ENCYCLOPÉDIE DE LA FRANC-MAÇONNERIE
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ABDELKADER
ACACIA
ACADEMIES
ACCEPTÉ
ACCLAMATION
ACCOMPAGNEMENT
ABDELKADER
Le 26 mai 1883 mourait à Damas l'émir Abdeikader (Abd al Qädir ibn Muhyï al-din al-Hasani al Cazâ'in), q uifut tout à la fois saint, savant, poète, héros, militaire et homme d'Etat. Il était né vers 1808, près de Mascara, en Algérie.
L'activité intellectuelle d'Abdelkader n'a jamais fait de doute même ses contempteurs et ses ennemis de l'époque de la résistance en Algérie relèvent l'importance de sa culture philosophique et théologique: il emporte toujours avec lui, quelles que soient les circonstances une bibliothèque. Le Diwan, recueil de près de 760 poèmes publiés plusieurs fois, traite de tous les sujets qui préoccupèrent l'émir de 1832 à 1883.
Cependant, son oeuvre théologique est moins connue, bien que l'ouvrage fondamental, le Kitâb al-Mawâqif, ait fait l'objet de plusieurs éditions en langue arabe et d'une remarquable traduction en français par Michel Chodkiewicz. La thèse de celui-ci est qu 'Abdelkader est l'héritier légitime d'lbn Arabi, qu'il participe ainsi à une renaissance plus importante-mais aussi moins bruyante-que la Nahda, celle de l'islam indicible.
Mais tout cela n'est rien à côté de son enseignement dont nous n'avons malheureusement que des traces éparses. L'émir en effet enseigna le tassawuf (enseignement des soufis), l'histoire et la théologie pendant plus de vingt ans, quotidiennement durant son séjour à Damas. Nous avons une idée de ces milliers d'heures d'enseignement qu'il prodigua pendant la période la plus féconde de sa vie, entre 1855 et 1883 dans la mesure où le Kitab al-Mawâqif est tiré de son enseignement.
Dans sa jeunesse, la science et la sainteté de l'émir étaient déjà attestées.
Il est né en effet dans un milieu profondément religieux: son père fut son initiateur et portait le prénom prédestine de Muhyï al-dïn -qui est aussi celui d'lbn Arabi-, ce qui signifie vivificateur ou « introducteur de la religion ».
Cette éducation fit de lui, non seulement un musulman convaincu et un théologien, mais un initié sur la voie lors de leurs voyages communs en Orient, voie qu'il devait par la suite dépasser dans la réalisation de son propre itinéraire mystique.
Abdelkader va en effet accomplir en sa personne la réalisation de a/-insan al-kamil (I'homme parfait) dans l'exil, dans son refus, dans l'ascèse et dans l'extase.
Cette sainteté est masquée par son destin éclatant, mais, à ceux qui savent lire son oeuvre magnifique, Abdelkader fait oublier que, par delà le Sabreur magnanime, il est sans doute l'un des plus grands mystiques de l'islam après son maître Ibn Arabi.
S'il rejoint Damas dans son exil, en 1855, c'est pour se rapprocher du plus grand des maîtres spirituels: la maison dans laquelle il s'installe est celle où le maître andalou est mort six siècles plus tôt.
C'est à côté de la tombe d'lbn Arabi qu'il est inhume avant que les autorités algériennes ramènent ses cendres à Alger en 1966.
L'itinéraire spirituel de l'émir est marqué par son initiation à au moins trois confréries: la Qadriya, la Naqshabandiya et la Chadhiliya.
C'est en ce sens que la franc-maçonnerie lui apparaîtra comme la tariqa (la voie) occidentale ce qui explique en partie son acceptation ultérieure.
Mais c'est parce qu'il est avant tout musulman qu'il va s'opposer aux Français.
En 1832 il proclame le jihad et défend le Dar al-lslam ce qui va le conduire à créer un Etat relativement indépendant bien qu'éphémère et fera ainsi de lui le fondateur de la nation algérienne.
Après sa réddition commence une période d'exil contradictoire dans ses effets car, malgré les promesses qui lui ont été faites, Abdelkader est retenu prisonnier en France et en même temps, il réfléchit, étudie correspond, écrit et reçoit beaucoup.
