OBÉDIENCES
OCÉAN INDIEN
OFFICIERS
OLD CHARGES
OLIVER, George
OPÉRATIFS
ORANGE-NASSAU
ORDER OF WOMEN FREEMASONS
ORDRE
ORGUE
ORIGINES
ORLEANS, Louis Philippe Joseph d'
ORPHELINAT MAÇONNIQUE
OTTOMAN (EMPIRE)






OBÉDIENCES
Le mot est souvent objet de confusion avec le mot « Ordre* ». Les obédiences sont les associations ou fédérations de loges* maçonniques qui se placent sous une autorité et une juridiction et admettent une organisation, des principes et des usages communs. Le mot d'origine latine (oboedientia) apparu en français au XIIe siècle est emprunté au vocabulaire ecclésiastique. Marius Lepage* souligne que « si l'Ordre est universel, les obédiences, quelles qu'elles soient sont particularistes, influencées par les conditions sociales, religieuses, économiques et politiques, des pays dans lesquels elles se développent ». Par ailleurs si une loge peut exister sans obédience, une obédience n'existe pas sans loge. De même qu'une obédience a une histoire, l'Ordre est intemporel.

La première obédience spéculative*, la Grande Loge de Londres est née en 1717 mais cette date ne marque pas la naissance de la maçonnerie moderne qui existait déjà en Angleterre dès le XVIIe siècle et d'une certaine manière en Écosse* Dans ce pays, par les Statuts Schaw, la maçonnerie avait reçu une organisation nationale que l'on pourrait qualifier de première « obédience opérative*» encore qu'à la fin du Moyen Âge, on trouve déjà des « fédérations » de loges comme celles qui sont définies dans les Statuts de Ratisbonne * .

Aujourd'hui, les obédiences (en France, toutes régies par la loi dite de 1901) ont pour principales fonctions d'organiser la vie administrative et matérielle des loges, de veiller au respect par les ateliers et les adhérents des statuts et règlements généraux, de délivrer les titres aux ateliers et aux maçons, d'organiser la défense morale et la gestion financière du patrimoine de la fédération d'assurer la justice interne, de gérer les activités caritatives, sociales et d'extériorisation, de représenter l'obédience auprès des autres fédérations maçonniques et du monde profane. En bref, l'obédience a la charge du « temporel maçonnique».

On peut s'interroger aussi sur les pouvoirs « idéologiques » des obédiences quant à la modification des rites*, les valeurs représentatives des textes sur des problèmes touchant la société civile adoptés par u ne majorité obédientielle. Il n ' est pas toujours facile d établir un lien entre l'obédience et «le maçon libre dans une loge libre » Cependant il est difficile d'admettre qu'une obédience érige une «orthodoxie » (ou une « orthopraxie») à usage interne (ou, pire, pour les autres obédiences) ou se donne le droit d'attribuer la « légitimité » (la « régularité* ») aux uns et aux autres. Les Constitutions d'Anderson* de 1723 essayaient déjà de régler ces difficultés: « Every Annual GRANDLODGE has an inherent Power and Authonty to make new Regulations, or to alter these, for the real Benefit of this ancient Fraternity: Provided always that the old LANDMARKS be carefully preserv'd, and that such Alterations and new Regulations be proposed and agreed to at the third Quarterly Communication preceding the Annual Grand Feast; and that they be offered also to the Perusalo of all the Brethren before Dinner in writing, even of the youngest apprentice... ».
Y. H.M


OCÉAN INDIEN
: voir Indien (océan)


OFFICIERS
O-1.JPG (150K) La sociabilité maçonnique se caractérise depuis ses origines par l'attribution d'offices dont on sait que la position dans le temple* le nombre et les dénominations précises varient au gré des choix et des nécessités rituelles.

Toutefois le regard que l'on peut porter sur les officiers peut recouvrir un véritable débat historique soulevé par l'historiographie, dont l'origine est le développement précoce d'offices électifs dans le cadre social et culturel de la France d'Ancien Régime.

L'élection des officiers consacre, avec la privatisation des rapports sociaux induite par les réunions en loge* (Jürgen Habermas)
I existence théorique d'une forme de sociabilité que Ran Halévy qualifie de démocratique. La loge devient, en élisant les officiers dans le secret* (une réalité qui ne devient cependant effective qu'à partir de la révolution démocratique du Grand Orient*) un véritable laboratoire de vie sociale et démocratique dans lequel nombre d'historiens puisent, depuis Augustin Cochin, leurs arguments pour souligner le caractère subversif de la franc-maçonnerie*. Le rôle joué par nombre de maçons, familiarisés avec des pratiques dont s inspire la première sociabilité révolutionnaire dans les années 1790 et 1791 permet parfois de le penser. Pourtant. les pratiques relatives au choix des officiers impliquent une analyse plus complexe de laquelle il ressort que l'officier ne porte pas toujours le flambeau d'une démocratisation en marche. En effet, la règle de la rotation des offices est difficile à appliquer dans les faits. Ainsi, les vénérables, qui doivent passer le maillet après trois mandats successifs, se perpétuent bien souvent au pouvoir et, le cas échéant, imposent des règlements qui entérinent les entorses faites à la vie démocratique et à la rotation des offices. D'autre part, le « gouvernement » des chapitres* de hauts grades* locaux, en permettant souvent aux mêmes hommes de se maintenir dans l'exercice des fonctions directrices, sert de « soupape de sécurité » pour ceux qui acceptent difficile ment ces deux règles. Nombreux sont les symptômeS révélant que des hommes, qui ont adhéré dans les principes à la démocratisation de la franc-maçonnerie, sont porteurs d'un héritage qui les conduit à calquer leurs pratiques sur celles qui prévalaient dans les lieux de sociabilité traditionnels d'Ancien Régime. Scissions dues au refus de quitter le pouvoir de la part d'un vénérable récalcitrant, justice maçonnique convoquée pour trancher à propos d'accusations portant sur des déviances d'officiers qui n'hésitent pas à gonfler les effectifs des ateliers en initiant en masse au mépris des conditions d'âge pour faciliter leur mainmise ou celle de leur clan: la correspondance entre Paris et la province dont on sait qu'elle a le mérite (et la faiblesse) de vabriser l'exceptionnel sur le quotidien, est jalonnée de références à ce type de comportements.

Si la place occupée par les officiers dans le débat historiographique portant sur l'émergence de la maçonnerie comme forme de sociabilité démocratique revêt donc une réelle importance et mérite d'être revisitée, on peut toutefois regretter qu'elle tende souvent à occulter la nécessaire approche sociologique du choix des offices. Celle-ci permet en effet de constater à quel point la loge permet de reproduire les capacités développées dans la cité par les frères. L'arrivée récurrente des hommes de loi à l'office d'orateur ou celle des gens de finance à celui de trésorier mérite que l'on s'y arrête: c'est assurément, et de manière indiscutable, l'une des clés permettant de comprendre le formidable succès du fait maçonnique.
E. S.


















OLD CHARGES
Les manuscrits anglais datant des XIV-XVIIe siècles, connus sous ce nom, fixent les devoirs des maçons de métier (opératifs*). Des textes semblables, regroupés sous l'appellation de Statuts Schaw, existent en Écosse*. Ils établissent la ligne de conduite que doivent adopter les maçons envers leur employeur et leurs frères ouvriers et se composent généralement de trois parties: une prière, l'histoire légendaire de l'Ordre*, les devoirs des maçons. La partie historique n'a aucun fondement scientifique, quelle que soit sa valeur symbolique.
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Albert Mackey a répertorié 81 manuscrits, tout en précisant que sa liste était incomplète.
Une vingtaine de ces « anciens devoirs » sont postérieurs à la fondation de la Grande Loge d'Angleterre, mais sont souvent des reproductions des anciens manuscrits (Revised Encyclopedia of Freemasonry).
Il a également indiqué les heureux propriétaires de ces « anciens devoirs »: il s'agit essentiellement du British Museum et de la Grande Loge Unie d'Angleterre*, dans une moindre mesure de la loge* de recherche Quatuor Coronati* n° 2076 de Londres, ainsi que de quelques loges individuelles.
Knoop et Jones (The Genesis of Freemasonry) les ont classés en deux catégories: d'une part les deux plus anciens, le Regius Manuscript et le Cooke Manuscript, respectivement du XIV et du XVe siècle et, d'autre part, tous les autres, des XVIe et XVIIe siècles.
Cette distinction tient compte de l'évolution du contexte historique. Ces manuscrits apparaissent à un moment charnière de l'histoire, au XIVe siècle, car les Grands Maîtres de chantier étaient alors encore des personnalités très puissantes directement placées sous l'autorité du roi.
On songe à Walter de Hereford, pour l'édification de Vale Royal Abbey en 1278-1280 ou encore à Henry of Ellerton pour celle du château de Carnarvon en 1316.
À partir de cette époque cependant, l'usage de la pierre* se généralisa pour des travaux moins prestigieux que la construction des cathédrales* ou des grands châteaux.
Le nombre d'employeurs augmenta considérablement, ce qui revint à diminuer un peu le pouvoir du maître*.
La nécessité de rédiger ces anciens devoirs émerge: ils créaient des obligations morales envers un corps et non plus envers une autorité unique, le roi et son représentant, le maître de chantier.
Les règles ne devaient pas être simplement coercitives mais convaincantes afin que les maçons eux-mêmes puissent acquérir un esprit de corps et fussent ainsi soucieux de la bonne marche de la loge.

