MESUREUR
MÉTAUX
MEUNIER DE PRÉCOURT
MICHEL
MILLERAND
MIRABEAU
MIRANDA
MIROIR
MITTERRAND
« MODERN[E]S »
MONARCHIE DE JUILLET
MONASTÈRE
MONNERVILLE
MONTESQUIEU
MONTMORENCY - LUXEMBOURG
MORAYTA






MESUREUR
M-25.JPG (43K) Gustave (Marcq en Babeuil, 1847 Paris, 1925) Dessinateur de modèles de tissus, Gustave Mesureur se rend à Paris et adhère, en 1867, au syndicat des dessinateurs, fondé par Eugène Pottier. Il est initié à La Justice 133 comme Jules Vallès, le 2 avril 1869. Garde national pendant le siège de Paris, son nom n'apparaît pas pendant la Commune* et on le retrouve, en 1880, élu radical du quartier de Bonne Nouvelle. Il participe à la fondation de la Bourse du Travail, en 1884, puis accède à la présidence du conseil municipal de Paris, le 18 octobre 1886.

Au cours de ces années, il devient l'un des animateurs de la fronde menée par des loges écossaises contre le Suprême Conseil. Elu, en février 1879, orateur de la première section de la Grande Loge Centrale, il demande que les loges symboliques puissent obtenir leur autonomie et il est l'un des signataires d'une planche circulaire du « Parti de la réforme ». Il rédige un Examen critique et historique du Rite Écossais en France qui provoque la colère du Suprême Conseil, celui ci suspend et démolit La Justice.

Au terme de la crise, les contestataires fondent la Grande Loge Symbolique Écossaise* en février 1880, une nouvelle obédience* qui travail]e au Rite Écossais Ancien et Accepté*, sans faire référence au Grand Architecte de l'Univers* et sans hauts grades* . Mesureur accède à sa présidence en décembre 1882, puis en décembre 1893, et prépare le retour à l'unité des loges symboliques écossaises dans le cadre d'une Grande Loge de France*.

Son prestige est accru par ses succès politiques. Après la fondation de la Bourse du Travail, il crée la bibliothèque Forney dans l'hôtel de Sens et, au sein du Conseil de Paris, s'occupe des travaux de voirie. En 1887 les électeurs parisiens l'envoient siéger à la Chambre des députés où il se montre un adversaire déterminé du boulangisme*, et le réélisent en 1889, 1893 et 1898.

Les députés de la Grande Loge Symbolique Écossaise à son invitation se prononcent le 8 octobre 1894 pour la fusion avec les loges symboliques du Suprême Conseil. Il reste à déterminer les modalités, et une commission mixte animée par Wellhoff et Mesureur prépare un projet. Les négociations aboutissent en décembre 1896. Mesureur est promu au Conseil Fédéral puis, en décembre 1903, il reçoit le premier maillet de la Grande Loge de France. Sa carrière politique s'est poursuivie. En 1895, il entre, comme ministre du Commerce et des Postes dans le cabinet Léon Bourgeois*, puis il est promu après les législatives de 1898, vice président de la Chambre et président de la commission du Budget. Mais l'ancien dessinateur accroît surtout sa notoriété en fondant le Parti radical et radical socialiste.

Les actions maçonniques et politiques jouent de manière indissociable puisqu'il avait pris, en 1894, la direction d'une « Association pour les Réformes républicaines » à laquelle avaient adhéré 53 loges dont celles de Grande Loge Symbolique Écossaise. Elle fusionne avec une autre association radicale et adopte en 1895, le nom de Comité d'Action pour les Réformes républicaines, généralement appelé Comité Mesureur. Il invite ses membres et sympathisants, puis les loges, les parlementaires et les associations amies, à un congrès constitutif du nouveau parti. 155 loges, soit près du tiers des loges françaises, sont directement représentées.

En 1902, Mesureur, battu aux élections législatives accepte le poste de directeur de l'Assistance publique de Paris. Grâce à un emprunt, il met en route des travaux de modernisation dans les hôpitaux et les dispensaires. Il reste en fonction jusqu'en 1920, laissant le souvenir d'un homme compétent, dévoué aimé du personnel.

L'essentiel de son activité est désormais consacrée à la Maçonnerie. Fait exceptionnel, il est réélu à la Grande Maîtrise de la Grande Loge de 1903 à 1910 puis de 1911 à 1913. Athée déclaré, il est très réticent à l'égard de la référence au Grand Architecte qui reste facultative. Il obtient une régularisation définitive des relations entre son obédience* et le Suprême Conseil. La Grande Loge, par un décret de ce dernier de juillet 1904 devient ainsi une ,( puissance maçonnique autonome, indépendante et souveraine » et elle pourra seule délivrer des patentes, prononcer la création ou la mise en sommeil de loges qui ne travailleront plus sous les auspices du Suprême Conseil. La situation se débloque avec le Grand Orient* qui échange avec elle des garants d'amitié. Une convention est d'ailleurs signée en 1908. Au cours des années Mesureur, l'obédience réussit sa percée avec 70 loges en 1903 et 144 en 1913. Elle passe de 4 300 à 8 400 membres.

Mesureur en hommage à son passé, sera réélu Grand Maître en 1924, année où l'obédience doit « plancher » sur les relations franco allemandes et franco russes, l'école unique, la solidarité maçonnique et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Il ne connaîtra les conclusions de ces travaux car il meurt le 19 août 1925, le jour du transfert des cendres de Jaurès au Panthéon. La loge n° 571 de la Grande Loge de France, fondée en 1927, porte aujourd'hui son nom et son buste figure dans la salle d'attente et musée de la Grande Loge de France rue de Puteaux.

A. C.


MÉTAUX
Le terme « métaux » désigne parfois l'argent recueilli pour le « tronc de la veuve* », lors de la collecte qui achève une tenue*. Sur un plan plus symbolique, il traduit la force des vices et la nocivité des passions humaines les plus négatives. Chaque franc maçon doit faire l'effort de les déposer à la porte du temple*, avant la tenue rituelle. Lors de l'initiation*, le candidat est invité à se défaire des objets de valeur en sa possession (« ni or, ni argent, ni montre, ni boucles, ni aucun autre bijou ni métaux » selon Le Régulateur du maçon de 1801); ils lui seront restitués à la fin de la cérémonie. Plongé dans le dénuement originel, avant de recevoir la lumière, le futur franc maçon apprend à mettre entre parenthèses les valeurs du monde profane. Ce rite qui consiste à se «dépouiller des métaux » est commun à toutes les obédiences*. Il a pour origine mythique le récit donné par la Bible* de l'édification du temple de Salomon: « La maison, en sa construction, est bâtie de pierres intactes au départ. Marteaux pioches tout outil de fer. rien ne s'entend dans la maison pendant sa construction » (1 Rois 6, 7). Dans certains rituels, l'initiation s'effectue sous la forme de questions et de réponses: «Dans quel état étiezvous quand on a procédé à votre initiation ?

Ni nu ni vêtu. mais dans un état décent et dépourvu de tous métaux.

Pourquoi étiez-vous dans cet état ?

Dépouillé d'une partie de mes vêtements pour montrer que la Vertu n-a-pas besoin d'ornements... et dépourvu de métaux en signe de désintéressement: apprendre à se priver sans regret de tout ce qui peut nuire à notre perfectionnement... » Ces métaux qui brillent et qui trompent tous ceux qu'ils fascinent constituent les préjugés et les séductions du monde profane dont le franc maçon est appelé à se départir: « Nous ne sommes plus dans le monde profane. Nous avons laissé nos métaux à la porte du temple », proclame le vénérable* dès l'ouverture des travaux.
Vl. B.


MEUNIER DE PRÉCOURT
Antoine
Au milieu du XVIIIe siècle, Metz est un creuset maçonnique où les influences françaises et allemandes, mais aussi russes, suédoises et italiennes sont reçues acclimatées. appropriées puis activement relayées. C'est dans ce cadre privilégié que le négociant Antoine Meunier de Précourt, correspondant confident et partenaire commercial de Willermoz* déploie une activité étourdissante. Vénérable* de Saint Jean des Parfaits Amis, constituée en 1759, Meunier de Précourt préside un chapitre* hermétiste en relation avec les milieux alchimiques rhénans. Il établit une échelle de hauts grades* pratiqués à Metz, qu'il communique aux frères Iyonnais dans l'espoir d'établir une véritable table d'équivalence avec les autres systèmes.