Napoléon 111, qui pense à ses projets d'Empire arabe, lui annonce le 16 octobre 1852 que la France l'autorise à s'installer en Turquie et va lui verser une pension suffisamment importante pour que certains auteurs aient pu émettre des opinions malveillantes.
C'est lors des émeutes antichrétiennes, qui se produisent à Damas en 1860 que va se constituer l'hagiographie française: son geste de protection envers les chrétiens lui vaut d'être couvert d'honneurs en Europe.
Napoléon III rêvait de reconstituer un Empire arabe au Moyen-orient mais, lors de l'expédition française en Syrie (1860-1861), il se heurta au refus catégorique d'Abdelkader dont il voulait faire l'empereur d'Arabie.
A Damas où il est exilé l'émir adhère à la franc-maçonnerie.
C'est au moment où il a accompli la totalité de son parcours spirituel et où il n'a en rien abandonné les affaires privées, économiques et publiques, qu'il accepte l'invitation maçonnique.
Il vit en effet une sorte d'incognito spirituel alors même qu'il joue son rôle dans les affaires publiques, mais comme s'il en était absent.
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Max Weber appelait cet « idéal type »: la virtuosité religieuse/ Innenseltlich / Aussenweltlich : intra ou extra mondanité...
- L'émir écrit dans ses poèmes métaphysiques:
- Seul peut savoir ce que je dis ici l'initié
- dont l'être et le rang
- sont passés au-delà du monde et de
- l'existence.
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- et dans sa lettre ésotérique aux Français:
- La religion est unique.
- Si les musulmans et les chrétiens me
- prêtaient l'oreille, je ferais cesser leurs
- divergences et ils deviendraient frères à
- l 'intérieur et à l 'extérieur.
Apres les avènements sanglants de Damas, Abdelkader fut couvert d'honneurs et de décorations, cette affaire lui permit de rencontrer les francs-maçons: une fois encore bien qu'il n'en sut rien lors de la première occasion.
En effet, certains protagonistes de la séquence algérienne étaient des maçons en place autour de Bugeaud, lui-même franc-maçon: de Ben Duran au baron Desmichels en passant par le sinistre interprète, le commandant Abdallah...
Cette fois, les choses sont plus honorables mais pas moins ambiguës.
Aussi dès le reçu de la première lettre du Grand Orient de France le félicitant de son action, I'émir se fait expliquer les tenants et les aboutissants de l'honorable société par un Libanais parmi les rares maçons arabo musulmans connus de l'époque et qui est de ses amis: Shahin Makarius; celui ci est tellement intime qu'il initiera plus tard deux des fils de l'émir (Muhyiddin l'âme, et Mohammad) à sa loge La Palestine a Beyrouth, tandis qu'un troisième fils sera reçu à Damas, bien plus tard: l'émir Omar qui, initié à La Lumière de Damas, finira Haut Grade de la loge Les Admirateurs de l'Univers à Paris.
Enfin un quatrième fils de l'émir a été Maçon: Ali ibn Khalil.
Nous n'avons pas la preuve qu'il en ait parlé avec Churchill qui est le premier (1867) biographe à signaler l'initiation de l'émir: les patrons de la maçonnerie britannique sont toujours à cette époque là des militaires et des consuls, et, les Frères voyagent beaucoup entre l'Egypte, la Syrie et le Liban . .
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Le témoignage d'un visiteur américain franc-maçon, Robert Morris est très précis sur la rencontre qu'il fit à Damas le 7 avril 1868; le frère Nazif Meshaka l'emmena, apres la tenue maçonnique, chez l'émir qui lui donna << l'accolade fraternelle >>.
Ce jour la étaient présents, outre les fils maçons de l'émir, le marseillais Joseph Pilastre, membre de la Loge La Vente, ainsi que plusieurs membres de la grande famille 'Azm de Damas..
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C'est donc dans ce contexte euphorique que les francs-maçons se manifestent pour féliciter eux aussi l'émir.
Une première lettre émane de la loge parisienne Henri lV.
qui a d'abord offert un bijou a l'émir.
Celui-ci ne pouvait pas rester insensible a cette médaille qui était un symbole très parlant: un cercle pose sur un double carré rayonnant avec, au centre, sur fond d'émail vert, une équerre à laquelle sont suspendus les éléments du théorème du carré de Pythagore.
