bertheaume, les frères Blasius, violonistes du roi, Boutray, de l'Académie de musique, les frères Breval, ou Louis Francoeur, le Surintendant de la musique du roi.

La loge dispose d'un vaste local dans une maison de la rue Popincourt, construite en 1708 par l'architecte Dulin pour le fournisseur aux armées Dunoyer. Au moment de sa disparition en 1791, Les Amis Réunis compte encore quelque 300 membres auxquels il faut ajouter 37 frères occasionnels et frères servants*. Elle comprenait environ 12 % d'étrangers, dont le baron de Beutz chancelier de Saxe, le baron de Gleichen, ministre du Danemark à Madrid, Naples et Paris, le comte Stroganoff, sujet russe. Une centaine d'officiers supérieurs ou généraux garnissent les colonnes*, dont une quinzaine propriétaires de leur régiment. Les peintres* et sculpteurs* sont bien représentés et les médecins sont une dizaine, tous membres de l'Académie de médecine où professeurs à l'université de Paris. Monge est membre assidu de la loge pendant quelques années. Mais la spécificité des Amis Réunis réside dans le nombre important de ses membres qui appartiennent au monde des financiers*: 37 % de l'effectif total de la loge, soit 84 personnes, sont en effet des manieurs d'argent. On ne compte pas moins de 15 banquiers ou affairistes, 13 receveurs généraux, 7 fermiers généraux, 7 trésoriers généraux dont ceux de la Marine et de la Guerre, 4 payeurs généraux 19 membres de la Chambre des Comptes de Paris, 7 hauts fonctionnaires du Trésor royal et, enfin, 11 frères qui s'occupent des finances publiques. À la veille de la Révolution, la loge des Amis Réunis est la plus forte concentration de financiers. Un certain nombre se retrouvent en groupe où séparément pour se livrer à des opérations spéculatives. à la Caisse d'escompte six administrateurs sont membres de la loge. On retrouve aussi les membres de la loge en qualité d'actionnaires de la manufacture d'armes de Charleville, de la Compagnie des eaux de Paris, des mines de Baïgorry, de Decize où de Rueil. Un autre groupe participe activement aux spéculations sur les piastres organisées par la banque Saint-Charles de Madrid. D'autres sont actionnaires de la Compagnie de la baie de l'Hudson pour le commerce avec le canada Plusieurs se spécialisent dans le commerce international, entre autres celui avec les Indes ou les îles pour le négoce du sucre et du rhum, mais aussi pour la traite des Noirs. À la célèbre Compagnie des Indes, on retrouve des membres de la loge comme actionnaires ou comme administrateurs. Enfin, un dernier groupe participe activement à des spéculations immobiliers à Paris.

Le succès des Amis Réunis dans le monde de la finance s'explique peut- être par le fait que, dans le dernier tiers de la fil du XVIIIe siècle et devant l'absence de Crédit public seuls quelques puissants financiers pouvaient se lancer dans de grandes opérations. Tout se jouait alors sur la confiance. Celle-ci entraîne vers l',appartenance à des lobbys professionnels, à des réseaux familiaux qui se retrouvent en loge. Le crédit moral de l'affiliation maçonnique peut entraîner le crédit des affaires, ce qui permet à beaucoup d'être à la fois gestionnaires et profiteurs La loge offre donc un cadre discret à des conversations financières et à la mise en place des relations protectrices e les liens philosophiques trouvent alors naturellement leurs prolongements dans 10 monde de la finance. P.-Fr. P.
«ANCIEN[T]S»
(Grande Loge des Anciens ou Grande Loge Atholl! Le paradoxe veut que la nouvelle Grande Loge qui se constitue en 1751 se nomme Grande Loge des Anciens (en anglais: Antients ou Ancients). La querelle qui oppose les Anciens et les Modernes*, vocables dont les Anciens affublent les membres de la Grande Loge de 1717, ne s'apaise qu'à la fin du XVIIIe siècle, juste avant l'Union de 1813 qui donne naissance à la Grande Loge Unie d'Angleterre*. On sait maintenant que les fondateurs de cette Grande Loge, pour un grand nombre d'entre eux d'orgine irlandaise, ont été inities en Irlande*, et qu'il est erroné de parler d'une scission de la Grande Loge originelle des Modernes. Simplement ces maçons récemment immigrés, n'ayant pas été admis dans les loges* anglaises, ont créé leurs propres ateliers, puis leur Grande Loge, réunie pour la première fois le 17 juillet 1711. Les premières listes des Anciens, retrouvées par Henry Sadler, montrent que le niveau social de cette nouvelle obédience* est beaucoup moins élevé que celui des Modernes, ce qui explique le mépris de ces derniers à leur égard.
Armoire.jpg - 90221,0 K Les Anciens, qui ont besoin d'affirmer leur légitimité, prétendent détenir des secrets* maçonniques antérieurs à ceux des Modernes et représenter les véritables héritiers de la loge d'York*. Ils prétendent également être restes fidèles aux anciennes constitutions en ayant des principes religieux plus affirmes que ceux des Modernes juges trop flous. Un grand nombre d'Anciens sont des catholiques irlandais: on comprend mieux cette recherche du dogme et cette méfiance à l'égard de l'agnosticisme, de la religion naturelle, en un mot de la tolérance. Afin de se démarquer des Modernes ils introduisent un 4e degré, celui de l'Arche Royale* (Royal Arch*), qui leur permet, outre la beauté du symbole, d'exclure à leur tour les visiteurs « Modernes » qui ignorent naturellement ce degré.