Simultanément, il entreprend la rédaction d'un véritable récit de fondation de l'Ordre* maçonnique afin de faire la preuve de la filiation templière. Meunier de Précourt est l'un des premiers à associer les hauts grades dits de vengeance notamment celui de Chevalier Kadosh* à la fin tragique des Templiers. Il sera d'ailleurs admis dans l'Ordre Intérieur de la Stricte Observance* par von Hund*. Mais dès 1715, son grand dessein est la mise sur pied d'une correspondance maçonnique universelle, qui favoriserait les échanges au sein de la République universelle des francs maçons,« afin de ne faire tous ensemble qu'un même corps et de n'adopter qu'un même principe sur la manière de gérer les loges et de conférer les grades ». Jusqu'en 1761, Meunier de Précourt multiplie les interventions auprès de la Grande Loge* pour qu'elle reprenne l' initiative à son compte, et noue de son côté de solides contacts avec Sedan, Mayence, Francfort ou encore Lille.

Conscient de la nécessité de multiplier les réseaux afin de renforcer la couverture de l'espace maçonnique européen il réussit à intéresser à son projet les loges situées sur des noeuds de communication importants. Ainsi, en juin 1762, il obtient de la Grande Loge des constitutions pour la Triple Union de Reims. Le vénérable messin les signe en compagnie de Le Boucher de Lenoncourt, vénérable de L'Écossaise de Saint Jean de la Vertu, orient de Hanau, l'une des principales te tes de pont de son réseau en Allemagne. Rapidement la loge rémoise se met au service du projet de Meunier de Précourt, en mettant sur pied son propre réseau de correspondances* au tropisme germanique évident avec notamment Saint Jean des Voyageurs, orient de Dresde qui sera à l'origine de la Stricte Observance*, trois loges berlinoises (Les Trois Globes, La Concorde et L'Étoile Flamboyante) et plus proche la loge strasbourgeoise de La Candeur*. Exclu de la Grande Loge en 1766 comme étant membre du groupe Peny, Meunier de Précourt est porté dès 1765 sur les listes de la célèbre loge de Hambourg, Absalom zu den drei Nesseln, comme « Directeur de la colonie russe ». Ses projets de correspondance maçonnique seront réactivés au cours des décennies 1770-1780.

A l'instar d'un Jean Baptiste Willermoz ou d'un Pierre de Guénet, il est donc un acteur de premier plan de l'enracinement de l'Ordre maçonnique en France au cours des années 17501760, ainsi qu'un pionnier de sa diffusion en Europe continentale.
P.Y. B.


MICHEL
Louise (Vroncourt-la-Côte 1830 Marseille, 1905) Née dans un château de la Haute Marne, vraisemblablement du fils du châtelain et de sa servante Marianne Michel, Louise grandit dans la demeure seigneuriale auprès de sa mère, choyée par les châtelains, M. et Mme Charles Étienne Demahis. Elle se montre très tôt sensible aux misères humaines, n'hésitant pas à distribuer aux pauvres l'argent que son grand père lui octroyait (ou qu'elle lui volait).

Après des études secondaires à Chaumont, elle obtient le brevet de capacité qui lui permettait d'exercer comme sous maîtresse (institutrice) mais, refusant de prêter serment à l'Empereur elle ouvre une école « libre " à Audelancourt, puis à Millières (Haute Marne) avant de venir exercer à Paris dans l' institution de Mme Vollet, rue du Château d'Eau.
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Début 1869, Louise commence à militer en politique. En novembre 1870, elle est élue présidente du Comité républicain de Vigilance des Citoyennes du XVIIIe arrondissement. Elle dirige une école, au 24, rue Houdon.

Durant la Commune*. elle devient ambulancière, propagandiste, garde au 61e bataillon et préside souvent les séances du Club de la Révolution. Présente parmi les derniers combattants, Louise réussit à se cacher. Elle se livre aux versaillais pour libérer sa mère qui a été arrêtée à sa place.

Condamnée le 16 décembre 1871 par le 6e Conseil de guerre à la déportation dans une enceinte fortifiée, Louise Michel voit sa peine commuée à dix ans de bannissement. Après une détention de vingt mois à la prison centrale d'Auberive (Haute Marne) et un voyage maritime de quatre mois (août décembre 1873), Louise débarque en Nouvelle Calédonie. Elle cherche alors à instruire les Canaques et manifeste sa compréhension quand ils se révoltent en 1878.

De retour en France le 9 novembre 1880, elle reçoit l'accueil enthousiaste de 10 000 à 15 000 Parisiens à Saint Lazare. Alors, avec les tenants du guesdisme et du blanquisme* mais surtout pour les libertaires, Louise Michel parcourt la France et les pays limitrophes, de conférence en meeting, de grève en combat ouvrier. Ces activités lui valent au moins quatre condamnations à la prison et une blessure en 1889 faite par un illuminé, Serio, dont elle demande l'acquittement. Commis voyageur de l ' anarchie, elle se démarque des méthodes terroristes de l'anarchisme individualiste.

Au moment de son initiation* elle a 74 ans révolus. Sa réception est relatée dans le Bulletin trimestriel de la Grande Loge Symbolique Écossaise* du 20 juillet 1904.

Dans une lettre publiée dans la Revue maçonnique de juin 1906 Madeleine Pelletier* revendique l'honneur d'avoir conduit Louise Michel jusqu'à la maçonnerie. Alors interne en médecine la militante féministe avait été initiée le 27 mai 1904 dans la loge* n° 3, La Philosophie Sociale, alors dans la correspondance de la Grande Loge Symbolique Écossaise « Maintenue » (1897) et Mixte (1901).

Le 13 septembre 1904, ladite loge initie Henri Jacob Louise Michel et Charlotte Vauvelle, militante libertaire, amie, accompagnatrice et compagne de Louise depuis 1895.

Le lendemain, la nouvelle apprentie* participe, avec cinq autres conférenciers dont Madeleine Pelletier, à une tenue consacrée au féminisme à Diderot*, loge n° 1 de la Grande Loge Symbolique Écossaise « Maintenue " et Mixte. Avant de proclamer son inaltérable foi en des lendemains qui chantent, elle se laisse aller à une confidence: « Il y a longtemps que j'aurais été des vôtres si j'eusse connu l'existence de loges mixtes, mais je croyais que, pour entrer dans un milieu maçonnique, il fallait être un homme... » Durant une tournée de conférences dans le Midi elle meurt à Marseille le 10 janvier 1905. Le Bulletin hebdomadaire des loges publie le faire part de décès dans son numéro des 2328 janvier. Son corps fut ramené à Paris et ses obsèques furent suivies par une foule évaluée à 100 000 personnes. Le cortège allait de la gare de Lyon au cimetière de Levallois, où elle fut inhumée près de sa mère tendrement aimée et du communard Théophile Ferré.

Les dossiers des archives* de la Préfecture de police narrèrent la cérémonie, notamment I incident des emblèmes maçonniques posés sans doute par des membres de son obédience*.

Plusieurs organisateurs (des rapports disent des anarchistes) les arrachèrent prétextant que Louise Michel n'appartenait à personne et n'avait adhéré à aucune association.

Le 25 février 1905, la loge La Philosophie Sociale organisa une tenue* blanche « en l'honneur et à la mémoire de la soeur Louise Michel, membre de ce respectable atelier ", premier d'une longue série d'hommages que la « bonne Louise » reçoit plus ou moins régulièrement dans des loges françaises.
Y. H.M.
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MILLERAND
Alexandre (Paris, 1859 Versailles, 1943) Fils de petits commerçants parisiens Alexandre Millerand s'inscrit au barreau de Paris, en 1882, où il défend notamment des militants socialistes et des grévistes. Il se situe à l'extrême gauche radicale, se lie avec son confrère Georges Laguerre, collabore aux côtés de Camille Pelletan* au quotidien La Justice, organise l'Union de la jeunesse républicaine.