Abdelkader a pu se dire que les francs-maçons avaient peut-être quelque chose dans leur besace.
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Comme nous savons qu'il y a eu plusieurs demandes adressées à l'émir il est intéressant de se demander pourquoi il n'a répondu qu'à celle-ci.
Une partie de la réponse se trouve précisément dans cette lettre.
Tout d'abord, c'est une demande explicite: elle propose à l'émir de devenir à la fois un enfant de cette maçonnerie qui est la mère de tous les hommes de bonne volonté qui pratiquent la fraternité et, en même temps, un Frère du groupe des francs-maçons.
Les francs-maçons se disent les << Enfants de la Veuve >>, et le rapport Père-Frère est très occulte dans une confrérie dont les membres tuent (symboliquement) le Maître fondateur, Hiram dans un rituel et un grade d'accomplissement.
L'émir a du être sensible à cette invite car il ne pouvait que sourire de l'image triadique que les maçons lui proposent de l'islam: leur lecture est aux antipodes de la sienne.
Les maçons pensent à la force guerrière (I'image de l'émir combattant qui va revenir sans cesse dans toute cette affaire), à la science (Ibn Rochd/Averroes et les rappels de la grandeur des Arabes sur ce plan) et à la philosophie (al-Farabi).
Or, et même si cela est.
I'émir pense à la force de la gnose au courage et à la sensualité comme on peut le constater dans ses propres réponses, et cela posera des problèmes de traduction aux Frères..
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Nous possédons au moins une autre lettre adressée à l'émir qui conforte cette hypothèse Certes, à la première lecture, il s 'agit de la même image française d'un Abdelkader protecteur des victimes du fanatisme C'est celle de la loge La Sincère Amitié, cosignée par Murat.
Cette lettre est beaucoup plus de forme chrétienne; or cette loge comprenait en son sein l'ambassadeur du Shah et plusieurs Persans musulmans.
Alors que la loge Henry IV s'est efforcée de situer sa lettre dans une certaine connaissance culturelle arabo musulmane, le texte de La Sincère Amitié commence par: ,(11 n'y a que Dieu qui soit Dieu >> et insiste sur Dieu le père.<< Notre père commun >> Ie Grand Architecte de l'Univers >> et <>, alors que la lettre de la loge Henry IV ne fait allusion qu'a ce ( Dieu que nous adorons tous).
L'émir a choisi de répondre à la première loge.
Il a préféré la thématique Père-Frère parce que c'était son vécu maghrébin.
Il n'avait en effet pas un inconscient structuré de façon oedipien; son père a joue un rôle capital dans son initiation, et, a travers la voie de la Qadriya, il est à l'origine du glissement d'Abdelkader vers Ibn Arabi.
Or l'émir ne croit pas au hasard, car à Amboise il a parcouru le dévoilement et il ne prend plus, ni la vision, ni le songe, a la lettre... D'autre part sa mère vient de mourir et l'a ainsi libéré pour son dernier parcours: entre 1861 et 1865, Il ne fait que voyager y compris aux Lieux Saints.
L'hagiographie maçonnique d'Abdelkader commence par la brochure n° 293 du Grand Orient de France (1865); dans le contexte anti-maçonnique de la Gazette de France, les francs-maçons valorisent à travers l'initiation de l'émir à la loge Les Pyramides, le 18 juin 1864 le fait qu'ils récompensent l'homme ayant sauvé 125 000 chrétiens du fanatisme.
En fait, Abdelkader se comporte comme tout musulman pieux le ferait envers les dhimmis (protégés) et il utilise pour cela, dans le cas grave d'une émeute, la notion et la pratique du horm, de la protection dans une enceinte sacrée.
Et lorsque les maçons y voient une oeuvre essentiellement maçonnique par anticipation, ou encore que l'Orateur de la loge Henry IV voit le <>, c'est parce qu'ils n'ont pas perçu que cette action était essentiellement musulmane et ses paroles strictement coraniques.
B.E.
ACACIA
L'acacia apparaît dans la franc-maçonnerie avec la mise en place du mythe d'Hiram.
L'architecte légendaire du Temple de Salomon est enterre nuitamment, par ses assassins lesquels plantent sur le tertre un rameau d'acacia
Pour repérer le lieu.