C"est le Grand Secrétaire Laurence Dermott* qui donne tout son souffle à la nouvelle Grande Loge. Habile politique, il ne tente pas d'accéder lui - même à la Grande Maîtrise, mais préfère la confier à quelques aristocrates. C'est lui qui dote la nouvelle obédience d'un ouvrage destine à faire concurrence aux Constitutions d'Anderson*, Ahiman Rezon, et c'est lui qui tient tous les registres de la Grande Loge. Ahiman Rezon est un véritable catéchisme* maçon nique rédige à l'intention des frères et Dermott prend modeler sur les statuts de la Grande Loge d'lrlande en particulier sur ceux de son comité de charité. Cette structure prend beaucoup d'importance chez les Anciens, ce qui est révélateur des difficultés financières d'un grand nombre d'entre eux.

Comme les Modernes, Dermott recherche l'appui des aristocrates afin de donner du prestige à la Grande Loge: le comte de Blessington ex-Grand Maître d'lrlande, devient ainsi Grand Maître des Anciens en 1756. Par la suite, la Grande Maîtrise sera presque toujours confiée à des aristocrates. Moins chanceux que les Modernes, les Anciens ne parviendront pas à attirer les membres de la famille royale, à l'exception du duc de Kent, charge de cet office uniquement pour que l'Union de 1813 ne soit déshonorante pour aucune des deux Grandes Loges. Pourtant la Grande Loge des Anciens multiplie elle aussi les déclarations de fidélité au roi et à l'ordre établi pendant la Révolution française*.

Les Anciens moins élitistes se développent rapidement: 6 loges en 1751 36 en 1754, 133 en 1783. Entre 1793 et i813 la croissance est particulièrement forte: on compte 180 loges en 1793 et 260 en 1813. C'est ce qui explique que les Modernes aient cesse de les ignorer et recherche l'union. La grande force des Anciens est d'avoir noué dés le début des relations diplomatiques avec les Grandes Loges d'lrlande et d'Écosse*, ce que les Modernes avaient omis de faire, considérant que la Grande Loge anglaise était la mère de toutes les autres Grandes Loges et ne pouvait donc se situer sur un pied l'égalite avec ces obédiences. Ainsi, deux membres de la célèbre famille écossaise des Atholl ont été à la fois Grand Maître des Anciens et de la Grande Loge d'Écosse: le 3e duc d'Atholl est Grand Maître des Anciens de 1771 à 1775 et de la Grande Loge d'Ecosse en 1773. Le 4e duc d'Atholl est Grand Maître des Anciens de 1775 à 1782, puis de 179] à 1813, et de la Grande Loge d'Ecosse en 17781779. On comprend pourquoi la Grande Loge des Anciens est également connue sous l'appellation de Grande Loge Atholl. Le facteur religieux et le facteur nationaliste sont déterminants: les Anciens sont beau cou p plus proches culturellement des Irlandais et des Ecossais que ne le seront jamais les Modernes. C'est également pour cette raison que la famille royale sera si soucieuse d'encourager leur union par l' intermédiaire d es ducs de Kent et de Sussex*. En 1813, il est temps de songer à créer une Grande Loge du Royaume-Uni et d'oublier un peu le chauvinisme anglais, péché dont ne s'étaient jamais rendus coupables, et pour cause les Anciens.

Liste des Grands Maîtres de la Grande Loge des Anciens: 1753, Robert Turner; 1754, I'Honorable Edward Vaughan; 1756, comte de Blessington; 1760, Thomas comte de Kelly; 1766, I'Honorable Thos. Mathew, 1771, John, 3e duc d'Atholl 1775, John, 4t duc d'Atholl; 1782, vacant; 1783, William Randal, comte d'Antrim; 1791 John, 4e duc d'Atholl; 1813: S.A.R. Ie duc de Kent. C.R.
ANDERSON,
Andrada.jpg - 86741,0 K James (Aberdeen, 1684 1739) Diplôme de l'université d'Aberdeen, James Anderson s'installe à Londres en 1710 où il devient pasteur de l église presbytérienne d'Écosse. Ruiné er 1720 par la faillite de la Compagnie des mers du Sud, il assure son ordinaire en se faisant polygraphe. Personnage controversé, on ignore la date de sa réception en maçonnerie. Auteur de plusieurs compilations généalogiques, il est aujourd'hui surtout connu par les Constituions* données en janvier 1723 (The Constitutions of the Free-Masons. Containing the History, Charges, Regulations &c, of the Most Ancient and Right Worshpful Fraternity. For the Use of the Lodges) pour lesquelles on s' accorde à penser qu'elles furent une oeuvre collective à laquelle Desaguliers* prit une part détérminante. C. P
