Il entre à la loge L'Amitié le 21 mai 1883 vraisemblablement parrainé par Laguerre qui en sera le vénérable* en juin 1884, reçoit les grades de compagnon* et de maître* le 16 avril 1884. Cette loge regroupe 102 membres, dont plusieurs ou futurs parlementaires, tels les avocats Paul Émile Girodet, Albert Pétrot, Jules Périllier (vénérable en 1885) Charles Beauquier le Dr François Émile Chautemps, Henri Michel. Citons parmi les personnalités le publiciste et avocat Rochaland qui, avec Laguerre, va se fourvoyer dans le boulangisme*. Selon une rumeur l'entrée de Millerand ne se serait pas faite sans difficulté.

Le mois de son initiation*, Millerand est élu conseiller municipal du quartier de la Muette. Il s'attache à la question de l'enseignement. Battu aux élections législatives en octobre 1885, il prend sa revanche en décembre. Député de la Seine, il siège à l'extrême gauche.

Comme parlementaire, il évolue vers le Socialisme en prenant la défense des grévistes de Vierzon. Il adhère au groupe des 18 députés qui préconisent la transformation des monopoles en services publics et la nationalisation progressive de la propriété. Il se révèle être un adversaire résolu du boulangisme; il quitte La Justice et crée La Voix, organe hostile aux opportunistes, puis il partage avec le radical René Goblet la direction de La Petite République: plusieurs de ses collaborateurs sont maçons et le journal donne des indications sur la vie maçonnique.

En 1891 il appuie le projet de loi présenté par le frère Bovier Lapierre garantissant la liberté syndicale et il interpelle le gouvernement à la suite de la fusillade de Fourmies; en 1892, il défend les grévistes de Carmaux et combat, en 1893 le gouvernement de Charles Dupuy, maçon mal considéré par sa loge du Puy.

Après les élections de 1893, il forme un groupe parlementaire socialiste où chaque tendance garde son autonomie. Avec d'autres socialistes indépendants il constitue la Fédération républicaine socialiste de la Seine.

Au cours d'un banquet tenu à Saint Mandé, le 30 mai 1896, pour célébrer les succès socialistes aux municipales, il expose un programme réformiste avec la substitution progressive de la propriété socialiste à la propriété capitaliste, la conquête du pouvoir par la voie électorale, l'entente internationale des travailleurs, l'attachement à la patrie. Ce discours répond aux résolutions maçonniques exprimées au cours des convents. Il ne se rallie à la cause de Dreyfus que tardivement, à la suite du suicide d'Henry, puis accepte d'entrer dans le ministère Waldeck-Rousseau, en dépit de la présence du général de Galiffet, le fusilleur des communards. Il est vraisemblable que ce choix lui a coûté quelques amitiés chez les maçons, mais son action gouvernementale, comme ministre du Commerce, de l' Industrie , des Postes et Télégraphes répond, point par point, aux voeux du Grand Orient: la création d'un Conseil supérieur du travail l'obligation d'insertion de clauses garantissant le repos hebdomadaire et un salaire minimal dans les marchés passés par l'état, les départements et les communes, la loi fixant une durée maximale du travail dans l'industrie. Le cas Millerand divise les socialistes. Soutenu par Jaurès, condamné par Guesde il est mis en congé du Parti socialiste en 1901. Il ne fait pas partie du cabinet Combes et reprend sa carrière d'avocat tout en se livrant à d'acerbes critiques contre le gouvernement. Il est exclu en janvier 1904, du Parti socialiste par la fédération de la Seine.

Sa loge, L'Amitié, ne comptant plus que 34 membres en 1897, envisage de se mettre en sommeil. Comme elle approuve la politique de Combes*, elle exprime sa colère envers Millerand: « En présence des attaques incessantes auxquelles est en butte le premier gouvernement vraiment républicain et nettement anticlérical que la France ait eu à sa tête depuis 35 ans; douloureusement émue de voir un de ses membres M. Millerand, apporter l'appui de son nom et de son talent aux partis de la réaction qui, eux, sont dans leur rôle et cherchent à faire échouer la loi portant suppression de l'enseignement congrégationniste; constatant avec regret que M. Millerand spécialement convoqué pour la discussion du présent ordre du jour ne s'est ni présenté ni excusé; envoie à M. Combes, président du Conseil des ministres, son salut fraternel avec ses plus vives félicitations. » Elle demande au Grand Orient de faire transmettre la motion au frère Émile Combes. Millerand, qui avait présidé en 1888 la fête de l'Orphelinat maçonnique a, après le ministère Waldeck Rousseau, rompu de facto avec sa loge où il ne semblait pas assidu.

L'affaire des Fiches* lui offre la possibilité d'abattre le gouvernement Combes. Il reproche le 4 novembre 1904 au Grand Orient d'utiliser les méthodes de la Congrégation et au gouvernement de rapetisser à sa taille le régime des suspects. Il déclare vouloir « libérer ce pays de la domination la plus abjecte et la plus répugnante que jamais gouvernement ait entrepris de faire peser sur l'honneur et les intérêts des citoyens ». La loge, indignée l'exclut le 25 février 1905 et le fait savoir par voie de presse.

Si cette rupture avec la gauche et la maçonnerie ne nuit pas à sa carrière politique, l'extrême droite lui tiendra toujours rigueur d'avoir été maçon. Constamment réélu député puis sénateur, il devient ministre des Travaux publics dans le ministère Briand, ministre de la Guerre dans ceux de Poincaré puis de Viviani. président du Conseil des ministres du 20 janvier au 23 septembre 1920, son gouvernement comprend quelques maçons (Julles Steeg, André Honnorat, Blaise Diagne. Antoine Borrel). Il accède à la présidence de la République le 24 septembre 1920, et y reste jusqu'au 11 juin 1924 commet l'imprudence de prendre position contre le Cartel des Gauches* pendant La campagne électorale et est poussé à la démission après les élections législatives. Il est absent lors du vote qui donne les pleins pouvoirs à Pétain et meurt oublié.
A C.


MIRABEAU
M-28.JPG (169K) Gabriel Honoré Riqueti, comte de (Château du Bignon,1749 - Paris, 1791) Défiguré à 3 ans par une petite vérole, Mirabeau fut très tôt place par son pere, économiste réputé de l école physiocratique, dans une école militaire Il en sortit officier à 17 ans, et c'est alors que commença réellement sa vie qui ressemble à un roman Envoyé en Corse où il fait la guerre, il en revient capitaine et lesté d une Histoire de la Corse qui déplut à son père parce qu'elle était empreinte de vues philosophiques En 1772, il épouse à Aix, Émilie de Marignanne, riche héritière dont il dévore en peu de temps une bonne partie de la fortune. Son père le fait interdire judiciairement et le confine à Manosque où il compose un Essai sur le despotisme. Ayant rompu son ban pour venger une sœur outragée, il s'embarrasse dans de nouvelles affaires, est enfermé au château d'lf et transféré au fort de Joux, en Franche Comté C est là qu il rencontre et entraîne dans l'adultère Sophie de Ruffey. Mirabeau doit s'enfuir en Hollande, mais rapidement, il est extradé à la demande de son père et conduit à Vincennes. Là, ses Lettres écnites du donjon de Vincennes (recueillies par le futur procureur de la Commune*, Manuel) contiennent plusieurs références à la maçonnerie. Élargi en décembre 1780, il se rend alors en Angleterre et aux États-Unis.