Le Regius Manuscript (vers 1390) et le Cooke Manuscript (vers 1430), rédigés en latin, l'un en vers et l'autre en prose, semblent bien être les tout premiers documents réglementant officiellement le statut, les conditions de travail et d'embauche des apprentis maçons. L'apprenti* doit servir le maître pendant 7 ans au moins, être un homme libre (d`où sans doute l'interdiction d'Anderson* d'initier des esclaves, dans les Constitutions* de 1723), en bonne condition physique et de bonne naissance (to be of lawful blood and whole of limb: être de naissance légitime et ne pas être mutilé). C'est le Regius Manuscript qui, pour la première fois sans doute. interdit le travail de nuit. Le septième article de ce même manuscrit concerne les mœurs de l'apprenti: ce dernier ne saurait convoiter l'épouse de son maître, ni celle d'aucun de ses frères. Mention est également faite du salaire de l'apprenti ainsi que du préavis, très court, qui précède son licenciement: il suffit au maître de le prévenir avant midi pour lui donner définitivement congé.

Les autres anciens devoirs traitent surtout de la vie de la loge. On trouve les premières allusions au secret* maçonnique. La difference entre maitre et compagnon* s'amenuise: le compagnon, comme le maître, peut louer les services d'un apprenti pour une durée de 7 ans (The Beswicke-Royds Ms.). Les exigences de bonne moralité figurent dans tous les « anciens devoirs », de la simple interdiction des jeux de hasard à la condamnation de l'adultère. La bonne entente des frères ne doit être entamée par aucune querelle et les maçons doivent avoir le souci du bon renom de leur loge. Ces devoirs ont pour fonction de renforcer la cohésion de la loge, d'encourager un esprit de corps. Cela donne raison à l'interprétation du mot freemason qu'ont privilégiée un certain nombre d'historiens, le mot désignerait un maçon qui travaillait une pierre de qualité supérieure (freestone) destinée à la construction d'édifices nobles, par opposition à ceux qui travaillaient une pierre plus grossière (roughstone). Le terme free porterait sur le matériau et non sur l'homme et signifierait « de qualité supérieure, noble » et non « libre » . L'interprétati on de free au sens de « libre » impliquerait que ces maçons eussent été libres de toute affiliation à une loge ou guilde*: cela semble difficilement acceptable. Les francs-maçons de l'époque moderne avancent une interprétation séduisante, mais impossible dans le contexte opératif, celui de « maçons libres dans une loge libre ».

On a beaucoup épilogué sur la transition entre maçonnerie opérative et maçonne rie spéculative. Mais c'est Anderson qui, en 1723, afin de donner une légitimité historique à la Grande Loge d'Angleterre se référa à ces anciens devoirs. Les ConstitutionS d'Anderson étaient ainsi présentéeS comme la suite logique des Old Charges, lesquelles sont parfois désignées sous le vocable d'«anciennes constitutions ». Plus tard Albert Mackey, pour la maçonnerie américaine, et la Grande Loge Unie d'Angleterre allèrent puiser quelques articles des Old Charges pour justifier l'existence des landmarks* qu'ils venaient d'inventer-au sens premier du terme-ces principes fondamentaux et inviolables tels que l'impossibilité d'initier des femmes*, des esclaves ou des mutilés (les deux dernières catégories ne sont retenues que par Albert Mackey) et la nécessité absolue de croire en Dieu. Simplement, le contexte historique avait quelque peu changé.
C.R.


OLIVER, George
(Papplewick, 1782 Lincoln, 1867) Fils de Samuel Oliver, un enseignant et un prédicateur d'ascendance écossaise établi dans le Lincolnshire, George Oliver occupe, dès 1803, un poste d'adjoint d'enseignement dans une école de Castor, près de Lincoln. Il sert ensuite brièvement dans un cabinet d'avocat à Holbeach. En 1805, il épouse Mary Ann Beverley, dont il eut cinq enfants. Il s'établit alors à Great Grimsby où il dirige, entre 1809 et 1826, la Freemen's Crammar School.

En 1814, il est ordonné prêtre au sein de l'église anglicane. Sa vocation demeure la grande espérance de sa vie: il incline pour la franc-maçonner e* dont les principes s'avèrent compatibles avec la croyance inébranlable dans l'exactitude des récits de la Bible*, de la Genèse aux Livres Prophétiques.

Dès son ordination, il occupe simultanément les charges de responsable de la paroisse de Klee et de vicaire de Grimsby dont le pasteur est le Docteur Tennyson, père du poète Alfred Tennyson et frère de Charles Tennyson, dignitaire maçonnique lié au Duc de Sussex*. S'il ne parvient pas à succéder au Révérend Tennyson à sa mort en 1831, il reçoit, en compensation, la paroisse de Scopwick, un « village isolé » située à 12 miles de Lincoln.

En 1834, il se voit attribuer la responsabilité de la collégiale de Wolverhampton, rattachée par privilège royal au doyenné de Windsor. Les violentes disputes entre George Oliver et ses marguilliers, exaspérés par cet état de sujétion, conduisent le Parlement, à la disparition du doyen en 1846, à ériger en paroisse indépendante l'église de cette cité en pleine expansion. Dès l'année suivante, il préfère d'ailleurs échanger sa cure avec le recteur de South Hykeham.
En 1835, l'archevêque de Canterbur lui décerne un doctorat de théologie (Lambeth Degree) pour ses publications en faveur de la primauté de l'Église anglicane. En 1855, il doit renoncer, pour des raisons de santé, à ses charges pastorales de Scopwick et de South Hykeham. Il se retire alors à Lincoln.

George Oliver s'intéresse très jeune à la franc-maçonnerie sous l'influence de son père, initié le 12 juillet 1797 dans la St John's Lodge de Leicester qui participe à la fondation d'une nouvelle loge* à Peterborough, près de leur résidence familiale de Whaplode. Ce nouvel atelier, après avoir refusé de travailler sous la juridiction des Anciens* en juillet 1802, obtient, le 23 décembre une patente des Modernes*. Lors de sa réception, qui intervient quelques semaines plus tard, il prête son obligation avec son père agenouillé près de lui en raison de sa minorité. Il est ensuite passé et élevé à Peterborough, à des dates restées inconnues. En 1809, il participe activement à la consécration de l'Appollo Lodge de Great Grimsby. Le 8 mai 1813, il est exalté dans l'Arche Royale à Hull, puis très probablement reçu au sein d'autres ordres.

En octobre 1833, il est nommé par Charles Tennyson, devenu en novembre 1832 Grand Maître Provincial du Lincolnshire, Député Grand Maître Provincial en charge de la gestion quotidienne d'une Province où pratiquement aucun atelier ne fonctionnait convenablement. Il procède aussitôt à la désignation d'officiers compétents, ouvrant ainsi unie nouvelle ère de prospérité pour la maçonnerie locale.

Très proche, depuis 1839 du docteur Robert Crucefix, un maçon londonien qui, au travers de sa revue trimestrielle, The Freemason's Quaterly Review, œuvrait pour la fondation d'un hospice pour les maçons âgés et malades en dépit de la sourde hostilité du duc de Sussex, George Oliver accepte de présider un dîner réunissant ses partisans. Aussitôt, sur l'injonction du Grand Maître, Charles Tennyson le destitue brutale ment, le 28 avril 1842, de sa charge de Député Grand Maître Provincial. L'indignation soulevée par cette décision arbitraire s'étend au-delà des limites du Lincolnshire car George Oliver était un écrivain maçonnique réputé. Il faut toutefois attendre la disparition du duc de Sussex l'année suivante pour qu'intervienne une réhabilitation officielle lors d'un banquet organisé en son honneur à Lincoln, le 9 mai 1844.