ANDRADA E SILVA,
José Bonifàcio de (Santos, 1763-Niteroi, 1838) Fils du colonel Bonifàcio José de Andada et de Maria Barbosa da Silva, José Bonifacio part pour le Portugal* en 1781. y suit des études de droit et de philosophie (1787) à l'université de Coimbra, et se consacre à l'histoire naturelle et à la métallurgie. Membre de l'Académie Royale des sciences de Lisbonne, sa passion pour la minéralogie et l'histoire naturelle lui font mener des missions d'études dans toute l'Europe (1790-1800)~ ce qui lu permet de visiter universités, musées, bibliothèques institutions scientifiques, mines et usines, et de côtoyer bon nombre de notabilités scientifiques de l'époque. Par la suite, il est nomme intendant général des mines (1800) et professeur de métallurgie et de géognosie à l'université de Coimbra (1801). Alors qu'il occupait ces postes, son rôle est de première importance notamment en ce qui concerne l'expansion minière du Portugal. 11 combat également contre les Français lors de la première invasion du pays (!808), met en place et commande un bataillon d'académiciens volontaires. lorsque vient la paix, il occupe le poste d'intendant de police à Porto et celui de secrétaire général de l'Académie Royale des sciences de Lisbonne (1814-1819).11 a laissé de nombreux ouvrages sur les sujets dont il est spécialiste.

En 1819, il revient au Brésil* et le roi Joao VI le nomme conseiller de la Couronne. ll devient par la suite un des principaux paladins luttant pour l'indépendance du Brésil, occupe les fonctions de députe à l'Assemblée constituante et de ministre du Royaume et des Affaires étrangers (1822-1823). Toutefois, un différend avec l'empereur Pedro ler le force à l'exil en France (1823-1829). De retour au Brésil, il renoue avec la politique et est à nouveau élu députe. ll se réconcilie avec l'empereur, qui lui confie la tutelle de ses deux fils quand celui-ci s'exile à son tour (1831). Accuse de préparer le retour de Pedro ler au pouvoir, il séjourne quelque temps en prison et est incarcéré sur l'île de Paquetà (1833). Après avoir été acquitte, il se retire à Niteròi ou il meurt, presque oublie de tous.

Initie franc-maçon au Portugal à une date et en un lieu inconnus (peut-être à Coimbra), en 1802, il à déjà atteint dans ce pays un grade* élevé et à fait partie du chapitre des Chevaliers de l'Orient existant à l'époque à Lisbonne. De retour au Brésil, Jose Bonifacio fonde une société paramaçonnique indépendants. le Noble Ordre des chevaliers de Santa Cruz qui est plus connue sous le nom d'Apostolat, En mai 1822, alors que s'annonce la séparation du Brésil, et qu'il appartient à la récente loge* de L'Espoir de Niteroi 1l est élu Grand Maître du Grand Orient du Brésil. En octobre 1822, il doit céder sa place à Pedro ler fraîchement proclame empereur, et est alors relègue au poste de Grand Maître Delegue qu'il continue d'occuper pendant toute la période de suspension officieLle de l'activité franc-maçonnique brésilienne et meme pendant son exil. Lorsqu'il revient à nouveau au Brésil, il tire le Grand Orient de son sommeil, et est une nouvelle fois élu Grand Maître. 11 y demeure jusqu'a sa mort et c'est en grande partie à lui que l'on doit la renaissance et l'expansion de la franc-maçonnerie brésilienne qui caractérisent son histoire au XIXe siècle. J. J. A. D. et A. H. de O. M.
ANJOUMAN-I OUKHOUWWAT
(Iran*)Cette organisation spirituelle à été fondée à Téheran, en 1899 par Zahir al-Davla homme d' État iranien d'esprit libéral qui était le disciple et le successeur de l'un des principaux cheikhs soufis de son temps, Safi Ali Chah (1835-1899) (confrérie* Nimatoullahiy,va). Après avoir succédé à ce dernier à la tête de son groupe de fidèles qui rassemblait des gens du peuple et des princes de la famille qadjare régnante, ainsi que des opposants au régime despotique du Shah et des partisans du mouvement constitutionnel, Zahir al-Davla prit le nom mystique de Safa Ali Chah. L'Anjouman associait trois courants mystico-philosophiques: le neoplatonisme des Frères de la Pureté (Ikhwan al-Safa) le soufisme de la plus célèbre confrérie mystique iranienne, la Nimatoullahiyya et la franc-maçonnerie. C'est toutefois le soufisme qui prédominait. Administrée par un conseil de sages, l'organisation a adopte des symboles inspires du soufisme (hache, bol aux aumônes, chapelet de prière.. .} et de la franc-maçonnerie (fil à plomb, équerre*, compas*...). A partir de 1906, Zahir al-Davla et plusieurs fidèles de l'Anjouman sont devenus membres de la première loge maçonnique iranienne, Le Réveil de /'Iran {Grand Orient* de France}. Auparavant Zahir al-Daarla avait été lie a une association paramaçonnique persane, la Djamayi adumiyyut (Ligue de l' Humanité, 1886} qui succédait a la Faramoucl7khana* (18589 . deux créations du penseur réformiste Malkoum Khan. Zahir al-Davla exposait que l Anjouman était au service de la société, et que l'un de ses objectifs était de développer la culture, de perfectionner la morale et d'encourager la liberté. Sur le plan politique, en dépit de ses attaches avec la famille régnante qadjare (il avait épouse une princesse du sang), Zahir al-Davla a été un partisan actif du régime constitutionnel et l'Anjouman se présentait comme une pépinière de penseurs réformistes et libéraux. L'organisation fut dissoute lors de la contre-révolution de 1908, puis autorisée en 1909 avec le retour des libéraux. Elle s'est maintenue en Iran jusqu'a la révolution islamique de 1978-1979. T. Z.
ANTIESCLAVAGISME
(1815-1848) Les meneurs de la lutte contre l'esclavage ont été reçus maçons en France métropolitaine. Le livre d'architecture des Trinosophes* Neustriens décrit l'initiation*, le 4 juillet 1828, du négociant martiniquais Louis Fabien et de Charles Bissette en ces termes: « Tous les yeux se tournent avec intérêt sur ces deux derniers candidats victimes d'un préjugé barbare et martyrs de la plus odieuse iniquité; chacun éprouve les plus vives émotions et se promet de coopérer a leur faire oublier les iniquités dont l'arbitraire colonial leur a fait vider la coupe d'amertume Jusqu'a la lie.» L'avocat Barthe « flétrit les persécuteurs de nos nouveaux frères ».
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Victor Schoelcher qui fera voter l'abolition de l'esclavage, le 27 avril 1848, a fait ses premières armes maçonniques aux Amis de la Vérité* a une date inconnue.
Il reprend une activité maçonnique en 1844 a La Clémente Amitiésemblablement a l'initiative de l'éditeur Pagnerre. Il démissionne l'année suivante, a la suite d'une crise opposant le vénérable et Pagnerre au sénat maçonnique et a la fraction conservatrice de l'atelier. 11 aurait fréquente, en exil, la loge des Philadelphes *. Il est également présent à la tenue* de La Clémente Amitié en 1876 ou est célèbre l'anniversaire de la réception de Littré* et de Ferry*. En 1894, les loges tirent une batterie* maçonnique de deuil a sa mémoire.