En 1786, il sollicite et obtient qu'on lui confie une mission secrète en Prusse; ses lettres à Calonne (son ministre de tutelle et lui-même maçon) paraîtront en 1789 sous le titre Histoire secrète de la cour de Berlin, ou Correspondance d'un voyageur français depuis le mois de juillet 1786 jusqu'au 19 janvier 1787. L'ouvrage provoque le scandale, et le Parlement le fait brûler par le bourreau. C'est pendant son séjour à Berlin qu'il recueille les matériaux de La Monarchie prussienne, qu'il publie en 1788 et où l'on trouve un important développement sur les sociétés secrètes et une condamnation sans appel des dérives mystiques d'une frange de la maçonnerie allemande. Le frère Mauvillon y collabora et il est à peu près sûr que le marquis de Luchet, vénérable* de la loge* de Cassel et futur auteur de l'Essai sur la secte des Illumines y prêta la main. La convocation des états généraux lui ouvre un théâtre nouveau, et sa vie est mêlée à la Révolution*. Jouant finement la carte de la monarchie, on apprit tardivement qu'il avait été acheté par Marie Antoinette. Sa mort déclencha un deuil national, et Sainte Geneviève, transformée en Panthéon, reçut les restes du p!us grand orateur de la Révolution.
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Si son intérêt pour l'Art royal* et le caractère fortement maçonnisé de son entourage sont depuis longtemps avérés, l'appartenance de Mirabeau à la maçonnerie suscita bien des questions: elle a fait l'objet d'une importante littérature pro et contra, pour les uns il a vu la lumière* dans une loge provençale et pour les autres, les références maçonniques de ses œuvres sont destinées à masquer ses turpitudes. On sait aujourd'hui qu'il fut affilié le 22 décembre 1783 aux Neuf Sœurs*: le manuscrit du discours prononcé par Pastoret dont l'autographe est conservé à Lexington (bibliothèque du Muséum of our National Heritage États-Unis) le prouve. Cette affiliation indique que Mirabeau avait auparavant été reçu apprenti* dans une autre loge. Quoi qu'il en soit, cette appartenance à la maçonnerie permet de comprendre les liens qu'il a pu entretenir avec les Illuminaten* puisqu'on sait que Mirabeau est crédité d'un texte fuligineux intitulé Mémoire concernant une association intime a établir dans l'ordre des F-M, pour le. ramener à ses Æ vrais principes et le faire tendre raisonnablement au bien de l'humanité rédigé par le r Mirabeau, nommé présentement Arcésilas, texte écrit en 1776 alors qu'il séjournait en Hollande, mais publié seulement en 1834 par son fils adoptif, Lucas de Montigny.
Ch. P.










MIRANDA
Francisco de (Caracas 1750 Cadix 1816) La tradition maçonnique ibéro-américaine n'a pas hésité à considérer le précurseur du processus d'émancipation de l'Amérique latine (Empire espagnol*) comme le « père de la maçonnerie latino-américaine ».
Ce titre est pour le moins exagéré car rien ne prouve qu'il ait appartenu à une loge* maçonnique de façon régulière ni à Paris, où il demeura à diverses reprises, ni à Londres où il monta la Cran Reunion Americana* .
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Sang-mêlé né d'un père canarien et rélégué à ce titre à une place secondaire par l'oligarchie mantouéenne de Caracas, Miranda aurait été initié à Philadelphie dans la loge de La Fayette*.
Pour certains, ce dernier fut son parrain et Miranda aurait aussi participé à des tenues à New York et dans d'autres villes nordaméricaines en présence, parfois, de Washington*.
Cependant, la destruction des archives* (Philadelphie), la fragilité des témoignages et des preuves restent patentes.
D'autres historiens ont donc pu récuser cette initiation* présumée du Précursor aux États Unis ou en Angleterre. Dans ce pays, l'attitude loyaliste de la maçonnerie semble peu s'accorder avec une initiation dans un atelier orthodoxe de la capitale. Certains, enfin, ont préféré le voir maçon à Paris. On n'a donc pas hésité, sans preuves formelles à lui établir une vraie carrière maçonnique, au gré de ses voyages. Apprenti* à Philadelphie en 1783, il aurait été compagnon* à Londres en 1785 et maître* en 1787 à Paris.
Cette tradition historiographique est aussi celle qui considère la Cran Reunion Amencana comme un atelier maçonnique authentique. C'est cependant bien elle qu'il rejoint après avoir participé aux guerres triomphantes de la France révolutionnaire et avoir obtenu un grade de maréchal de camp qui lui permet aujourd'hui de figurer sur l'Arc de Triomphe. En octobre 1810 il part pour le Venezuela puis, en juillet 1811, il ratifie l'Acte d'indépendance à Caracas. La réaction de l'armée royaliste, commandée par Cajigal et Monteverde. le pousse à capituler le 25 juillet 1812 Peu après, il est livré à l'Espagne* qui le déplace de prison en prison. jusqu à sa mort à Cadix, en 1816.
M. de P.S.




MIROIR
Le miroir est d un symbolisme extrêmement riche. Il reflète le Principe: « Nous tous, le visage dévoilé, reflétons la gloire de IHVH " (2e Épître aux Corinthiens 3,18). L'âme humaine est souvent comparée à un miroir par Grégoire de Nysse: « Comme un miroir, lorsqu'il est bien fait reçoit sur sa surface polie les traits de celui qui lui est présenté, ainsi l'âme purifiée de toutes les salissures terrestres, reçoit dans sa pureté l'image de la beauté incorruptible. » On le trouve logiquement bien représenté dans l'iconographie chrétienne où il est souvent associé aux vertus cardinales, et en particulier à la prudence. Dans la cathédrale de Nantes, sur le tombeau de François 11, duc de Bretagne, la Prudence (sculpture du XVIe siècle) tient ainsi dans sa main gauche un miroir convexe dans lequel elle semble se contempler et dans la droite, un compas*. Le miroir est aussi un objet de prédilection pour l'hermétisme*. Ainsi, Fulcanelli dans Les Demeures philosophales en donne la définition suivante: 1. Son miroir, est celui de la Vérité, [...] c'est dans celui ci, disent les maîtres, que l'homme voit la nature à découvert [...] car la nature ne se montre jamais d'elle même au chercheur, mais seulement par l'intermédiaire de ce miroir qui en garde l'image réfléchie. »

Fenêtre ouverte sur un autre monde que l'on rencontre dans bien des contes initiatiques, le miroir est réapproprié par la francmaçonnerie*. Son existence est attestée au 2° du Rite Écossais Rectifié* qui se caractérise par l'importance de ses attaches avec le christianisme. Lors de la cérémonie de passage de compagnon* le récipiendaire est amené par les deux surveillants devant un miroir caché par un rideau. Ils le lui font écarter et le premier surveillant lui dit: « Voyez vous donc tel que vous êtes. » Certaines loges* du Rite Écossais Ancien et Accepté l'utilisent aussi lors de leurs cérémonies d'initiation * .
J. Fr. B.


MITTERRAND
Jacques (Bourges, 1908 paris, 1991) Fils de Céleste Léonardon et d'Armand Mitterrand (1879-1974), ingénieur des Travaux publics deux fois conseiller de l'Ordre* du Grand Orient de France* (19461949 et 19511954), Jacques Mitterrand est né le 10 juin 1908 dans une famille berrichonne républicaine.

Après des études au lycée Charlemagne puis à Louis le Grand, il opte pour la faculté de droit de Paris où il milite dès 1926 à la Ligue d'Action universitaire aux côtés de Pierre Mendès France. En 1931

il adhère à la Ligue des Droits dé l'Homme* et au Parti radical socialiste*. Le 20 juin 1933, il est reçu apprenti* dans la loge* parisienne La Justice qui lui confère le grade* de compagnon* le 18 mai 1934 et celui de maître* le 19 mars 1935. Secrétaire de la fédération de la Seine du Parti radical, il est candidat aux législative,es de 1936, à Paris dans le quartier des Épinettes (VIIIe arr.) et se désiste au second tour pour le communiste Prosper Môquet. Dans la seconde moitié de la décennie 1930, il appartient à la mouvance dite des Jeunes Turcs*, devient rédacteur en chef de l'hebdomadaire jeune-radical Le. Jacobin, s'oppose aux accords de Munich et rompt avec Edouard Daladier.

Le 12 juillet 1937, il épouse Andrée Barret. Le couple aura un fils, Jean Jacques. Mobilisé en 1940 dans un bataillon d'aéropostiers, il s'engage dans la Résistance*, recueille des militants anti fascistes, fabrique des fausses cartes d'identité pour des prisonniers évadés et met sur pied un journal clandestin ronéotypé Le Courrier du peuple. Il entre au Front national, organisme de résistance animé notamment par des communistes et en devient le responsable adjoint pour l'île-de-France. Son réseau ayant été démantelé il gagne la zone Sud et, sous le pseudonyme de Julien Martel, collabore au réseau Interallié de Lyon, dirigé par Henri Lévy. Capitaine des Spécial Forces britanniques, il est muté à la Libération dans l'armée française avec le même grade.

Il retrouve ses fonctions d'administrateur civil à la Caisse des dépôts, poste qu'il occupait depuis 1928. Secrétaire général du syndicat C.G.T. de sa profession, il participe aux grèves de la fonction publique de 1948.