En 1845 il participe à la création du Suprême Conseil du Rite Écossais Ancien et Accepté* pour l'Angleterre le Pays de Galles et ses Districts et Chapitres d'Outremer. Il en devient le Lieutenant Grand Commandeur puis, pendant une brève période après la mort de Robert Crucefix en 1850, le Souverain Grand Commandeur.

Il fait sa dernière apparition publique en 1866 lors de la tenue* annuelle de la Grande Loge Provinciale du Lincolnshire La moitié des soixante ouvrages publiés par George Oliver portent sur des thèmes maçonniques et lui valent le qualificatif de « Sage et Historien de la Maçonnerie » Dès le début de sa carrière maçonnique il a ressenti son incapacité à réfuter les objections soulevées contre l'Ordre* en raison de l'insuffisance et de l'éparpillement des documents existants. Il aurait alors esquissé un (I Grand Projet " consistant en un chapelet d'ouvrages permettant une perception exhaustive de ce « système de connaissances humaines et divines » représenté pour lui par la maçonnerie.

La pierre de fondation de cette entreprise fut The Antiquities of Freemasonry (1823) et Star in the East (1825) attestant de l'ancienneté de l'Ordre et de son essence chrétienne. « La franc-maçonnerie n'est pas elle-même une religion, mais la servante et l'auxiliaire de la religion. »

Ses études se fixent sur le vocabulaire maçonnique (Signs and Symbols, 1826). Les rites initiatiques (The History of Initiation, 1829) et la véritable philosophie de l'Ordre ( The Theocratic Principles of Freemasonry 1839).

En 1845-1846 il publie les deux volumes de The Historical Landmarks of Freemasonry où il examine longuement l'évolution de la maçonnerie depuis l'origine du monde. Ainsi, après avoir recensé les 941 grades* et les 44 rites existants il réduit le système maçonnique aux grades symboliques, à l'Arche Royale et aux templiers (ce dernier degré incluant à cette époque les Rose-Croix*).

The Book of the Lodge (1849) lui permet de tracer le tableau de la loge maçonnique idéale.

L'année 1850 voit la parution de la clef de voûte de son œuvre, The Symbol of Glory, où il écrivait notamment: « J'ai essayé de racheter l'Ordre de l'accusation de frivolité qui fut lancée contre lui au siècle dernier. »

Son attachement à la dimension chrétienne de la franc-maçonnerie transparaît au travers des cinq volumes des Remains of Early Masonic Writers (1847-1850) rassemblant des écrits maçonniques du XVIIIe siècle.
Les notes recueillies par son père lui permettent également dans Revelations of a Square (1855) d esquisser le portrait d'une loge maçonnique Imaginaire au XVIIIe siècle. En 1863 il rassemble ses cinquante conférences destinées aux Vénérables Maîtres dans The Freemason's Treasury. Pour lui, en effet, chaque Vénérable devait, lors de chaque tenue mensuelle, instruire les Frères sur les principes et les préceptes maçonniques. N'écrivait-il pas à ce sujet: « J ai une médiocre opinion du maître qui travaille dans sa loge uniquement à l'aide de sa mémoire... Il est seulement une machine,.. J ai connu des maîtres qui peuvent répéter machinalement l'ensemble des trois conférences mais méconnaissent totalement la maçonnerie. »

En 1866 il vient à répondre à la Bulle édictée par Pie IX à l'encontre des francs-maçons par un pamphlet, Papal Teachings in Freemasonry.

Quelques semaines avant sa mort, il publie the Origin of the Royal Arch, où il met en exergue l'influence anglaise sur ce grade.
Fr. D.


OPÉRATIFS

1. Le terme
Il. Les opératifs (the Operatives)
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1. Le terme
Le mot est d'origine anglaise (operative mason) et on l'oppose généralement à spéculatif*. Il est accolé à la maçonnerie de métier du Moyen Âge qui a donné naissance aux sociétés secrètes ouvrières comme le compagnonnage* en France ou les Steinmetzen dans les pays germaniques. Des opératifs stricto sensu, on ne sait pratiquement rien; c'est seulement à partir du XIIIe siècle qu'on a conservé des règlements en latin ou en langue vulgaire, concernant les maçons qui travaillaient sur les chantiers ecclésiastiques. Parmi les plus célèbres, le chantier de la cathédrale d'York (XIVe siècle) donne des renseignements très précis sur le travail des maçons et des charpentiers, les salaires perçus (à la journée ou à la tache). Ces doeuments décrivent aussi les devoirs auxquels ils étaient astreints: les articles relatifs à la « loge* des maçons» en témoignent dès le XIIIe siècle. On apprend ainsi que l'opératif est logé dans un abri, puis dans un baraquement où le maître* dispose d'une « chambre du trait » recouverte de plâtre. Le maître peut y tracer ses épures, sur le sol, grandeur nature, afin de préparer les môles et Les gabarits. Plus tard, « la loge des maçons », telle celle qui est conservée à Strasbourg*, montre que le maître des maçons avait sa place conservée par une marque* on sait, par les Statuts de Bâle, que « le maître des maçons a son banc de travail dans la loge, à l'est et (que) nul n'a le droit d'usurper cette place ». Dans cet univers hiérarchisé de rituels précis les opératifs utilisaient entre eux notamment quand il s'agissait de trouver du travail, des signes* de reconnaissance* et le « mot du maçon » (en Angleterre et en Écosse) qui sont autant de pratiques qui montrent la filiation entre leur univers et celui de la franc-maçonnerie moderne.
J.-Fr. B.


II. Les opératifs (the Operatives)
O-4.JPG (111K) lls désignent habituellement « la Vénérable Société des Francs-maçons » (The Worshipful Society of Freemasons) ou plus exactement, « la Vénérable Société des Franc-Maçons, Maçons de gros œuvres, Édificateurs de murs, Ardoisiers, Paveurs, Plâtriers et Briqueteurs " (The Worshipful Society of Freemasons Rough Masons, Wallers, Slaters, Paviors, Plaisterers and Bricklayers).

Thomas Carr, Clement Stretton et John Yarker activent, vers 1910, l'existence de cette société dont l'histoire serait antérieure à la fondation de la Grande Loge de Londres. En 1594 l'existence d'une société de ce nom est attestée: l'évêque Morton lui aurait donné une charte le 16 avril 1638. Plus tard, les rituels opératifs auraient été réécrits par Robert Padgett (en 1663 et 1686) qui aurait notamment révisé la cérémonie de « Dédicace du Temple*» et « Les Obligations dé Compagnon ». En 1831, c'est George Stephenson qui aurait fondé la loge Mount Bardon. Celle-ci, située à Leicester, aurait eu plus de 300 membres en 1910. En raison de la disparition progressive des éléments véritablement opératifs, vers 1913 la Worshipful Society se transforme en un système de hauts grades* et reformule de nouveaux statuts.

La maçonnerie des opératifs qui se considèrent comme une survivance des guildes, s'inscrit contre l'esprit de Désaguliers* et Anderson*, accusés d'avoir détourné la maçonnerie* de ses buts originels par la fondation d'une franc-maçonnerie incomplète caractérisée par d'importantes altérations imposées aux anciens usages et aux anciennes constitutions. Les opératifs considèrent la Grande Loge de Londres comme irrégulière ainsi que la Grande Loge Unie d'Angleterre*. Pour en faire partie, il est pourtant demandé d'être maître maçon de cette obédience* de pratiquer la Marque* et d'avoir été reçu à l'Arc Royal. On peut donc considérer qu'il s'agit d'un système de hauts grades*, en 7 degrés, proposés à des maîtres maçons sous certaines conditions. Leur travail est divisé en classes différenciées: les maçons de l'équerre* (Square Masons) et les maçons de l'Arche ou du compas* (Arch Masons).

Les sept grades, par référence à la construction du Temple* de Salomon, sont:
I Apprenti
IIFellow of the Craft of FreeMason
III Super Fellow of the Crah of Free Mason
IV Super Fellow Erector of the Crah of Free Mason
V Intendant and Super Intendant of the Craft of Free Mason
Vl Certified Master or Passed Master of the Craft of Free Mason
Vll Master Mason of the Craft of Free Mason or The Grand Master, First, Second and Third.

Ce 7° est réservé aux Trois Grands Maîtres qui dirigent la loge: Salomon, Hiram* Roi de Tyr et Hiram Abi, Prince des Maçons, assassiné rituellement tous les 2 octobre.

Les opératifs célèbrent la commémoration de la fondation du Temple de Salomon (en avril, à l'époque de la Pâque juive), le souvenir de la mort d'Hiram en octobre et le 30 de ce mois la cérémonie de la dédicace du Temple.