Aux Antilles françaises, en 1835, la loge guadeloupéenne La Paix fait savoir au Grand Orient* que cinq maçons, dont trois « indignes » de l'être, ont ouvert une loge sauvage sous le titre distinctif des Émulles d'Hiram. Ils ont loué une chambre en ville et procèdent a des initiations. Le choix des candidats, la publicité des réceptions ont provoque un « scandale public». Les trois accuses sont le vénérable Joseph Roux de Beaufort, un propriétaire accusé d'avoir indûment porte la Légion d'honneur, I'ex-négociant Auguste Girard, responsable d'une faillite frauduleuse,et Sylvestre Lacoste, qualifié « d'esclave il y a dix ans, alors rampant et flatteur», et qui promène depuis trois ans une «existence flétrie ». Il saurait « à peine assembler les quelques lettres qui forment son nom ». Les fondateurs ont reçu la Lumière dans des loges de la métropole. Ainsi, Sylvestre Lacoste est membre de La Trinité a Paris. La Paix, qui dénonce cet atelier, se sent pourtant mauvaise conscience. Elle se défend de refuser « d'admettre au bienfait de l'institution maçonnique la classe des hommes de couleur», et justifie son attitude par la nécessite de faire l'apprentissage auprès des vieux maçons.

Le Grand Orient émet d'abord un avis négatif, puis, sous la pression des antiesclavagistes, accorde, le 18 août 1836, les constitutions nécessaires. C' est La Paix qui doit installer le nouvel atelier, le 21 août 1837, sous le titre distinctif des Disciples d'Hiram. Leur députe auprès du Grand Orient est un imprimeur, membre de La Clémente Amitié, qui va initier, en 1848, le premier députe antillais de couleur, le menuisier Louisy Mathieu.

En Martinique, en 1846, quatre loges battent rnaillet: deux a Saint-Pierre, une à Fort-Royal (La Trigonométrie fondée par un ancien de la Charbonnerie*) et une à Trinité. Les deux loges de Saint-Pierre sont fermées sur ordre du gouverneur, pour propagande républicaine. La Trigonométrie se félicite, en 1847, d'anticiper sur le progrès des idées dans la société coloniale et craint d'être dissoute. Son vénérable, en 1848, le notaire Husson, est a la tête du mouvement républicain et antiesclavagiste. Cette année-la, La Réunion des Arts, une ancienne loge de Fort-Royal reconstituée, choisit Bissette comme députe auprès du Grand Orient. A. C.
ANTIMAÇONNISME
1. Approche générale
II Mgr de Segur, chantre de l'antimaçonnisme (Paris, 18201891)
III. L'antimaconnisme en GrandeBretagne