En rupture avec le Parti radical, il ressuscite le Club des Jacobins dont il est nommé délégué général. Avec des anciens résistants, Emmanuel d'Astier de la Vigerie, Pierre Cot, Pierre Dreyfus Schmid Gilles Martinet et Paul Rivet il fonde l'Union Progressiste dont il devient le secrétaire général. En novembre 1947, le groupe des Républicains Progressistes le fait désigner par l'Assemblée nationale comme conseiller de l'Union française. Réélu en 1952, il siège au sein de cette assemblée jusqu'en 1958. Très engagé dans le combat anticolonialiste, opposé à l'impérialisme américain, il est membre du Conseil mondial de la Paix, présidé par Frédéric Joliot Curie. Il soutient les luttes du tiers monde, et se lie avec divers dirigeants africains, asiatique es et latino-américams.

Vénérable de la loge La Justice de 1953 à 1956 il est choisi comme orateur du Convent* de 1957 qui l'élit conseiller de l'Ordre du Grand Orient de France pour trois ans.

Conseiller municipal de Bourges en 1953 il milite au sein du Comité national de liaison des gauches. Aux législatives de 1958, candidat de l'Union des forces démocratiques, il est battu à cause de son opposition au général de Gaulle. En 1959, il publie La Politique extérieure du Vatican.

Deux fois Grand Maître du Grand Orient de France (1962-1964 et 1969-1971), Jacques Mitterrand œuvre pour une plus grande ouverture de son obédience* vers la société, soutient les revendications des jeunes après 1968, réaffirme son attachement à l'école laïques et fait célébrer le centenaire de la Commune* de Paris. En 1973, il écrit La Politique des francs maçons. Une formule résume l'esprit du livre: « Le franc maçon est d'abord un citoyen...». Membre du Parti socialiste autonome, puis du Parti socialiste unifié, il adhère ensuite au Parti socialiste. Il n'a aucun lien de parenté avec François Mitterrand. Sa vie politique et son combat anticolonialiste sont résumés dans son troisième ouvrage, A gauche toute, citoyens ! (1984).11 meurt le 5 juin 1991.
Y. H.M.
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« MODERN[E]S »
M-32.JPG (155K) (Grande Loge d'Angleterre, Grande Loge des Modernes) La Grande Loge d'Angleterre fut créée à Londres en 1717, à l'initiative de quatre loges, connues sous le nom des tavernes dans lesquelles elles se réunissaient: At The Goose and Gridiron, At the Crown, At the Apple Tree et At the Rummer and Grapes. On s'est beaucoup interrogé sur la composition de ces loges et surtout sur les motivations de ces premiers maçons. Il est certain que les comportements culturels originaux en Angleterre, l'existence de clubs, cercles privés réservés aux hommes, furent favorables à cette émergence. Dans l'édition de 1738 des Constitutions d'Anderson*, il est dit clairement que les quatre loges fondatrices souhaitaient se doter d'un organisme qui leur permette d'organiser une fête annuelle. Cependant on peut entrevoir la volonté de fonder une structure où puisse s'exercer la tolérance religieuse, une fois les Hanovre installés au pouvoir (1714).

Les dissidents protestants*, qui ont obtenu la liberté de culte, sinon leurs droits civiques, après la Glorieuse Révolution, sont nombreux dans la francmaçonnerie. Socialement, les premiers Grands Maîtres sont des roturiers: Antony Sayer, Théophile Desaguliers* et George Payne. Théophile Desaguliers attire un grand nombre de membres de la Royal Society vers les loges. L'élection du duc de Montagu en 1721 marque un tournant décisif dans l'histoire de l'obédience. À partir de cette date, la Grande Maîtrise revient en effet systématiquement à un aristocrate et, en 1737, la Grande Loge accueille pour la première fois un membre de la famille royale le prince de Galles Louis Frederick (fils aîné de George 11 et père de George 111). C'est Théophile Desaguliers qui procède à son initiation* au palais de Kew. Louis Frederick n'accéda pas au trôné mais trois de ses fils furent également francs maçons. Il inaugura la tradition qui place la maçonnerie britannique sous la protection de la famille royale. Toutefois, dans la première moitié du XVIIIe siècle, la Grande Loge d'Angleterre a un recrutement assez éclectique: on trouve des ecclésiastiques des artisans, des volaillers, des aubergistes... Les frères ont à cœur d'être conviviaux puisque très tôt la Grande Loge accorde des privilèges à ses intendants (stewards) en les rendant éligibles à toutes les dignités de l'Ordre sauf la Grande Maîtrise. D'après William Preston*, la Grande Loge décide meme à un moment donné de recruter ses Grands Officiers exclusivement parmi ses grand stewards. La Loge des Grands Intendants (Lodge of Grand Stewards), créée en 1735 prend de plus en plus d'importance. Le peintre William Hogarth* est le plus célèbre de ces grand stewards.

Les francs maçons encouragent le théâtre, en rédigeant des prologues et épilogues maçonniques pour un certain nombre de pièces jouées à Drury Lane et on trouve de nombreux recueils de chansons maçonniques: sociabilité, convivialité et goût du divertissement sont donc les fonctions prédominantes.
Dans les années 1730 cependant, la franc-maçonnerie inquiète sans doute en raison de la croissance de l'Ordre et les premières révélations des secrets* maçonniques (exposures) apparaissent, la plus célèbre d'entre elles étant l'ouvrage de Samuel Prichard Masonry Dissected.
D'après les registres de la Grande Loge il y aurait eu 189 loges en 1741 et 157 seulementen 1748.
La bulle papale de 1738 contre la francmaçonnerie ne saurait expliquer cette baisse car, en pays anglican, elle n'eut presque aucun écho.
Il faut chercher d'autres causes.
D'une part, les Grands Maîtres de l'époque se désintéressent de la vie de leur obédience, se contentant de jouer un rôle honorifique.
D'autre part, plusieurs maçons se laissent attirer par des clubs paramaçonniques sans doute plus divertissants, tels que les Hell Fire Clubs ou les moines de Medmenham Abbey, ou encore les Cormogons* qui, eux, se livrent à des attaques contre la francmaçonnerie.
L'antimaçonnisme* vient des catholiques et d'Anglais bien-pensants qui accusent les frères de libertinage, voire d'alcoolisme.
Les catholiques considèrent avec beaucoup de méfiance la Grande Loge anglaise d'autant plus que celle ci vient de publier le récit des malheurs de Coustos, ce maçon victime de l'inquisition* portugaise.

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La Grande Loge d'Angleterre manque également de diplomatie en feignant d'ignorer la naissance de la Grande Loge d'lrlande*, en 1725, et en n'entamant une correspondance avec la Grande Loge d'Écosse* que quatre ans après sa création, en 1740. Le mauvais accueil réservé aux maçons qui émigrent d'lrlande à cette époque lui coûte la création d'une Grande Loge rivale: la Grande Loge de Dermott*, dite des Anciens*. On appelle la Grande Loge d'Angleterre Grande Loge des Modernes. Le terme, émanant de cette Grande Loge rivale, est péjoratif.

Jusqu'au début du XXe siècle, les historiens de la maçonnerie anglaise ont cru à une scission de la Grande Loge d'Angleterre vers 1739, suite aux modifications apportées au rituel pour déjouer les visées des profanes qui auraient pu être tentés de s'introduire dans les loges en utilisant les exposures, et en particulier le manuel de Prichard. Les Anciens reprochaient aux Modernes d'avoir introduit des innovations dans le rituel et de s'être ainsi éloignés de la tradition. Cette hypothèse, accréditée par William Preston* dans son illustrations of Masonry (1772) était confortable pour les Modernes: elle les innocentait totalement. Il a fallu attendre 1887 pour que Masonic Facts and Fiction, l'ouvrage du conservateur de la bibliothèque de la Grande Loge Unie d'Angleterre Henry Sadler, démente de façon définitive la thèse de la scission. Sadler prouve que les fondateurs de la Grande Loge de 1751, dite des Anciens, sont pour la plupart d'origine irlandaise et ont été initiés dans leur pays natal avant d'émigrer à Londres. Les portes des loges londoniennes ne s'étant pas ouvertes, ces maçons se sont regroupés dans des loges « irrégulières », car non reconnues par la Grande Loge d'Angleterre.