Son corps est retrouve plus tard grâce à cet indice.
Dans la cérémonie d'augmentation de salaire au troisième grade, le nouveau maître est censé entre un autre Hiram.
A la question: « Etes-vous maître », ce dernier doit prononcer la phrase rituelle: «L'acacia m'est connu» La légende hiramique se rattache au thème de la descente aux enfers de divers héros mythiques porteurs de rameaux.
Demeure la question du choix de l'acacia.
ll semble que, dans les toutes premières versions du mythe d'Hiram, le choix d'un végétal n'était pas fixe.
Les transcriptions primitives parlent seulement d'arbrisseau ou de brindille.
Comme pour de nombreux autres éléments, les références végétales du mythe viennent de la Bible.
L'acacia hiramique n'est donc pas le faux acacia ou robinier de nos contrées.
Pourtant, l'acacia maconnico biblique pose un problème.
S'agit-il du Qe51 cah (cassier) plante aromatique plusieurs fois citée dans la Bible (Exode 30, 24; Ezechiel 27, 19) dont l'extrait de la pulpe (Qiddah, casse) entre dans la composition de l'huile d'onction sainte (Exode 30, 24) et est apte à protéger le cadavre de l'architecte de la décomposition comme dans les embaumements égyptiens, ainsi que l'affirme la Defense of Freemasonrv (1765) et plus tard Edouard Plantagenet ? Notons que cette version est déjà donnée deux fois dans Samuel Prichard's Masonrt/ Dissected (1730): << Alors ils le recouvrirent soigneusement et, comme ornements supplémentaires, placèrent un pied d'acacia a la tête de la tombe.
lls partirent ensuite pour informer le Roi Salomon.
» On retrouve cette même interprétation dans la deuxième édition des Constitutions d'Anderson (17389: << On nous dit qu'un rameau de cassier fut place par les frères a la tête de la tombe d'Hiram, ce qui se rapporte à une vieille coutume de ces pays d'Orient d'embaumer les morts; le cassier était toujours utilise dans cette opération, surtout pour préparer la tête et assécher le cerveau, comme Hérodote l'explique. >>
Le plus grand nombre d'auteurs penche pour le sittah (shittim) ou acacia seyal, arbre à fleurs jaunes et à aiguillons gémines très aigus, au bois léger, très dur, qui se conserve fort longtemps et devient presque noir en vieillissant, et dont on extrait la véritable gomme arabique.
La Bible des Septante traduit l'hébreu Sittah par Aseptos, c'est à dire Imputrescible, Aussi l'acacia est symbole d'incorruptibilité et d'immortalité.
L'arche d'alliance, la table et l'autel des parfums sont faits en bois de sittah recouvert d'or (Exode 37, 4.1.28).
Le manuscrit Dumfries n° 4 (vers 1710) cite << ]'autel aux quatre cornes d'or, partie de bois d'acacia et partie d'or».
Dans le Recueil précieux de la maçonnerie adoniramique (1787) le choix de l'acacia est justifie aussi par la référence a quelques traditions apocryphes qui font de ce bois l'élément de la croix et/ou de la couronne d'épines du Christ.
Une autre école insistant sur le symbolisme solaire triomphant, notamment Jules Boucher, distingue expressément l'acacia et le mimosa.
Quel que soit le choix le végétal d'Hiram s'inscrit dans la vaste mouvance symbolique du rameau d'or et de l'arbre de vie.
C'est également dans ce sens qu'.
< acacia > doit entre compris comme mot de passe du Maître Parfait.
Y.H.M.
ACADEMIES
Les académies occupent une place de choix dans la République des lettres et dans le champ de la sociabilité d'Ancien Régime.
Instances de légitimation sociale et culturelle, reconnues par le Prince et ses représentants qui leur accordent des lettres patentes, elles participent au maillage de l'espace culturel européen par leurs réseaux de correspondance, les sujets qu'elles mettent au concours, les travaux qu'elles permettent de diffuser, et les membres étrangers qu'elles affilient.
Leurs préoccupations rencontrent celles des bâtisseurs de la république universelle des francs-maçons, et les animateurs de réseaux maçonniques sont fréquemment à la tête de réseaux académiques, qui s'imbriquent et se complètent.