1. Approche générale
L'antimaçonnisme accompagne, depuis sa naissance, l'histoire de la franc-maçonnerie; mais les motifs de dispute et les lieux d'affrontements qui ont jalonne la vie de ce couple maudit se sont déplaces constamment en fonction des enjeux de Société, religieux et politiques. La nature du lien entre les maçons, initiation* et serment* le recours au secret*, alimentèrent une opposition d'autant plus forte que les maçons eux-mêmes se prévalurent du rôle et de l'efficacité de ce lien parfois bien au-delà réalités Grande Bretagnes terre d'orgine de l'institution, échappa longtemps a cette hostilité, la France, l'Italie*, une bonne partie de I' Europe protestante et les États-Unis* furent touches des le XVIIIe siècle. Les choses s aggravèrent au XlXe avec la répétition des condamnations pontificales contre une institution qui cristallisait tous les maux de la modernité.
Antim.jpg - 132988,0 K Aux origines de L'antimaçonnisme? la part du secret et celle du public ne fut jamais bien nettement séparée, si les Grandes Loges se formèrent sur la base de documents écrits (les Constitutions d'Anderson* parurent en 1723), les rituels appris par coeur et les tableaux* de loge dessines a la craie sur le sol et effaces apres la tenue* demeuraient en principe secrets. Cependant les divulgations, meme malveillantes, vinrent opportunément secourir la mémoire défaillante des maçons, tant en Grande-Bretagne qu'en France. Ainsi le « profane» Samuel Prichard dévoila tous les rituels en 1730 dans Maconry Dissected , ouvrage qui devint un véritable manuel et inspira La Tierce* en France (17429. Une telle situation favorisa la multiplication des libelles provoques par les succès foudroyants de l'Ordre des deux cotes de la Manche dans les milieux les plus en vue de la société, où l'on goûtait fort les révélations faites par d'anciens adeptes, et ou l'on tournait aisément en ridicule leurs cérémonies. Cependant, les maçons laissaient aux jésuites ou aux jansenistes (jansenisme*) le premier rôle: L'Ordre des francs-maçons trahis. .. (1744), de l'indiscret abbé Perau, cédait le pas a l'accusation d'infiltration, de caractère complotiste celle-la, de l'illuminé Nicolas de Bonneville. L'institution avait été pénétrée par les disciples de Loyola qui en étaient devenus les « superieurs inconnus ». Les Jésuites chassés de la maçonnerie et leur poignard brise par les maçons (Londres, 1788) connut d'ailleurs un grand succès dans la France gallicane qui allait, avec l'abbé Grégoire, députe aux États,généraux, bouleverser les rapports de l'Eglise et de l'État.

Les autorités politiques s'émurent très tôt en Europe de la mise en place de ce réseau international qui ignorait les anciens clivages religieux. IDans les pays protestants tout d'abord, les États généraux de Hollande, en 1735, interdirent les réunions de francs-maçons. Ce fut le tour du Conseil de Genéve* et de la France en 1737, puis de la Suède*, de Hambourg et du Palatinat. Les autorités catholiques romaines, pour des motifs politiques dans le royaume de Naples ou en Toscane, virent dans les activités des loges l'occasion de redonner aux tribunaux d'lnquisition* devenus inactifs une raison d'etre. La condamnation pontificale de Clement Xll, In Eminenh en 1738, confirmee par Benoit XV, Providas (1751), motivee par le secret de la société et le melange d'adeptes de religions differentes, ne comportait aucune argumentation theologique. Son effet demeura limite en France notamment ou le Parlement de Paris ne l'enregistra jamais.

Tout au long du XIXe siecle, l'Eglise catho lique crut pouvoir reconnaitre la main de l'Ordre activant dans l'ombre les mesures qui aboutirent au rejet du religieux dans la sphere des libertes individuelles, «secularisation » dans le monde anglosaxon, laicite en France ou en Belgique. La these de l'unite du mal, la macionnerie reprenant et resumant dans ses principes toutes les anciennes heresies, fondait cette resurgence de la « gnose étérnelle »; elle constituait « la secte » par excellence.

Si les accusations de l'abbe Barnuel, ou de John Robison (Proofs of à Conspiracy..., Edimbourg, 1797) qui associait les francsmaçons, les Illumines et les sociétés de lecture dans un vaste reseau de conspiration contre la religion et les gouvernements legitimes, avaient tout d'abord provoque la stupeur des nombreux emigres maçons et provoque la mise au point du plus illustre d'entre eux Joseph de Maistre, dans rJes Soire'es de SaintPe'tersbourg, elles firent neanmoins leur chemin. Le controle etatique des Bonaparte sur l'institution le role des loges miiitaires dans l'expansion franacaise en Europe et ies sequelles de celleci sur la politique italienne du SaintSiege donnerent aux theses complotistes un large echo dans l'opinion publique notamment celle de Felix Montjoie qui articulait le complot autou,r de LouisPhilippe d'Orleans, PhilippeEgalite, Grand Maitre du Grand Orient de France. L'activite des sociétés secrétés liees à la maçonnerie, carbonari italiens avec Garibaldi, Charbonnerie française impliquee avec quelques loges dans l'affaire des quatre sergents de La Rochelle, en 1821, «NeoTempliers » de FabrePalaprat (1773-1838) dans les journees de 1830, semblait justifier cette attitude. Les maçons des pays latins, de leur cote, revendiquerent la premiere place dans les luttes pour la democratie et la modernite, associees à l'anticlericalisme militant. Le Grand Orient de France abandonna en 1877 l'obligation de la reference au Grand Architecte d'Univers et et surtout accueillit largement les anticlericaux les militants de la lalcite de l ecole avec Jean Mace et ses amis de la Ligue de l'Enseignement. Elle revendiqya les premiers roles dans l'eviction de l'Eslise de la vie publique. Aussi la litterature de polemique comme res FrancsMaçons de Mgr de Segur (1864) se contentaitelle de reprendre les auteurs maçonniques ou meme l'Annuaire maçonnique en ajoutant ses propres commentaires.