La Grande Loge des Modernes se trouve considérablement affaiblie par cette crise jusque vers 1760. En 17551756, elle perd 71 loges. Elle réagit en prenant des mesures pour accrôître son prestige: certaines loges refusent même d'initier des soldats des maçons, et toute personne appartenant à un corps de métier situé trop bas dans l'échelle sociale. L'accession de lord Blayney à la Grande Maîtrise en 1764 redonne vigueur à la Grande Loge même si une seconde vague de révélations des secrets maçonniques vient la perturber dans les années 1760. À cette époque, la Grande Loge reste fidèle aux conceptions prônées par Anderson en matière religieuse: si elle condamne l'athéisme, elle admet toutes les religions, sans proclamer encore la supériorité de l'une d'entre elles. La Grande Loge d'Angleterre a encouragé la fondation de loges outre Manche dès 1728: il s'agit de la loge créée à Madrid par l'excentrique duc de Wharton. Elle ouvrit d'autres loges en Europe, à Paris, Hambourg La Haye, Lisbonne... et également dans l'Empire britannique, au Bengale, en Inde* en Nouvelle Angleterre. En 1733, la Grande Loge des Modernes ne comptait que 38 loges à l'étranger et, en 1798, 186 ! Ces chiffres montrent la progression coloniale de la francmaçonnerie anglaise. Elle continua à gérer un grand nombre de loges américaines, jusqu'à ce que celles ci revendiquent leur indépendance.

Les Modernes se démarquent des Anciens, en interdisant tout droit de visite d'une obédience* à l'autre et en affichant un certain mépris pour le niveau social inférieur de leurs rivaux leur «manque d'éducation », leur « accent populaire »... Ils ne manquent pas de critiquer également les conceptions religieuses des Anciens, empreintes de catholicisme. Le meilleur argument des Modernes est cependant le soutien que leur apporte la famille royale. En 1766 et 1767, les deux frères du roi, le prince William Henry, duc de Gloucester et le prince Henry Frederick, duc de Cumberand, sont initiés à Londres, avec faste et apparat. ll n~en fallait pas tant pour redorer le blason des Modernes. La Grande Loge se fait un point d'honneur de multiplier les déclarations de fidélité à la monarchie, durant la Révolution française* et après les attentats contre la personne du roi, à la fin du siècle. En 1775, à l'occasion de la construction de son local prestigieux, Freemasons' Hall elle se dote d'un Grand Chapelain, proclamant ainsi son allégeance à l'Église d'État, l'église anglicane. À la fin du siècle, la Grande Loge des Modernes est proche de toutes les institutions du royaume. Il ne lui manque plus que l'union avec les Anciens pour devenir une véritable institution. Elle se produit en 1813.

Liste des grands maîtres de la Grande Loge d'Angleterre Grande Loge des Modernes: 1717, Antony Sayer 1718 George Payne; 1719, Rev. J.T. Desaguliers; 1720, George Payne 1721, John duc de Montagu; 1722, Philip, duc de Wharton; 1723 Francis comte de Dalkeith; 1724, Charles, duc de Richmond 1725, James, lord Paisley; 1726, William comte d'lnchinquin; 1727, Henry, lord Coleraine; 1728, James, lord Kingston; 1729, Thomas, duc de Noriolk; 1731 Thomas, lord Lovel 1732 Antony vicomte Montagu 1733 James, comte de Strathmore; 1734, John, comte de Crawford; 1735, Thomas, vicomte Weymouth 1736, John Campbell, comte de Loudoun; 1737, Edward, comte de Darnley; 738, Henry, marquis de Carnarvon 1739, Robert, lord Raymond 1740 John comte de Kintore 1741, James, comte de Morton; 1742, John, vicomte Dudiey and Ward 1744 Thomas,comtedeStrathmore li45 James lord Cranstoun 1747 Wiiliam, iord Byron, 1752 John lord Ca rysfort; 1754, James, marquis de Carnarvon; 1757, Sholts, lord Aberdour; 1762, Washington, comte de Ferrers; 1764, Cadwallader, lord Blayney; 1767, Henry, duc de Beaufort; 1772, Robert, lord Petre 1777 George, duc de Manchester; 1782, S. A. R. Ie duc de Cumberland; 1790, S. A. R. Ie prince de Galles, 1813: S. A. R. Le duc de Sussex*.
C.R.


MONARCHIE DE JUILLET
: voir Libéralisme (1810 1848)


MONASTÈRE
La place des abbayes bénédictines parmi les grands édifices religieux romans, les immenses réalisations architecturales comme Cluny, où l'on encouragea les architectes* et les artistes et où les moines à l'exemple de Gauzon, dessinèrent parfois les plans cela suscite des interrogations sur la part prise par les moines parmi les maçons et tailleurs de pierre* qui, le marteau et la truelle à la main achevèrent la construction. Des religieux tels les chanoines de Saint Ruf d'Avignon dès le XIIe siècle comptaient des « sculpteurs* et des artisans habiles dans l'art de travailler le bois ». Ce sont en fait les convers, qui apparaissent au XIe siècle et dont les règlements sont établis par Cîteaux en 1119 qui se voient confier ces tâches matérielles. Ils ne formulent pas de veux mais sont admis à la vie monastique. lls eurent de fait une part active dans les travaux entrepris dans les monastères cisterciens à la différence des moines proprement dits, qui se consacrent à la vie contemplative. À côté des convers devant l'ampleur des chantiers des cathédrales les religieux à partir du XIIe siècle ont dû en revanche former des architectes laïcs et être à I origine de la rédaction de leurs règlements de métier et même de leurs initiations* et pratiques rituelles.

Les manuscrits Regius et Cooke, rédigés vers la fin du XIVe siècle dans le sud de l'Angleterre par les clercs à l'intention des maçons témoignent de l'influence du groupe monacal chez les opératifs pour créer un ordre de travailleurs manuels destiné à mener à bien les immenses chantiers des cathédrales pendant plus de deux siècles. Même si la chose revêt un aspect légendaire on doit constater que le fondateur des Charpentiers du Devoir, appelé Père Soubise (compagnonnage*) est représenté , dans l' iconographie du XIXe siècle, avec l'habit des bénédictins. On sait aussi que l'Ordre* du Temple * fondé à Jérusalem * en 1119, a eu besoin d'une main d'œuvre importante, dont l'influence sur les fraternités ouvrières médiévales est indiscutable. Lors de la dissolution de l'Ordre en 1316, la tradition veut que des templiers* aient trouvé refuge dans les confréries ouvrières... et les multiples légendes maçonniques et compagnonniques reflètent la réalité de ce lien culturel.
J.Fr. B.


MONNERVILLE,
Gaston (Cayenne, 1897-Paris, 1991) Né dans une famille d'origine martiniquaise, étudiant à Toulouse, avocat, fin lettré et mélomane, Monnerville s'est rendu célèbre par une plaidoirie. Au procès Galmot, il obtient l'acquittement pour des Guyanais révoltés après la mort suspecte de I ancien député. Porté par ce succès, il l'emporte aux élections législatives de 1932, à Cayenne En 1933, il présente un rapport sur I assimilation des vieilles colonies françaises sur lesquelles la Grande Loge de France* attire I attention de Dalimier, ministre des Colonies
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Il est déjà maçon, initié à l'âge de 21 ans, à la loge toulousaine La Vérité 280 de la Grande Loge de France. Agnostique, très attaché aux principes laïques, il appartient aux loges écossaises Le Flambeau (Toulouse). dont il est cofondateur puis à Paris, en 1924, à la La Prévoyance 88 où il exerce différents offices dont celui de vénérable de 1935 à 1937. Il présente, en ces années, de nombreuses « planches » dans diverses obédiences*, notamment au Droit Humain* à L'Union fraternelle (IIIe arrondissement) et à la Société fraternelle (XIe arrondissement). Elles sont axées sur les questions coloniales, le racisme, la justice, les droits de l'Homme la démocratie. Il s'affilie aux loges Colonies 596 et La France Équinoxiale 93 à Cayenne. Il est élu député de cette dernière aux assemblées de la Grande Loge de 1929 à 1937. Monnerville est admis à la loge de Perfection Perfection Écossaise 135 (1928) au chapitre 72 des Fidèles Écossais (1931) et à l'Aréopage n° 309 Lutétia 309 (1937) avant d'accéder au Suprême Conseil. En 1932, il est élu au Conseil Fédéral de la Grande Loge de France et reçoit les maçons fuyant le nazisme*.