Mais il existe une première différence fondamentale entre les structures de sociabilité académique et maçonnique.
L'académie appartient à la sociabilité patentée tandis que La loge existe en dehors de toute reconnaissance officielle.
Daniel Roche à cependant montré que la loge aussi bien que l'Académie cherchaient à s'afficher comme le théâtre feutre de l'affirmation de la major et sanior pars de la société.
La reproduction académique des élites et des représentants de la monarchie administrative de l'Eglise ainsi que de l'Etat de justice est une réalité.
A eux la direction de l'Académie et les sièges d'honoraires.
Si l'Académie s'ouvre aux franges les plus relevées de la bourgeoisie de robe et aux talents, elle privilégie sans complexe l'onum, le loisir aristocratique, sur le negolum cette agitation perpétuelle de la marchandise qui empêche de << vivre noblement >>.
Elle limite donc, voire ferme, I'accès des représentants du négoce et de la fabrique à la reconnaissance académique, alors qu'elle cherche à conjuguer culture classique et utilitarisme.
On comprend des lors que, dans les capitales provinciales la sociabilité maçonnique ait davantage séduit et draine les élites du négoce.
Les activités purement intellectuelles de l'atelier sont finalement réduites face à la pratique d'un rituel, de la bienfaisance d'une sociabilité festive et au travail sur le symbolisme maçonnique.
Le négociant ne risque pas de se trouver en position d'infériorité face aux détenteurs d'un capital culturel académique.
Il faut cependant faire preuve de nuance, car les loges ont, elles aussi, souvent fait leur cette règle d'exclusion réciproque entre otium et neg.
otium: on observe alors un véritable chassé croisé entre les représentants de la robe et des offices et ceux du négoce, rendu possible par l'existence de plusieurs ateliers.
En maçonnerie aussi, on se retrouve entre soi, et une loge huppée ne manque pas d'indiquer sur son tableau de membres les qualités académiques éventuelles de ceux ci.
ll importe donc d'éviter toute systématisation, L'exemple marseillais est symptomatique.
En effet, la surface économique et sociale des négociants protestants marseillais est telle qu'ils peuvent entrer en nombre a l'académie, en même temps qu'ils dominent la chambre de commerce de Marseille et la loge la plus prestigieuse de l'orient: Saint-Jean d'Ecosse.
Musiciens amateurs, collectionneurs avertis et reconnus, ils bénéficient d'une reconnaissance complète, d'autant que la rivalité entre le négoce et la robe se fait à distance le parlement qui pourrait leur damer le pion dans les foyers de sociabilité maçonnique et académique les plus huppes de la ville, ainsi que dans les salons provinciaux, étant implante dans la cite rivale d'Aix-en-Provence.
A l'opposé, à Metz, le parlement qui compte de nombreux maçons domine l'Académie, où les négociants ont le plus grand mal à pénétrer.
Le nombre de loges est enfin incomparablement plus élève que celui des académies, et la plasticité de la sociabilité maçonnique très supérieure.
Créer une loge est chose aisée.
Sans parler de sociabilité démocratique, il est clair que l'accès à la sociabilité maçonnique est beaucoup plus aise que l'entrée a l'académie dès lors que l'impétrant ne vise pas un atelier que sa surface sociale lui ferme de fait sinon de droit.
Le paysage présenté par la sociabilité rouennaise témoigne bien de cette < nécessite >.
d'ouvrir des loges pour assurer une relative descente sociale des Lumières.
En effet, même ouverte, l'académie locale, qui compte à peine une soixantaine de membres titulaires dont la moitie appartient aux ordres privilégiés, en ne captant qu'une dizaine de maçons (tous issus des trois ateliers les plus prestigieux) ne peut assurément répondre à la demande de la bourgeoisie locale dominée, dans cette cite manufacturière, par le monde du négoce.
Parmi les 700 frères repartis dans rien moins que 12 loges en 1789 émerge ainsi un impressionnant cortège de 238 notabilités économiques pour lequel la loge est parfaitement en phase avec un désir d'adhésion a des Lumières que l'on veut pragmatiques et moins exigeantes que celles qui sont réfractées par les pratiques de l'académie.