L'autorite romaine suivit la pression populaire, multipliant les condamnations, blamant Mgr Darboy (18131871), archeveque de Paris, d'avoir enterre religieusement le prince Mural (18031878) Grand Maitre du Grand Orient de 1852 à 1861. L'encyclique Humanum genus (1884) de Leon XIII resuma les arguments et en donna une expression dogmatique opposant « deux éténdards » .« deux cites » du bien et du mal. Il invitait à « arracher le masque » de la société secrété. L'encouragement fut entendu par le journal La Croix qui en fit un de ses themes de combat et par les revues specialisees. La FrancMaçonnerie demasque'e de l'abbe de Bessonies (18591913) livrait à la vindicte publique des listes nominatives de maçons et Taxili lancoait la serie de publications decrivant le diable jouant du piano dans les « arriereloges ». Cependant la tentative de reunir à Trente un concile «antisecte » fit long feu et le discredit retomba sur les catholiques Aprés que Taxil eut reconnu publiquement, en 1897, la supercherie de la Grande Maïtresse luciferienne Diana Vaughan. Le Code de droit canon de 1917 reprit les interdictions anterieures, comme la Revue internarionale des société's secrétés de Mgr Jouin (18441932), entre les deux guerres, fit la transition avec l'antimaçonnisme politique du regime de Vichy.

La mefiance domine en terre d'islam envers la maçonnerie, image de la modernite occidentale.

C'est par les escales, «Mes echelles du Levant», que la maçonnerie à penetre la Mediterranee orienta.e avec les marchands venus de Marseille ou d ' Anglétérre, comme au Moyen Age; elle accompagna l'expansion commerciale europeenne dans l'Empire ottoman arabe, en Grece, à Istanbul meme des le XVIIIe siecle. L'expedition de Bonaparte en Egypte, la conquété de l'Algerie par la France s'accompagnerent de fondations de loves frecuentees par la bourgeoasie locale à cote des etrangers et des Juifs L'emir Abd elKader, eminente recrue qui avait conçu une correspondance entre soufisme et maçonnerie, fut deçu par l'absence de preoccupations mystiques d'une institution generalement identifiee à une nouvelle forme de croisade. Cependant en Turquie, des milieux soufis la confrerie des Bektachi en particulier se firent ies artisans de la revolution modeme L'antimaçonnisme se trouva donc lie à des enjeux de société: attitude à l'egard des Juifs, antisionisme, adaptation de l'islam au monde contemporaim . L'integrisme egyptien soupçonne tout «l'iberalisme » d infiltrabon maçonnique. En Iran l'assimilation de la maçonnerie à la structure des confreries accentua l'inquietude d un rattachement à une organisation dont la tété etait à l'etranger.

Sur l'autre rive de l'Atlantique, une certaine mefiance de l'opinion publique ne se dementit egalement jamais, bien qu'aucune menace d' interdiction d'inspiration politique totalitaire ni de systeme de religion unique n'ait existe. Elle est integree au fonctionnennent «normal» de la société. Des 1825 l''Ordre fut accuse de meurtre avec l'affaire Morgan un maçon rejété d'un «chapitre » de hauts grades, qui publia une divulgation (bien anodine) puis disparut sans laisser de traces; I'affaire fut l'occasion d'une exploitation politique. Dans les annees 1840, John Smith developpa sa nouvelle Eglise de Mormon, à Nauvoo en Illinois, dans le cadre de ioges maçonniques. Le Grand Maitre de cet Etat ayant coupe court à l 'entreprise , la brou il le fut irreversible , les Mormons penserent que la maçonnerie avait trempe dans l'assassinat du prophété Smith et inspirah les persecutions contre la veritable Eglise de Jesus Christ. L'incompatibilite entre le christianisme et la maçonnerie fut affirmee par certains milieux ,religieux protestants, tout autant que les Eglises orthodoxes.

Le concile Vatican 11 à mis fin à la diabo lisation de la maçonnerie, mais le nouveau Code de droit canon à maintenu l'interdiction de la double appartenance, laquelle est assimilee à une faute grave.