Réélu député en 1936, il est promu sous secrétaire d'État aux Colonies dans le troisième et le quatrième cabinet Chautemps* (21 juin 193710 mars 1938): il fait supprimer le bagne de Cayenne. En 1938, il devient également président du Parti radical dans lequel il représente le courant jeune turc*. Après un engagement dans la Résistance, à Combat et dans les maquis de Haute Auvergne, en 1945 et en juin 1946, il représente toujours la Guyane à la Chambre et son action entraîne la départementalisation des Quatre Vieilles (Martinique Guyane Guadeloupe, Réunion). En novembre, au Conseil de la République, il devient vice président, puis président (en mars 1947). A partir de 1948, il est élu du Lot au Palais du Luxembourg. Monnerville dirige le conseil général de ce département de 1951 à 1970 et le conseil municipal de Saint-céré de 1964 à 1971. Il s'oppose, au Cours du congrès radical de Vichy, en septembre 1962, au projet de référendum sur l'élection du Président de la République au suffrage universel, invitant les parlementaires à voter une motion de censure et qualifiant le projet de« forfaiture ». Il abandonne la présidence du Sénat en octobre 1968 et, de 1974 à 1983, il siège au Conseil constitutionnel.
A. C.


MONTESQUIEU
M-35.JPG (70K) Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de (La Bréde, 1689 Paris, 1755) Vigneron philosophe, homme de lettres Montesquieu est l'auteur universellement connu des Lettres persanes (1721), des Considérations sur /es causes de la grandeur et de la décadence des Romains (1734), et, surtout de L'Esprit des lois (1748),l'ouvrage qui, après ceux de John Locke, est à l'origine de la 1( science politique ».

Son adhésion à la maçonnerie date de 1730 comme en témoigne The British Journal du 16 mai: il participe en effet le « mardi » (12 mai) à une tenue* de la Horn Tavern dans Westminster
Sont présents le duc de Norfolk, Grand Maître, Nathaniel Blakerby, Vice Grand Maître, d'autres Grands Officiers ainsi que le duc de Richmond vénérable* de la loge*
Ce jour là, il est reçu en même temps que plusieurs nobles étrangers dont François comte de Sade--le père du « divin »marquis



Le Saint James Evening Post du 7 septembre 1734 signale une tenue maçonnique chez la duchesse de Portsmouth, à la loge du Louis d'Argent
Président le duc de Richmond et Desaguliers*
Montesquieu est présent
Le 2 juillet 1735, Montesquieu fait part de l'enthousiasme que lui inspire Desaguliers: ( Soit le bien arrivé docteur Desaguliers, la première colonne de la maçonnerie
Je ne doute pas que sur cette nouvelle tout ce qui reste encore à recevoir en France de gens de mérite ne se fasse maçon
" Le 20 septembre 1735, le Saint James Evening Post fait état d'une tenue rue de Bussy, au Louis d'Argent toujours présidée par Richmond et Desaguliers, à laquelle Montesquieu participe
On reçoit ce jour-là le comte de Saint Florentin et Pierre Clément de Genève, entre autres
Le 6 avril 1737 l'intendant de Guyenne Boucher attire l'attention du cardinal Fleury* sur des réunions maçonniques qui ont lieu à Bordeaux* où il existe alors deux loges; si la lettre a été perdue, la réponse subsiste: « J'ay reçu votre lettre, Monsieur, du 6 de ce mois au sujet de la Société qu'on nomme francs-massons dans laquelle M. de Montesquiou [c'est ainsi que l'on prononçait alors Montesquieu] s'est fait recevoir, il ignore sans doute que le Roy a fort désaprouvé cette association et qu'il ne s'en fait plus icy; vos réflexions sur cela sont très justes vous avez très bien fait de défendre par provision à M. de Montesquiou de s'en mesler et je vous prie de luy faire scavoir en particulier les intentions de Sa Majesté » (Archives* historiques de la Gironde)>Signalons que le fils de Montesquieu avait été reçu maçon en 1734 au Louis d 'Argent en présence de son père.
Ch. P.




MONTMORENCY - LUXEMBOURG
Anne Charles Sigismond de (1737 Lisbonne, 1803) Colonel de Hainaut lnfanterie depuis 1761, reçu franc maçon l'année suivante, lieutenant général des armées du roi (1784), le duc de Montmorency-Luxembourg représente la haute noblesse* d'épée qui a fait des loges* mondaines son lieu de sociabilité d'élection. Le tableau pour 1775 de la loge éponyme, Saint Jean de Montmorency- Lurembourg, est éloquent. Aux cotés du duc, vénérable*, son fils, Anne de Montmorency est premier surveillant, le prince de Rohan Guéméné second surveillant. Les accompagnent les ducs de Lauzun de Fronsac, le marquis de Fitz-James, la figure cosmopolite du prince de Ligne le prince de Nassau... Dès la mort du comte de Clermont, en 1771, les regards se tournent vers Montmorency- Luxembourg pour restaurer l'autorité du centre parisien de la chaîne d'union*. Administrateur Général du Grand Orienté de France jusqu'en 1789, qui le voit refuser la Révolution* et partir en émigration Montmorency- Luxembourg passe pour avoir conçu et mené à bien la révolution qui dépossède les maîtres parisiens de leurs privilèges (quasi propriété de leurs patentes, inamovibilité) et de leur autorité au sein de la Grande Loge et instaure l'élection du vénérable et de ses officiers dignitaires. S'agit-il pour autant d'une révolution démocratique ? On serait davantage tenté d'y voir une reprise en mains aristocratique de l'Ordre. Certes la présence d'aristocrates remonte aux origines de la francmaçonnerie* française L'installation du duc de Chartres, futur duc d'Orléans*, le 22 octobre 1773, s'inscrit dans la continuité de la Grande Maîtrise du comte de Clermont, dont on réévalue actuellement l'action à la tête de la Grande Loge*.
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En outre la nouvelle fonction d'Administrateur Général, maillon essentiel de la chaîne de commandement de l'obédience, est confiée au « premier baron chrétien du royaume » le duc de Montmorency-Luxembourg. Il n'empêche la rupture est réelle. En effet, la décennie 1760 a vu se multiplier les forces centrifuges et les tentations de schismes maçonniques. Les puissantes loges provinciales au recrutement choisi, à l'élitisme déclaré n'ont plus de mots assez violents pour dénoncer le laxisme social de la Grande Loge, qui confirme des loges au recrutement indigne de l'Art royal*. De Strasbourg à Bordeaux*, en passant par Lyon*, on appelle à la nécessaire réforme de la maçonnerie française. Les écrits se multiplient en ce sens et .ont mouche. Ils sont en effet l'œuvre de vieux maçons comme Pierre de Guénet, qui bénéficient d'une incontestable autorité morale. De par leur situation géographique, ces orients périphériques et frondeurs sont aux avant-postes de la francmaçonnerie française mais aussi des réformes maçonniques qui s'affirment alors en pays germaniques, et qui prennent un tour nettement aristocratique: c'est le cas de la Stricte Observance Templière*, dont Pierre de Guénet sera l'un des promoteurs en France. Les mêmes et d'autres ne ferment pas non plus la porte à un transfert d'allégeance en faveur de Grandes Loges britanniques, perçues comme les conservatoires de la tradition, donc du bon ordre maçonnique ' et social.

Montmorency- Luxembourg est parfaite ment averti des menaces qui pèsent sur le maçonnerie française, dont les principaux piliers régionaux risquent de prendre la tête d'un mouvement de sécession. Il lui faut montrer qu'il est l'homme du redressement du centre parisien, du resserrement social de l'Ordre* maçonnique au profit les ordres privilégiés et de la bonne bourgeoisie. Ainsi, le Grand Orient pourra contenir la fronde des loges provinciales mondaines. Les ateliers ont deux ans à compter de décembre 1774 pour se faire reconstituer par la nouvelle obédience et déposer leurs constitutions primitives. Dans la constitution de nouvelles loges, la Chambre des Provinces veille tout particulièrement aux qualités profanes des postulants. Le temps où l'on tolérait les « loges de cabaret », marquées par un laisser-aller présenté comme la suite logique de l'introduction dans le temple de gens mécaniques ou de tout petits bourgeois qui n'y avaient pas leur place, est révolu. Entre une loge ancienne, mais de composition sociale médiocre et une loge plus récente, mais au recrutement mondain, la Chambre des Provinces donne l'avantage à la seconde. La noblesse profane prime sur la noblesse maçonnique. Montmorency-Luxembourg procède de meme en 1786, lorsqu'il reprend en mains le Noble Jeu de l'Arc* parisien.