La guerre de 1914-1918 a décimé complètement les membres au point que lorsqu'elle fut terminée, la loge ne put pas reprendre son activité opérative faute de membres.
De nos jours les rituels opératifs sont encore pratiqués en Angleterre.
I.M


ORANGE-NASSAU
Le 13 février 1689, le Stathouder Guillaume 111 (1689-1702), comte de Nassau, prince d'Orange, et Mary Stuart sa femme deviennent « William and Mary King and Queen of England Scotland, France and Ireland, Defenders of the Faith ». Anderson* écrit que le roi était franc-maçon (Constitutions* de 1738) et un rapport fait pour la Grande Loge le 27 décembre 1797 contient la même assertion. Il n'y a cependant pas d'indication plus précise sur son appartenance à la maçonnerie. Néanmoins,sir James Thornhill. maçon lui-même, le peint en 1707 en « Salomon sur son trône » sur le plafond de l'hôpital pour marins de Greenwich et la peinture est entièrement allégorique et maçonnique.

Après un interrègne, Guillaume IV (Willem Karel Hendrik Friso, 1711-1751), descendant d'un frère de Guillaume 1er, lui succède. Si rien ne prouve formellement qu'il ait été initié à Berlin (comme Adolph van Schweinitz le rapporte en 1750) ou bien à Londres où il se trouve quelques mois avant son mariage avec la fille de George 11 (Anna) le 14 mars 1734, de nombreux récits, dont la célèbre réponse du roi Guillaume 1" à son ministre Falck en 1816, laissent trés fortement penser qu'il était franc maçon.

Il n'existe pas plus d' indication sur l'appartenance de son fils, Guillaume V (Willem Batavus, 1748-1806), mais le 22 septembre 1797, après sa fuite en Angleterre (1795), il écrit à sa fille Louise: « J'ai donné un dîner dans le Freemasons Hall avec Messieurs de Nagell, de Cattendijke, Charles Bentinck, Guillaume de Reede, Heerd et Broekhuyzen. » Le 5 juillet 1799 on lit encore: « J'ai dîné au Freemasons Hall à un grand dîner que le prince de Calles donnait aux officiers de la compagnie d'artillerie de la Cité dont il est capitaine général. » La plupart des personnes nommées dans ces lettres étaient des francs-maçons.
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Le roi Guillaume 1er (Willem Frederik, 1772-1843), le fils de Guillaume V, n'était pars non plus franc-maçon même si, voulant unir les Pays-Bas du Nord et ceux du Sud, son « domaine réservé » par les puissances de la Sainte Alliance après le Congrès de Vienne en 1815, pour constituer une force contre la France, il mise sur l'unification maçonnique dans les deux pays pour aider à ce projet. Avec ce projet politique, les liens entre l'illustre famille et la maçonnerie apparaissent au grand jour. Après qu'en avril 1815 le ministre de la Justice, le comte de Thiennes eut rapporté au roi qu'il est mieux d'interdire aux loges* dans les départements du Sud de reconnaître l'autorité du Grand Orient de France* (et même toute correspondance avec lui) et qu'en juin 1816, Falck, son secrétaire d'État pour les Affaires intérieures, lui eut demandé par écrit s'il adhérait à l'idée que son deuxième fils (Willem Frederik Karel 1797-1881) devienne Grand Maître des deux Grandes Loges Unies, le roi répondit: « Puisque mon grand-père [Guillaume IV] était maçon, je n'ai pas d'objections à ce que Frits le devienne aussi, et encore moins parce qu'il peut être un avantage national que les loges du pays entier soient unies sous une direction générale et que, de cette façon les Pays-Bas du Sud soient soutirés de la domination suprême du Grand Orient de Paris. Je ne sais pas si Frits a une grande aptitude àvoir la lumière, mais je pense qu'il n'aura pas de difficultés à se preter à tout ce qui sera jugé utile.»

Frédéric est initié le 20 juin 1816 à Berlin où il demeurait et le 13 octobre suivant il est installé comme Grand Maître. Bien qu'il soit à l'origine un « maçon de circonstance », il dirige activement l'Ordre* et exerce une grande influence de 1816 jusqu'en 1881. Son intérêt pour les hauts grades* témoigne également de son investissement. En 1817, il a été initié Rose Croix* dans le Rite Écossais Ancien et Accepté* avec Guillaume à Bruxelles et, durant la meme période, il a été initié en Allemagne dans la Stricte Observance*. Son évolution lui permet de se forger des idées personnelles et d'introduire un nouveau système de hauts grades spécifiquement néerlandaise en 1820, la Section du Degré de Maître (qu! contient deux grades nommés Maître Elu et Maître Élu Suprême), qui sera aussi un véritable effort stratégique pour combattre les influences du Rite Français* et du Rite Écossais Ancien et Accepté. Les causes sont son aversion contre les influences étrangères notamment celles venues de France (que montre sa haine tenace des régicides) et son rejet du contenu des systèmes de hauts grades existant.

Nombre de frères vont se liguer contre cette nouveauté. Dans le contexte de l'union des loges belges et néerlandaises sous son autorité depuis 1816, une opposition émerge entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre le nouveau système créé en 1820. La controverse bat son plein jusqu'en 1835, date à laquelle une convention est signée à la fois entre les deux Ordres des hauts grades et l'Ordre Symbolique et Frédéric accepte à nouveau la Grande Maîtrise des trois ordres.

Son frère aîné, qui devient roi sous le nom de Guillaume II (Willem Frederik George, 1792-1849), a été initié le 14 mars 1817 à Bruxelles dans la loge L'Espérance. Cependant, après son couronnement en 1840, il ne fréquente plus la loge, probablement parce qu'il ne veut pas risquer de perdre sa popularité chez les catholiques du Sud.

Si Guillaume III (Willem Alexander Paul 1817-1890), fils aîné et successeur de Guillaume 11 n'est pas maçon le troisième fils de celui ci, Alexander (Willem Alexander, 1851-1884), a été initié le 26~ juillet 1876 par le Grand Maître Frédéric. A la mort de ce dernier, c'est lui qui lui succède, mais il ne lui survit que trois ans et il est le dernier maçon connu parmi les Orange jusqu'à aujourd'hui.
J. S.
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ORDER OF WOMEN FREEMASONS
Cette obédience* mixte à l'origine pro vient de la première scission de la fédération britannique du Droit Humain* quand, en 1908, se constitue sous le nom de The Order of Ancient Masonrv un groupe de maçons.

La scission provient à la fois de l'attraction de la Grande Loge Unie d'Angleterre*, qui ne reconnaît pourtant pas cette obédience strictement féminine" et du refus de la dépendance envers la .Société Théosophique* de la part d'une minorité qui lui est étrangère. Après l'ouverture de trois loges* (n° I Colden Rule n° 2, Emulation; n° 3, Unity), la nouvelle obédience est constituée le 5 juin 19108. Elle dit se rattacher historiquement à l'héritage traditionnel qui va du Temple* de Salomon à la maçonnerie andersonienine en passant par la maçonnerie de métier du Moyen Âge. Elle revendique aussi une filiation contemporaine en faisant aussi bien référence à la France (Maria Deraismes*) qu'à l'Angleterre (Annie Besant* et Francesca Arundale*). Après des réunions dans toutes sortes de locaux, l'un de ses membres Florence Turner fait don d'une maison avec jardin à Londres en 1923. Le lieu devient alors le siège social de l'obédience et on construit un temple en janvier 1925. À partir des années 20 seules les femmes* sont initiées. même si les hommes déjà intégrés peuvent rester membres de l'obédience. A partir de 1935, celle-ci devient complètement féminine et pour éviter toute confusion devient The Order of Women Freemasons (1964). Les membres continuent néanmoins à s'appeler « frères ».

Cette obédience aurait aujourd'hui plus de 300 loges, soit environ 10000 membres, dans les les Britanniques et Anglo Normandes, mais aussi au Canada anglophone (7 loges), dans l'actuel Zimbabwe (6), en Australie (2 à Adelaïde) au Nigéria et à Malte (1). The Women Freemasons travaille à tous les systèmes de hauts grades* pratiqués en Angleterre. Souvent d'origine chevaleresque ceux-ci demandent de professer la foi chrétienne. (dépendant, les systèmes de hauts grades écossais sont ici incomplets: celui du Rite Écossais Rectifié* ne pratique le système que jusqu'au grade d'Écuyer Novice et le Rite Écossais Ancien et Accepté* ne pratique que 30 des 33 degrés. De plus, seuls deux chapitres* (180) du rite* existent car il ne peut exister qu'un seul Suprême Conseil féminin {33º) par pays. Or, celui-ci revient à The Order of Ancient Free and Accepted Masonry, la deuxième scission survenue au sein de la Fédération du Droit Humain britannique qui existe depuis 1925.