Dans des pays traditionnellennent favorables à la maçonnerie, la GrandeBretagne, par exemple, on voit se developper une mefiance nouvelle et l'obligation de declarer son appartenance. En sens inverse, l'assimilation toujours possible avec les sectes à fait que certaines personnalites maçonniques se sont engagees en France dans la lutte contre les sectes, de facon à montrer clairement les frontieres. Cependant, la situation nest pas sans danger puisqu'elle est liee à la reversibilite des arguments et à la rapidite incontroiable des reactions de masse dans les systemes de communication mediatiques contemporains. J.P. L.
II Mgr de Segur, chantre de l'antimaçonnisme (Paris, 1820/1891)
Antima.jpg - 148899,0 K Louis Gaston de Segur venait d'une illustre famille de militaires et diplomates ainsi LouisPhilippe de Segur (17531830) que l'on trouve aux cotes de La Fayette pendant la guerre d'lndependance americaine puis à l'ambassade de SaintPétérsbourg et qui fut eleve en 1822 à la tété du Supreme Conseil du Rite Ecossais... Un fils rallie de façon spectaculaire aux Bonaparte fit carriere sous l'Empire, et son neveu Eugene le pere de LouisGaston, epousa Sophie Rostopchine, la fille du fameux gouverneur incendiaire de Moscou qui appartenait au cercle restreint mais tres actif des Russes catholiques. à Paris Sophie frequenta le salon de Mme Swetchine (17821857), amie du pere Lacordaire, puis se confina dans la solitude normande ou l'inconstance de son mari l'avait poussee. Ultramontaine, elle partagea son temps entre l'ecriture et l'education des enfants.

Une vocation reelle mene Louis Gaston au seminaire de SaintSulpice et Mgr Affre, archeveque de Paris, l'ordonne pretre en 1847. Aveugle en 1855 il consacre sa vie militante à l'action sociale l'apostolat ouvrier tout particulierement, et à la lutte contre la secte qutil fallait abattre pour en finir avec la Revolution francaise et les erreurs de la modernite que l'Eglise condamnait sans relache: le Syllabus date de 1864.

(Euvre de combat, Les FrancsMaçons, de Mgr de Segur, parut en 1867 chez Tolra, à Paris. C'est un petit volume d'une centaine de pages, sans recherches historiques, ni theologiques, et qui est bien loin de l'erudition de Barruel. Cependant son succes fut considerable: 120 000 exemplaires furent vendus en 5 ans et Iton en etait, 20 ans plus tard, à la 62e reimpression. Mgr de Segur n'y avait pas change une virgule, men e Aprés la publication de l'encyclique Humanum Cenus de Leon XIII en 1884 et l'abandon, en 1877. de la reference obligatoire au Grand Architecte de l'Univers par le Grand Orient de France. Ces evenements etaient la confirmation pure et simple du complot que le souverain pontife denoncait en invitant à la lutte; pour sa part, Mgr de Segur n'avait pas attendu cette confirmation officielle pour « arracher à la francmaçonnerie son masque », selon les termes de l'encyclique.

L'epine dorsale de l' argumentation reside dans la distinction fondamentale entre la maçonnerie apparente, conviviale et bon enfant et les arriereloges ou les veritables Maïtres de l'Ordre directement inspires par le principe du mal, differents des Grands Maïtres et autres hauts grades dont on affubla les princes au XVIIIe siecle, donnent impulsion et direction aux activites des loges. Le nombre d'adeptes (1600000 pour la France et 8 millions pour le monde). demesurement grossi, etait destine à illustrer la gravite du peril social et cette masse manipulee apparalt comme necessairement inconsciente. Les descriptions d'initiation, epreuves et rituels ainsi que celle de la stnucture institutionnelle etaient reprises de manuels maçonniques largement diffuses dans le public; L'Histoire pittoresque de la franemaçonnene de F. T. B. Clavel (17891852). publiee en 1843, constituant sa source principale.

Les interpretations certes different: Segur reprend de Barruel et de l'antimaçonnisme du xvme siecle l'assimilation de la maçonnerie hermetique et kabbaListique à la favcon de Martines de Pasqually et de Willermoz à celle des materialistes et rationalistes comme les Illuminaten Tous sont unis par un ultime secret qui est la haine de JesusChrist qui expie sur la croix le meurtre d'Hiram: tel est le sens du grade impie de RoseCroix et la finalite du terrible serment dont Barmel avait préténdu avoir été dispense lors de son initiation. IL éténd son assimilation aux carbonan italiens et à la Charboml(rie francaaise qui luttaient ici contre la Restauration et la contre le pouvoir temporel des papes et pour l'unite itaiierlne Mazzini Ganbaldi etaient tous maçons et l'un des chefs de la grande conspiratio contre l'autel et le trone avait pu etre identifie par la police romaine dans un Juii italien repondant au pseudonyme de Piecolo Tigre (Petit Tigre). Le reseau de la subversion éténdait dorenavant son action à l'education des enfants, des jeunes filles et vers les femmes. La Ligue de l'Enseignement de Jean Mace,« ligue impie » servant de masque à la maçonnene, en etait l'exemple le plus voyant. La lutte contre ce fleau social etait donc le premier devoir d'un chretien.

Des dignitaires de l'Ordre, tel Jules Osselin, repondirent sur le meme ton, enumerant les crimes de l'Eglise, de l'lnquisition à la SaintBarthelemy. La polemique s'adressait desormais au grand publiç evitant par exemple l'argument de la dechristianisation des rituels qui supposait leur caractere chretien anteneur et les auteurs trop intellectuels comme le publiciste catholique CretineauJoly (1803 1875) dans L'Eglise romaine en face de la Revolution (Paris, Plon, 1859); elle glissa vers le terrain de la denonciation pure et simple avec La FrancMaçonnerie demasque'e de l'abbe de Bessonies (18591913) ou les diableries provocatrices de Leo Taxil.