Mais l'Administrateur Général ne se contente pas d'une révolution aristocratique.
Il lui faut toujours faire face à l'hémorragie qui emporte les éléments périphériques les plus actifs de la maçonnerie vers des obédiences* étrangères, britanniques ou germaniques, quand elles ne,décident pas, à l'instar de Saint Jean d'Écosse de Marseille, de dénier toute légitimité au Grand Orient et de fonder leur propre Correspondance--terme qui désigne les loges relevant de l'obédience du Grand Orient.
Montmorency- Luxembourg entreprend donc une politique de centralisation volontariste, et parfois implacable, alors qu'il s'était appuyé sur les francsmaçons de province pour prendre le contrôle de la maçonnerie française.
Il s'agit de reconquérir le ressort de la souveraineté d'une obédience qui se proclame désormais « nationale », et Montmorency- Luxembourg attend des loges qui en relèvent discipline et régularité (dans les comptes rendus le paiement des dons* gratuits la pratique des hauts grades* et surtout le choix des membres). La cohérence aristocratique et centralisatrice de la politique de l'Administrateur Général est réelle, et si le manque de moyens de la Chambre des Provinces laisse aux loges une autonomie locale et régionale qu'il ne faut pas sous-estimer, qui échappe largement à l'attraction du centre, le Grand Orient s'est donné les moyens avec son Administrateur Général la Chambre des Provinces et l'accroissement de la correspondance administrative, de réaliser son modèle d'organisation du corps maçonnique.
C'est un modèle centre-périphérie qui doit s'imposer et cette centralisation est incontestablement la marque du duc de Montmorency- Luxembourg.
P.Y. B.


MORAYTA
Miguel (Madrid, 18331917) Professeur prolifique libre penseur de nature et républicain convaincu Miguel Morayta Sagrario est un maçon infatigable ayant surmonté les crises et persécutions et réussi à moderniser la francmaçonnerie contemporaine.

Il dispense son enseignement académique entièrement à l'Université centrale de Madrid pendant près de 60 ans, comme assistant de métaphysique à la faculté de lettres et de philosophie (1858 1870), puis comme professeur d'histoire universelle dans la même faculté de 1874 à 1917. Parallèlement, il enrichit l'historiographie libérale, sans toutefois l'exactitude et la rigueur souhaitables, dans des œuvres comme Historia general de Espaha (Histoire générale de l'Espagne) en 9 tomes, La Comuna de Paris (La Commune de Paris), Historia de la Crecia antigua (Histoire de la Crèce antique) Las Constituyentes de la Republica Espahola (Les Constituantes de la République espagnole), Juventud de Castelar (Jeunesse de Castelar) et La Masoneria Espahola, Paginas de su historia (La Maçonnerie espagnole, Pages de son histoire).

v Son action se distingue par le progressisme de son enseignement, son esprit de solidarlté et sa défense de la liberté de chaire. Il proteste contre les abus du gouvernement à l'égard des professeurs krausistes (Krause*) persécutés pour défendre la liberté de chaire et fait un discours de rentrée de 18841885 à l'Université centrale dans lequel il met en doute l'historicité des faits bibliques et réaffirme que le professeur est libre dans sa chaire et ne doit avoir d'autres limites que celle que lui dicte son discernement. Ce discours provocateur lui vaut l'anathème de l'épiscopat et déchaîne les tristes épisodes de la journée connue sous le nom de Santa Isabel ".

Républicain de toujours et émule d'Emilio Castelar, il recourt à la presse et au militantisme de parti pour faire avancer ses idées politiques. A partir du moment où, à 17 ans,à peine, il fonde L'Eco universitario (L'Echo universitaire), il n'a de cesse de progresser dans la carrière journalistique. Il est correspondant de La Publicidad de Barcelone et le directeur et propriétaire de La Revista Ibérica, La Reforma, La Repùblica Iberica, El Repùblicano et La Repùblica Nacional. Il participe également très tôt au jeu des partis. Avant la révolution de 1868 il est nommé secrétaire de la Junta Revolucionana de Madrid (Comité révolutionnaire de Madrid) et, par la,suite, secrétaire général du ministère d'Etat sous la première République. Pendant la Restauration, il participe à la fondation du Partido Posibilista (Parti possibiliste) présidé par Emilio Castelar et y milite jusqu'à son extintion. En 1893, après la disparition du possibilisme il entre au Parti libéral et en 1903, fait partie de l'Union républicaine de Nicolàs Salmeron. Élu dans plusieurs législatures, il défend aux Cortes les droits du peuple philippin, l'abolition de l'esclavage, la liberté de culte, le désarmement et l'arbitrage international, l'union ibérique la restitution de Gibraltar et naturellement les droits de la maçonnerie.

Morayta est aussi un authentique paladin de la Libre Pensée*: il appuie tous les actes de protestation que les organisations de libres penseurs mènent à bien et participe aux meetings et congrès de libres penseurs nationaux et internationaux. En 1911, il rassemble ses forces pour fonder à Madrid une combative ligue anticléricale.

Mais l'essentiel de l'activité de Morayta reste maçonnique. Le 7 juillet 1863, à un moment de clandestinité, il s'initie dans la loge Mantuana (de Mantoue) n° I qui dépend alors du Grand Orient National d'Espagne, et prend pour nom symbolique Pizarro. Dans sa Loge Mère*, il gravit tous les échelons du Rite Écossais Ancien et Accepté* jusqu'à son élévation au 33° en 1871. En 1873, il se met en sommeil pour se consacrer plus pleinement à la politique. Mais, en 1886, à la suite des événements de la « Santa Isabel » il s'affilie à la loge Hijos del Progreso (Fils du Progrès) sous l'égide du Grand Orient d'Espagne, et l'année suivante il en est le vénérable*. ll passe le restant de ses jours dans sa nouvelle loge, qui change de nom pour prendre celui de Ibérica n° 7 à la fin de 1889 lorsqu'elle fusionne avec la Luz de Mantua n° 7 (Lumière de Mantoue). Alors qu'il est vénérable de la loge Fils du Progrès, il occupe le poste de Grand Maître Adjoint du Grand Orient d'Espagne et cherche à unir son obédience* au Grand Orient National d'Espagne présidé par le vicomte de Ros. L'essai de fusion échoue et il fonde en 1889 le Grand Orient Espagnol afin de mener à bien une réforme de la maçonnerie espagnole. Elu Grand Maître cette année là. il dote l'obédience* d'une constitution et la légalise par la préfecture. Dès lors sont assurées la séparation des pouvoirs et la représentation démocratique au sein du Grand Orient Espagnol. Sous son autorité. ce dernier voit s'accroître sans cesse ses effectifs pendant les 5 premières années de travaux. L'illustre frère va jusqu'à intenter un procès à deux prêtres qui Ont diffamé les loges, fait inhabituel qui donne à la maçonnerie sa carte de citoyenneté en Espagne.

Cependant en 1896 à la suite des problèmes coloniaux, le préfet confisque les archives du Grand Orient Espagnol et de l'Association hispano-philippine conservées au même siège et demande l'arrestation du Grand Maître. Opposé à l'indépendantisme mais protégeant des métis qui résidaient dans la métropole et partisan déclaré des droits politiques du peuple philippin, Morayta est injustement accusé de flibusterie. Il peut éviter la prison mais pas la disparition de son obédience dans les dernières années du siècle.

Au lieu de se replier sur lui-même, il se démène pour défendre la maçonnerie au Parlement, dans l'exercice de sa chaire et dans ses publications. Il parvient même à faire renaître le Grand Orient Espagnol au début du nouveau siècle. Dans cette deuxième étape, en tant que Souverain Grand Commandeur et dès 1906 en tant que Grand Maître à nouveau, il obtient une grande cohésion dans son obédience, réussit à maintenir la présence de celle-ci dans les anciennes colonies d'outre-mer à renforcer ses relations avec l'Association maçonnique internationale et à conquérir l'hégémonie maçonnique sur le territoire national.

P. A.