Depuis ses origines The Women Freemasons s'identifie dans toutes ses pratiques à la Grande Loge Unie d'Angleterre et cherche à en obtenir une reconnaissance* dans sa spécificité féminine. Beaucoup de ses membres sont épouses ou filles de membres de la Grande Loge Unie d'Angletere. À l'exception du premier (le révérend W. F. Geikie Cobb, docteur en théologie, en 1908), tous les autres Grands Maîtres sont des femmes: Marion Lindsay Halsey (1909-1927), Adelaide Daisy Litten (1927-1938), Lucy Bertram O'Hea (1938 1948), Mary Gordon Muirhead Hope (1948-1964), Milred Rhoda Low (19641976), puis Frances Hall.

Depuis 1909 l'obédience publie un bulletin mensuel intérieur: The Gavel (Le Maillet de Loge). L'activité philanthropique est considérable car les membres font partie d'une haute société, attachée à l'église anglicane. Depuis 1952, elle s'est ainsi dotée d'une maison de retraite avec temple maçonnique. Chaque loge est tenue de subventionner localement des œuvres de charité. Se référant à l'héritage des bâtisseurs de cathédrale* l'obédience subventionne aussi la restauration de bâtiments de culte. Ainsi, elle a donné des fonds pour restaurer la flèche de la cathédrale de Salisbury. Un concours annuel est organisé pour récompenser « la loge la plus philanthrope » et la vénérable* de la loge distinguée reçoit un baudrier en signe de distinction honorifique. Outre l'importance des œuvres, l'Ordre des Women Freemasons se caractérise par l'importance accordée à la pratique des cérémonies rituelles, au décorum et au faste vestimentaire.

En 1913, l'obédience a connu elle aussi une scission en raison de l'impatience de ses membres à pratiquer les degrés supérieurs du Rite Émulation*: ils fondent The Honorable Fraternity of Ancient Freemasons qui réunit des femmes de différentes confessions religieuses et créent une obédience spécifiquement féminine. Implantée exclusivement en Angleterre, elle compte aujourd'hui une cinquantaine de loges.
I. M.


ORDRE
O-3.JPG (106K) « Ordre » et « obédience» sont des termes fort utilisés en franc-maçonnerie*, souvent jugés interchangeables ou homonymes. « Ordre » n'existe pas dans la maçonnerie anglo-saxonne où l'on parle simplement de craft (métier) pour désigner les grades bleus* C'est un mot médiéval corporatif que l'on retrouve dans craftman (artisan, ouvrier qualifié) ou craftmanship (dextérité manuelle, savoir-faire, connaissance du métier). Quand les Anglo-Saxons emploient orders, c'est pour désigner la side-masonry (les « grades latéraux » équivalents nolens volens des hauts grades* français) comme le Royal Order of Scotland. On remarquera que le Rite Français*, héritier de la tradition anglaise des Modernes*, utilise le mot « Ordre » pour désigner ses quatre degrés supérieurs, tout comme le Régime Rectifié* avec « l'ordre Intérieur ».

Les premiers documents français parlent de « société » des francs maçons et ce terme sera utilisé durant tout le XVIIIe siècle. C'est le Discours de Ramsay* qui popularise le concept d'Ordre par analogie à la fois avec les Ordres de chevalerie* et les ordres religieux. Il substitue à l'origine vétérotestamentaire, chère à Anderson*, une nouvelle genèse remplie d'allusions aux croisades en attendant les templiers. Les ordres religieux et chevaleresques répondent à un souci constant d'incamer et de défendre les valeurs « éternelles » de l'Évangile. Ramsay considère la maçonnerie comme une nouvelle chevalerie. Une certaine confusion s'ensuit, car de plus en plus, des obédiences se prennent pour l'Ordre, ou cherchent à parler en son nom. Plusieurs dizaines d'associations paramaçonniques, souvent androgynes, se qualifient d'Ordre (de l'étoile, des Mopses, des Sophisiens), tout comme des rites*, grades et obédiences. Le mot « Ordre » apparaît dans le vocabulaire et les usages maçonniques avec des sens très précis comme discipline maçonnique (« nom d'Ordre » en latin, principalement au Régime Rectifié: mise à l'ordre et signe d'ordre, ordo ab chao).

Divers auteurs maçons ont cherché à mettre de l'ordre dans la Babel* maçonnique et Marius Lepage* a opéré une division classique entre Ordre et obédiences. Schématiquement l'Ordre est l'expression symbolique de la franc-maçonnerie*, tandis que les obédiences en sont les institutions historiques (contingentes). Le premier est la franc-maçonnerie dans son essence et les secondes sont une manifestation du polymorphisme maçonnique. En se référant à la théologie de Zwingli ou de Luther, on pourrait comparer, nolens volens, l'ordre à l'Église « invisible » et les obédiences aux Églises historiques. Ici, on voit que les obédiences sont des faits historico-sociaux et que la perception de l'Ordre est plus subjective.
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On peut essayer d'en donner une définition minimaLe, comme l'ensemble des « maçons heureux ou malheureux à la surface de la terre » ou, mieux, la chaîne ininterrompue des maçons passés, présents et à venir. Métaphoriquement, l'ordre est éternel, universel, traditionnel, symbolique, initiatique et fraternel, ce qui signifie que la franc-maçonnerie date de « temps immémoriaux » sans la rattacher pour autant aux associations antiques du bâtiment, aux confréries* initiatiques gréco orientales, ou aux corporations médiévales. Elle traduit dans l'Occident depuis trois siècles, une disposition d'esprit présumée « consubstantielle »(« éternelle ») à l'Homosapiens sapiens, à savoir s'améliorer individuellement et collectivement. L'adjectif « universel » se rapproche du précédent et exprime que la franc-maçonnerie prétend à l'universalisme. On mesure la césure entre l~Ordre et la pratique des obédiences qui introduit des discriminations. L'Ordre est traditionnel dans le sens où cette affirmation indique la transmisSion d'un savoir d'un contenu doctrinal théoriquement commun à toutes les civilisations (et/ou à l'humanité) et l'utilisation d'un concept opératoire (une herméneutique) pour interpréter l'histoire.

Compte tenu des acceptions diverses et parfois contradictoires que les maçons donnent à la Tradition et de ceux qui refusent toutes les définitions « ésotériques » de la Tradition, et notamment la vision de Guénon*, il est très difficile de préciser la notion d'Ordre. Pour Jacques-Noël Perès l'Ordre est « une société hiérarchisée organisée en vue de ses différentes fonctions, qui consistent en résumé à transmettre ce qui a été reçu, à savoir un signifiant déterminé qui est une manière de vivre et de connaître et la somme des processus par lesquels cette transmission s'opère, signifiant et processus que j'appelle Tradition ».11 reprend sa définition en précisant que l'Ordre est « constitué en prévision d'une tache qui lui est propre, qui est d'apprendre à vivre et à connaître, une connaissance qui en tout état de cause ne saurait être purement intellectuelle, mais qui s'applique à l'être tout entier, à l'homme dans son expérience quotidienne et qui pénètre sa pensée et éclaire son devenir ».

Que l'Ordre soit initiatique semble rencontrer l'approbation quasi générale de la famille maçonnique.
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L'Ordre est symbolique, c'est-à-dire qu'il rend sensible ce qui ne l'est pas, qu'il réunit, signale l'appartenance et permet de s'adresser à autrui et qu'il enjoint, suggère et prescrit.

Quant à la fraternité dans l'Ordre, elle n'a rien à voir avec le « tribalisme amoral ». Il ne s'agit pas de préférer son frère à un profane, mais de considérer l'humanité comme une fratrie une et indivisible. La fraternité maçonnique doit relever de l`agapé même si elle commence par la convivialité et la camaraderie .

Jean Mourgues souligne que l'Ordre est .« à la fois unité et cohérence organique, continuité et justification, [...] un produit, une résultante, l'effet d'une dynamique à direction multiple [...] une institution vivante particulière [,..], et aussi symboliquement une image du monde... ».

On mesure donc combien il est difficile d'avancer une définition minimale de l'Ordre et les maçons ont remarqué depuis longtemps qu'on ne peut pas vraiment parler de l'Ordre « sinon avec le cœur » (L'Ordre des francs-maçons trahi et leur secret révélé, 1745: « Quand on est franc-maçon, tout ce qui concerne l'Ordre affecte singulièrement l'esprit et le cœur... »).
Y. H.M.
