C'est sans doute dans cette perspective d'élargir et de mettre au goût du jour les cadres contraignants de la sociabilité académique, qu'il faut interpréter les initiatives lancées par les loges maçonniques dans le champ académique ou périacademique: musées.
collège des Philalethes lillois, société des Philathenes de Metz cercle des Philadelphes de Saint-Domingue, chambres de lecture.
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Dans tous les cas, les barrières de l'otium et du neg-otium sont transgressées, les orientations prises privilégient une sociabilité plus autonome par rapport aux cadres de l'Ancien Régime, des préoccupations davantage en phase avec les attentes du temps.
Pour les francs-maçons amateurs au sens du XlXème siècle, voila des foyers parfaitement adaptés, où s'ébauchent, hors des contraintes et pesanteurs académiques, les contours de la "classe de loisir" (leisure class) du XlXème siècle.
On remarque d'ailleurs que les loges reprennent l' initiative sous le Premier Empire, alors que la sociabilité académique n'est pas relancée avant la Restauration et que, dans les rares académies qui parviennent à ressurgir durant la période napoléonienne, I'ouverture au monde maçonnique est plus large qu'autrefois.
L'exemple de l'Académie d'Arras, qui avait bénéficié d'un réseau de correspondance exceptionnel au XVIIIème siècle grâce à son secrétaire, le franc-maçon Dubois de Fosseux, est également significatif.
La loge des élites et de la préfecture, L'Amitié, obtient la création en 1812 d'une salle de lecture, ouverte au public maçon et profane.
Cette salle devient société, se préoccupe officiellement d'agriculture, de lettres, de sciences et d'art, et ranime le flambeau académique qu'elle transmet en 1818 à l'Académie reconstituée.
Le XIXème siècle offre encore beaucoup d'exemples à étudier, celui notamment des sociétés d'antiquaires qui se marquent des académies, et s'inspirent clairement de la vogue anglaise de l'antiquarianisme dont on sait qu'elle fut très forte dans les rangs de la Royal Society londonienne et des milieux dirigeants de la Grande Loge de 1717, et qu'elle inspira le travail du pasteur Anderson pour les éditions de 1723 et de 1738 des Constitutions .
P.Y. B.
ACCEPTÉ
Au XVIème siècle, dans les loges anglaises d'"opérative masons" (maçons de métier), s'était développé l'usage d'admettre des artisans pratiquant d'autres métiers, des commerçants, des artistes, des ecclésiastiques ou des nobles: ces membres étaient qualifiés de maçons acceptés, de maçons (membres) non-opératifs ou de gentlemen masons.
En Ecosse, le caractère opératif des loges dure depuis plus longtemps.
Mais là également des changements sont intervenus.
Les Statuts Schaw (1598 et 1599) accordent aux trois loges existantes le pouvoir de constituer de nouvelles loges et définissent deux grades, : celui d'entered apprentice et le compagnon du métier ou maître.
C'est dans le procès-verbal du 8 juin 1600 de Marys Chapels Lodge d'Edimbourg que figure la signature de esquire John Boiswell, première mention connue d'un non-opératif.
A partir de 1634, on peut suivre le lent processus de pénétration des maçons "acceptés" dans les loges opératives d'Ecosse, l'expression frie mesones apparaissant en 1636 à Edimbourg.
On dispose de moins de documents pour étudier le phénomène en Angleterre.
Pourtant des 1620, il est question d'accepcon (acceptation) dans les archives de la Company of Freemasons of the City of London.
En 1639, Nicholas Stone, King s master mason, maître de la compagnie des maçons de Londres en 16321633, est "fait "accepted mason".
En 1641, Robert Murray, quartier-maître général de l'armée d'Ecosse, est le premier non-opératif connu admis su r le sol d Angleterre à Newcastle par des membres de Mary's Chapel Lodge appartenant aux troupes écossaises qui assiégent la ville. Le 16 octobre, Elias Ashmole et le colonel Henry Mainwaring sont faits francs-maçons dans la loge sise à Warrington, dans le diocèse de Chester.
"L'examen des biographies des sept gentlemen formant la loge [...] et des deux candidats montre à l'évidence qu'aucun d'entre eux n'avait de liens avec la maçonnerie opérative stricto sensu ni avec la construction et l'architecture" (Fr. Delon).