Le pamphlet de Segur fait le lien entre l'antimacSonnisme du xville siecle et les grandes manipulations d'opinion publique du monde actuel, il est contemporain d'un autre livre à succes: Le Juif, le judaisme et la judaisation des peuples chretiens de Henri Gougenot des Mousseaux (18041876). Ainsi se trouvaient mis en place, à la fin du Second Empire, les principaux themes des debats d'opinion jusqu'a la Seconde Guerre mondiale. J.P. L.
III. L'antimaconnisme en GrandeBretagne
En GrandeBretagne, les premieres attaques apparaissent dans les annees 1730: elles sont surtout destinees à satisfaire les curieux en leur livrant les préténdus secrets des loges. Les auteurs des exposures ces manuels qui revelent le rituel des loges, ont essentiellement des motivations d'ordre lucratif. Samuel Pritchard vend tres bien son Masonry Dissected (1730) en Anglétérre, puis en France, ou il est traduit. Ce succes commercial s'explique par la precision des revelations; comme le rituel n'etait jamais consigne par ecrit, les maçons euxmemes achetaient d'ailleurs parfois ces opuscules afin de s'en servir comme aidememoire. lls sont tres precieux pour qui veut comparer les renseignements fournis par Pritchard et ceux qui sont donnes par les auteurs anonymes de The Crand Mystery of Freemasons (1724) ou The Mystery of Freemasonry (1730). Ces revelations n'ont donc pas veritablement un caractere antimaçonnique.

En revanche, un certain nombre d'auteurs se placent sur un plan moral et religieux. Ils reprochent aux maçons de se reunir en cercles fermes, à l'abri du regard des femmes et de prétér des serments redoutables. En 1723, The Fremasons: an Hudibrashck Poem met en scene un ancien francmaçon delivre de son sem ent par un pretre catholique, qui se repand en propos antimaçonniques mais aussi antisemites. Si la bulle papale de 1738 n'intimida nullement les maçons britanniques, elle poussa sans doute un certain nombre de catholiques à parodier la Grande Loge d' Anglétérre ou bien à ecrire des pamphlets antimaçonniques. L'affaire Coustos pemmit à la Grande Loge d'Angléténre d'allumer un contrefeu et de montrer les horreurs commises par l'lnquisition portugaise. Dans son recit autobiographique, publie en 1746 et reedite à plusieurs reprises, John Coustos decrit avec force details les tortures qui lui ont été infligees par l'Inquisition en 1742 pour avoir fonde une loge maçonnique à Lisbonne. ll faudra attendre la fin du siecle pour que les catholiques renouvelient leurs attaques contre la francmaçonnerie. John Robison tente d'accuser les francsmaçons de complot revolutionnaire. Certes, dans Proofs of à Conspiracy (1797) ce professeur d'histoire naturelle à l'universite d'Edinabourg et secretaire de la Royal Society vise essentiellement les francsmaçons français. Comme Barruel il s'evertue à montrer que les illuminaten (Baviere) ont influence les loges francaises les incitant à comploter contre l'Etat et leur soufflant ainsi l'idee de la Revolution francaise. Si l'abbe Barruel epargne d'emblee les maçons anglais, peutetre en raison de son estime pour Edmund Burke John Robison ne prend pas cette precaution. Les françsmaçons britanniques sont d'autant plus vexes qu'ils accumulent alors les messages de soutien à la monarchie. Robison fut contraint d'innocenter la francmaçonnerle britannique dans la deuxieme edition de son ouvrage mais le mal etait deja fait. ce qui explique que le comte de Moira Grand Maïtre Adjoint sortit de sa reserve pour mettre les choses au point dans une declaration en tenue de Grande Loge, le 3 juin 1800. Il affirma que les loges britanniques n'avaient jamais fomente le moindre complot et avaient toujours fait preuve d une loyaute exemplaire envers les institutions du royaume: personne ne songea à contredire le comte sur ce point.

Au cours du XIXe siecle, rien ne vint troubler la quietude de la Grande Loge Unie d'Anglétérre et il faut reellement attendre le XX' siecle pour percevoir une nouvelle vague d antimaçonnisme. Stephen Knight publie un ouvrage particulierement fantaisiste, The Brotherhood, en 1984. Cinq ans plus tard, un journaliste de Channel 4, Martin Short, publie Inside the Brotherhood. Ces ouvrages sont des bestsellerss mais ils ne parviennent pas à entamer la credibilite de la Grande Loge Unie d Anglétérre. Recemment, cette derniere à cependant du faire face à des accusations plus graves, car plus difficiles à refuter. Son caractere traditionnellement tres conservateur à en effet rendu la francmaçonnerie anglaise suspecte aux yeux des travaillistes. à la suite d'une commission d'enquété parlementaire la Grande Loge Unie d'Anglétérre s'est vue contrainte de transmettre la liste de quelques maçons haut places dans la police et la justice et soupconnes d'avoir indument protege quelques collegues et freres. C.R.