ORGUE
L'instrument n'appartient pas à la colonne d'harmonie* traditionnelle. En France, c'est dans les années 18401850 qu'il émerge véritablement. Alfred Lefébure-Wely (1817-1870) le plus important représentant de l'école française d'orgue à la fin de la Restauration et sous le Second Empire*, fils de franc-maçon est signalé sur les tableaux* de La Rose Étoilée Régénérée entre 1839 et 1843.

N'étant pas un instrument maçonnique, son adoption a soulevé bien des interrogations. L'orgue reste perçu comme l'instrument de la solennité par excellence. À la toute fin du siècle, moment durant lequel il aurait été rejeté, les frères L'afrique (poèmes) et Déransart (musique) publient un recueil de chants avec accompagnement d'orgue pour les cérémonies maçonniques d'adoption * et de reconnaissance* conjugale. Plus près de nous l'« œuvre maçonnique » de Sibelius témoigne de la persistance de son importance jusqu'aux premières décennies du XXe siècle. Dans l'Opus 113, consacré à sa loge*, l'orgue soutient les chœurs dont le traitement en style syllabique rappelle le choral luthérien. Gérard Gefen signale l'enregistrement, en 1981, sous l'impulsion de la maçonnerie finlandaise, d'une œuvre de Bengt Johansson intitulée Rituaalmusikia (1973), comprenant une dizaine de pièces pour orgue.
Ch. N.
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ORIGINES
L'histoire de la maçonnerie de métier est largement légendaire: chaque corps du bâtiment avait ses légendes qui étaient transmises oralement jusqu'aux XIII-XIVe siècles, jusqu'à ce que les clercs, en Angleterre, entreprennent de les rédiger. Ces textes, qui constituent une partie des Old Charges* font référence aux origines de la maçonnerie. Le Regius fait naître la maçonnerie en Égypte*, après qu'Euclide y eut inventé la géométrie; son introduction en Angleterre serait due au roi Athelstan dans le deuxième tiers du Xe siècle. Le manuscrit Cooke reprend la version en y incorporant une foule de nouveaux détails divers sur l'invention de la géométrie (par Jabel, fils de Lamech), sur les deux colonnes* retrouvées après le Déluge par Pythagore et Hermès le philosophe (Trismégiste), sur la tour de Babel* et sur les coutumes données aux maçons français par Charles 11. OU les « Devoirs » donnés aux Anglais par saint Alban. Ces récits se retrouvent dans les loges* des XVIe-XVIIe siècles, puis, expurgés des inventions et anachronismes les plus grossiers, dans les Constitutions*. Néanmoins, le thème de l'érection du Temple* de Salomon s'impose comme moment originel. Selon les premiers catéchismes* anglais (17201730) la première loge se serait en effet tenue dans le porche dudit édifice. Parallèlement, jusqu'au XIXe siècle, la maçonnerie se dote d'origines prestigieuses, d'histoires plus ou moins légendaires.

Charles Bernardin* (1909) a eu le mérite d'opérer une recension portant sur le sujet: sur 206 auteurs consultés, 28 font remonter les origines de la franc-maçonne rie* aux constructeurs des cathédrales*. 18 en Égypte 12 aux templiers 11 aux rois anglo-saxons 10 aux premiers chrétiens, et 20 prétendent qu'elle existe de toute éternité ! 15 autres mentionnent une loge sise à l'orient de l'Éden. Possibles moyens d'enseignement ou supports initiatiques, ces textes remplissent line fonction mythique chargée de justifier 1'« idéologie » et les pratiques du groupe. Si ces légendes font partie intégrante de l'imaginaire et du symbolisme maçonniques, elles ne répondent pas à la volonté d'analyser de manière socio historique le fait maçonnique pour lequel la question fondamentale reste celle du passage de la maçonnerie opérative médiévale à la maçonnerie spéculative* « moderne ». Le schéma généralement admis jusqu'à il y a peu était la théorie de la transition par l'acceptation. Elle correspond à l'objectif du récit d'Anderson prolongé par les historiens romantiques. Avec la naissance de la maçonnologie*, le phénomène est précisé et complété. Il reçoit une caution «scientifique » avec R. F. Gould (History of Freemasonrv, 1882-1887), D. Knoop et G. P. Jones, (The Genesis of Freemasonrv 1947) et H. Carr (Ars Quatuor Coronatorum 81, 1968). Pour résumer, selon ces auteurs, la franc-maçonnerie* émerge, par étapes, dans les îles Britanniques. À mi-Moyen Âge se structurent les métiers du bâtiment en guildes*. A partir du KM siècle, des loges opératives se constituent à I intérieur ou en marge de ces associations collectives. Au XVIe siècle sont admis dans c,es loges opératives d'Angleterre ou d'Écosse* des membres non opératifs* (gentlemen masons) à côté des opératifs (operative masons). Progressivement, les loges se modifiant Sociologiquement, elles pendent tout caractère d'organisation de métier. Si le processus est attesté en Écosse à partir de la fin du XVIe siècle, la documentation, tardive et fragmentaire, ne permet pas de le confirmer pour l'Angleterre. A la fin du XVIIe siècle, des loges totalement non opératives utilisant quelques récits, usages, signes* et mots secrets*, apparaissent cependant sous forme d'association principalement caritativo-conviviale,sociale ou spirituelle, et, quelques décennies plus tard, des influences philosophiques ou intellectuelles diverses (extérieures) modifient l'esprit de ces loges d'où naîtra la maçonnerie spéculative. A partir des années 1970 cette théorie est progressivement remise en cause. En 1978 E. Ward est le premier à proposer une contre-théorie. Ward considère que la franc-maçonnerie spéculative est une institution purement anglaise et qu'elle a tout de suite cherché à s'établir une ancienneté de « temps immémorial ». Sa critique porte sur deux points. On ne possède aucune preuve qu'un processus d'admission de gentlemen masons dans les loges tel qu'on l'observe en Écosse, ait eu lieu en Angleterre. Or une maçonnerie non opérative est attestée en Angleterre depuis la décennie 1640. Ward en déduit donc que les loges anglaises « étaient dès leur origine indépendantes du métier de maçon ». Il émet l'hypothèse que la maçonnerie spéculative aurait délibérément emprunté des récits et des usages à la maçonnerie opérative, bien qu'il n'existe aucune filiation entre les deux associations homonymes. Ward précise encore que la maçonnerie andersonienne est essentiellement conviviale et qu'il faut attendre la fin du XVIIIe avec l'introduction du « symbolisme» par Hutchinson* et Preston* pour parler de maçonnerie spéculative sticto sensu.

L'année suivante, F. W. Sean-Coon reprend l'idée d'une transition en lui attribuant une coloration politique. Dans les années 1640 la maçonnerie spéculative aurait été imaginée comme couverture à des réunions stuartistes. Les premiers maçons « acceptés* » comme Ashmole* ou R. Holme sont, en effet, royalistes. Sous la République ces loges se seraient faites plus discrètes et auraient éliminé peu à peu leurs engagements politiques et religieux. La monarchie restaurée, puis la paix revenue, elles étaient prêtes à renaître comme lieu de sociabilité élitaire et de concorde civile.

En 1982, C. Dyer, après une relecture des Anciens Devoirs, émet une autre théorie de substitution en privilégiant le facteur religieux. Entre 1558 et 1583, alors que se stabilise l'anglicanisme avec Elizabeth 1e, des dissidents (catholiques et/ou protestants radicaux) auraient « inventé » la maçonne rie pour continuer discrètement leurs pratiques culturelles. L'auteur envisage également de rattacher la « création » de la maçonnerie à divers groupes mystiques marginaux, notamment au courant hermetico-kabbalistique de la Renaissance qui connaît en Angleterre une éclosion tardive. Un siècle plus tard aurait eu lieu une « deuxième transition " (R. Dachez) par l' introduction de nouvelles dispositions réglementaires qui donnent à l'institution un visage déjà très proche de la maçonnerie andersonienne.
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En 1983, A. Durr tente d'ouvrir une troisième voie entre la transition par l'acceptation ou l'emprunt sans filiation. Au XVIIe siècle, la franc-maçonnerie anglaise n'est plus opérative c'est-à-dire qu'elle ne joue plus aucun rôle dans l'organisation et le contrôle du métier même si elle demeure très majoritairement constituée de maçons opératifs. El le n ' est pas plus spéculative puisque les non-opératifs y demeurent très marginaux. Elle a simplement changé de nature et est devenue une société d'entraide mutuelle (friendly society). Dans quelques-unes de ces associations conviviales et caritatives, notamment à Londres, on pouvait trouver quelques nobles ou des intellectuels qui, au début du XVIIIe siècle, changèrent l'esprit de ces « loges ».