De ce qui précède, on peut dégager qu'il est nécessaire de distinguer, dans les loges de cette époque, les opératifs travailleurs et utilisateurs de la pierre, les opératifs d autres métiers du bâtiment, les non-opératifs "acceptés", pour leurs appuis financiers, relationnels, politiques ou professionnels au Mestier, et les spéculatifs, même s'il ne faut pas trop cloisonner les catégories en raison de la ventilation sociale des maçons acceptés dans les loges écossaises et de leur division récente.
Par ailleurs se pose aussi la question de l'origine et la signification du mot freemason.
Contraction de free stone mason, c'est à dire "maçon de pierre franche,, (qui travaille une certaine qualité de pierre tendre) au Moyen Age, c'est, à la fin du XVIIème siècle en Angleterre, le mot qui désigne les accepted masons de la manière suivante et indifférenciée: free mason ou freemason.
Le terme frie mesones est apparu auparavant en 1624 dans les procès-verbaux de la loge d'Edimbourg.
Cependant, le sens a dérivé depuis les opératifs car dans l'expression freemason puis free and accepted mason, free indique que le nouveau maçon accepté est "libre", c'est à dire étranger au métier Le sens philosophico-politique viendra bien plus tard.
Enfin, il faut différencier l'évolution du phénomène en Ecosse et en Angleterre où il n'y a pas de continuité véritablement prouvée entre le milieu opératif en pleine décadence et la maçonnerie andersonienne (origines).
Quant à l'Europe continentale, la situation est encore plus claire: les rapports entre les loges maçonniques et les associations corporatives du bâtiment à la fin du XVIIIème siècle sont quasi nuls.
Les travaux de Ward et Stevenson sur les origines de la franc-maçonnerie permettent de resituer plus précisément l'évolution exacte de l'acceptation.
En Ecosse, ce sont les Statuts Schaw qui ont organisé le métier de maçon sur des bases totalement neuves, en mettant en place un réseau territorial bien délimité et des loges recouvrant le pouvoir de conférer deux grades: entered apprentice, obtenu après un apprentissage de sept ans et qui permet d'être embauché par un patron, puis fellow craftmaster, qui ouvre la plénitude des droits du métier.
Avec des variantes locales, les maçons progressent au sein de deux associations imbriquées mais distinctes la loge organisation politico-civile, et la corporation gouvernant le métier et participant de manière limitée à l'administration du bourg.
Les loges sont dotées d'un statut juridique, d'une personnalité morale d'une compétence territoriale et d'un nouveau mode de fonctionnement.
Cette structure originale se retrouve dans la maçonnerie spéculative du début du XVIIIème siècle.
Même si la maçonnerie écossaise "rénovée" par Schaw demeure pour l'essentiel opérative, I'institution intéresse très rapidement des "spéculatifs" plus ou moins proches de la mouvance alchimiste, de l'hermétisme, du néoplatonisme ou du mouvement rosicrucien comme Robert Moray, le premier accepté connu sur le sol d'Angleterre mais dans une loge écossaise.
Peu nombreux, ils sont donc intéressés par cette organisation discrète mais qui a déjà des usages ritualisés et un ensemble symbolique minimal, dans laquelle le culte de l'amitié était possible.
Ils ont constitué un noyau de free and accepted masons qui, fort peu présents en loge, ont sans doute conservé le souvenir de l'imaginaire et des structures desdites loges, tout en oubliant progressivement l'aspect professionnel.
Cet «emprunt» à l'Ecosse est confirmé par la présence écossaise parmi les premiers acceptés anglais: E. Ashmole est "fait maçon" dans le Lancashire, et la première loge permanente anglaise est située dans le Nord de l'Angleterre alors que la première loge en Angleterre dont on conserve les procès-verbaux, (Alnwick) est située à vingt miles de l'Ecosse.
Quant à Anderson, c'est le fils d'un maçon d' Edimbourg.
Si l'Ecosse n'a pas créé une structure maçonnique opérative nouvelle mais a mis sur pied une organisation qui a servi de modèle à la maçonnerie spéculative londonienne, elle a bien nommé maçons libres et acceptés quelques artistes qui fondèrent une loge opérative buissonnière; lls se servirent ensuite de cet agencement pour imaginer une autre institution, laquelle conserva le nom et de nombreux usages, coutumes et thèmes de la maçonnerie d'Ecosse.