Avec D. Stevenson vient la critique de l'école historique « authentique» anglaise jugée trop « anglocentrique » et « maçonocentrique». En meme temps, Stevenson note qu'une bonne partie des usages, pratiques, mots ou récits du corpus maçonnique sont apparus pour la première fois en Écosse. Une exploitation particulièrement fouillée des documents anciens et nouveaux lui permet de présenter la formation de la franc-maçonnerie spéculative en trois phases successives.

Au Moyen Âge, la forme typique d'organisation des maçons est la guilde de métier des cités qui assure la formation professionnelle par l'apprentissage, l'aide sociale ou le soutien aux veuves et aux orphelins. Celle ci est complétée par la loge, organisation imbriquée mais prenant en compte la mobilité des maçons. Dans celle-ci, les maçons récitent les Anciens Devoirs (dont les récits sont assez voisins de ceux d'autres métiers) lors de presque toutes les réunions.

En Écosse, William Schaw « crée » un système de loges entièrement nouveau et une organisation qui se veut globale dt métier. La franc-maçonnerie « moderne» est née. L'institution est influencée par divers courants intellectuels de la Renaissance, mais repose principalement sur des fondements religieux.
Ses usages et son cadre juridico-administratif ont été élaborés sans référence aux associations médiévales.
Des gentlemen masons y opparaissent mais ils n'eurent ni les moyens ni l'ambition de modifier la nature de la maçonnerie écossaise.
Stevenson note cependant qu'elle est déjà en partie spéculative comme le montre la présence de sir Robert Moray.
« Par son intérêt pour l'hermétisme, le mouvement rosicrucien l'alchimie et les symboles, il caractérise les sortes d'influences de la fin de la Renaissance qui avaient donné naissance à la franc-maçonnerie à l'époque de William Schaw Il reflète par ses intérêts scientifiques ses tendances déistes, son culte de I amitié et de la sociabilité, les influenceS qui regardent en amont vers le siècle des Lumières* plutôt qu'en arrière vers l'époque de la Renaissance.,, Vers 1710. L'Écosse compte une trentaine de loges.
Deux aspects sont également à noter.
Il n'existe pas de Grande Loge et la grande majorité des maçons écossais sont des tailleurs de pierre*. La dernière phase (fin XVIIe-XVIIIe siècle) est anglaise.
A Londres, la franc-maçonnerie y pratique déjà une sorte d'initiation* « institutionnalisée ». Les maçons acceptés y forment une cellule à l'intérieur de la compagnie, mais les « loges » sont des lieux de rassemblement improvisé et n'ont pas, comme en Écosse, un caractère permanent.
De plus, comme les loges de métier semblent pratiquer des rituels trop opératifs, les gentlemen masons ont tendance à se réunir entre eux dans des réunions qu'ils nomment également « loge » .
L'institution anglaise est donc fort différente de sa consoeur écossaise mais au début du XVIIIe siècle même s'ils ne l'admettent guère, les Anglais adoptent de nombreux usages écossais qu'ils adaptent immédiatement à leurs besoins: « Les innovations anglaises de la Grande Loge, de la reconnaissance d'un troisième degré et d'un rituel complexe, représentaient le glaçage d'un gâteau cuit en Écosse. »

Le débat gagne aussi la France. En 1993 les auteurs du Dictionnaire thématique illustré essaient de trouver des faits historiques incontestables, notamment les caractèreS particuliers de la maçonnerie écossaise du XVIIe siècle et la présence en Angleterre, à la même époque, d'une maçonnerie non opérative. Les trois auteurs cherchent finalement à résoudre la question de l'évolution de la maçonnerie écossaise opérative du XVIIe siècle où les maçons non opératifs ont sans doute, en apportant leur propre conviction, grandement contribué à développer le caractère potentiellement spéculatif de l'institution des influences réciproques entre maçonneries anglaise et écossaise à l'aide de divers documents comme les manuscrits Graham et Dumfries et du rôle occupé par les maçons de Londres sur la naissance de la maçonnerie opérative. Selon eux, « les Old Charges constituent en un certain sens un lien de continuité entre la maçonnerie opérative médiévale et la maçonnerie spéculative du XVIIe, mais pas nécessairement a priori un lien de continuité physique ». De ce long débat, on peut provisoirement conclure que la maçonnerie opérative écossaise tout en conservant très largement sa composition sociale a sous l'influence des gentlemen masons, développé ses potentialités spéculatives. En revanche, en Angleterre, les associations de métier étaient devenues au XVIIe siècle des coquilles vides mais elles fournissent à Londres le cadre d'une nouvelle forme de sociabilité. Très schématiquement, on pourrait donc parler de transition écossaise et d'emprunt anglais. Néanmoins, les échanges entre les deux maçonneries ont sans doute été plus importants qu'on ne le soupçonnait. La question des origines de la maçonnerie spéculative est loin d'être épuisée car demeure une interrogation essentielle: pourquoi la maçonnerie et pas un autre corps de métier ?
Il semble que le corpus maçonnique, avec d'une part son souci de se doter d'origines prestigieuses et d'assimiler la maçonnerie à la géométrie, et d'autre part le nouveau statut de l'architecte* issu de la Renaissance, ait favorisé le choix de la maçonnerie, au détriment d'autres professions.
Y. H.M.


ORLEANS, Louis Philippe Joseph d'
(Saint-Cloud, 1747-Paris, 1793)
O-12.JPG (72K) Prince du sang, duc de Monpensier à sa naissance puis duc de Chartres le 4 février 1752 à la mort de son aïeul Louis Philippe-Joseph-Égalité à la Convention nationale, marié le 5 avril 1769 à Louise Marie-Adélaïde de Bourbon, fille du duc de Penthièvre, colonel du régiment de Chartres-lnfanterie en mars 1752 puis de Chartres-Cavalerie en 1764, fait chef d'escadre en avril 1776 et créé colonel général des hussards et des troupes légères en 1778, le futur Philippe Égalité est finalement nommé lieutenant général des armées de terre et de mer.

C'est à la mort du comte de Clermont Grand Maître de la Grande Loge, le 16 juin 1771, à l'occasion d'une assemblée générale convoquée pour le 21 que des frères qui avaient été exclus en 1765-1766 se présentèrent en apportant la promesse écrite de son acceptation de la Grande Maîtrise en échange de la communication des rapports qui avaient motivé leur exclusion et la révision des opérations de la Grande Loge depuis 1767. Ils obtinrent gain de cause et le duc fut élu Grand Maître le 24 juin 1771, le duc de Montmorency - Luxembourg* devenant Administrateur général de l'Ordre*. Une circulaire d'octobre 1771 informa les loges* de l'acceptation du duc de Chartres et les invita à s'associer à la cérémonie d'installation* prévue pour la fin de novembre. Cependant le duc ne signa le procès-verbal d'acceptation que le 5 avril 1772. Ce ne fut que le 8 mars 1773 qu'une assemblée générale rassemblant les députés de province et ceux de Paris se réunit et confirma par acclamation l'élection du Grand Maître. Ce retard trouve son explication dans le fait que le duc qui s'était opposé à la réforme Maupeou était depuis avril 1771 sous le coup d'une interdiction de paraître à la Cour, interdiction qui ne fut levée qu'en décembre 1 772.

La Grande Maîtrise n'était rien moins qu'une sinécure: inamovible, le Grand Maître présidait toutes les assemblées et en paraphait les comptes rendus. En réalité, Chartres ne manifesta guère de zèle et ne présida sa première assemblée du Grand Orient* que le 3 juillet 1777. Il signa ce qu'on lui demanda de signer et entérina toutes les décisions que le duc de Montmorency-Luxembourg et son conseil de Grands Officiers avaient prises. Cela ne signifie pas pour autant qu'il se soit désintéressé de la francmaçonnerie*. Ainsi, en juillet 1773, il visite La Vraie et Parfaite Harmonie, à l'orient de Mons, dans les Pays-Bas autrichiens* loge qui avait été reconnue en 1765 par la Grande Loge de France* comme Grande Loge des Pays-Bas, mais qui avait obtenu en 1770 des patentes de la Grande Loge de Londres... En 1776, il engage une grande tournée provinciale qui le conduit à Bordeaux* Agen Toulouse Montpellier Nîmes. On le voit aussi au château des Ormes, près de Châtellerault, propriété des d'Argenson, où il reçoit des délégations de frères.
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S'il s'intéresse aux loges parisiennes (La Fidélité lui fait l'hommage d'une médaille en or frappée à son effigie et, en 1781 il demande son affiliation à La Candeur*). son goût personnel lui fait préférer les loges de table, ou celles d'adoption*. Il eut presque aussitôt sa loge personnelle, sous le titre distinctif de Saint-Jean de Chartres, à l'orient de Mouceaux [Monceau] créée le 9 septembre 1774 par le Grand Orient à la date du 20 décembre 1773. Une lettre publiée par Pierre Chevallier. qu il adresse à Mme de Genlis en août 1772, révèle son état d'esprit « On s'ennuie beaucoup ici, et pour se dédommager. comme M. de Fronsac et M. de Lauzun ont parlé francs-maçons, Mlle de Courtebonne et Mlle de Lava l avaient imaginé de se faire recevoir, et quand je suis arrivé, elles m'ont demandé de les recevOir j'ai accepté comme vous croyez bien. Mon père devait être de la loge; J'étais charmé de l'avoir à ma férule. Mais il a fait réflexion que cela ne serait pas honnête pour M. le prince de Conti. que cela disperserait la compagnie: il m'a dit qu'il ne fallait pas et cela n'a pas eu lieu... » Outre que cette lettre nous apprend l'appartenance de son père Louis-Philippe Le Gros à l'Ordre, on voit que ce qui intéressait le Grand Maître était moins le travail maçonnique que la pratique des civilités aristocratiques.

Devenu l'un des hommes les plus riches de France a la mort de son père et par son mariage, il s'endetta cependant si lourdement que pour remettre de l'ordre dans ses finances il fit ceinturer les jardins du Palais-Royal d'une galerie de boutiques à louer-attitude inouïe de la part d'un prince du sang qui lui valut les sarcasmes de la Cour et du parti de la reine qui le détestait. Le Palais-Royal devint bientôt un foyer d'agitation politique et culturelle , et l'on sait que c'est à cet endroit que Camille Desmoulins* fit ses premières armes. À partir de 1787, le duc de Chartres se mêla de politique en s'opposant aux édits fiscaux de Loménie de Brienne, ce qui provoqua son exil à Villers-Cotterets. ,Peu de temps avant la convocation des États Généraux, il fit répandre dans ses domaines les Instructions aux bailliages du duc de Limon et les Délibérations à prendre de l'abbé Sieyès où celui-ci se prononçait pour le doublement du tiers et le vote par tête. Parce que sa voiture avait été aperçue faubourg Saint-Antoine et qu'il donnait avec ostentation aux pauvres pendant le redoutable hiver de 1788-1789 le parti de la reine lui imputa l'émeute de Réveillon. Élu député de la noblesse par le bailliage de Crépy, Il se prononça pour le vote par tête et, le 25 juin 1789, il fut l'un des premiers députés de la noblesse* à s'unir au Tiers. On le Soupçonne d'avoir voulu prendre la place de Louis XVI comme Régent général du royaume, mais cette thèse du complot orléaniste défendue encore de nos jours (Hubert Le Marle) se heurte à l'absence de preuves. Toujours est-il qu'accusé avec Mirabeau* d'avoir fomenté les journées des 5 et 6 octobre, il fut envoyé en mission diplomatique en Angleterre à l'initiative de La Fayette* en octobre 1789. À son retour, le 7 juillet 1790 il fut innocenté. Cependant après la fuite à Varennes, on l'accusa d'avoir fait rédiger par son secrétaire, Choderlos de Laclos, la pétition du Champ-de-Mars. Très proche des jacobins qu'il fréquentait assidûment, après avoir pris le nom de Philippe Égalité que lui avait donné la commune de Paris, il fut élu député de Paris à la Convention et siégea avec la Montagne. Personnalité contestée, il est mis en état d'arrestation le 6 avril 1793 « pour servir d'otage à la République » quand son fils (le futur Louis-Philippe) passe à l'ennemi avec Dumouriez. Finalement il est décrété d'arrestation, en même temps que les girondins pour lesquels il n'avait jamais manifesté de sympathie, le 3 septembre 1793, et guillotiné conscient qu'au-delà de lui c'était l'aristocratie d'Ancien Régime qui était visée.

Accusé par le Journal de Paris de disposer d'un grand parti dans la capitale, Philippe Égalité avait démissionné le. 22 février 1793 du Grand Orient. La lettre au citoyen Milcent est restée célèbre: «Comme je ne connais pas la manière dont le Grand Orient est composé et que d'ailleurs je pense qu'il ne doit y avoir aucun mystère ni aucune assemblée secrète dans une Ré publique, surtout au commencement de son établissement, je ne veux plus me mêler en rien du Grand Orient, ni des assemblées de francs-maçons. » Philippe Égalité, ci-devant Grand Maître du Grand Orient ne fut pas remplacé nonobstant la maçonnerie se maintint avec des fortunes diverses pendant la Terreur.
Ch. P.


ORPHELINAT MAÇONNIQUE
L'Orphelinat maçonnique est créé le 24 février 1862 à l'initiative du frère Cattiaux, membre de la loge* La Ligne Droite. 11 est conçu pour venir en aide aux enfants de maçons décédés ou frappés par « une infortune imméritée »; il assiste aussi des orphelins dont les parents ont « rendu des services à la franc-maçonnerie* à l'humanité ou à l'œuvre de l'orphelinat » Il accepte des enfants illégitimes. Ultérieurement, il lui arrive de recevoir des enfants étrangers, comme une vingtaine de petits Espagnols durant l'été de 1937 ou des enfants juifs autrichiens en 1939.

Le nombre annuel des enfants secourus s'élève graduellement. De 1862 à 1897, 354 pupilles sont recueillis; à la date de 1922, l'Orphelinat a, au total, assisté environ 600 enfants. En 1958, l'Orphelinat verse des subventions pour 147 pupilles. Pendant plusieurs décennies, l'Orphelinat ne procure qu'une aide morale et financière à ses pupilles qui sont dispersés dans diverses institutions de la banlieue parisienne ou laissés à la garde de leur famille car il semble préférable « de ne pas arracher l'enfant a son milieu à son pays, à ses habitudes ». En 1892, l'Orphelinat s'installe 19, rue de Crimée, à Paris, où vivent désormais les pupilles internes, d'autres enfants demeurant en dehors. Ainsi, en 1933, 55 pupilles sont internes et 9 externes.

L'éducation dispensée dans l'établissement, moderne et confortable, de la rue de Crimée est de type familial, les enfants ne portant pas l'uniforme, contrairement à la règle des autres orphelinats de l'époque. Les pupilles fréquentent l'école laïque puis, selon leurs capacités, sont placés en apprentissage, suivent une formation professionnelle ou s'engagent dans des études classiques. Ils ne reçoivent aucune éducation religieuse, mais assistent à un cours dominical « de morale et de devoirs civiques » L'Orphelinat envoie ses pupilles en vacances en divers lieux situés dans l'Hérault, les Pyrénées-Orientales, la Savoie, le Var, la Charente-lnférieure... Il est reconnu d'utilité publique par le décret du 2 décembre 1927.

En 1940, les locaux de l'Orphelinat sont occupés par l'État français tandis que son directeur André Guillemin, est activement recherché par la Gestapo. Après la Libération, le conseil d'administration décide de vendre les locaux pour revenir à la soliltion qui avait prévalu au moment de la fondation depuis cette date les pupilles sont de nouveau maintenus dans leur famille ou placés dans divers établissements, sous contrôle de l'Orphelinat, qui se dote de nouveaux statuts le 3 juillet 1957.

Longtemps l'Orphelinat a dépendu d'ate liers adhérents qui ne relevaient pas toLls de la même obédience*. Leur nombre d varié: en 1868, ils sont 52; en 1897, 109 en 1922, 133; en 1937, 152. La faible proportion d'ateliers du Grand Orient* con tribuant à la bonne marche de l'Orphelinat maçonnique-en 1899, 60 sur 321- est un sujet de discussion à l'assemblée générale. En 1926, plusieurs loges, notamment Le Lien des Peuples et Les Bienfaiteurs Réunis demandent que l'Orphelinat soit déclaré d'utilité maçonnique et que toutes les loges soient obligées d'y adhérer. Le fonctionnement de l'OrpheLinat. surtout durant la période où la plupart des pupilles sont installés rue de Crimée. représente une lourde charge financière: l'œuvre reçoit diverses subventions du conseil municipal de Paris ou du conseil général de la Seine. Après la Première Guerre mondiale, une organisation maçonnique américaine, The War Relief Association, lui verse régulièrement des subsides.

En 1996 des dissensions s'étant produites entre le Grand Orient de France et Ia Grande Loge de France* à propos de l'Orphelinat maçonnique, celui-ci passe solis le contrôle de la Grande Loge et le Grand Orient crée son propre orphelinat.
J L


OTTOMAN (EMPIRE)
voir Empire ottoman