L'Acte d'Union de 1707, tout en laissant à l'Ecosse son Eglise presbytérienne, son système judiciaire et son organisation maçonnique, à compter de 1a décennie 1720, adopta à son tour une partie des usages maçonniques venus de Londres tout en conservant des traits d'antan.
Ainsi, aujourd'hui encore, la Grande Loge d'Ecosse se singularise par la forte présence de travailleurs manuels, notamment des métiers du bâtiment.
Y. H. M.
ACCLAMATION
Interjection solennelle et rituélique qui, dans certains rites et grades, accompagne ou, le plus souvent, suit le "signe" et la "batterie" lors de i'ouverture et de la fermeture des travaux ou à des moments particuliers du travail en loge.
Au Rite Français, (le Regulateur de 1801) donne comme acclamation: ("Vivat, vivat, Semper vivat").
Dans la version Amiable, le Rite Français a emprunté comme acclamation le ternaire révolutionnaire "Liberté, Egalité Fraternité" qu'il conserve dans l'actuel Rite Français dit Groussier.
Apres 1871, quelques loges ont même utilise la batterie "France, Alsace, Lorraine".
Le Guide des Maçons Ecossais (1804) donne "Houzze! Houzze! Houzze!".
D'autres tuileurs du Rite Écossais Ancien et Accepte mentionnent «Hoschee Hoschea, Houzzai, Huzze(a) », ou« Huzzai », voire « Osee » ou .
« Uzza(h) », toujours trois fois répétés.
Divers auteurs maçonniques ont beaucoup glosé sur le sens de ce mot.
François Delaulnaye, dans son Tuileur (1815), opte pour « Vive le Roi ! ».
Vuillaume dans son Manuel maçonnique (1820) se réfère à la fois au ((Vivat)) latin et a 1'« Uzza » arabe.
Albert Lantoine y voit plus prosaïquement un synonyme du « Hourra » français, équivalant du terme anglais a usage militaire et universitaire d <>.
Jules Boucher (La Symbolique maçonnique) le rapproche du mot hébreu « Oza» signifiant « force », et par extension (( vie ) comme dans « Vivat ».
On préfèrera se référer à l'acclamation juive passée dans la liturgie chrétienne « Hosh 'ana » (he, sau, shin, ain noun, aleph), a < Hoshé'a y (hé, vav, shin aïn: « salut » « sauvetage », «rédemption »), à « Yeshu'ah » (iod, shin, ual), ain, he: également
« salut », « rédemption ») et/ou à « Yeshu'a» (iod, shin, vaz) atn: « Dieu est sauveur»).
Actuellement la Grande Loge de France a choisi une acclamation mixte (( Houzze, Houzzeo, Houzze; Liberté, Egalité, Fraternité >>.
Au Rite Emulation, on utilise l'expression (( Fidélité ! Fidélité ! et que Dieu protége notre Ordre D,.
Dans tous les cas, I'acclamation est prononcée, debout, le bras droit tendu a l'horizontale, le bras gauche le long du corps.
Y.H.M.
ACCOMPAGNEMENT
Le rite de l'accompagnement entoure à la fois le profane de passage en loge, celui qui est sur la voie de l'initiation et le maçon initie ou porteur d'un office.
Pour le profane de passage l'accompagnement est nécessaire lors des tenues blanches: il est alors accompagné pour entrer ou sortir du temple.
Pour le profane en vote d'initiation, l'accompagnement a lieu durant la cérémonie initiatique: le grand expert alors assisté du couvreur, l'officier qui avertit le vénérable lorsque les frères demandent l'entrée de la loge, I'accompagne lors des voyages qui rythment son initiation.
Le maître des cérémonies prend le relais pour lui permettre de recevoir la lumière, de subir la cérémonie de consécration et la reconnaissance.
Pour le mac, où I'accompagnement concerne essentiellement les délègues d'autres loges et les maçons désireux de passer un grade.
Lors des fêtes solsticiales, les premiers, invites par un atelier sont accompagnes hors du temple.
11 peut également toucher les dignitaires de l'Ordre de passage: ils sont alors accompagnés par le maître des cérémonies muni de la canne .
E.S.